Réf. : Cass. com., 13 février 2019, n° 17-18.049, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8600YWG)
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N7694BXA
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par Vincent Téchené
le 20 Février 2019
► Ne sont pas conformes à l’objectif légitime d’informer le public sur une question d’intérêt général des articles de presse ayant divulgué des données confidentielles sur les difficultés d’un débiteur et les détails des négociations menées dans le cadre d’une procédure de conciliation couverte par la confidentialité prévue par l’article L. 611-15 du Code de commerce (N° Lexbase : L3164IM7), dès lors que lesdits articles n’étaient pas de nature à nourrir un débat d’intérêt général sur les difficultés de l’intéressé et ses répercussions sur l’emploi et l’économie nationale, et que leur publication risquait de causer un préjudice considérable au débiteur ainsi qu’aux parties appelées à la procédure de prévention amiable et de compromettre gravement son déroulement et son issue. Les publications litigieuses constituent donc un trouble manifestement illicite au regard du caractère confidentiel de ces informations justifiant le retrait de l’ensemble des articles. Tel est le sens d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 13 février 2019 (Cass. com., 13 février 2019, n° 17-18.049, FS-P+B+I N° Lexbase : A8600YWG).
En l’espèce, une société a été désignée mandataire ad hoc puis conciliateur des sociétés d’un groupe sur le fondement des articles L. 611-3 (N° Lexbase : L2765LBZ) et L. 611-5 du Code de commerce. L’éditrice d’un site d’informations financières en ligne, spécialisé dans le suivi de l’endettement des entreprises et consultable par abonnement, a publié un article commentant l’ouverture de la procédure de mandat ad hoc. Par la suite, elle a diffusé divers articles rendant compte de l’évolution des procédures en cours, exposant les négociations engagées avec les créanciers des sociétés du groupe et citant des données chiffrées sur la situation financière de ces sociétés. C’est dans ces conditions que les débitrices et le conciliateur ont assigné l’éditrice du site d’information devant le juge des référés pour obtenir le retrait de l’ensemble des articles contenant des informations confidentielles les concernant, ainsi que l’interdiction de publier d’autres articles.
La cour d’appel (CA Paris, Pôle 1, 2ème ch., 20 avril 2017, n° 16/02849 N° Lexbase : A0672WA7), statuant sur renvoi après cassation (Cass. com., 15 décembre 2015, n° 14-11.500, FS-P+B+I N° Lexbase : A3643NZX ; lire N° Lexbase : N1012BWE), ayant fait droit à cette demande, l’éditrice a formé un nouveau pourvoi en cassation.
La Haute juridiction approuve l’arrêt d’appel.
La Cour de cassation relève, en premier lieu, que, après avoir vérifié que la mesure de retrait et d’interdiction demandée était prévue par la loi, qu’elle poursuivait un but légitime et qu’elle était proportionnée à ce but, la cour d’appel s’est attachée à examiner le contenu des articles litigieux pour déterminer si, au-delà de l’affirmation de principe selon laquelle les difficultés d’un grand groupe industriel relevaient d’un débat d’intérêt général au regard des répercussions économiques et sociales que ces difficultés pouvaient entraîner, le contenu des articles n’avait pas contribué à nourrir ce débat, et ce faisant, a vérifié si la mesure sollicitée était nécessaire dans une société démocratique au sens de l’article 10 § 2 de la CESDH (N° Lexbase : L4743AQQ).
En second lieu, la Cour retient qu’il résulte d’un ensemble de constatations des juridictions du fond que les articles litigieux, qui ont divulgué des données chiffrées confidentielles sur les difficultés des sociétés du groupe et les détails des négociations en cours que ces dernières menaient pour restructurer leur dette dans le cadre d’une procédure de conciliation couverte par la confidentialité prévue par l’article L. 611-15 du Code de commerce, n’étaient pas de nature à nourrir un débat d’intérêt général sur les difficultés d’un grand groupe industriel et ses répercussions sur l’emploi et l’économie nationale, mais tendaient principalement à satisfaire les intérêts de ses abonnés, public spécialisé dans l’endettement des entreprises, et que leur publication risquait de causer un préjudice considérable aux sociétés du groupe ainsi qu’aux parties appelées à la procédure de prévention amiable et de compromettre gravement son déroulement et son issue. Ainsi, les juges d’appel ont fait une juste application de l’article 10 de la CESDH (cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E9031EP8).
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