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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
le 02 Avril 2015
La question de la protection juridique des fragrances se pose car, comme l'a exposé le Professeur Bruguière, les odeurs présentent un double aspect : un aspect maléfique car source de dommages (nuisances olfactives, indice sérieux pour constater un délit, Cass. crim, 4 novembre 1999, n° 99-85397, publié N° Lexbase : A5709AWD avec l'odeur de cannabis), et partant de responsabilité, et un aspect bénéfique car l'odeur est, pour un individu, source d'avantages et de droits individuels. Cette question est particulièrement importante car les parfums représentent aujourd'hui une part de plus en plus importante dans l'industrie du luxe français.
En droit des brevets, tout d'abord, il est tout à fait possible de déposer un brevet sur une fragrance, puisque les parfums sont cités dans la classification internationale. De plus, la fragrance caractérise l'invention ou le procédé en tant que produit chimique et industriel. Cependant, cette protection n'apparaît pas adaptée au vu de sa durée limitée et de l'obligation de divulgation complète ; en outre, les fragrances se heurtent en majorité à des refus de breveter des choses abstraites et les créations esthétiques.
En droit des marques, ensuite, la CJCE, dans un arrêt du 12 décembre 2002 (CJCE, 12 décembre 2002, aff. C-273/00 N° Lexbase : A3717A4G), a répondu par la négative à la question de la validité de la marque olfactive en considérant qu'il y avait un défaut de représentation graphique et qu'une formule chimique, une description de la fragrance par des mots ou encore un échantillon ne peuvent pas remplir l'exigence de représentation graphique. Cette décision a été reprise par le TPICE dans un arrêt du 27 octobre 2005 (TPICE, 27 octobre 2005, aff. T-305/04 N° Lexbase : A0973DLM).
Il apparaît aujourd'hui que les fragrances sont protégées par le secret et par l'action en concurrence déloyale ou le parasitisme fondés sur l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), qui permettent de sanctionner le risque de confusion ou le fait de profiter d'un investissement fait par autrui. Cependant ces actions ont vocation à protéger l'enveloppe de la fragrance, c'est-à-dire son nom, son flacon, la publicité..., et non la fragrance elle-même.
Aussi, face à ces lacunes, la protection des fragrances par le droit d'auteur apparaît-elle totalement d'actualité. Le Code de la propriété intellectuelle ne donne pas de définition de l'oeuvre de l'esprit et l'article L. 112-2 (N° Lexbase : L3334ADT) en dresse une liste qui, de par l'utilisation de l'adverbe "notamment", n'est pas limitative. Au regard des textes, la protection des fragrances par le droit d'auteur semble donc possible. La jurisprudence l'a, cependant, exclue à la faveur d'un arrêt rendu le 13 juin 2006 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 13 juin 2006, n° 02-44.718, FS-P+B+I N° Lexbase : A9280DPE), en considérant que "la fragrance d'un parfum, qui procède de la simple mise en oeuvre d'un savoir-faire, ne constitue pas [...] la création d'une forme d'expression pouvant bénéficier de la protection des oeuvres de l'esprit par le droit d'auteur". Une partie de la doctrine a approuvé le visa de l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle en considérant que, même s'il s'agit d'une liste limitative, il ne mentionne que des oeuvres accessibles par la vue ou par l'ouïe entraînant donc une exclusion de toutes les oeuvres accessibles par d'autres sens. Une autre partie de la doctrine a, au contraire, critiqué cette interprétation, estimant que l'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3333ADS) interdit de prendre en compte la forme d'expression de l'oeuvre pour accorder ou nier une protection au titre du droit d'auteur. Au motif retenu par la Cour de cassation que la fragrance procèderait d'un simple savoir-faire, la doctrine a, en outre, objecté que toutes les oeuvres, quelles qu'elles soient, procèdent d'un savoir-faire. Le fait que le parfum mette en oeuvre ce savoir-faire dans le processus de création ne devrait pas empêcher le juge de prendre en compte l'aboutissement de cette création, et qu'à ce stade, un effort personnalisé, qui justifierait le statut d'oeuvre de l'esprit, peut avoir eu lieu. La Cour de cassation a confirmé sa position à deux reprises, le 1er juillet 2008 (Cass. com., 1er juillet 2008, n° 07-13.952, FS-P+B N° Lexbase : A4863D9Y) et le 22 janvier 2009 (Cass. civ. 1, 22 janvier 2009, n° 08-11.404, F-D N° Lexbase : A6520ECH), malgré une résistance assez cohésive des juges du fond. Puis en 2013, elle a de nouveau confirmé l'exclusion de la protection des fragrances par le droit d'auteur mais elle fait reposer ce refus sur un autre motif (Cass. com., 10 décembre 2013, n° 11-19.872, F-D N° Lexbase : A3660KRY) : elle a considéré que le droit d'auteur ne protège les créations dans leur forme sensible, qu'autant que celle-ci est identifiable avec une précision suffisante pour permettre sa communication, ce qui ne serait pas le cas du parfum. Cet arrêt a été beaucoup commenté par la doctrine qui a, dans son ensemble, estimé que, si le précédent critère du savoir-faire n'était pas adapté et incertain, le nouveau motif a pour effet d'exclure systématiquement les fragrances du droit d'auteur, alors qu'il n'apparaît pas impossible mais seulement difficile d'appréhender une forme sensible pour les fragrances. Cet arrêt très attendu n'a pas été publié au Bulletin, ce qui interroge, par ailleurs, sur sa réelle portée.
