Lexbase Contentieux et Recouvrement n°2 du 29 juin 2023 : Voies d'exécution

[Chronique] Chronique de jurisprudence (mars 2023 à juin 2023)

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par Sylvian Dorol, Commissaire de justice associé, Directeur scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement, Expert près l’UIHJ

le 29 Juin 2023

La revue Lexbase Contentieux et Recouvrement vous propose de retrouver la deuxième chronique illustrée par les plus récentes décisions jurisprudentielles sous la forme d’un contenu original rédigé par Sylvian Dorol, correspondant également à l’évolution du Bulletin d’informations de Vénézia & Associés, édité en partenariat avec les éditions juridiques Lexbase.

Mots-clés : significations • saisie-attribution • commissaire de justice • MARD •  clause médiation • expulsion • saisie véhicule terrestre à moteur • constat


 

Sommaire 

I. Procédure civile

CA Paris, 1-10, 16 mars 2023, n° 22/06534

CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 30 mars 2023, n° 22/06948

CA Paris, 1-2, 1er juin 2023, n°  22/16112

CA Versailles, 16e ch., 13 avril 2023, n° 22/06484

CA Paris, 1-10, 13 avril 2023, n° 22/08268

CA Reims, ch. civ., 12 mai 2023, n° 22/02025

II. MARD

CA Grenoble, ch. com., 23 mars 2023, n° 20/04227

CA Grenoble, 1re ch. civ., 28 mars 2023, n° 21/01298

III. Saisie-attribution

CA Agen, 1re ch., 27 mars 2023, n° 22/00649

CA Agen, 1re ch., 27 mars 2023, n° 22/00649

IV. Expulsion

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 24 avril 2023, n° 22/04100

V. Saisie des véhicules terrestres à moteur

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 26 avril 2023, n° 22/04438

VI. Constat

CA Toulouse, 26 mai 2023, n° 21/04694

CA Paris, 5-1, 19 avril 2023, n° 21/17661

CA Toulouse, 3e ch., 24 mai 2023, n° 22/02138

CA Lyon, 8e ch., 5 avril 2023, n° 21/01876

CA Bastia, 21-06-2023, n° 22/00134


I. Procédure civile

Suivant procès-verbal du 19 octobre 2021, un créancier a fait pratiquer à l’encontre de son débiteur une saisie-attribution entre les mains d’une banque pour avoir paiement d’une somme totale de 14 794,54 euros. Cette saisie, qui s’est avérée entièrement fructueuse, est dénoncée à la débitrice par acte d’huissier du 25 octobre 2021 (dépôt étude).

Le débiteur conteste la mesure, soulevant l’irrégularité de la signification du jugement, laquelle a été effectuée selon les modalités de l’article 659 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6831H77. Il invoque en premier lieu l’insuffisance des diligences de l’huissier, soutenant que celui-ci doit procéder à toutes les investigations nécessaires pour connaître le domicile du destinataire de l’acte et doit relater avec précision, dans son procès-verbal, toutes les diligences accomplies. En l’espèce, le procès-verbal reproduit mot pour mot celui dressé pour la délivrance de l’assignation où l’huissier a limité ses recherches sur infogreffe et le Bodacc de sorte qu’il n’a pas opéré de véritables vérifications selon le saisi, alors qu’il a un site internet, connu du créancier, qui permet de connaître ses coordonnées, notamment son adresse, qui a été modifiée le 26 avril 2021.

En l’espèce, l’huissier de justice avait ainsi rédigé son acte :

« À l’adresse ci-dessus indiquée qui constitue le dernier siège connu déclaré par le requérant, ou étant :

Au [adresse], le clerc significateur a constaté que tant le nom de la société que le nom de sa gérante, Madame [débiteur], ne figuraient sur les boîtes aux lettres et interphone. II a rencontré le gardien qui lui a indiqué que Madame [débiteur] était la fille de l’ancienne gardienne ; il a ajouté qu’elle n’habitait plus à cette adresse, sans préciser depuis combien de temps. Nos recherches sur infogreffe et Bodacc ne révèlent aucune procédure collective ni aucun transfert de siège social et confirment l’adresse du siège de la société au [adresse]. II a été constaté qu’à ce jour aucune personne ne répondait à l’identification du destinataire de l’acte ni à son domicile, sa résidence ou son siège. En conséquence, après avoir interrogé les proches et commerçants, ces diligences n’ont pas permis de retrouver le destinataire de l’acte.

