Réf. : Cass. soc., 1er avril 2008, n° 07-60.287, Syndicat CGT Hispano Suiza, FS-P+B (N° Lexbase : A7751D79) ; Cass. soc., 1er avril 2008, n° 07-60.283, Société Théâtre des Salins, FS-P+B (N° Lexbase : A7750D78)
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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 07 Octobre 2010
Résumé Pourvoi n° 07-60.283. Les travailleurs mis à disposition sont inclus dans le calcul des effectifs de l'entreprise en application de l'article L. 620-10 du Code du travail (N° Lexbase : L3112HI4, art. L. 1111-2, recod. N° Lexbase : L9682HWI) dès lors qu'ils sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail, même s'il s'agit de fonctionnaires. Pourvoi n° 07-60.287. Ils ont, en outre, la qualité d'électeur dans l'entreprise utilisatrice, s'ils remplissent les conditions prévues par les articles L. 423-7 (N° Lexbase : L6367ACS, art. L. 2314-15, recod. N° Lexbase : L0666HXX) et L. 433-4 (N° Lexbase : L6421ACS, art. L. 2324-14 N° Lexbase : L0804HX3) du Code du travail, sauf s'ils ont été mis à disposition par une entreprise de travail temporaire. |
Commentaire
I - Droits du salarié mis à disposition dans l'entreprise utilisatrice
L'article L. 620-10 du Code du travail (C. trav., art. 1111-2, recod.) a trait aux modalités de décompte des effectifs. Ce texte permet d'apprécier quels salariés il convient de prendre en compte pour déterminer l'effectif de l'entreprise.
Le texte précise que cette disposition "vaut pour la mise en oeuvre des dispositions du code". Sauf disposition légale contraire, il a vocation à s'appliquer à toute disposition faisant appel à la notion d'effectif et, notamment, à celles relatives à la rémunération (on pensera, ici, à la mise en place de l'intéressement ou de la participation), la formation professionnelle ou, encore, à la mise en place des institutions représentatives du personnel.
Pour le décompte de l'effectif de l'entreprise, sont, ainsi, intégralement pris en compte, les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein et les travailleurs à domicile.
Les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, d'un contrat de travail intermittent, les travailleurs mis à disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure, y compris les travailleurs temporaires, sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise au prorata de leur temps de présence au cours des 12 mois précédents. Attention, ces salariés seront exclus du décompte de l'effectif lorsqu'ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat est suspendu.
Les salariés à temps partiel, pour leur part, quelle que soit la nature de leur contrat, sont pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail.
Le salarié mis à disposition est donc expressément visé par ce texte et doit, en principe, être décompté dans l'effectif de l'entreprise.
Cette disposition s'applique à tout salarié mis à disposition indépendamment de son statut. Ainsi, la prise en compte de ces salariés dans l'effectif de l'entreprise dépend, non pas de la nature du contrat qu'ils ont conclu, mais du lien qu'ils ont avec l'entreprise dans laquelle ils travaillent et le fait pour le salarié d'être intégré de façon étroite et permanente à la communauté de travail. C'est ce principe que vient rappeler la Haute juridiction dans une première décision du 1er avril 2008 (pourvoi n° 07-60.283).
Elle vient, en outre, dans une décision du même jour, tout en confirmant le principe rendu dans cette première décision, faire un lien entre décompte de l'effectif et électorat (pourvoi n° 07-60.287). Le salarié mis à disposition décompté dans l'effectif de l'entreprise utilisatrice, parce qu'il est intégré de façon étroite et permanente à la communauté de travail, y est électeur, dès lors qu'il remplit les conditions inhérentes à cette qualité.
La qualité d'électeur ne doit, en principe, pas être confondue avec la prise en compte d'une personne dans l'effectif de l'entreprise pour la mise en place de la représentation du personnel. Une personne peut parfaitement être décomptée mais ne pas être électeur dans cette même entreprise.
La qualité d'électeur aux élections professionnelles fait l'objet de dispositions particulières et indépendantes de celles relatives à l'effectif. Pour les élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel, les conditions entourant la qualité d'électeur sont prévues respectivement par les articles L. 433-4 et L. 423-7 du Code du travail (C. trav., art. L. 2314-15 et L. 2324-14, recod.).