A l'inverse, il convient d'évoquer les Pays-Bas qui, dans un arrêt "Trésor" du 16 janvier 2006, ont accepté d'accorder aux fragrances la protection par le droit d'auteur, en retenant que ce qui importe est qu'il s'agisse d'une création susceptible d'être perçue par l'Homme et que la fragrance peut avoir un caractère propre et original portant l'emprunte personnelle de son auteur. Dans son raisonnement juridique, la Cour suprême des Pays-Bas n'a pas du tout pris en compte les difficultés liées à la mise en oeuvre des droits d'auteur en matière de fragrance. D'une manière générale, la doctrine néerlandaise a pointé du doigt la difficulté d'appréhender l'objet de la fragrance pour lui accorder la protection, mais les juges ont retenu qu'une discussion sur les similarités des fragrances n'était pas plus complexe que pour d'autres oeuvres de l'esprit et qu'il est possible d'utiliser une combinaison d'outils. Les juridictions néerlandaises considèrent, en outre, que l'existence d'un droit moral peut être bénéfique pour le statut du parfumeur qui pourrait ainsi obtenir une plus grande reconnaissance et, à terme, évoluer vers un statut similaire à celui des grands couturiers. En matière de respect, par exemple, le fait que le nez puisse s'opposer à la modification de son parfum n'est pas un point négatif et permet de garantir l'authenticité de l'oeuvre.
Introduction
Sur le plan économique, tout d'abord, l'industrie de la parfumerie est un immense marché : les prévisions de chiffre d'affaires pour 2018 sont de 45 milliards de dollars. Il s'agit, en outre, d'un des fleurons de l'industrie française du luxe qui génère de nombreux emplois. Elle bénéficie d'un rayonnement très fort avec des produits leader sur le marché mondial. En droit, ensuite, il existe une protection périphérique importante par le droit de la propriété intellectuelle, qui ne sera pas traitée ici : le droit d'auteur, le droit des marques et le droit des dessins et modèles couvrent souvent le nom du parfum, le slogan qui l'accompagne ou la forme de son flacon.
La fragrance correspond à l'odeur qui se perçoit sensoriellement et qui se distingue donc du jus et de la formule du parfum. Pour certains, la protection des fragrances semble dans une impasse (T. Lambert). On a aussi pu dire qu'il s'agissait d'un "objet non identifié de la propriété intellectuelle" (D. Prokhorov) ou encore d'une "curiosité [...] source de paradoxes et d'interrogations" (P. Hénaff).
Au final, différents types de protections juridiques sont envisageables (1), lesquels se heurtent, néanmoins, à certains obstacles juridiques et/ou pratiques (2). Mais, des perspectives pourraient s'ouvrir (3).
1 - Les protections envisageables
1.1 - Le droit des brevets : la fragrance, une invention ?
La fragrance n'est pas brevetable en tant que telle mais la formule peut l'être. Encore faut-il pour cela respecter les conditions de brevetabilité posées par l'article L. 611-10, alinéa 1er, du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2782IBN) : "sont brevetables [...] les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle". L'exclusion des créations esthétiques de la brevetabilité, posée par l'alinéa 2, b, de cet article, ne s'appliquerait bien évidemment pas à la formule chimique du parfum. Il ne s'agit pas véritablement d'opérer un choix entre la protection par le droit des brevets et celle par le droit d'auteur car là où le premier s'appliquerait à la formule ou même à certains de ses éléments, voire à des procédés d'extractions, le second aurait pour objet la fragrance elle-même, sa création originale.
La protection de la formule par le droit des brevets est suggérée par des auteurs souvent hostiles à la protection par le droit d'auteur. Ainsi, pour Pierre-Yves Gautier, "la protection des fragrances [...] fruit d'une recherche en laboratoire et exprimée dans sa formule chimique, relève plutôt du droit des brevets -rappelons qu'une invention à un résultat esthétique est parfaitement brevetable-" (Propriété littéraire et artistique, PUF, 9ème éd., 2015, n° 52). Pour Frédéric Pollaud-Dullian, "la formule d'un parfum relève de la technique industrielle dans le secteur des cosmétiques [...]. Leur protection relève du droit des brevets ou de l'action en concurrence déloyale et non du droit d'auteur, car c'est le procédé ou le produit industriel que l'on cherche à protéger" (Le droit d'auteur, Economica, 2004, n° 153).