J’en ai avisé mon correspondant qui après avoir effectué des recherches, m’a déclaré que l’adresse ci-dessus était la dernière connue. »

La cour d’appel de Paris juge « qu’en 2021, il est pour le moins surprenant que l’huissier n’ait pas effectué de recherches sur internet, autres qu’infogreffe, notamment sur les Pages Jaunes, site de référence pour rechercher les adresses des personnes physiques et morales. En outre, une recherche sur Google ou un autre moteur de recherche aurait permis de découvrir que la société débitrice avait un site internet, comme la créancière le savait d’ailleurs ». Une solution qui peut apparaître dure de prime abord, mais qui se justifie pleinement à l’ère de l’open data…

Dans cette affaire, un huissier de justice se déplace sur le lieu d’une signification pour y accomplir son office. Rien de plus normal. Là où l’affaire sort de l’ordinaire, c’est qu’arrivé sur place, l’officier public et ministériel constate que la société est fermée. Il prend donc l’initiative de contacter téléphoniquement le gérant, lequel lui confirme la réalité de l’adresse. Il signifie donc l’acte en « dépôt étude » et relate ses diligences dans son procès-verbal.

Le temps venu de l’exécution, le gérant de la société débitrice conteste la signification de l’acte en relevant que l’adresse où s’est rendu l’huissier de justice est le lieu d’exploitation, et non le siège social ! La Cour, en retenant l’absence de grief, juge que « le procès-verbal mentionne que le bureau est fermé mais que l’huissier a reçu confirmation du siège par contact téléphonique avec le gérant. L’appelante ne peut contester cette communication par simple dénégation alors qu’elle constitue une vérification personnelle de l’huissier, laquelle fait foi jusqu’à inscription de faux ». Elle valide donc la signification.

Une assignation est délivrée à une société. L’huissier de justice, juriste de terrain, délivre l’acte à l’entrée dédiée aux livraisons de colis et non à l’adresse indiquée sur l’extrait K-bis comme siège social. Plus encore, l’assignation ne portait pas l’adresse du siège social, mais uniquement l’adresse du lieu de livraison.

Pour ce motif, la cour d’appel parisienne rappelle que selon l’article 648 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6811H7E, tout acte d’huissier de justice doit indiquer, à peine de nullité, si le requérant est une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement. Puis, elle souligne que selon l’article 114 du même code N° Lexbase : L1395H4G, la nullité d’un acte pour vice de forme est encourue à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité. Elle en conclut la nullité de l’acte puisqu’en l’espèce, force est de constater que l’assignation introductive d’instance est entachée d’irrégularité en ce qu’elle ne mentionne pas l’adresse exacte du siège social de la société défenderesse, mais une adresse erronée.

Afin d’éviter la nullité de l’acte, la solution pour l’huissier de justice aurait peut-être été d’indiquer de manière manuscrite sur l’assignation l’adresse du siège social, et de préciser en mention manuscrite « rencontré à [adresse] », « ci-devant et actuellement [adresse] » ou « et pour signification [adresse] », comme l’a admis la jurisprudence (CA Rennes, 2e ch., 9 février 2012, n° 11/03353 N° Lexbase : A2309ICI ; CA Rennes, 4e ch., 26 avril 2012, n° 11/07669 N° Lexbase : A2820IKN).

Un commissaire/huissier de justice est requis pour signifier un acte à une personne demeurant sur une péniche.

Sur place, en l’absence du destinataire de l’acte, l’officier public ministériel laisse, conformément à la loi, un avis de passage puis envoie une copie de l’acte par courrier.

Le destinataire de l’acte conteste cette signification au motif que l’huissier de justice connaissait son lieu de travail et qu’il n’a pas indiqué avec précision où il avait déposé l’avis de passage.

Il prétend ne pas avoir trouvé l’avis de passage, d’autant que la péniche n’avait ni porte ni boîte aux lettres (seule une batterie de boîtes aux lettres existe à plusieurs dizaines de mètres de la péniche…) ce qu’il a d’ailleurs fait constater par huissier de justice !

