Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 12 mars 2014, n° 350646, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9159MGC)
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N1811BUM
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par Serge Slama, Maitre de conférences en droit public à l'Université Evry Val d'Essonne, membre du CREDOF-CTAD UMR 7074
le 01 Mai 2014
Cette obligation de motivation a été imposée par l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999, relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades (N° Lexbase : L0556IU7), dès la mise en place du titre de séjour pour raisons médicales par l'article 12 bis 11° de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France (N° Lexbase : L4781AG8), issu de la loi "Chevènement" du 11 mai 1998 (loi n° 98-349, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile N° Lexbase : L9660A9N) (C. entr. séj. étrang. et asile, article L. 313-11 11° N° Lexbase : L5042IQS et repris à l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968).
Sur ce fondement, le Conseil d'Etat a constamment jugé que le préfet ne pouvait légalement fonder sa décision sur un avis médical ne comportant pas d'indication sur la possibilité de l'intéressé de voyager sans risque vers son pays d'origine (1). Notons, d'ores et déjà, que si ce texte s'appliquait à l'espèce commentée, il a depuis été abrogé et remplacé par un texte moins exigeant : l'obligation d'indiquer cette capacité de voyager est devenue une simple faculté pour le médecin de l'Agence régionale de santé (ARS) ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police, comme l'indique l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé (N° Lexbase : L0068I3W) : "dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays" (2).
Suivant la logique de ce changement de réglementation, et plus largement de l'évolution de son contrôle sur les illégalités externes depuis l'arrêt "Danthony" (3), le Conseil d'Etat juge dans la présente affaire que, si l'absence d'indication dans l'avis médical de la capacité à voyager sans risque de l'étranger vers son pays d'origine peut utilement être soulevé contre la décision de refus de séjour, comme contre la décision d'éloignement, encore faut-il que ce point ait fait l'objet de la part de l'étranger d'une contestation en cours de procédure.
En l'espèce, le requérant, un ressortissant algérien né en 1966, a un long parcours d'immigration en France. Entré régulièrement sur le territoire français le 27 janvier 1990, il est revenu dans les mêmes conditions le 9 mars 1992 et le 9 juillet 2001. D'abord demandeur d'asile, il a essuyé un refus d'asile conventionnel le 10 juin 2002 et d'asile territorial le 29 novembre 2002, puis fait l'objet d'un arrêté préfectoral de refus de séjour assorti d'une invitation à quitter le territoire français notifié le 12 juin 2003, qu'il a exécuté. Après six années passées en Algérie, l'intéressé est ensuite revenu en France le 28 février 2009, accompagné de sa femme et de l'un de ses enfants mineurs et commencé une nouvelle "carrière de papier" (4). Le 20 avril 2009, il a sollicité son admission au séjour en France en tant qu'étranger malade, sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, en raison d'un "état dépressif sévère". Le 20 janvier 2010, c'est-à-dire avant l'évolution de la réglementation, le MISP a rendu un avis aux termes duquel il reconnaissait, certes, que l'intéressé souffrait bien d'une pathologie nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut de prise en charge pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; en revanche, selon lui, l'offre de soins pour cette pathologie existait en Algérie. L'avis omettait toutefois -on l'aura compris- d'indiquer si l'état de santé permettait à l'intéressé de voyager sans risque vers son pays de renvoi. Cela n'a pas empêché le préfet de la Haute-Garonne d'édicter le 24 février 2010 une décision de refus de séjour (a priori non assortie d'une obligation de quitter le territoire français).
Par jugement du 22 juin 2010, le tribunal administratif de Toulouse annula cette décision sur le fondement de la jurisprudence du Conseil d'Etat qui exigeait jusqu'ici, comme on l'a vu, l'indication dans l'avis médical de la possibilité pour l'intéressé de voyager sans risque vers l'Algérie. Toutefois, la cour administrative d'appel de Bordeaux censura cette décision en estimant que ce moyen ne pouvait être utilement soulevé à l'encontre d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour. Elle considéra que ce moyen est opérant "uniquement à l'encontre d'une mesure d'éloignement" (5).
Saisi en cassation, le Conseil d'Etat censure cet arrêt, ainsi que le jugement du tribunal administratif. Ce faisant, il ne fait, en réalité, que confirmer et prolonger sa propre jurisprudence sur les deux points en litige. D'une part, confirmant un récent arrêt (6), il rappelle que le moyen de l'absence de mention de la capacité à supporter le voyage peut utilement être invoqué non seulement à l'encontre de la décision d'éloignement, mais aussi de celle refusant la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour raisons médicales (I). D'autre part, dans le prolongement de l'arrêt "Salhi" (7), il estime que ce moyen ne saurait prospérer que si, et seulement si, ce point a fait l'objet d'une contestation de la part de l'étranger en cours de procédure (II).
