La lettre juridique n°591 du 20 novembre 2014 : Avocats

[Projet, proposition, rapport législatif] Professions réglementées : nouvelle version du projet "Macron" et réformes conséquentes !

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

le 21 Novembre 2014

A été diffusée le 17 novembre 2014, une nouvelle version du projet de loi pour la croissance et l'activité, réformant en partie les professions réglementées. Depuis quelques semaines, nous assistons à des diffusions de textes soit "fortuites", soit émanant non plus de Bercy, mais de la Chancellerie (après tout, à chacun son projet !), et l'on pouvait croire que cette version soit la version définitive transmise au Conseil d'Etat, mais il se murmurait que le texte transmis au CNB n'était pas le texte final... En effet, deux jours plus tard, le 19 novembre, était diffusée une nouvelle version du fameux projet qui se présenterait, celle-là, comme la version définitive... Alors projet final ou projet transitoire, quoiqu'il en soit, ce texte, depuis sa genèse, fait couler beaucoup d'encre et attise encore et toujours la colère des institutions représentatives de la profession d'avocat. Lexbase Hebdo - édition professions vous propose, cette semaine, de revenir sur ce qui sembleraient être les grandes lignes de la réforme concernant la profession d'avocat. Sur la postulation.

L'article 5 de la loi du 31 décembre 1971 dispose que les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires. En revanche, ils ne peuvent exercer leur activité de représentation (postulation) que devant les tribunaux de grande instance (TGI) près desquels leur barreau est constitué et devant la cour d'appel dont ce tribunal dépend, depuis la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 qui a supprimé la profession d'avoué.

Le projet envisage la suppression des IV, V et VI de l'article 1er de la loi qui disposent que "IV.-Les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux de grande instance de Bordeaux et Libourne peuvent postuler devant chacune de ces juridictions.

V.-Les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux de grande instance de Nîmes et Alès peuvent postuler devant chacune de ces juridictions.

VI.-Les deuxième et troisième alinéas du III sont applicables aux avocats visés aux IV et V".

L'article 5 de la loi de 1971 serait modifié afin de permettre aux avocats d'exercer leur ministère et de plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, du ressort de la cour d'appel au sein de laquelle ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d'appel, les activités antérieurement dévolues au ministère obligatoire des avoués près les tribunaux de grande instance et les cours d'appel.

Concerné également par la question de la postulation, l'article 8, en alinéa 2, serait remplacé par les dispositions suivantes : "L'association ou la société peut postuler auprès de l'ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel au sein de laquelle un de ses membres est établi et devant ladite cour d'appel, par le ministère d'un avocat inscrit au barreau établi près l'un de ces tribunaux".

Sur les honoraires.

La suppression de la postulation entraîne nécessairement une modification des dispositions applicables aux honoraires. A ce jour, la tarification de la postulation devant le tribunal de grande instance et des actes de procédure est régie par les dispositions sur la procédure civile. Aussi, le projet envisage de modifier en conséquence le premier alinéa de l'article 10 de la loi de 1971 ainsi : les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

Le projet de loi en profite également pour imposer une convention d'honoraires entre le client et l'avocat. Actuellement, on le sait puisque le contentieux à ce sujet foisonne, l'alinéa 2 de l'article 10 dispose que "à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci".

Aux termes de la nouvelle mouture du texte l'avocat serait tenu de conclure avec son client une convention d'honoraires qui précise notamment les modalités de détermination des honoraires et l'évolution prévisible de leur montant.

Le texte envisage également la suppression du barème d'honoraires pour les procédures de divorce, point qui devrait apporter une certaine satisfaction à la profession.

Enfin, dans la lignée des contrôles diligentés depuis juin 2014, le Code de la consommation sera modifié afin d'habiliter les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à rechercher, constater et poursuivre les manquements aux obligations fixées à cet article 10 de la loi de 1971 précitée. Qu'on se le dise !

Sur les bureaux secondaires.

L'ouverture, par les avocats, d'un bureau secondaire dans un barreau autre que celui où il exerce, est soumise à une autorisation administrative du conseil de l'Ordre. Les avocats sont tenus de fixer leur domicile professionnel dans le ressort du tribunal de grande instance auprès duquel ils sont établis (décret du 27 novembre 1991, art. 165). Les avocats disposent de la faculté d'établir un ou plusieurs bureaux secondaires après déclaration au conseil de l'ordre du barreau auquel ils appartiennent. Lorsque le barreau secondaire est situé dans le ressort d'un barreau différent de celui où est établie sa résidence professionnelle, l'avocat doit en outre demander l'autorisation du Conseil de l'ordre du barreau dans le ressort duquel il envisage d'établir le bureau secondaire.

Le projet de loi vise à simplifier cette autorisation administrative, qui selon l'étude d'impact émanant de Bercy, "contraint inutilement la création et le développement de l'activité des professionnels avocats, pour la remplacer par un régime déclaratif, source d'une plus grande souplesse pour les professionnels".

Le projet renvoie à une ordonnance pour simplifier ce dispositif.

Sur l'avocat en entreprise.

Sujet phare, sujet qui divise, l'avocat en entreprise est évoqué depuis déjà quelques années, et, à moins de changements de dernière minute, il devrait voir le jour avec la réforme "Macron".

Aux termes du projet, l'avocat pourra donc exercer sa profession en tant que salarié au sein d'une entreprise.

