Lexbase Contentieux et Recouvrement n°2 du 29 juin 2023 : Droit comparé

[Le point sur...] La preuve illicite en matière civile – le droit belge fait peau neuve

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par Jachin Van Doninck, Professeur à l’Université libre de Bruxelles et Avocat au barreau de Bruxelles

le 29 Juin 2023

Mots-clés : preuve • preuve illicite • preuve en droit pénal • preuve en droit civil • droit à la preuve • procès équitable

Depuis 2003, la Cour de cassation belge a rendu des arrêts retentissants sur une question récurrente : que doivent faire les cours et tribunaux des preuves obtenues en violation de la loi ? Si la position de la Cour de cassation était depuis 2003 univoque en matière pénale, elle restait controversée en matière civile. La jurisprudence de la Cour de 2021 apporte désormais sans ambiguïté une réponse à cette question épineuse. Dans cette contribution, il sera exposé comment la Cour a cherché et trouvé des balises afin de peaufiner sa jurisprudence antérieure pour les fins du procès civil.


 

La femme répondit au serpent : « Nous mangeons les fruits des arbres du jardin. Mais, pour celui qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : “Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sinon vous mourrez.” » Le serpent dit à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il avait un aspect agréable et qu’il était désirable, puisqu’il donnait l’intelligence. Elle prit de ce fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea. Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus. » [1]

Tu ne mangeras pas du fruit défendu. Le droit de la preuve belge adhérait jusqu’à il y a peu à cette considération de l’Ancien Testament. La collecte des éléments de preuve en contradiction avec la loi donnait lieu à l’exclusion de la preuve. D’autres conceptions ont récemment fait leur apparition, d’abord dans le droit pénal, où se trouve le fondement de cette règle, dans le droit civil de la preuve ensuite. Nous examinons ci-après ces conceptions de plus près. Paradise lost?

I. Le sort de la preuve illicite : la jurisprudence de principe

Depuis 2003, la Cour de cassation belge a rendu des arrêts médiatisés répondant à une question récurrente : que fait le juge avec les preuves obtenues en violation de la loi ? Alors que la Cour de cassation avait l’habitude d’adhérer strictement à l’idée que les tribunaux ne devaient pas tolérer d’irrégularités dans l’obtention de preuves [2], la Cour a annoncé un changement de cap fondamental avec l’arrêt « Antigone » [3] – nommé d’après une opération de police coordonnée qui était alors en cours à Anvers. Les policiers avaient fouillé le propriétaire d’un café et avaient utilisé les clés de voiture ainsi trouvées pour fouiller cette dernière. Ils y avaient trouvé une arme à feu chargée, dont le numéro de série avait été effacé. Le juge pénal chargé de la détermination de la peine suppose avec le défendeur que la voiture fût fouillée illégalement, mais il soutient tout de même le juge dans sa décision de condamner le défendeur sur base de cette preuve. La Cour de cassation rejette le pourvoi en cassation du condamné. Selon la Cour, l’obtention illicite de la preuve a pour conséquence unique que le juge ne puisse pas prendre la preuve en compte lorsque :

1) la condition de forme violée est prescrite à peine de nullité,

2) l’irrégularité commise entache la fiabilité de la preuve

3) l’utilisation de la preuve viole le droit à un procès équitable [4].

Cette approche a par la suite été appliquée en matière de la sécurité sociale [5] et le contentieux fiscal [6].

Le dénominateur commun de cette jurisprudence est la relativisation d’une règle ­– auparavant considérée comme absolue – d’exclusion des preuves, dans les cas où le Gouvernement met en œuvre des « objectifs publics ». À l’objection selon laquelle il est difficile d’accepter une ligne de conduite plus libérale dans la collecte de preuves par le Gouvernement [7], la réponse fut qu’il ne s’agit pas de l’action en justice du Gouvernement en tant que telle, mais plutôt de l’intérêt public impliqué dans cette action gouvernementale. L’action gouvernementale dans les cas décrits vise à servir l’intérêt public et mérite donc un traitement spécial [8]. Sauf si la loi en dispose autrement en prévoyant une sanction différente (le cas de nullité), il s’agit d’une approche au cas par cas [9]. Avec l’intérêt public comme justification, un nouvel équilibre se dessine donc avec plus de proportionnalité dans l’évaluation de la légalité des preuves du Gouvernement.

Depuis ce changement de direction de la Cour, le débat a fait rage dans la jurisprudence et la doctrine sur la question de savoir si les mêmes critères Antigone doivent s’appliquer à la preuve entre citoyens. L’objection selon laquelle les critères Antigone ont été conçus pour les cas où le pouvoir public mène des enquêtes et plaide dans l’intérêt public n’a pas impressionné de nombreux tribunaux. Le test dit Antigone a été repris dans la jurisprudence civile des juges du fond comme moyen ultime pour trancher les discussions sur le sort des preuves illicites. Alors que la Cour de cassation est restée silencieuse à ce sujet et que le législateur, lors de la (re)codification du droit de la preuve, a préféré laisser passer la question [10], la discussion a pris de l’ampleur dans la doctrine. Ainsi, l’on a démontré qu’Antigone a mis à l’écart l’examen de la vie privée dans les affaires civiles [11].