I - Une confirmation : opérance du moyen de l'absence de mention de la capacité à supporter le voyage contre la décision de refus de séjour
Est légalement protégé contre l'éloignement, depuis la loi "Debré" du 24 avril 1997 (loi n° 97-396 du 24 avril 1997, portant diverses dispositions relatives à l'immigration N° Lexbase : L4768GU7) (ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, art. 25, 8°, C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 511-4 N° Lexbase : L7191IQE), et a droit à une carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale", depuis la loi "Chevènement" du 11 mai 1998 (ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, art. 12 bis 11°, C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 313-11-11° et reprise à l'article 6-7° de l'accord franco-algérien), s'il réside habituellement en France, l'étranger "dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité" à la condition qu'il ne puisse "effectivement" bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée dans le pays de renvoi (pour l'éloignement) ou d'origine (pour le refus de séjour).
En application de ces dispositions législatives le décret n° 99-352 du 5 mai 1999, modifiant le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers (N° Lexbase : L0095I3W), a précisé que le préfet délivre la carte de séjour temporaire "vie privée et familiale" aux étrangers malades "au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique [...] au regard du lieu de résidence de l'intéressé [...] cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'Intégration, du ministre chargé de la Santé et du ministre de l'Intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé" (C. entr. séj. étrang. et asile, article R. 313-22 N° Lexbase : L0583IRZ). Par suite, l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 a prévu que le MISP, et à Paris le médecin-chef, émet un avis indiquant notamment si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi.
C'est le fondement de cette disposition que le Conseil d'Etat a constamment jugé qu'un préfet qui se fondait sur un avis médical dénué de cette indication entachait sa décision d'éloignement d'illégalité "alors qu'il ressortait de l'avis médical que l'état de santé de l'intéressé pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage" (8). Ce grief avait même constitué le moyen d'annulation dans l'affaire de principe -jusqu'à l'intervention du législateur en 2011- dans ce contentieux des étrangers malades (9).
Toutefois, au regard de la rédaction des dispositions légales et réglementaires, il apparaissait évident que ce moyen de légalité externe était opérant aussi bien à l'encontre de la décision de séjour que de la décision d'éloignement subséquente. Les dispositions de l'article R. 313-22 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 4 de l'arrêté de 1999 imposaient, en effet, expressément au médecin inspecteur (ou à Paris au médecin chef) d'indiquer cette capacité à supporter le voyage dans son avis dans le cadre de la procédure de délivrance du titre de séjour. De nombreuses cours administratives d'appel avaient d'ailleurs admis l'opérance de ce moyen, soit, le plus souvent, pour le rejeter en estimant qu'"il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de l'intéressé pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage" (10) soit, parfois, pour annuler le refus de séjour en l'absence de telles indications (11).
Néanmoins, de manière minoritaire, certaines formations de jugement avaient retenu le caractère inopérant de ce moyen. Ainsi, la sixième chambre de la cour administrative d'appel de Paris avait jugé que, non seulement "il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage", mais aussi qu'"en tout état de cause, une telle omission est sans incidence à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour qui ne constitue pas elle-même une décision d'éloignement" (12). De manière plus argumentée, la deuxième chambre de la cour administrative d'appel de Marseille avait clairement distingué l'irrégularité d'un arrêté "en tant qu'il emporte obligation de quitter le territoire" pris sur le fondement d'un avis médical silencieux sur la capacité à supporter ce voyage et l'inopérance de ce moyen à l'encontre de la "décision de refus de titre de séjour [qui] ne constitue pas elle-même une décision d'éloignement". En référence à l'arrêt "Danthony" précité, elle avait estimé, à l'égard de cette dernière, "qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le silence de l'avis du médecin inspecteur sur la possibilité pour M. X de voyager sans risque vers le Maroc ait été susceptible, en l'espèce, d'exercer une influence sur le sens de la décision prise par le préfet de l'Hérault s'agissant de son droit au séjour" et que, dès lors, "le caractère incomplet de cet avis sur la possibilité de la mise à exécution d'une mesure d'éloignement ne saurait être regardé comme ayant affecté de façon substantielle la procédure d'adoption de la décision se prononçant sur le droit au séjour de l'intéressé" (13). C'est donc dans ce courant jurisprudentiel que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux soumis à la cassation du Conseil d'Etat s'inscrivait.