Mais, l'odeur en tant que telle, qui correspond à la diffusion et à la dispersion dans l'air d'un certain nombre de molécules, ne semble pas brevetable.
Il n'y a pas véritablement de jurisprudence sur l'éventuelle application de l'exclusion des créations esthétiques au parfum. Seul un arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de Versailles en date du 5 mars 2002 a pu être relevé qui, dans une affaire de rémunération supplémentaire d'un inventeur salarié, a considéré incidemment que "la création de parfum n'entre pas dans les exclusions des inventions brevetables de l'article L. 611-10".
Encore faudra-t-il que les critères de la brevetabilité soient réunis. Ainsi, dans certains cas la nouveauté pourra faire défaut, notamment si l'élaboration de la substance s'appuie sur des procédés éculés (par exemple l'utilisation d'une base alcoolique). En outre, la formule brevetée sera soumise à l'exigence d'apporter "une solution technique à un problème technique", ce qui pourra constituer un obstacle.
1.2 - Le droit des marques : la fragrance, une marque ?
Comme il a été précédemment exposé, par l'utilisation de l'adverbe "notamment", la liste de l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle n'est pas limitative et n'exclut donc pas les odeurs. La question de savoir si la marque olfactive présente un intérêt se pose. Certains en doutent, à l'image de Nicolas Bouche, selon lequel "le parfum-fragrance est généralement conçu lui-même pour être un produit commercialisé ; il est rarement créé pour servir de signe d'identification d'un produit ou d'un service (parfumer des boutiques ou autres lieux visités par la clientèle, des emballages ou des produits de consommation" (RJDA, 2006, n° 1086). Pourtant certaines marques investissent dans leur "image olfactive" comme Abercrombie & Fitch qui diffuse une senteur identique dans ses points de ventes ou Vinci qui a créé un parfum spécial d'ambiance pour ses parkings.
A l'origine, l'OHMI avait admis que certaines odeurs puissent être déposées à titre de marque. Il a ainsi validé une odeur "d'herbe fraîchement coupée" à titre de marque pour des balles de tennis, car c'est une "odeur distincte que tout le monde reconnaît aisément" (OHMI, 11 février 1999, Vennootschap). De même, la représentation graphique indirecte de "l'arôme de framboises" par une description a été considérée suffisamment précise, même si la protection a en définitive été refusée pour absence de caractère distinctif (OHMI, 5 décembre 2001, aff. R 711/1999-3, Myles Ltd). Dans cette décision l'OHMI a indiqué que "les odeurs, considérées de façon abstraite, peuvent être aptes à se caractériser dans le commerce, au sens de ladite disposition, comme un moyen autonome de distinguer les entreprises [...]. Les signes olfactifs peuvent, en principe, être reconnus comme susceptibles de constituer une marque [...]. Il n'est pas nécessaire qu'un signe puisse être représenté directement graphiquement". Donc a contrario, la description par une phrase serait suffisante.
Toutefois, il s'agissait, dans ces affaires, d'odeurs bien connues du public et la CJCE a ultérieurement adopté une position différente (cf. infra).
1.3 - Le droit d'auteur : la fragrance, une oeuvre de l'esprit ?
Selon Michel Roudniska, la création d'une fragrance consiste à assembler des matières premières selon des formes olfactives complexes et harmonieuses. C'est donc cette définition, qu'il faut traduire en termes juridiques. Le droit d'auteur peut-il protéger cette forme olfactive complexe ?
La fragrance ne fait pas partie des oeuvres citées par l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle, mais, à l'instar du droit des marques, la liste n'est pas limitative (utilisation de l'adverbe "notamment"). L'article L. 112-1 interdit d'ailleurs toute discrimination : "les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination".
Les textes n'excluent donc pas expressément les fragrances de la protection par le droit d'auteur.
Pour bénéficier de la protection du droit d'auteur, l'oeuvre doit néanmoins répondre à deux conditions qui sont l'originalité et la création de forme. L'originalité, qui est un critère sans fondement légal, est généralement définie par la jurisprudence comme l'empreinte personnelle de l'auteur, c'est-à-dire ici du parfumeur. La création de forme emporte l'exclusion des idées et des concepts ; et c'est là que réside toute la difficulté de la protection de la fragrance par le droit d'auteur. En effet, la fragrance peut-elle être décrite ?