Le commissaire/huissier de justice doit-il indiquer dans son acte l’endroit exact où il a déposé son avis de passage, dépassant par là même les exigences de l’article 656 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6825H7W ? De plus, le commissaire/huissier de justice peut-il s’abstenir de se présenter sur le lieu de travail du destinataire de l’acte s’il a la certitude du domicile ? Comment lire ensemble les articles 654 N° Lexbase : L6820H7Q et 689 N° Lexbase : L6890H7C du Code de procédure civile ?

La cour d’appel versaillaise valide la signification.

Elle juge que l’obligation qui incombe à l’huissier est de laisser un avis de passage au domicile, peu important, pour la validité de l’acte, que cet avis soit effectivement parvenu à son destinataire et qu’aucune obligation n’est faite de préciser à quel endroit exactement il a déposé l’avis de passage.

Elle poursuit en indiquant que : « Lorsqu’il s’est assuré de la réalité du domicile du destinataire de l’acte et que celui-ci est absent, l’huissier de justice n’est, a contrario, pas tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail ».

Cet arrêt est intéressant en ce qu’il consacre la force la signification, d’autant qu’en l’espèce le destinataire de l’acte ne contestait pas demeurer effectivement à l’adresse indiquée par le commissaire/huissier de justice.

Cette décision propose une lecture intéressante des articles 654 et 689 du Code de procédure civile, conforme à une jurisprudence constante. Certes, la remise à personne peut être faite en tout lieu, mais la tentative sur le lieu de travail n’est obligatoire que si le domicile est incertain ou inconnu, comme l’indique d’ailleurs l’article 659 N° Lexbase : L6831H77 du même code.

Les faits sont communs : un débiteur se présente à l’accueil de l’étude d’huissier de justice qui lui a signifié une dénonciation de saisie-attribution. L’huissier de justice lui présente un formulaire d’acquiescement, que le débiteur signe.

Étonnamment, le débiteur revient peu après en réclamant de récupérer l’acquiescement, ce que l’officier public et ministériel lui refuse. Mécontent, le débiteur se rend au commissariat de police le plus proche pour porter plainte contre l’huissier des chefs d’abus de faiblesse. Le créancier conteste bien sûr les allégations du débiteur au motif :

  • que cet acquiescement ne lui a nullement été extorqué ;
  • que l’intéressé disposait de toutes ses facultés intellectuelles ;
  • qu’il sera rappelé qu’il a pu se rendre seul à l’étude de l’huissier de justice, de même qu’au commissariat de police pour y porter plainte contre cet auxiliaire de justice ; que la teneur de son audition démontre qu’il était en pleine possession de ses moyens.

En première instance, le juge de l’exécution écarte les prétentions du débiteur. La cour d’appel infirme cependant le jugement au motif qu’il s’avère que l’avocat des créanciers avait répondu à l’avocat du débiteur « vous m’indiquez vouloir contester la saisie-attribution » ce qui démontre qu’il savait que ladite contestation était imminente. Elle poursuit en jugeant que : « Même s’il n’est pas démontré que l’huissier de justice en était informé, sa connaissance de l’intervention d’un avocat au soutien des intérêts du débiteur lui interdisait de faire signer à ce dernier un acte d’acquiescement, dont manifestement il n’avait pas réalisé l’entière portée, ayant seulement compris que cela lui permettrait de faire débloquer son compte immédiatement, mais non pas que cela interdirait toute contestation future ».

Un arrêt à la conclusion étonnante finalement : il est possible pour un débiteur de signer un acquiescement à saisie-attribution, puis de revenir dessus ! En espérant que cet arrêt soit isolé…

Depuis le 1er juillet 2022, les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire ont fusionné pour laisser place à un nouveau professionnel du droit : le commissaire de justice.

Le 18 novembre 2022, une signification est régularisée par le ministère de Me X., qui se dit « huissier de justice ». Or depuis le 1er juillet 2022, la profession d’huissier de justice a disparu et elle est remplacée par une nouvelle profession, celle de commissaire de justice.

La personne qui s’est vu signifier cette décision soulève la nullité de cette signification au motif qu’il n’existe plus d’huissier de justice !