Le désavouant, le Conseil d'Etat censure pour erreur de droit la décision de la cour bordelaise en mentionnant qu'il résulte des dispositions réglementaires suscitées "que le moyen tiré de ce que l'avis du médecin inspecteur de la santé publique serait insuffisamment motivé peut être utilement invoqué pour contester la légalité tant d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour que d'une mesure d'éloignement" (cons. n° 3). Ce faisant, il ne fait que rappeler une récente jurisprudence dans laquelle il avait jugé qu'une cour administrative d'appel avait, à bon droit, censuré un arrêté de refus de séjour "en retenant que l'omission dont était entaché l'avis médical [s'agissant de la capacité de voyager sans risque] pouvait être utilement invoquée pour contester la légalité du refus de titre de séjour". Il avait alors plus longuement justifié cette position en relevant que les dispositions réglementaires applicables "ont pour objet de permettre au préfet, auquel il incombe de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen de la demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions rappelées ci-dessus du 11° de l'article L. 313-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de disposer d'une information complète sur l'état de santé d'un étranger malade, y compris sur sa capacité à voyager sans risque à destination de son pays d'origine". De ce fait, ajoutait-il, "l'absence de l'indication prévue à l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 quant à la possibilité pour un étranger malade de voyager sans risque vers son pays d'origine ne met pas l'autorité préfectorale à même de se prononcer de manière éclairée sur la situation de cet étranger ; que, par suite, sauf s'il ressort des autres éléments du dossier que l'état de santé de l'étranger malade ne suscite pas d'interrogation sur sa capacité à supporter le voyage vers son pays d'origine, l'omission de l'indication en cause entache d'irrégularité la procédure suivie et partant affecte la légalité de l'arrêté pris à sa suite" (14).
De telles considérations nous apparaissent cohérentes avec le fait que la décision d'obligation de quitter le territoire français est fortement dépendante de la décision de refus de séjour et que les deux décisions sont prises à l'issue d'une seule et même procédure et au sein d'un seul et même arrêté (15). Cette évolution favorable n'aura cependant que peu de portée pratique dans la mesure où dans un second temps le Conseil d'Etat prolonge un autre courant jurisprudentiel, qu'il a esquissé lui-même de longue date, et qui repose sur l'idée que ce moyen ne peut être opérant que si ce point a fait l'objet d'une contestation de la part de l'étranger.
II - Une précision : le moyen ne saurait prospérer que si ce point a fait l'objet d'une contestation en cours de procédure
Cette dernière précision est plus une confirmation qu'une novation dans la mesure où cette nécessité pour l'étranger malade d'avoir préalablement fait état de son incapacité à voyager sans risque, compte tenu de son état de santé, était déjà de longue date sous-jacente à la jurisprudence dans ce domaine. Dès 2005, on trouve dans des décisions du Conseil d'Etat rendues en appel de jugements du juge de la reconduite le considérant de principe selon lequel "si M. X soutient que l'avis du médecin inspecteur de santé publique ne comportait pas d'indication sur la possibilité pour lui de voyager sans risque vers son pays, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. X pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage" (16). Ainsi, l'absence d'indication sur la capacité à supporter le voyage n'avait d'incidence sur la légalité de la procédure que si le dossier faisait apparaitre qu'il existait des interrogations sur ce point.
Repris dans un arrêt de principe (17), le considérant a été dès lors dupliqué, comme on l'a vu, dans de nombreuses décisions des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel. En 2012, le Conseil d'Etat confirme, en ce sens, une décision d'une cour administrative d'appel motivée de la sorte en mentionnant que l'absence d'indication sur cette capacité de voyager sans risque "n'affectait pas la légalité de la décision contestée dès lors qu'elle [la cour] a également retenu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que le certificat du médecin inspecteur ne faisait pas ressortir que l'état de santé de M. X soulevait des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage" (18).