De nombreux auteurs sont favorables à la protection par le droit d'auteur :
- pour Michel Vivant, "considérer le droit d'auteur hors tout préjugé, tel que textes et jurisprudence permettent de le cerner, conduit inéluctablement à l'idée que la fragrance doit être protégée" (RLDI, mars 2013, n° 3043) ;
- pour Christophe Caron, "si la porte d'entrée du royaume du droit d'auteur est incontestablement étroite pour les fragrances de parfum, elle ne devrait être pas entièrement fermée [...] le droit d'auteur n'aime pas les belles odeurs, et [...] ignore un pan entier de la création" (CCE, n° 2, février 2014, comm. 13) ;
- selon Jean-Michel Bruguière, "selon la première chambre civile, lorsqu'une fragrance d'un parfum consiste en un simple savoir-faire, il n'est pas possible d'envisager un droit d'auteur. Quoi de plus normal ? A contrario, cela signifie qu'une fragrance qui ne procède pas de la simple mise en oeuvre d'un savoir-faire peut être protégeable" (Prop. intell., 2007, n° 23, p. 203)
- pour André et Henri-Jacques Lucas, "aucune objection, selon nous, ne justifie une exclusion de principe [...] la démarche du créateur est bien de même nature que dans le domaine des arts plastiques et musicaux (Traité de la propriété intellectuelle, LexisNexis, 4ème éd., 2012, p. 93)
- selon Nicolas Binctin, "l'approche retenue par la Cour de cassation est contraire au régime du droit d'auteur qui ne s'intéresse pas à la méthode de production mais à l'originalité du résultat final" (CCE, n° 12, décembre 2006, étude 36).
D'autres auteurs s'interrogent sans être a priori hostiles à la protection des fragrances par le droit d'auteur. Ainsi,
- pour Pierre Sirinelli, "si la position adoptée par la Cour est compréhensible, du point de vue du raisonnement, on peut s'interroger sur la signification à lui donner, à savoir une exclusion de principe du droit d'auteur pour les fragrances" (D., 2014, p. 2078)
- selon Thierry Lambert, "ce qui est en cause, n'est pas la classification de la création olfactive parmi les oeuvres de l'esprit, mais la possibilité d'assurer [...] la mise en oeuvre du droit d'auteur éventuellement ouvert par la reconnaissance d'une expression formelle opposable [...] l'existence de l'oeuvre n'est pas discutable, mais sa forme l'est" (D., 2013, p. 2039).
De longue date, les juges du fond ont été majoritairement favorables à la possibilité de protection de la fragrance par le droit d'auteur. Ainsi, dès 1975, la cour d'appel de Paris a, certes refusé la protection, mais a affirmé en même temps l'absence d'exclusion a priori par la Code de la propriété intellectuelle des créations perceptibles par les sens autres que la vue et l'ouïe, entrouvrant la porte à une possible protection. Le 28 mai 2002, le TGI de Paris a jugé que "la fragrance peut être considérée comme le résultat d'une recherche intellectuelle d'un compositeur faisant appel à son imagination et ses connaissances accumulées pour aboutir à la création d'un bouquet original de matériels odorants choisis dans un but esthétique, constituant une oeuvre de l'esprit". En 2006, la cour d'appel de Paris a retenu que "l'existence de familles de parfums n'exclut pas que les fragrances qui s'y rattachent, par l'emprunt de leurs composants dominants, soient protégeables, dès lors qu'elles sont le fruit d'une combinaison inédite d'essences dans des proportions telles que leurs effluves, par les notes olfactives finales qui s'en dégagent, traduisent l'apport créatif de l'auteur, ce qui est le cas en l'espèce" (CA Paris, 4ème ch., sect. A, 25 janvier 2006, n° 04/18300 N° Lexbase : A2678DNI).
Dans ces deux décisions on voit bien que les juges collent à la définition pratique de la fragrance donnée par Michel Roudniska.
1.4 - Le savoir-faire et la concurrence déloyale
- Le savoir-faire
La protection accordée par le savoir-faire porte comme c'est le cas pour le brevet sur la formule et non sur la fragrance en tant que telle. A l'heure actuelle, il ne s'agit pas d'une protection spécifique à caractère général, elle est fondée sur l'article 1382 du Code civil et nécessite donc de démontrer une faute, un dommage et un lien de causalité entre ces deux éléments. Il existe en parallèle l'infraction de divulgation du "secret de fabrique" par un dirigeant ou un salarié qui est pénalement sanctionnée (C. prop. intell., art. L. 621-1 N° Lexbase : L9818ICM et C. trav., art. L. 1227-1 N° Lexbase : L1058H93).
Par ailleurs, doivent être mentionnés, ici, le projet de Directive et la proposition de loi qui visent à protéger plus largement et plus efficacement le "secret des affaires".
- La concurrence déloyale
L'imitation est traditionnellement considérée comme un acte de concurrence déloyale, en particulier en cas de copie servile et/ou de risque de confusion.
Il doit être noté que la jurisprudence est devenue plus libérale et conciliante et admet les demandes subsidiaires sur le fondement de la concurrence déloyale.