L’appelant suggère deux questions préjudicielles à soumettre à la Cour de cassation :

  1. La profession de commissaire de justice constitue-t-elle une nouvelle profession ou une simple réorganisation des deux professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur ?
  2. La profession de commissaire de justice nécessite-t-elle la mise en place d’une prestation de serment s’agissant d’un officier ministériel ?

Plus concrètement, la question qui se pose est de savoir si un acte peut être signé par un « huissier de justice » et non par un « commissaire de justice » depuis le 1er juillet 2022 ?

La cour d’appel valide la procédure.

Pour ce faire, elle retient que l’ordonnance du 2 juin 2016 rappelle en effet que, tant qu’ils ne remplissent pas les conditions de formation à la profession de commissaire de justice, les professionnels en exercice au 1er juillet 2022 conservent leur titre d’huissier de justice (ou de commissaire-priseur judiciaire).

Partant, Me X. demeure huissier de justice tant qu’il n’aura pas accompli sa formation et les actes qu’il régularise sont parfaitement valables. Ce n’est qu’à compter du 1er juillet 2026 que les professionnels qui ne rempliront pas les conditions de la formation spécifique cesseront d’exercer.

II. MARD

Il est de jurisprudence constante que la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation ou de médiation obligatoire et préalable à la saisine du juge dont la mise en œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent. Cela justifie l’importance portée à la clause de médiation dans l’arrêt rendu par la cour d’appel de Grenoble le 23 mars 2023.

Dans cette espèce, la clause était ainsi rédigée : « Les éventuels désaccords ou litiges quant à la validité, l’application ou l’interprétation de la présente convention devront donner lieu à une médiation préalable à toute saisine de la juridiction compétente ». La cour retient que cette clause utilise le verbe « devoir », terme dénué d’équivoque, ce qui impose donc aux parties de mettre en œuvre une mesure de médiation avant la saisine du juge concernant les litiges quant à la validité, l’application ou l’interprétation de la convention.

Elle souligne que ce caractère obligatoire est renforcé par la stipulation prévoyant que : « Durant tout le processus de médiation et jusqu’à son issue, les parties s’interdisent d’exercer toute action en justice l’une contre l’autre et pour le conflit objet de la médiation ».

La Cour précise que la description des modalités précises de mise en œuvre du processus, notamment par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception par l’une des parties à l’autre partie indiquant les éléments du conflit et proposant le non du médiateur, la saisine du médiateur par lettre recommandée avec accusé de réception et la durée de la médiation, ne caractérise pas un processus long et complexe visant à dissuader de toute action judiciaire.

Enfin, les juges retiennent que ni les échanges entre les parties et leur conseil ni la saisine de la Direccte ne constituent une médiation, celle-ci consistant à recourir à un tiers neutre et impartial dans les conditions prévues par le contrat aux fins que les parties trouvent par elles-mêmes une solution pour résorber leur conflit.

Une partie saisit la justice sans avoir mis en œuvre la clause de médiation contractuelle, laquelle était ainsi rédigée : « En cas de litige ou de réclamation du client, les parties contractantes s’engagent à rechercher en premier lieu un arrangement amiable. Le client pourra présenter sa réclamation à l’adresse du cabinet ou gestionnaire habituel qui disposera de dix jours pour accuser réception de la réclamation pour y répondre.

À défaut d’arrangement amiable, les parties pourront en second lieu informer le médiateur de l’AMF (suivent le nom du médiateur et l’adresse). En cas d’échec, le litige pourra être porté devant les tribunaux judiciaires ».

La cour juge que le libellé de cette clause n’est aucunement conditionnel, les termes « le client pourra » ou encore « les parties pourront » devant s’entendre comme l’autorisation, le pouvoir donné aux parties d’initier un arrangement amiable et à défaut une médiation, avant d’envisager l’éventualité de saisir les tribunaux, cette saisine étant cette fois-ci simplement envisagée (en cas d’échec, le litige pourrait être « porté ». Le fait de ne pas l’appliquer est donc susceptible de constituer une fin de non-recevoir.

III. Saisie-attribution

Si les bons comptes font les bons amis, les mauvais décomptes exacerbent les motifs d’inimitié !

Ainsi en est-il du cas où un débiteur subit une saisie-attribution, et qu’il l’observe d’un œil aussi attentif qu’avisé. Aussi remarque-t-il une erreur, en sa défaveur, dans l’application du taux d’intérêt qui lui est appliqué.

