Réf. : TGI Paris, 12 février 2019, n° 14/07224 (N° Lexbase : A0374YX7)
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par Vincent Téchené
le 20 Février 2019
Sont déclarées abusives et illicites 38 clauses dans les différentes versions (soit 209 clauses au total) dans les conditions d’utilisation et les règles de confidentialité de Google -clauses retirées depuis quelques années-. Tel est le sens d’un jugement (136 pages) du TGI de Paris le 12 février 2019 (TGI Paris, 12 février 2019, n° 14/07224 N° Lexbase : A0374YX7).
Comme il l’avait fait pour Twitter, le jugement contre Google vient rappeler, en premier lieu, que les services proposés ne sont pas gratuits : si Google propose aux utilisateurs des services dépourvus de contrepartie monétaire, elle commercialise à titre onéreux auprès d’entreprises partenaires, publicitaires ou marchandes des données, à caractère personnel ou non, déposées gratuitement par l’utilisateur à l’occasion de son inscription ou de ses navigations et utilisations. Dans ces conditions, en collectant des données déposées gratuitement par l’utilisateur à l'occasion de son accès à la plate-forme et en les commercialisant à titre onéreux, Google, agissant à des fins commerciales, tire profit de son activité, de sorte qu'elle est un professionnel au sens du Code de la consommation.
Le tribunal commence par examiner les clauses relatives aux règles de confidentialité.
Concernant les clauses relatives à la collecte des données, il retient notamment que l’information générale donnée par Google ne permet pas à l'utilisateur de prendre initialement conscience des finalités réelles et par conséquent de l'ampleur de la collecte des données le concernant et de la portée de son propre engagement.
S’agissant de la géolocalisation, le tribunal relève que la clause litigieuse ne prévoit pas l'accord de l'utilisateur sur cette incidence, ni les moyens pouvant être mobilisés à l’intention de l’utilisation pour s'opposer s'il le souhaite à ces incidences de collecte et de stockage.
En ce qui concerne les cookies, l'utilisateur n'est précisément pas en mesure d'exprimer son accord et les finalités afférentes à l'utilisation de ces cookies ne sont pas explicitement précisées ; de même, la clause qui a pour objet de dissuader le consommateur de s’opposer aux dépôts systématiques de cookies crée un déséquilibre significatif.
Le TGI censure également la clause qui permet à Google d'effectuer un recoupement général de l'ensemble des données à caractère personnel collectées auprès de ses utilisateurs dans le cadre de toutes ses différentes offres de services, en ce qu’elle postule une véritable présomption de consentement du consommateur.
De même, la clause relative au transfert des données est déclarée illicite car elle présume acquis par acceptation implicite le consentement de l’utilisateur au transfert vers des pays tiers, sans aucune identification possible de ces pays et sans que les garanties imposées par la loi «Informatique et Liberté» (loi n° 78-17 N° Lexbase : L8794AGS) ne soient explicitement apportées.
On relèvera encore que le tribunal épingle la clause qui prévoit le droit d'accès de l'utilisateur aux données qu'il communique comme une simple faculté qui serait simplement consenti par l'opérateur.
Il en est de même de la clause qui stipule un droit gratuit d'accès et de modification des données personnelles de l'utilisateur au profit de ce dernier, «sauf dans le cas où ce service impliquerait un effort démesuré», et de la clause qui prévoit, même avec le consentement des utilisateurs, la faculté pour le professionnel de communiquer des données à caractère personnel des utilisateurs à des catégories non désignées de tiers et destinataires.
Concernant le changement des règles de confidentialité, le tribunal constate que le dispositif ne distingue pas suivant qu'il s'agisse de modifications substantielles nécessitant la conclusion d'un nouveau contrat ou de modifications uniquement conjoncturelles nécessitant simplement un dispositif de notification d'informations.
Le TGI analyse ensuite les conditions d'utilisation de Google.
Tout d’abord est déclarée abusive la clause qui prévoit que l’inscription suivie de la navigation sur le site, vaut acceptation des conditions générales d’utilisation alors que l’utilisateur n’a pas pu avoir accès à celles-ci.
Est également déclaré illicite la clause qui stipule l’analyse automatique des contenus des utilisateurs pour proposer des fonctionnalités pertinentes en ce qu’elle ne précise pas s’appliquer seulement à la publicité ciblée.
Enfin, on relèvera que sont aussi épinglées la clause qui exclut systématiquement toute responsabilité de Google en cas de dysfonctionnement et celle qui exclut formellement l’application de la loi française sur la propriété intellectuelle ou sur la confiance dans l'économie numérique au profit de la loi américaine.
Outre l’annulation des clauses, le tribunal, constatant que ces dernières ont été retirées, condamne Google à 30 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral. Par ailleurs, il ordonne, sous astreinte (5 000 euros par jour) à Google de permettre la lecture de l’intégralité du jugement par le moyen d’un lien hypertexte devant figurer sur la page d’accueil de son site internet.
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