2 - Les limites et obstacles
2.1 - Le droit des brevets : une protection inadéquate
La protection par le brevet soulève un certain nombre de difficultés :
- le périmètre de la protection est restreint, puisque seule la formule est protégeable et pas la fragrance ;
- l'identification de la formule est parfois difficile ;
- la satisfaction des critères de brevetabilité peut s'avérer délicate ;
- la durée de la protection est insatisfaisante puisqu'elle est limitée à 20 ans et donc très inférieure à celle conférée par le droit d'auteur (70 ans post-mortem) ou par le droit des marques (potentiellement infinie) -or certains parfums existent depuis près d'un siècle : Chanel N° 5 (1921), Shalimar (1925)...- ;
- la publication de la demande de brevet puis du brevet délivré conduit à une divulgation qui facilite potentiellement la contrefaçon ;
- la contrefaçon est parfois difficile à sanctionner car il est souvent possible d'obtenir des résultats olfactifs très similaires par d'autres moyens, tels que les "twist" (formule reprise avec des modifications) ou les "remix" (accords empruntés à différents produits combinés).
2.2 - Le droit des marques : l'impasse graphique
Prenant le contre-pied de l'OHMI (cf. supra), les juridictions communautaires ont opposé leur veto à la protection des fragrances par le droit des marques.
- Dans son arrêt "Sieckman" (CJCE, 12 décembre 2012, préc.), la CJCE a refusé l'enregistrement d'une marque olfactive car : "peut constituer une marque un signe qui n'est pas en lui-même susceptible d'être perçu visuellement, à condition qu'il puisse faire l'objet d'une représentation graphique, en particulier au moyen de figures, de lignes ou de caractères, qui soit claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective. S'agissant d'un signe olfactif, les exigences de la représentation graphique ne sont pas remplies par une formule chimique, par une description au moyen de mots écrits, par le dépôt d'un échantillon d'une odeur ou par la combinaison de ces éléments".
- Le TPICE a confirmé cette position le 27 octobre 2005 en énonçant que "malgré le fait que [...] la mémoire olfactive est probablement la plus fiable dont dispose l'être humain et que [...] les opérateurs économiques ont un intérêt évident à recourir à des signes olfactifs pour identifier leurs produits, il n'en reste pas moins que la représentation graphique d'un signe doit permettre que celui-ci puisse être identifié avec exactitude afin de garantir un bon fonctionnement du système d'enregistrement des marques".
Le raisonnement des juges communautaires s'appuie sur la Directive 89/104 du 21 décembre 1988 sur les marques (N° Lexbase : L9827AUI), selon laquelle "peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles de représentation graphique" (art. 3). Il doit être relevé que le Règlement 2007/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire (N° Lexbase : L0531IDZ) reprend les même critères (art. 4) et que les accords ADPIC du 15 avril 1994, prévoient que "les membres pourront exiger comme condition à l'enregistrement que les signes soient perceptibles visuellement" (art 15.1 in fine)
Ce raisonnement est d'ailleurs suivi par le juge français. La cour d'appel de Paris a ainsi jugé le 3 octobre 2003 (CA Paris, 4ème ch., sect. B, 3 octobre 2003, n° 2003/02153 N° Lexbase : A9013C9P), pour "l'indication la la marque est constituée par le goût suivant'", que "si elle constitue bien une représentation graphique accessible et intelligible au public, elle ne remplit en aucun cas les critères de précision et d'objectivité requis. En effet, l'arôme de fraise n'est pas constant mais se modifie en fonction de la variété considérée et de la maturité du fruit ; la précision arome artificiel' ne suffit pas à donner à cette mention une constance, plusieurs arômes de fraise pouvant être également synthétiques".
2.3 - Le droit d'auteur : obstacles juridiques ou pratiques ?
2.3.1 - La jurisprudence de la Cour de cassation de 2006 à 2013 : un refus de protection dicté par la méthode de conception (savoir-faire)
Par un arrêt du 13 juin 2006, la première chambre civile de la Cour de cassation a posé en principe que "la fragrance d'un parfum, qui procède de la simple mise en oeuvre d'un savoir-faire, ne constitue pas au sens des textes précités, la création d'une forme d'expression pouvant bénéficier de la protection des oeuvres de l'esprit par le droit d'auteur" (Cass. civ., 13 juin 2006, n° 02-44.718, FS-P+B+I, préc., affaire "Dune"). Certains estiment qu'il s'agit d'un arrêt de règlement.
Le 14 février 2007, la cour d'appel de Paris n'a pas pour autant repris à son compte ce principe (CA Paris, 4ème ch., sect. C, 14 février 2007). Elle énonce que "la fixation de l'oeuvre ne constitue pas un critère exigé [...] dès lors que sa forme est perceptible. Tel est le cas d'une fragrance dont la composition olfactive est déterminable, peu important qu'elle soit différemment perçue, à l'instar des oeuvres littéraires, picturales ou musicales qui, elles aussi, requièrent un savoir-faire". Elle ajoute que "l'existence de familles de parfums n'exclut pas que les fragrances qui s'y rattachent, par l'emprunt de leurs composants dominants, soient protégeables, dès lors qu'elles sont le fruit d'une combinaison inédite d'essences dans des proportions telles que leurs effluves, par les notes olfactives finales qui s'en dégagent, traduisent l'apport créatif de l'auteur".