De plus, en se référant à la lettre de l’article R. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2207ITW, il observe l’existence d’une ligne « frais à prévoir » (dénonciation-certificat de non-contestation-signification) non prévue par ce texte.

Saisi par cette contestation, le juge de l’exécution parisien avait validé l’acte, mais cantonné la saisie au montant recalculé conformément aux règles légales.

Quelle sanction encourt une saisie-attribution portant un décompte erroné défavorable au débiteur, l’erreur étant relative au taux d’intérêt appliqué ?

De la même manière, de quelle manière est sanctionné l’acte de saisie-attribution qui prévoit les frais subséquents à cet acte, alors même que le texte du Code des procédures civiles d’exécution ne précise pas cette possibilité ?

La cour d’appel parisienne valide l’acte.

Elle juge que « la mention d’une somme erronée -ou contestée- quant au quantum de la créance n’est pas de nature à entraîner l’annulation du procès-verbal de saisie-attribution, seule une absence de mention pouvant avoir cette conséquence. Il s’ensuit que l’erreur quant aux intérêts […] ne saurait avoir pour effet la nullité du procès-verbal de saisie-attribution querellé ».

Concernant les frais à prévoir, non prévus par la loi dans le décompte, cependant obligatoires dans la procédure, la Cour juge de manière lacunaire que « cette erreur ne peut avoir pour conséquence la nullité de l’acte ».

Elle en conclut à la validité de l’acte.

Il est vrai qu’accepter la validité d’une saisie-attribution portant un décompte non établi conformément à la loi peut surprendre. Il faut pourtant se rassurer en soulignant le fait que le juge a cantonné la saisie, de sorte que le débiteur n’a pas payé plus que ce à quoi il était condamné.

Quant aux « frais à prévoir » non prévus par le texte, le juge a respecté la philosophie du Code des procédures civiles d’exécution en les acceptant dans le décompte puisqu’il s’agit d’actes obligatoires, et donc non frustratoires.

Une saisie-attribution électronique peut-elle être diligentée un lundi, alors même que l’agence qui tient le compte est fermée ?

Telle est l’étonnante question posée à la cour d’appel d’Agen, laquelle répond que : « Contrairement à ce que prétend [le débiteur], celle-ci était tout à fait réalisable le lundi 11 octobre 2021, jour de fermeture de l’agence locale et l’huissier de justice a bien mentionné sur la page intitulée “modalités de remise de l’acte” que l’acte a été remis à “la personne du destinataire Mme [Ab] [S] qui a pris connaissance du présent acte le jour même de sa signification conformément à l’article 662-1 du Code de procédure civile. ” Ce procès-verbal est daté et horodaté et signé numériquement par l’huissier de justice et la banque répond le jour même pour information sur la situation du compte ».

IV. Expulsion

Les articles L. 412-1 N° Lexbase : L0259LNW et L. 412-6 N° Lexbase : L0258LNU du Code des procédures civiles d’exécution, ces délais peuvent être supprimés ou réduits notamment quand les occupants du logement s’y sont introduits par voie de fait. C’est ainsi qu’un jugement de première instance avait ordonné l’expulsion d’occupants sans droit ni titre, en prenant soin de supprimer le bénéfice de la trêve hivernale et le délai de deux mois, habituellement lié au commandement de quitter les lieux.

En appel, pour confirmer le jugement, la cour retient qu’« il ressort du procès-verbal de constat du 1er mars 2022 que les portes anti-squats qui avaient été posées par le propriétaire ont été démontées et que la serrure de la porte d’entrée est neuve, que les voies de fait commises par les consorts [Aa] pour entrer dans le logement sont donc démontrées ».

V. Saisie des véhicules terrestres à moteur

Un créancier fait procéder à la saisie d’un véhicule Maserati Ghibli Diesel, SUV de luxe. Le débiteur conteste la mesure, arguant de ce que ce bien est insaisissable au sens de l’article L. 112-2-5 du Code des procédures civiles d’exécution, s’agissant d’un bien nécessaire à la vie et au travail du saisi et de sa famille et qui de surcroît ne présente pas un caractère luxueux au sens du 6° du même article.

