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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 02 Avril 2015
Le premier, du 19 mars 2015, suscite "une adhésion spontanée et consensuelle" -dirait le Conseil supérieur de l'audiovisuel- et vise à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement ad hoc. L'objectif affiché de la loi vise à généraliser l'accès sans limitation de durée et avec un principe de gratuité lorsque celui-ci est payant dans les zones réglementées sur les emplacements de stationnement réservées aux titulaires de la carte de stationnement, afin de ne pas contraindre une personne ayant des difficultés de déplacements aux mêmes contraintes temporelles que les autres automobilistes, comme retourner à son véhicule garé sur une place adaptée pour recharger un horodateur, ou pour modifier un temps de stationnement sur un disque. Il s'en trouvera toujours quelques uns pour maugréer contre ce traitement de faveur, au nom de l'égalité pure et parfaite qui commande de traiter de manière identique des situations différentes -un mal français encore puissamment prégnant- : les handicapés ont déjà des places spécialement prévues à cet effet, voilà qu'ils vont bénéficier d'une exemption d'impôt supplémentaire en s'exonérant du ticket horodateur pour le peu de places mises à dispositions des automobilistes urbains -ce qui compenserait sans doute la baisse de leur allocation prévue au budget ?-. "Si tu prends ma place, prends mon handicap" clame la prévention routière ; c'est surtout la carte de stationnement qui intéressera les plus nauséeux. Un trafic existe déjà, dénoncé il y a près de 10 ans, et la loi ferait bien d'organiser un contrôle plus sévère que l'apposition de l'affichette plastifiée au derrière du pare-brise, si l'on veut que la mesure sociale soit du meilleur et du plus juste effet.
Le second, du 25 mars 2015, est lui relatif à l'abandon d'ordures et autres objets. Il vise l'amélioration de la répression à l'encontre des personnes portant atteinte à la propreté des espaces publics ; et pour ce faire, il aggrave l'amende encourue en cas d'abandon de détritus sur la voie publique. Ces faits sont actuellement punis de l'amende encourue pour les contraventions de la 2ème classe, soit 150 euros. Ils seront désormais punis de l'amende encourue pour les contraventions de la 3ème classe, soit 450 euros. Le décret maintient toutefois une amende de la 2ème classe en cas de non-respect de la réglementation en matière de collecte d'ordures, portant notamment sur les heures et jours de collecte ou le tri sélectif. La nouvelle contravention de 3ème classe pourra être constatée par les agents de police municipale et pourra faire l'objet d'une amende forfaitaire de 68 euros ou d'une amende forfaitaire majorée de 180 euros. Il permet également cette constatation et cette forfaitisation pour la contravention de la 4ème classe réprimant l'entrave à la libre circulation sur la voie publique, qui peut être constituée lorsque, du fait de leur importance, les ordures abandonnées entravent ou diminuent la liberté ou la sûreté de passage.
En son temps, certes antique, Héraclite estimait que "le plus bel arrangement est semblable à un tas d'ordures rassemblées au hasard" : mais il est vrai que le philosophe était atteint d'une mélancolie maladive et que l'on ne sait s'il s'agissait vraiment d'une magnificence des déchets ménagers ou la manifestation d'un spleen permanent...
Alors, il n'est pas certain que ce décret suscite, lui, "une adhésion spontanée et consensuelle" -gare aux spots sur la prévention sanitaire !-. J'exagère me diriez vous ? Nenni, il n'y a qu'à lire les gazettes parisiennes de ce mois de janvier 1884 et leurs commentaires fortement critiques sur l'arrêté le 24 novembre 1883 par lequel le préfet de la Seine, un certain Eugène Poubelle, obligeait les propriétaires parisiens à mettre à disposition à chacun de leurs locataires un récipient destiné aux ordures ménagères ; mieux à, déjà, faire le tri entre les différentes catégories de déchets selon leur capacité de recyclage -le mot n'existait pas, mais l'idée y était-. Pourquoi tant d'acharnement sur une cuve en bois doublée d'un intérieur métallique ? La corporation des -50 000 selon les journalistes, 12 000 selon la police administrative- chiffonniers dont le métier consistait justement à effectuer ce tri, récupérer à la volée les déchets remployables pour gratter quelques sous et survivre. Certains, au Figaro notamment, comme Georges Grison, n'hésiteront pas -prémices d'un journalisme dénonciateur - à parler de collusion entre, d'une part, une société fabriquant ces nouveaux conteneurs qui proposa le jour même de la publication de l'arrêté ses services aux concierges parisiens, une grande société anglaise de ramassage à roulette des ordures ménagères, et d'autre part, le dit préfet. Qui bono ?
De-ci, de-là, fleurissent les contentieux en matière de taxe ou de redevance relative à l'enlèvement des ordures ménagères au moyen d'arguments souvent les mêmes : l'opacité du coût de la délégation de service public, la réalité de l'exécution de la mission, sa fréquence etc.. Bref, si cela fait bien plus d'un siècle que l'urbain peine à gérer ses déchets, après avoir considéré la voie publique comme un dépotoir à ciel ouvert pendant des millénaires, la révolution socialisante de cette gestion et l'acceptation du coût qu'elle engendre n'est pas si évidente que cela. A l'heure où le tri sélectif n'est pas encore généralisé, bien qu'en forte progression, où les rues des grandes villes obligent parfois à un slalom diurne entre les sacs et conteneurs ménagers, le décret nouvellement publié marque au fer rouge les récalcitrants dont le défaut réside sans doute dans l'absence de pédagogie afférente. Il y a quelque chose de freudien à négliger ainsi nos déchets ménagers qui ne se résorbera pas à coup d'amende exagérée.
"Le déchet le plus facile à éliminer est celui que l'on n'a pas produit" : c'est sans doute cela la prochaine étape réglementaire en la matière.
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