En 2008, sur pourvoi formé contre cet arrêt, la Chambre commerciale de la Cour de cassation (affaire "Le Mâle") reprend l'attendu de principe dégagé par la première chambre civile le 13 juin 2006 (Cass. com., 1er juillet 2008, n° 07-13.952, FS-P+B N° Lexbase : A4863D9Y). L'avocat général Sainte Rose, dans l'affaire "Dune" de 2006, comme Madame le conseiller rapporteur Alice Pezard, dans l'affaire "Le Mâle", s'étaient prononcés favorablement à une protection des fragrances par le droit d'auteur.
Il est intéressant de reprendre les thèses en présence dans l'affaire "Le Mâle". Pour les demandeurs au pourvoi qui s'opposaient à la protection par le droit d'auteur des fragrances :
- la fragrance n'est pas une oeuvre de l'esprit mais un produit de consommation et elle ne présente en tout cas aucune originalité au niveau de sa mise au point, qui ne requiert que le sens de l'odorat et non de la pensée, ni à travers de sa forme perceptible, en sorte qu'elle ne peut entrer dans le domaine de la propriété artistique ;
- il ne peut y avoir, sauf exception légale (par ex. le logiciel, les dessins et modèles), cumul de la propriété industrielle et cumul de la propriété artistique, or le parfum peut être protégé par le brevet ;
- la fragrance d'un parfum, volatile et subjectivement perçue, n'est pas susceptible de description objective, claire et précise ;
- il ne s'agit pas d'une activité intellectuelle mais uniquement sensorielle ;
- il n'est pas indifférent que les catégories d'oeuvres visées par l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle se traduisent exclusivement par une forme sensible à la vue et à l'ouïe.
Au niveau des conséquences pratiques, ils soutenaient :
- que la protection d'une fragrance par le droit d'auteur aurait pour effet de paralyser toute innovation, soit en usant d'un droit moral qui est perpétuel, inaliénable et imprescriptible, soit en mettant en oeuvre ses droits patrimoniaux dans une action en contrefaçon ;
- qu'elle aurait pour effet d'étendre la protection à tous les produits gustatifs (apéritifs, plats cuisinés, vins) ;
- qu'elle aboutirait à assimiler à des oeuvres de l'esprit tout produit nouveau dont l'élaboration suppose un minimum de savoir-faire, de sorte que la propriété artistique deviendrait le droit commun de la commercialisation des produits nouveaux.
Cette argumentation est étonnante et très loin de la réalité lorsque l'on sait que certaines huiles essentielles sont le résultat de plus de 500 composants, ou encore qu'il a fallu 5 500 essais et trois nez de chez Lancôme pour mettre au point "La Vie est Belle" devenu en 2015 leader des fragrances féminines en France.
Selon la défenderesse au pourvoi, au contraire, qui reprend la thèse soutenue en demande devant la première chambre civile dans l'affaire "Dune" :
- la combinaison des deux textes précités ne permet pas d'exclure ipso facto la fragrance du parfum des oeuvres de l'esprit, dès lors qu'elle résulte d'un travail de création de la part de son auteur, qu'elle est l'aboutissement d'une activité créatrice, souvent appréhendée comme un effort personnalisé ou un apport intellectuel, qui doit dès lors bénéficier de la protection si elle remplit les conditions nécessaires d'originalité ;
- le terme "forme d'expression" figurant à l'article L. 122-1 doit s'entendre au sens large et englober les cinq sens, en ce compris l'odorat ;
- la doctrine pour la majeure part est favorable à la protection des fragrances par le droit d'auteur.
Pour l'avocat général Sainte Rose dans son avis devant la première chambre civile dans l'affaire "Le Mâle", le parfum qui nous intéresse ici en tant qu'éventuel objet de la protection du droit d'auteur ne peut être que le parfum au sens de l'odeur, de la fragrance, qui est au coeur de la création du parfumeur, la formule de composition chimique n'étant qu'un moyen technique qui donne la possibilité de reproduire à l'identique l'odeur étudiée et créée.
L'avocat général Main n'a pas suivi pour sa part l'avis de son collègue et a repris la position traditionnelle de la première chambre civile de la Cour de cassation dans l'affaire "Dune", l'argument sans doute le plus décisif, selon lui, étant que la fragrance n'est pas objectivable, elle est par nature rebelle à toute tentative d'appréhension objective.
La première chambre civile de la Cour de cassation a ensuite rappelé cette position dans un arrêt du 22 janvier 2009. Pour Patrick Saint-Yves, président de la Société française des parfumeurs, "cela revient à nier le geste créatif, à ignorer un processus de maturation intellectuelle qui peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années [...]. En France, les nez n'ont pas de statut officiel. Un pan entier de notre patrimoine est laissé sans protection".
