La lettre juridique n°301 du 17 avril 2008 : Responsabilité

[Jurisprudence] Etendue de la responsabilité de plein droit du garagiste réparateur

Réf. : Cass. civ. 1, 28 mars 2008, n° 06-18.350, Société Bordelaise d'automobiles, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6020D74)

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

le 07 Octobre 2010

Prenant directement appui sur les articles 1137 (N° Lexbase : L1237ABG) et 1147 (N° Lexbase : L1248ABT) du Code civil, la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat, d'origine doctrinale, est, depuis de nombreuses années déjà, classiquement appliquée par la jurisprudence. Les conséquences qui y sont attachées sont considérables sur le terrain de la responsabilité contractuelle : alors, en effet, que la mise en oeuvre de la responsabilité du débiteur tenu d'une obligation de moyens suppose que le créancier prouve qu'il ne s'est pas comporté en bon père de famille et, donc, qu'il a commis une faute dans l'exécution de ses obligations, la seule inexécution contractuelle suffit à engager sa responsabilité lorsqu'il est, plus sévèrement, tenu d'une obligation de résultat, responsabilité dont il ne peut alors s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère. La distinction, apparemment assez simple, se révèle concrètement plus complexe qu'il n'y parait, et ce pour au moins deux séries de raisons. D'abord, les critères de la distinction laissent parfois place à des solutions incertaines et fluctuantes : les hésitations de la jurisprudence s'agissant, par exemple, de la détermination de l'obligation pesant sur les exploitants de remonte-pente qui, finalement, a décidé, dans son dernier état, qu'elle était de résultat pendant le trajet, de moyens lors de l'embarquement et du débarquement (1), illustrent assez bien les difficultés suscitées par l'application de la distinction (2). Il faut, ensuite, remarquer qu'à la netteté théoriquement bien affirmée de la distinction correspond une réalité parfois plus contrastée, la pratique révélant l'existence de catégories intermédiaires entre obligations de moyens et obligations de résultat (obligations de moyens renforcées, obligations de résultat atténuées, obligations de résultat aggravées, voire obligations de garantie...). Ce à quoi s'ajoute, plus classiquement, la détermination de la mission contractuelle du débiteur afin de savoir dans quelle mesure et à quelle condition tel ou tel prétendu manquement peut ou non lui être imputé. Un récent arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 28 mars dernier, à paraître au Bulletin, et en ligne sur le site de la Cour, justifie de revenir sur cette question.

En l'espèce, peu après avoir été réparé, le véhicule de M. X était tombé en panne. Celui-ci avait alors assigné en responsabilité le garagiste. Pour accueillir cette demande, les juges du fond avaient considéré que, tenu d'une obligation de résultat, laquelle emporte à la fois présomption de faute et de causalité entre la faute et le dommage, le garagiste ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité qu'en rapportant la preuve qu'il n'avait commis aucune faute, ce qu'il n'était pas parvenu à faire. Cette décision est cependant cassée, sous le visa des articles 1147 et 1315 (N° Lexbase : L1426ABG) du Code civil : la Cour de cassation décide, en effet, "qu'en statuant ainsi quand la responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat, il appartenait [au client] de rapporter la preuve que la rupture de la turbine à l'origine de la panne était due à une défectuosité déjà existante au jour de l'intervention du garagiste ou était reliée à celle-ci, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés".

La solution est incontestable. Sans doute faut-il rappeler que les garagistes sont tenus d'une obligation de résultat atténuée emportant à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage, à charge pour le débiteur de démontrer, pour se libérer, qu'il n'a pas commis de faute (3). Mais encore faut-il relever que l'appréciation de la bonne ou de la mauvaise exécution de ces obligations ne peut se faire qu'en tenant compte des spécifications contractuelles et, plus précisément, de la mission confiée au débiteur. Il est évident, en effet, qu'on ne saurait engager la responsabilité du débiteur s'il s'avérait que, en réalité, le dommage ne trouve pas sa cause dans son intervention. Dans son principe, cette solution, que confirme l'arrêt du 28 mars dernier, avait déjà été affirmée par la Haute juridiction : la responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat (4), si bien qu'il incombe logiquement au client de démontrer que le dommage subi par son véhicule trouve son origine dans la prestation fournie par le garagiste (5). La solution pourrait être comparée avec celle retenue au sujet des centres de contrôles techniques automobiles, la Cour de cassation, par un arrêt de sa première chambre civile du 19 octobre 2004, ayant en effet affirmé que "la mission d'un centre de contrôle technique se bornant, en l'état de l'arrêté du 18 juin 1991 (N° Lexbase : L3716GU8), à la vérification, sans démontage, d'un certain nombre de points limitativement énumérés par ce texte, sa responsabilité ne peut être engagée en dehors de cette mission ainsi restreinte, qu'en cas de négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule" (6).


(1) Cass. civ. 1, 10 mars 1998, n° 96-12.141, Société Allianz via assurances et autre c/ Mlle Lauthe et autre (N° Lexbase : A2207ACQ), D., 1998, p. 505, note Mouly.
(2) Voir encore, assez ironiques, les observations de Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck qui relèvent, du point de vue de la responsabilité, qu'"il est assez cocasse d'opposer les promenades à dos d'âne et à cheval", Droit civil, Les obligations, 3ème éd., n° 948, p. 507.
(3) Cass. civ. 1, 2 février 1994, n° 91-18.764, M. Mozat c/ Société Auto d'Artagnan (N° Lexbase : A5979AHW), Bull. civ. I, n° 41 ; Cass. civ. 1, 20 juin 1995, n° 93-16.381, Société Cetifa Boutonnet et fils c/ M. Locatelli (N° Lexbase : A7861ABR), Bull. civ. I, n° 263 ; Cass. civ. 1, 21 octobre 1997, n° 95-16.717, M. Léger c/ Centre Transport Europe Orient et autre (N° Lexbase : A0565ACW), Bull. civ. I, n° 279 ; Cass. civ. 1, 8 décembre 1999, n° 97-19044, Mlle Beautrait c/ Société Diratz (N° Lexbase : A5002CHQ), Bull. civ. I, n° 344.
(4) Cass. com., 22 janvier 2002, n° 00-13.510, GIE Association technique internationale de compagnies d'assurances maritimes et transports ATICAM c/ Société Carrier, F-D (N° Lexbase : A8394AX8), RCA, 2002, n° 175, RTDCiv., 2002, p. 514, obs. P. Jourdain ; Cass. civ. 1, 30 novembre 2004, n° 01-13.632, M. Robert Legoy c/ Société Trabisco, F-P+B (N° Lexbase : A1148DEA).
(5) Cass. civ. 1, 14 décembre 2004, n° 02-10.179, M. Robert Thouseau c/ Société Vitry automobile, F-P+B (N° Lexbase : A4617DEQ), Bull. civ. I, n° 322 ; voir déjà, en ce sens, Cass. civ. 1, 14 mars 1995, n° 93-12.028, Mutuelle du Mans et autre c/ Société Citroën et autre (N° Lexbase : A4943AC3), Bull. civ. I, n° 122, RTDCiv., 1995, p. 635, obs. P. Jourdain.
(6) Cass. civ. 1, 19 octobre 2004, n° 01-13.956, Mme Nicole Giraud Sauveur c/ M. Patrick Ropartz, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6376DDI), et nos obs., La responsabilité contractuelle des centres de contrôle technique automobile, Lexbase Hebdo n° 142 du 11 novembre 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N3428ABL).

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