Dans ces deux dispositions, il est précisé que sont électeurs les salariés des deux sexes âgés de seize ans accomplis, ayant travaillé trois mois au moins dans l'entreprise et n'ayant encouru aucune des condamnations prévues par les articles L. 5 (N° Lexbase : L1879G9H) et L. 6 (N° Lexbase : L2505AAZ) du Code électoral.
Ces deux textes concernent les élections en général. Il existe des dispositions particulières aux entreprises de travail temporaire.
L'article L. 423-9 du Code du travail (N° Lexbase : L6369ACU, art. L. 2314-17, recod. N° Lexbase : L0668HXZ) fixe des règles spéciales d'électorat et d'éligibilité pour les salariés des entreprises de travail temporaire. Pour être électeur dans l'entreprise de travail temporaire, le salarié doit avoir, au moins, trois mois d'ancienneté. Cette durée est déterminée en totalisant les périodes pendant lesquelles le salarié de l'entreprise de travail temporaire a été lié à ces entreprises par des contrats de travail temporaires.
Les travailleurs mis à disposition par une entreprise de travail temporaire ne peuvent donc pas être électeurs dans l'entreprise utilisatrice.
Cette exclusion est, toutefois, limitée aux salariés mis à disposition par une entreprise de travail temporaire. Elle ne préjuge en rien du régime applicable aux salariés mis à disposition par une entreprise extérieure.
Ce sont ces deux régimes que rappelle et précise la Haute juridiction dans la seconde décision commentée (pourvoi n° 07-60.283).
Elle affirme, ainsi, que les salariés intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail que constitue l'entreprise utilisatrice sont inclus dans le calcul des effectifs en application de l'article L. 620-10 du Code du travail et qu'ils sont, à ce même titre, électeurs aux élections des membres du comité d'entreprise ou d'établissement ou des délégués du personnel, dès lors qu'ils remplissent les conditions prévues par les articles L. 423-7 et L. 433-4 du Code du travail (C. trav., art. L. 2314-15 et L. 2324-14, recod.)
Ceci signifie que, pour déterminer si un salarié mis à disposition doit être décompté de l'effectif de l'entreprise, il convient de rechercher s'il est intégré de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue et que cette prise en compte dans l'effectif de l'entreprise utilisatrice lui permet de participer aux élections s'il remplit les conditions d'électorat posées par les textes.
Une exception est, toutefois, posée à ce principe pour les salariés mis à disposition par des entreprises de travail temporaires qui, bien que pris en compte dans l'effectif de l'entreprise utilisatrice, ne peuvent avoir la qualité d'électeurs dans cette dernière, certaines dispositions venant exclure cette possibilité.
Cette solution doit être approuvée.
II - Intégration des travailleurs mis à disposition dans l'entreprise utilisatrice
Il faut donc, pour qu'un salarié mis à disposition d'une entreprise utilisatrice soit décompté de l'effectif de l'entreprise, qu'il soit intégré de façon permanente et étroite à la communauté de travail. Si cette affirmation est vraie pour la détermination des effectifs pour la mise en place de la représentation du personnel dans l'entreprise, elle doit, en revanche, être atténuée pour certaines autres règles limitativement énumérées.
Le législateur a réglementé le lien existant entre le salarié mis à disposition et l'entreprise de travail temporaire limitant, par là, la prise en compte du salarié dans l'entreprise utilisatrice pour la détermination de certains droits et obligations. L'article L. 620-12 du Code du travail (C. trav., art. L. 1111-2, recod.) prévoit, en effet, que les salariés mis à disposition par une entreprise de travail temporaire, un groupement d'employeurs ou une association intermédiaire ne sont pas pris en compte pour le calcul de l'effectif de l'entreprise utilisatrice pour les obligations relatives à la formation professionnelle et à la tarification des accidents du travail et maladies professionnelles qui se réfèrent à une condition d'effectif (C. trav., art. L. 620-12, art. L. 1111-2, recod.).