2.3.2 - L'arrêt de la Cour de cassation du 10 décembre 2013 : un refus de protection reposant désormais sur l'absence de caractère identifiable avec une précision suffisante
Selon l'arrêt de la Chambre commerciale du 10 décembre 2013, "le droit d'auteur ne protège les créations dans leur forme sensible, qu'autant que celle-ci est identifiable avec une précision suffisante pour permettre sa communication ; que la fragrance d'un parfum, qui, hors son procédé d'élaboration, lequel n'est pas lui-même une oeuvre de l'esprit, ne revêt pas une forme présentant cette caractéristique, ne peut dès lors bénéficier de la protection par le droit d'auteur". La Chambre commerciale semble presque prête à franchir le pas et à opérer un revirement pour admettre la protection des fragrances par le droit d'auteur, revirement qui ne pourra venir que d'un arrêt d'Assemblée plénière.
Il faudra donc convaincre la première chambre civile. Cette opposition marquerait en quelque sorte la querelle des anciens et des modernes, celle entre la première chambre civile, formation "gardienne" de la grande tradition civiliste, et la Chambre commerciale, beaucoup plus en prise avec les problèmes économiques. Il n'est donc pas étonnant que l'évolution soit initiée par cette dernière.
En effet, dans l'arrêt du 10 décembre 2013, la référence à la "simple mise en oeuvre d'un savoir-faire" disparaît et fait place à une protection subordonnée à l'existence d'une forme descriptible avec précision, objectivement et intégralement. Cette position, en apparence moins réductrice, a néanmoins pour conséquence de priver -jusqu'à nouvel ordre- de l'action en contrefaçon la victime dont la fragrance est copiée.
2.3.3 - Tentative de décryptage pratique
Il est possible de penser que la décision de la Chambre commerciale ait été dictée par la crainte de la difficulté, pour les magistrats, d'avoir à faire face, non seulement à la volatilité de la fragrance copiée, mais également :
- à la part de subjectivité de la perception de la fragrance copiée ;
- à la part de subjectivité de la comparaison de la fragrance copiée avec des fragrances antérieures pour l'appréciation de son originalité ;
- à la part de subjectivité de la comparaison de la fragrance copiée avec les copies de cette dernière ;
- au risque d'extension de la protection du droit d'auteur à tous les produits gustatifs (apéritifs, vins, plats cuisinés).
2.4 - Le savoir-faire et la concurrence déloyale : une protection limitée
- Le savoir-faire
Si la protection par le brevet est inadéquate, la protection par le savoir-faire est quant à elle limitée car il ne s'agit pas d'un véritable droit privatif constitutif d'un monopole. En outre, il n'y a pas de mesures probatoires et réparatrices propres aux droits de propriété intellectuelle, ce qui pourrait changer si la proposition de loi sur le secret des affaires était votée en l'état par le Parlement, puisqu'il y a un quasi alignement en la matière sur le droit de la propriété intellectuelle. Dans un domaine où l'on n'est pas en présence d'un monopole, appliquer les mêmes recettes au cas dans lequel on est en présence d'un titre de propriété intellectuelle peut s'avérer néanmoins dangereux et dévaloriser au final les droits de propriété intellectuelle. En outre, le secret et la protection par le savoir-faire sont de plus en plus illusoires, compte tenu de l'amélioration constante des techniques de copiage (chromatographie en phase gazeuse, spectrométrie de masse, analyse headspace)
- La concurrence déloyale
Au vu de l'évolution jurisprudentielle en matière de concurrence déloyale et de parasitisme, la protection a un champ d'application large mais a caractère subjectif et aléatoire et ne bénéficie pas de l'arsenal propre à la contrefaçon.
3 - Quelles perspectives ?
3.1 - En droit d'auteur : influence des droits étrangers ?
Les droits anglais, américain et allemand connaissent sensiblement les mêmes hésitations que le droit français. En droit anglais, notamment, les oeuvres susceptibles d'être protégées sont limitativement énumérées et ne semblent pas inclure d'oeuvres appréhendables par d'autres sens que l'ouïe ou la vue.
Seul le doit néerlandais a franchi le cap avec l'arrêt "Hoge Raad" de la Haute juridiction de La Haye du 16 juin 2006 qui, comme cela a été rappelé en introduction, a retenu que la fragrance d'un parfum est protégeable par le droit d'auteur en principe en tant qu'oeuvre. Pourtant le droit néerlandais et le droit français sont assez similaires : une oeuvre doit être originale et perceptible. Or, pour la Haute cour néerlandaise, la perceptibilité doit se distinguer de la composition du jus (de la même manière, selon elle, que les lettres de l'alphabet ou le papier d'un livre, qui sont des éléments de composition, ne sont pas protégeables en tant que tels, seul le contenu issu de mélange -liquide ou littéraire- l'est) et peut n'être qu'olfactif.