Afin de dénier le caractère luxueux du véhicule, le débiteur soutient que la valeur d’un véhicule doit être appréciée in concreto, au regard de l’état réel de sa carrosserie et de son moteur et que le sien, évalué en janvier 2023 à la somme de 22 193 euros, n’a rien de luxueux, une berline de luxe avoisinant le prix de 60 à 70 000 euros. Il produit en outre une offre de reprise à hauteur de 18 950 euros…

Se pose donc la question de savoir comment apprécier le caractère luxueux d’un bien.

Pour répondre, la cour relève que le véhicule est en bon état, que la cotation Argus versée aux

débats n’émane pas d’un professionnel, et qu’elle ne cadre pas avec le prix d’achat du véhicule. Elle écarte ensuite l’estimation de reprise faite le 29 novembre 2022 à hauteur de 18 850 euros puisqu’elle n’est pas probante, dès lors qu’elle n’est pas signée de son auteur et qu’elle ne correspond pas à l’évidence à la valeur de ce véhicule sur le marché.

Elle en conclut à la validité de la saisie, le caractère luxueux du véhicule étant incontestable.

VI. Constat

Dans la nuit du 21 au 22 février 2019, une société remarque la suppression de son Cloud de presque 2 000 fichiers sensibles et confidentiels.

Soupçonnant un de ses salariés parti en congés le 22 février, elle fait intervenir un huissier et un expert judiciaire qui procèdent ensemble à la copie de l’ordinateur portable du salarié pour analyse. Leur intervention confirme les doutes qui planent sur le salarié, qui aurait copié ces données sur un disque externe. Son employeur le licencie pour faute grave.

Par la suite, un juge mandate un huissier/commissaire de justice, en vain, pour se rendre chez le salarié afin de retrouver les documents supprimés.

Le conseil de prud’hommes saisi par le salarié, qui estime être victime de harcèlement moral, juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Deux questions se posent à la lecture de l’arrêt :

1. L’intervention d’un huissier/commissaire de justice couplée à celle d’un expert déploie-t-elle suffisamment de force probante pour établir la réalité d’une faute grave, quand bien même :

  • elle a été réalisée de manière non contradictoire ?
  • les fichiers n’ont pas été retrouvés ?

2. Faire appel plusieurs fois à un huissier/commissaire de justice constitue-t-il un harcèlement moral ?

La cour d’appel admet la faute grave en relevant notamment que l’intervention du commissaire de justice a permis la traçabilité des opérations, et que la note technique de l’expert met en exergue le comportement fautif du salarié.

Elle juge que « les notes techniques annexées aux constats d’huissiers peuvent être discutées par les parties et ne sont pas dépourvues de valeur probante ».

Même si les fichiers supprimés n’ont pas été retrouvés in fine, comme le disque dur externe, la preuve est établie de leur suppression volontaire puisque le salarié était encore en possession de son ordinateur, dont le mot de passe était inconnu de l’employeur.

Elle juge enfin que l’intervention d’un huissier au domicile du salarié ayant été autorisée par un juge, elle ne peut être constitutive d’une faute.

Le recours au tandem huissier/expert informatique est des plus courant, que ce soit dans le cadre d’une fuite de données, d’un détournement de clientèle ou d’un acte de malveillance interne.

La décision évoquée est intéressante en ce qu’elle rappelle que l’intervention huissier/expert peut être réalisée de manière non contradictoire, à l’insu de la partie adverse, pourvu que l’acte puisse être discuté par la suite en cours d’instance.

Un commissaire/huissier de justice dresse trois constats sur internet.

Produit en justice, la partie adverse critique ces actes au motif (entre autres !) :

  • qu’ils ne respectent pas la norme Afnor NF Z67-147 ;
  • que l’heure de l’horloge est illisible ;
  • que des copies-écran sont illisibles ;
  • qu’il n’est pas justifié que l’huissier ait procédé au rafraîchissement de chacune des pages ;
  • qu’il est possible que l’historique de navigation n’ait pas été complètement purgé.

En première instance, le tribunal judiciaire balaie ces arguments et valide les trois constats sur internet.

Deux questions se posent :

La norme Afnor NF Z67-147 s’impose-t-elle aux huissiers de justice appelés à dresser des constats sur internet ?

Dans la négative, quelles obligations s’imposent à ces officiers publics et ministériels ?