Cette disposition ne venant pas interdire la prise en compte des salariés mis à disposition pour la mise en place des institutions représentatives du personnel dans l'entreprise utilisatrice ; tout salarié mis à disposition doit donc, s'il est intégré de manière étroite et permanente à la communauté de travail être décompté dans l'effectif de l'entreprise utilisatrice.
Ce principe n'est aucunement limité aux seuls travailleurs salariés mis à disposition par des entreprises du secteur privé. L'article L. 620-10 du Code du travail (C. trav., art. L. 1111-2, recod.) précise, au contraire, qu'il s'applique aux "travailleurs" mis à disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure, ce qui implique que la prise en compte des personnes mises à disposition ne soit pas limitée par la nature de la relation qui lie ces travailleurs à l'entreprise mettant à disposition.
Pour cette raison, il est de principe que le fonctionnaire détaché est (à l'exclusion de certaines règles particulières concernant, notamment, l'indemnité de licenciement) soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement (Cass. soc., 25 janvier 2006, n° 04-46.695, Compagnie générale française de transports et d'entreprises (CGFTE) c/ M. Serge Gibault, FS-P N° Lexbase : A5603DMH). Il est donc décompté de l'effectif de l'entreprise dans laquelle il a été mis à disposition, s'il y est intégré.
Ce principe n'est pas nouveau, la Haute juridiction y a recours depuis quelques temps maintenant, considérant que ces salariés, dès lors qu'ils sont intégrés dans la communauté de travail, peuvent se prévaloir de la qualité de salarié pour l'expression des droits qui y sont attachés (Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 05-60.384, FS-P+B N° Lexbase : A4696DQY).
La nouveauté réside dans le recours aux notions d'"étroit" et de "permanent". Comme l'affirme la Haute juridiction dans la décision commentée (pourvoi n° 07-60.283), comme, d'ailleurs, dans deux autres décisions du même jour, l'intégration doit, en effet, être étroite et permanente (Cass. soc., 1er avril 2008, n° 07-60.287, FS-D N° Lexbase : A7753D7B). Que faut-il entendre par là ? A partir de quand peut-on considérer que l'intégration est permanente ? Qu'est ce qu'une intégration étroite ?
La même question vaut pour l'électorat qui est, désormais, automatique lorsque le salarié peut être décompté. L'impératif d'intégration du salarié dans la communauté de travail n'est pas nouveau. Depuis quelques temps maintenant, la Haute juridiction retient les mêmes notions d'intégration des salariés mis à disposition dans la communauté des travailleurs pour déterminer leur droit d'être électeurs et éligibles (Cass. soc., 23 mai 2006, n° 05-60.119, FS-P+B N° Lexbase : A1485DQ3).
La nouveauté réside dans l'automaticité de l'attribution de la qualité d'électeur au salarié décompté dans l'effectif. Faut-il la critiquer ?
Il semble que non. Les critères dégagés par la jurisprudence pour l'effectif et l'électorat étant les mêmes, une fois qu'ils ont été relevés dans un cas, il n'y a plus lieu de le faire dans l'autre.
L'indépendance entre effectif et électorat est, en outre, toujours de mise puisque le travailleur mis à disposition par une entreprise utilisatrice peut être décompté mais ne pourra pas participer aux élections, les dispositions légales l'obligeant à voter dans l'entreprise de travail temporaire (C. trav., art. L. 423-9, art. L. 2314-17, recod. et art. L. 423-10, art. L. 2314-17, recod.). L'unité et les principes sont donc sauvegardés, il convient de s'en féliciter.
Décisions
1° Cass. soc., 1er avril 2008, n° 07-60.287, Syndicat CGT Hispano Suiza, FS-P+B (N° Lexbase : A7751D79) Cassation de TI Melun, 3 mai 2007 2° Cass. soc., 1er avril 2008, n° 07-60.283, Société Théâtre des Salins, FS-P+B (N° Lexbase : A7750D78) Rejet de TI Martigues, 16 février 2007 Mots clefs : salariés mis à disposition ; fonctionnaires, décompte dans l'effectif de l'entreprise ; intégration étroite et permanente du travailleur dans la communauté de travail ; qualité d'électeur ; exclusion du salarié mis à disposition par une entreprise de travail temporaire de la qualité d'électeur dans l'entreprise utilisatrice. Liens base : et |
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