3.2 - En droit des marques : pas d'impact des droits étrangers mais évolution du droit communautaire ?
Le droit américain ne pose pas de prohibition mais refuse l'enregistrement d'une marque olfactive. En effet, n'est pas proscrit en tant que telle la marque olfactive ou gustative dès lors qu'elle est devenue distincte par l'usage et qu'elle est perçue non comme une caractéristique du produit ou du service, mais comme l'indication de l'origine de ceux-ci. Toutefois, à l'instar des juges européens, le Trade Mark and Appeal Board américain refuse l'enregistrement de tels signes (aff. Pohl-Boskamp, TTAB, 25 février 2013).
Le droit anglais, quant à lui, ne couvre pas les fragrances.
En droit communautaire va-t-on assister à un renouveau de la marque olfactive ?
Les projets de Directive de refonte du droit des marques et de Règlement sur la marque européenne visent à moderniser et à améliorer les dispositions existantes en revoyant la définition de la marque. La Commission considère l'exigence de "possibilité de représentation graphique" obsolète car "source de grande insécurité juridique pour certaines marques atypiques consistant, par exemple, en un simple son" (considérant 5.1). La proposition de nouvelle définition "ne restreint pas les modes de représentation admissibles aux représentations graphiques ou visuelles, mais laisse la porte ouverte à l'enregistrement d'objets pouvant être représentés par des moyens technologiques offrant des garanties satisfaisantes". Le but est ainsi de "permettre plus de souplesse en la matière, tout en renforçant la sécurité juridique". Les nouveaux articles 3 de la Directive et 4 du Règlement prévoiraient ainsi que peuvent constituer des marques les signes qui sont propres à distinguer des produits ou des services et qui peuvent "être représentés d'une manière qui permette aux autorités compétentes et au public de déterminer l'objet exact de la protection conférée au titulaire".
3.3 - Le nouveau secret des affaires, bras armé du savoir-faire ?
Il est intéressant de noter que le préambule de la proposition de loi n° 2139 du 16 juillet 2014, relative à la protection du secret des affaires, cite explicitement la fragrance d'un parfum et l'assemblage du champagne comme illustrations de la valeur économique de l'information -l'un des trois critères cumulatifs proposés pour protéger le secret des affaires- qui "procède de son caractère secret et, par voie de conséquence, de l'avantage concurrentiel qu'elle peut procurer". Cette protection serait quasiment alignée sur la contrefaçon.
3.4 - Evolution ou révolution du droit ?
L'évolution pourrait provenir d'un revirement de jurisprudence qui intégrerait le parfum dans la catégorie des oeuvres protégeables tandis que la marque olfactive serait reconnue comme telle. Cette option a l'avantage d'éviter une refonte en profondeur de la matière par le législateur mais présente un inconvénient majeur, celui d'un étirement à l'extrême des catégories qui soulèverait certaines difficultés, notamment celles de l'inapplicabilité potentielle du droit moral, de la caractérisation de l'originalité et/ou de la contrefaçon, et du cumul et du conflit entre régimes et titulaires.
La révolution proviendrait quant à elle de l'introduction dans le Code de la propriété intellectuelle d'une "oeuvre olfactive" et/ou d'une "marque olfactive" qui reviendrait alors à créer un droit sui generis adapté à l'objet spécial qu'il couvre, à l'image du droit sur les semi-conducteurs et sur les obtentions végétales. Quoi qu'il en soit la protection par le droit d'auteur impose d'aménager une protection spécifique de plus de 70 ans post-mortem car beaucoup de parfums sont très anciens.
Le point essentiel en pratique est de savoir s'il existe ou non des contrefacteurs de la fragrance. Si la réponse est positive et que cette contrefaçon gène l'économie, alors que la parfumerie est une activité très importante pour la France, stopper ceux qui perturbent ce marché s'impose.
Conclusion
Le droit semble avoir -pour le moment- choisi ses "sens préférés", ceux qui sont dits mécaniques, c'est-à-dire la vue et l'ouïe et délaissé les sens dits chimiques que sont l'odorat et le goût. On peut toutefois espérer, à la lumière de la porte ouverte par l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation de 2013, que les obstacles à la protection des fragrances sont davantage techniques que juridiques. A ce sujet Thierry Lambert déclare, très justement, que "le chemin de l'appropriation de l'oeuvre et de la marque olfactive passe par une innovation de rupture consacrant une avancée décisive dans la représentation formelle graphique ou technologique acceptable par le droit de la propriété intellectuelle. C'est du dialogue des savoirs et de la recherche scientifique que viendra alors, en notre matière, une proposition de solution" (D., 2013, p. 2039).
Ainsi, l'avenir de la protection de la fragrance par le droit d'auteur réside vraisemblablement dans le progrès technique permettant, notamment par la fixation sur un support/vecteur pérenne, de palier sa nature éphémère, variable et difficilement objectivable.
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