C'est donc dans la suite logique de cette décision que le Conseil d'Etat juge, dans la décision commentée, que n'est pas entaché d'insuffisance de motivation une décision de refus de séjour reposant sur un avis médical ne comportant aucune indication sur la possibilité pour l'intéressé de voyager "en l'absence de toute contestation portant sur ce point" (cons. n° 5). Il aurait donc fallu qu'au cours de la procédure de demande du titre de séjour l'étranger fasse valoir au médecin ou à l'administration que son état de santé ne lui permettait pas de voyager sans risque. L'idée qui sous-tend cette jurisprudence est sûrement d'éviter que les requérants soulèvent ce moyen uniquement pour obtenir une annulation et un réexamen de situation, sans que l'incapacité à voyager corresponde à la réalité du dossier et de l'état de santé de l'étranger. Incidemment, cela confirme la nécessité d'organiser avant l'édiction de la décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français un contradictoire préalable entre l'étranger et la préfecture lui permettant de présenter des observations orales ou écrites -question qui a été récemment relancée à l'aune des principes généraux du droit de l'Union européenne garantissant le droit d'être entendu préalablement- (19).
Plus largement, on notera que cette décision du Conseil d'Etat intervient dans un contexte où la protection constitutionnelle et conventionnelle des étrangers malades est très peu satisfaisante. En 2011, le Conseil constitutionnel a en effet validé les restrictions introduites par la loi "Besson" de juin 2011 (loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité N° Lexbase : L4969IQ4) à l'article L. 313-11 11° du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (20). Pire, la Cour européenne des droits de l'Homme vient de confirmer sa jurisprudence "Ponce-Pilate" en la matière (21). Dans son arrêt "Josef" (22), dont on espère qu'il sera renvoyé en Grande chambre, elle confirme que "le fait qu'en cas d'expulsion de l'État partie, l'étranger connaîtrait une dégradation importante de sa situation, et notamment une réduction significative de son espérance de vie, ne suffit pas pour emporter violation de l'article 3 [...]. Selon la Cour, il faut que des circonstances humanitaires encore plus impérieuses caractérisent l'affaire". Elle rappelle, néanmoins, que dans ses affaires "N" (23) et "Yoh-Ekale Mwanje" (24), "la Cour tint compte de ce qu'au moment de leur éloignement, l'état de santé des requérantes était stable grâce aux traitements dont elles avaient bénéficié jusque-là, qu'elles n'étaient pas dans un 'état critique' et qu'elles étaient aptes à voyager" (25).
Dans le prolongement d'une précédente "opinion partiellement concordante commune" (26), le juge Power-Forde a parfaitement raison de faire valoir, dans une opinion dissidente, que, "si 'N. c. Royaume-Uni' représente la jurisprudence de la Cour en matière d'expulsion de personnes séropositives, je ne puis, en mon âme et conscience, approuver son application en l'espèce. L'appliquer conduira presque certainement au décès imminent de la requérante et à la perte pour ses trois jeunes enfants de la présence, de l'amour, de l'attention et du soutien de leur mère. Privée des médicaments dont elle avait besoin, la requérante dans l'affaire N. est morte quelques mois après avoir été expulsée vers son pays d'origine. Selon toute probabilité, le même sort attend la requérante en l'espèce".
Une telle perspective -qui heurte frontalement le droit à la vie et la prohibition de la torture et des traitements inhumains et dégradants garanti par la Convention européenne- n'est évidemment pas humainement et juridiquement admissible. Il est tout aussi critiquable qu'un préfet puisse surmonter l'avis défavorable du médecin de l'ARS estimant qu'en cas de renvoi de l'étranger le pronostic vital est engagé, comme cela se produit trop régulièrement (27).
(1) CE, 27 janvier 2006, n° 273155, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6411DME).
(2) CAA Paris, 7ème ch., 31 mai 2013, n° 12PA04190 (N° Lexbase : A6538KKD).
(3) CE, Sect., 23 décembre 2011, n° 335033, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9048H8M), AJDA, 2012. 195, chron. X. Domino et A. Bretonneau, RFDA, 2012. 284, concl. G. Dumortier. V. aussi X. Domino, A. Bretonneau, Jurisprudence Danthony : bilan après 18 mois, AJDA, 2013 p. 1733.
(4) Selon l'expression du sociologue Alexis Spire.
(5) CAA Bordeaux, 2ème ch., 8 février 2011, n° 10BX01902 (N° Lexbase : A0741MHW).
(6) CE 1° et 6° s-s-r., 13 février 2013, n° 349738, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1760I8P).
(7) CE 2° et 7° s-s-r., 29 octobre 2012, n° 355648, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1184IWR).
(8) CE 2° et 7° s-s-r., 3 mai 2004, n° 253013, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0675DCY), p. 723. Voir aussi, CE, 27 janvier 2006, n° 273155, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6411DME).