Les avocats en entreprise seraient soumis aux mêmes règles déontologiques que les avocats exerçant dans un cabinet. Ils dépendraient du même Ordre professionnel et donc des principes essentiels régissant la profession dont l'indépendance, la confidentialité et le secret professionnel. Par ailleurs, l'avocat exerçant en entreprise bénéficierait d'une clause dite "de conscience et d'indépendance". Concernant le périmètre d'activité, l'activité juridictionnelle serait exclue du périmètre d'activité de l'avocat en entreprise. Les avocats en entreprises n'auraient toutefois pas la possibilité de développer une clientèle personnelle, ni de plaider.

Et, pour acter cette réforme, le Gouvernement sera habilité à procéder par ordonnance.

Tout en douceur, le projet "Macron" permettra, toujours par voie d'ordonnance, aux personnes qui exercent une activité juridique au sein du service juridique d'une entreprise privée ou publique ou d'une association en France ou à l'étranger, depuis cinq années au moins ou sont titulaires du diplôme mentionné au 2° de l'article 11 de la loi n° 71-1130 d'être inscrites, sous réserve du passage d'un examen de contrôle des connaissances en déontologie, sur la liste spéciale du tableau ; bref ce sont environ 120 000 juristes d'entreprises qui devraient pouvoir devenir avocats salariés !!!

Sur les sociétés d'exercice en commun et l'ouverture du capital.

S'agissant des conditions d'exercice en groupe de la profession d'avocat, les formes juridiques autorisées comprennent, essentiellement, l'exercice sous forme d'une association, d'une société civile professionnelle, d'une société d'exercice libéral ou d'une société en participation (loi n° 71-1130, art. 7). La réforme vise à permettre le recours à toute forme juridique pour l'exercice des professions de commissaire-priseur judiciaire, d'avocat, d'huissier de justice de notaire d'administrateur et de mandataire judiciaire, à l'exclusion de celles conférant la qualité de commerçant à leurs associés, soit les sociétés en commandite par actions et les sociétés en nom collectif. Les professions judiciaires et juridiques étant marquées par des règles déontologiques fortes, au premier rang desquelles l'indépendance d'exercice, la mesure appliquera à toutes les nouvelles formes juridiques les conditions de détention capitalistique actuellement en vigueur pour la société d'exercice libéral. Là encore la réforme se fera par ordonnance.

S'agissant de l'interprofessionnalité, le projet "Macron" entend favoriser une évolution de l'organisation des professionnels du droit et du chiffre vers davantage de pluridisciplinarité et faciliter les rapprochements entre professionnels. Son objectif réside dans la constitution de structures couvrant l'ensemble des besoins des clientèles des entreprises comme des particuliers et d'être en mesure de faire face à la concurrence internationale. A cet égard, le Gouvernement sera autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, les mesures permettant la création de sociétés ayant pour objet l'exercice en commun de plusieurs des professions judiciaires, juridiques et de la profession d'expert-comptable, en préservant les principes déontologiques applicables à chaque profession, et dans lesquelles plus de la moitié du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes qui exercent ces professions ou toute personne légalement établie dans un Etat membre de l'Union européenne, des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, qui exerce en qualité de professionnel libéral, dans l'un de ces Etats membres ou parties ou dans la Confédération suisse, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d'une qualification nationale ou internationale reconnue et dont l'exercice constitue l'objet social d'une de ces professions.

Pour Bercy, la mesure proposée constitue un élément fort de simplification des démarches au profit des entreprises et des particuliers, en permettant aux clients de disposer, au sein d'une seule structure, d'une offre globale adaptée à leurs demandes.

Diverses mesures.

Il est également à noter, de manière plus large, que le Gouvernement sera autorisé à prendre par voie d'ordonnance les mesures permettant :

- de créer une profession de commissaire de justice regroupant les professions d'huissier de justice, de mandataire judiciaire et commissaire-priseur judiciaire ;

- de simplifier le dispositif des ventes judiciaires, en préservant les principes déontologiques applicables à chaque profession ; de clarifier les domaines d'intervention du professionnel de l'expertise comptable en matière administrative, économique, fiscale et sociale des entreprises ou des particuliers. Et cette "clarification" permettra aux experts-comptables de réaliser, à titre accessoire, des consultations juridiques, fiscales et sociales ainsi que la rédaction d'actes sous seing privé, au profit de clients pour lesquels ils assurent des prestations en conformité avec les textes encadrant leurs activités ;

- de permettre la création de sociétés ayant pour objet l'exercice en commun de plusieurs des professions judiciaires, juridiques et de la profession d'expert-comptable, en préservant les principes déontologiques applicables à chaque profession, et dans lesquelles plus de la moitié du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes qui exercent ces professions ou toute personne légalement établie dans un Etat membre de l'Union européenne, des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, qui exerce en qualité de professionnel libéral, dans l'un de ces Etats membres ou parties ou dans la Confédération suisse, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d'une qualification nationale ou internationale reconnue et dont l'exercice constitue l'objet social d'une de ces professions.

Au final ce texte, dans sa version ici présentée, devrait être rapidement transmis au Conseil d'Etat. D'avance, il n'emportera pas l'adhésion de la Profession qui manifeste depuis le 17 novembre 2014, à l'initiative de la Conférence des Bâtonniers, contre ce projet et contre les pistes envisagées par la Chancellerie en matière de financement de l'aide juridictionnelle...

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