La lettre juridique n°301 du 17 avril 2008 : Éditorial

Représentants du personnel : long bras, protection courte

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


"Tous les hommes ne sont pas vulnérables de la même façon ; aussi faut-il connaître son point faible pour le protéger davantage" (Sénèque, De la colère). C'est sur la base de ce stoïcisme de bon sens, que le droit du travail a entendu protéger les salariés titulaires d'un mandat social qui portent les revendications salariales de leurs électeurs mandants. Si l'on accepte toute discrimination au sein de l'entreprise, c'est le principe même de représentation du personnel qui est tenu en échec.

Un agent de surveillance est licencié pour faute grave. Invoquant une discrimination syndicale, il assigne son employeur, d'une part, en référé, pour obtenir sa réintégration, et, d'autre part, au fond, pour voir annuler son licenciement : autrement dit la partie commence par une fourchette, l'attaque simultanée de deux pièces adverses.

Les juges d'appel de Versailles, statuant en matière de référé, ordonnent sa réintégration. Réintégré dans l'entreprise, le salarié est élu délégué du personnel. Soit. L'entreprise prend acte de la décision, adoube et rectifie la position de ses pièces sur leurs cases. Mais ce gambit, autrement dit ce sacrifice initial, n'est pas inutile. Statuant au fond, les juges d'appel de Paris rejettent la demande d'annulation du licenciement. La société notifie, alors, au salarié que, en conséquence de cette dernière décision devenue définitive, elle considère qu'il n'est plus son salarié. Echec.

Faisant valoir que cette correspondance vaut lettre de licenciement alors qu'il a le statut de salarié protégé, le salarié saisit le juge des référés de demandes de provisions sur dommages intérêts pour violation du statut protecteur, indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et préavis. Zeitnot, pressé par le temps, le salarié était conduit à commettre une faute ou zugzwang, il avait le trait et il était obligé de jouer un coup manifestement perdant ? Le juge des référés rejette ces demandes.

Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, la décision de référé ayant ordonné provisoirement la réintégration était dépourvue de l'autorité de chose jugée et l'arrêt de la cour d'appel de Paris, statuant au fond, ayant validé le licenciement, l'employeur était fondé à mettre fin aux fonctions du salarié sans nouvelle procédure de licenciement. Dernier trait, "le joueur d'échecs, comme le peintre ou le photographe, est brillant... ou mat" (Vladimir Nabokov, Pnime).

La confrontation entre les intérêts de l'entreprise et la protection du salarié : partie d'échecs ou course à l'échalote ? Finalement, elle s'apparente plus volontiers à une course poursuite où chaque partie est contrainte d'avancer pour ne pas perdre ; une de ces courses si chères à Robert Sabatier dans Trois sucettes à la menthe. Et Michel Audiard d'ajouter, dans Un Idiot à Paris : "Les salariés sont les êtres les plus vulnérables du monde capitaliste [...], des chômeurs en puissance". Pour trouver l'équilibre, la protection des mandataires sociaux doit être, en conséquence, la plus exégétique possible.

Aussi, est-ce la vocation de la protection spéciale des salariés mandataires sociaux que de participer à un détournement de la loi, en l'occurrence celle relative au licenciement, comme le souligne cette semaine Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale ?

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