La cour d’appel parisienne valide les constats.

Pour ce faire, elle retient que « la norme Afnor NF Z67-147 n’a pas un caractère obligatoire » et rappelle les diligences préalables requises avant l’établissement d’un constat :

  • description du matériel ;
  • indication de l’adresse IP ayant servi aux opérations de constat ;
  • vidage des caches de l’ordinateur ;
  • désactivation de la connexion par proxy ;
  • suppression de l’ensemble des fichiers temporaires stockés sur l’ordinateur, de l’ensemble des cookies et de l’historique de navigation.

Seul le protocole prétorien est donc nécessaire à la bonne réalisation d’un constat sur internet.

Cet arrêt confirme une nouvelle fois que la norme Afnor NF Z67-147 n’a aucun caractère contraignant, ce qui est fidèle à une jurisprudence constante depuis 2010.

Cette norme possède une vertu pédagogique indéniable, mais ne saurait constituer une source de droit, d’autant qu’elle fait référence dans ses annexes à un navigateur internet qui n’est plus utilisé aujourd’hui, et qu’elle est difficilement compatible avec l’internet mobile.

Une nouvelle fois, la question de la norme Afnor s’est posée. Dans cette affaire, un débiteur demande la nullité d’un constat d’huissier au motif que « l’huissier a déclaré déroger par pure convenance au protocole probatoire de la norme Afnor NF Z67-147 garantissant la neutralité des informations constatées, purgées de tout contenu parasite ». La cour écarte sa demande au motif que la norme Afnor n’étant pas une disposition légale ou règlementaire, le non-respect des diligences techniques préalables n’est pas sanctionné par la nullité du procès-verbal de constat, mais éventuellement, par le défaut de force probante des constatations ainsi effectuées. Elle en conclut que « le procès-verbal de constat -internet qui n’est pas établi suivant cette norme n’est pas susceptible d’annulation et sa force probante n’est pas non plus utilement critiquée ».

Elle souligne en plus qu’un constat sur smartphone n’ayant pas nécessité de navigation sur smartphone n’a pas à respecter le protocole des constats sur internet.

Un couple a pris à bail une maison en 2015, et a donné congé.

Les locataires mandatent un huissier de justice pour convoquer le bailleur et dresser un état des lieux de sortie. Alors même que le bailleur convoqué informe l’huissier/commissaire de son absence, l’état des lieux est dressé. Au terme de la loi, cet acte est donc réputé contradictoire.

Une semaine après, sans convoquer les locataires, le bailleur fait appel à un autre huissier pour dresser un état des lieux non contradictoire.

Sur le fondement de ce constat, le bailleur assigne les locataires, demandant notamment leur condamnation à payer 6 501,50 euros au titre des réparations locatives.

En première instance, le juge a retenu que « le constat d’état des lieux de sortie réalisé à l’initiative des propriétaires ne présentait pas de caractère contradictoire contrairement à celui réalisé à la demande des locataires ». Il fonde donc sa décision sur cet acte et octroie au bailleur 2 000 euros au titre des réparations locatives. Bien moins que ce qu’il demandait.

Le bailleur interjette appel, demandant notamment à que le constat d’huissier qu’il a fait dresser unilatéralement soit déclaré opposable aux locataires, même s’ils n’avaient pas été convoqués, et qu’ils en supportent donc le coût.

La cour d’appel lyonnaise confirme le jugement attaqué.

Elle relève que l’huissier/commissaire de justice a dressé son état des lieux de sortie à la requête et en présence des locataires, après convocation du bailleur qui avait informé le professionnel du droit de son absence. Le bailleur n’ayant pas demandé de report de date de l’état des lieux de sortie, la cour d’appel en conclut que le constat est contradictoire et son coût supporté à frais partagés.

 Concernant le constat dressé par le bailleur sans convocation, elle juge que « ce constat ne s’assimile pas à un constat d’état des lieux de sortie comme prévu par […] la loi du 6 juillet 1989, les locataires n’ayant pas été avisés de l’acte. Il constitue une pièce versée au débat comme d’autres pièces ».

Elle en conclut que le coût du constat établi à la demande du bailleur doit rester à ses frais.