(9) CE, Sect., 7 avril 2010, deux arrêts, publiés au recueil Lebon n° 301640 (N° Lexbase : A5643EUK) et n° 316625 (N° Lexbase : A5665EUD), AJDA, 2010. 703 et 881, chron. Liéber et Botteghi, Constitutions, 2010. 437, obs. Tchen, JCP éd. A, 2010, n° 29, 2238, com. B. Demagny, S. Slama.
(10) CAA Versailles, 4ème ch., 14 mars 2006, n° 04VE02468 (N° Lexbase : A0765DPZ) ; CAA Bordeaux, 6ème ch., 18 décembre 2007, n° 07BX01336 (N° Lexbase : A3043EAX), CAA Nantes, 4ème ch., 28 mars 2008, n° 07NT03580 (N° Lexbase : A4695EHD) ; CAA Bordeaux, 5ème ch., 9 mars 2009, n° 08BX01790 (N° Lexbase : A8685E4G) ; CAA Lyon, 3ème ch., 19 mai 2009, n° 08LY00580 (N° Lexbase : A6731EHR) ; CAA Versailles, 5ème ch., 23 septembre 2010, n° 09VE01881 (N° Lexbase : A7868GCE) ; CAA Paris, 2ème ch., 6 octobre 2010, n° 09PA07087 (N° Lexbase : A8395GK7) ; CAA Nantes, 4ème ch., 31 décembre 2010, n° 10NT00938 (N° Lexbase : A9043GX9) ; CAA Marseille, 5ème ch., 10 mars 2011, n° 09MA02278 (N° Lexbase : A9047HBP).
(11) CAA Lyon, 6ème ch., 14 octobre 2008, n° 07LY01236 (N° Lexbase : A4124EBD).
(12) CAA Paris, 6ème ch., 7 juin 2010, n° 09PA04144 (N° Lexbase : A2314E89).
(13) CAA Marseille, 2ème ch., 17 juillet 2012, n° 10MA00751 (N° Lexbase : A3753IRG).
(14) CE 1° et 6° s-s-r., 13 février 2013, n° 349738, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc., cons. n° 3.
(15) Voir, sur ces imbrications complexes en droit d'asile, l'avis contentieux CE, Sect., 30 décembre 2013, n° 367615, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9253KSI) et le commentaire de Giacomo Roma, Exception d'illégalité et annulation par voie de conséquence : ou passe la frontière ?, RGD, 11 mars 2014.
(16) CE, 20 mai 2005, n° 271654, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3578DID).
(17) CE 7° s-s., 6 janvier 2006, n° 263779, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1844DMA).
(18) CE 2° et 7° s-s-r., 29 octobre 2012, n° 355648, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc., cons. n° 3.
(19) TA Lyon, 28 février 2013, n° 1208055 et n° 1208057, RFDA, 2013, p. 839, concl. Henri Stillmunkes et les questions préjudicielles, TA Melun, 8 mars 2013, n° 1301686, enregistrée sous le n° C-166/13 et TA Pau, 30 avril 2013, n° 1300264, enregistrée sous le n° C-249/13, CJUE, 2ème ch., 10 septembre 2013, aff. C 383/13 PPU (N° Lexbase : A5672KKB).
(20) Cons. constit., décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 (N° Lexbase : A4307HTP), et nos obs., RFDC, 2012/2, n° 90, p. 373.
(21) CEDH, 27 mai 2008, Req. 26565/05 (N° Lexbase : A7403D8P), p. 44, RTDH, 2009. 261, comm. F-J. Laferrière.
(22) CEDH, 20 mars 2014, Req. 70055/10 (N° Lexbase : A1279MGH), p. 120, Lettre de l'EDEM, mars 2014, par L. Leboeuf.
(23) CEDH, 27 mai 2008, Req. 26565/05, préc..
(24) CEDH, 20 décembre 2011, Req. 10486/10 (N° Lexbase : A5572MKL), ADL, 27 décembre 2011, par N. Hervieu.
(25) CEDH, 17 avril 2014, Req. 41738/10 (N° Lexbase : A4059MKK).
(26) CEDH, 20 décembre 2011, Req. 10486/10, préc..
(27) Cimade, Etrangers malades : quand les préfets jouent au docteur, l'Etat devient bourreau, communiqué du 8 avril 2014 ; Ordre de Malte, Droit des personnes dans les Centres de Rétention Administrative : contre l'avis des médecins, l'administration s'acharne, communiqué du 8 avril 2014.
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