Il existe des arrêts à retenir. L’arrêt rendu par la cour d’appel de Bastia le 21 juin 2023 en fait partie. Il traite d’une délicate question qui se pose régulièrement au commissaire de justice compétent : celle de savoir comment accéder à un lieu privé en l’absence de l’occupant, lorsqu’il est mandaté pat un tiers ?

Il est constant que l’huissier de justice a l’obligation de demander l’autorisation à l’occupant des lieux pour y pénétrer, sauf s’il est porteur d’une décision de justice. En matière de constat à la requête de particuliers, l’huissier de justice ne peut faire l’économie d’une demande d’autorisation à pénétrer dans les lieux, comme il résulte d’une circulaire du 31 janvier 1903 du garde des Sceaux [1]. Cette interdiction fut très vite complétée par une sanction des juges [2].

La demande d’accès aux lieux doit être formulée auprès de l’occupant, étant ici précisé que l’huissier de justice n’a pas à s’assurer de la qualité de son interlocuteur. Comment obtenir l’accord de l’occupant pour pénétrer chez lui alors qu’il est absent ? Cette situation se rencontre fréquemment, notamment lorsque l’occupant a confié les clés au requérant ou au gardien… Il résulte d’un arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence qu’en l’absence de l’occupant, l’huissier de justice doit s’assurer de la réalité de l’accord du locataire et ne pas se contenter des déclarations de son mandant. Dans le cas où la personne rencontrée sur place est un « occupant du chef de l’occupant principal », la cour d’appel de Douai indique que la seule indication qu’il s’agissait de son concubin, sans nulle autre précision, est insuffisante.

L’arrêt de la cour d’appel de Bastia éclaire encore plus la question, répondant à celle de savoir si sur un chantier, un commissaire de justice mandaté par le syndicat des copropriétaires cherche à constater la réalité de travaux non autorisés dans un appartement. Dans le lot indiqué, il ne rencontre pas le propriétaire, mais un « ami » (certainement un ouvrier qui était sur le chantier alors qu’il n’était pas censé d’y être), qui le laisse entrer dans les lieux.

Bien évidemment, la partie à qui est opposée (le copropriétaire qui faisait les travaux non autorisés) le constat conteste les conditions de sa réalisation.

La cour d’appel indique tout d’abord que « selon l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice N° Lexbase : L8061AIE, ces derniers peuvent effectuer des constatations matérielles, sur commission d'un juge ou à la requête de particuliers. Dans cette dernière hypothèse, le constat d'huissier peut être réalisé dans un lieu privé occupé par un tiers à condition d'obtenir l'autorisation de l'occupant ».

Elle poursuit ainsi « il ressort du procès-verbal de constat que l'huissier de justice a réalisé des photographies à l'extérieur du logement avant de manifester sa présence à la porte de l'appartement et de constater qu'elle lui était ouverte par un individu à qui il exposait sa qualité ainsi que le motif de sa venue. Il ajoutait que celui-ci lui avait indiqué être un ami de [L] [X], venu poser de la faïence dans la salle de bains, mais qu'il avait refusé de lui communiquer son identité tout en le laissant pénétrer dans l'appartement. L'huissier de justice concluait son procès-verbal en mentionnant que [L] [X] était finalement arrivé dans l'appartement après avoir été prévenu par son ami et s'était montré verbalement agressif à son égard ». Elle en conclut que « l'huissier de justice est intervenu à la demande d'un particulier dans un lieu privé sans avoir obtenu, ni même sollicité l'assentiment de ce dernier. Il ne saurait se déduire de l'attitude passive de la personne non-identifiée, présente lors de son intervention, que celle-ci avait qualité à lui permettre de pénétrer dans les lieux, ce qu'elle n'a au demeurant pas fait de manière positive au regard des énonciations du procès-verbal (…). L'absence d'opposition de cette personne à l'action de l'huissier de justice ne peut valablement être assimilée en l'espèce à une autorisation d'entrer dans les lieux qui lui aurait été délivrée ».

Dès lors, la cour d’appel sanctionne le constat « réalisé en dehors de toute autorisation judiciaire dans un lieu privé et sans tentative préalable de contacter son occupant pour l'inviter à y assister » et l’écarte des débats.


[1] BO Justice 1903, p. 12.

[2] CA Aix, 12 juillet 1913 : Gaz. Pal. 1913, 2.

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