Le silence de la Cour a récemment pris fin. L’occasion fut une discussion sur la vente d’une voiture d’occasion. Selon le vendeur professionnel, un prix d’achat de 53 500,00 euros avait été convenu par téléphone. Le fait qu’il ait envoyé aux acheteurs un bon de commande signé indiquant un prix de vente de 43 500 euros était une erreur. Les acheteurs ont répondu qu’ils avaient contresigné le bon de commande et que le prix de 43 500 euros était donc contraignant. Le juge de première instance a estimé que l’accord avait bien été conclu pour un prix de 53 500 euros. La cour d’appel réforme cette décision. Si un bon de commande contresigné par les acheteurs indiquant 53 500 euros comme prix de vente peut constituer un début de preuve par écrit, des preuves supplémentaires sont alors nécessaires, preuve que le vendeur n’a pas apportée, ou du moins pas légalement, selon la cour d’appel. Selon cette dernière, l’enregistrement de l’appel téléphonique entre les acheteurs et lui fut effectué secrètement et lorsque les parties étaient déjà engagées dans un litige quant au prix de vente. L’enregistrement est écarté des débats. Le vendeur se pourvoit en cassation. Il avance qu’en tant que justiciable, il a le droit de présenter au tribunal les éléments de preuve dont il dispose et que, sauf si la loi en dispose explicitement autrement, le juge ne peut écarter une preuve illicite que si l’obtention de la preuve est entachée d’un vice qui en élimine la fiabilité ou compromet le droit à un procès équitable.

Annulant l’arrêt attaqué, la cour d’appel a considéré sans équivoque que « sauf disposition contraire expressément prévue par la loi, l’utilisation d’une preuve obtenue illégalement en matière civile ne peut être écartée que si son obtention entache sa fiabilité ou si elle compromet le droit à un procès équitable. » [12] Cette formulation succincte est immédiatement suivie par l’instruction de la cour au juge de prendre en compte « toutes les circonstances de la cause, notamment la manière dont la preuve a été obtenue, les circonstances dans lesquelles l’illégalité a été commise, la gravité de l’illégalité et la mesure dans laquelle le droit de la partie adverse a été violé, le besoin de preuve de la part de la partie qui a commis l’illégalité et l’attitude de la partie adverse. »

La cour confirme la voie empruntée quelques mois plus tard [13]. Dans le cadre d’un litige portant sur une pension alimentaire après un divorce, le demandeur a souhaité mettre fin à cette pension alimentaire en vertu de l’article 301, § 10 de l’ancien Code civil [14], parce que son ex-conjointe cohabitait avec un nouveau partenaire. Sa demande fut déclarée non fondée en première instance, faute de preuves d’une amélioration réelle et significative de la situation économique du bénéficiaire. En appel, cette demande fut néanmoins confirmée fondée, estimant qu’il y avait suffisamment de preuves que le bénéficiaire des pensions vivait désormais avec quelqu’un comme s’ils étaient mariés au sens de l’article 301, § 10, troisième alinéa de l’ancien Code civil. La pension alimentaire n’était donc plus due, selon la cour d’appel.

Dans le premier moyen en cassation, il est reproché au juge d’avoir pris en considération la preuve 29. Il s’agissait d’un extrait du registre national avec historique de la résidence du nouveau partenaire du demandeur. Selon la demanderesse, cette pièce aurait été obtenue en violation de l’objet de l’autorisation d’accès au registre national accordée à l’avocat et constituerait donc une preuve obtenue illégalement. Selon la demanderesse, les avocats ne peuvent utiliser les informations du registre national que pour les besoins de la procédure, notamment pour l’ouverture, la conduite et la clôture d’un procès qui leur est confié ou pour accomplir des actes préalables à la procédure des règlements de conflits. Étant donné que dans le cas présent, le registre national fut consulté par l’avocat de la demanderesse pour effectuer des recherches sur une personne qui n’était pas partie à l’affaire (à savoir le nouveau partenaire de la demanderesse), cette recherche, utilisée comme preuve devant le tribunal, constituerait une preuve obtenue illégalement. Selon la demanderesse, le principe général du droit de défense (CEDH, art. 6 N° Lexbase : L7558AIR) exige que la preuve obtenue illégalement soit toujours rejetée des litiges étant purement de matière civile. Selon la demanderesse, le juge d’appel viole entre autres l’article 6 de la CEDH et le principe général du droit de défense, en n’examinant pas si la preuve fut obtenue de façon licite et en rejetant simplement la demande sur base de la considération que la crédibilité de la preuve ne soit pas affectée et que le droit à un procès équitable ne soit pas compromis.

La Cour de cassation rejette cette critique : « Sauf disposition contraire expressément prévue par la loi, l’utilisation d’une preuve obtenue illégalement en matière civile ne peut être écartée que si son obtention entache sa fiabilité ou si elle compromet le droit à un procès équitable. Le juge doit ainsi prendre en compte toutes les circonstances de la cause, notamment la manière dont la preuve a été obtenue, les circonstances dans lesquelles l’illégalité a été commise, la gravité de l’illégalité et la mesure dans laquelle le droit de la partie adverse a été violé, le besoin de preuve de la part de la partie qui a commis l’illégalité et l’attitude de la partie adverse. Le moyen assumant que du principe général du droit de défense, tel qu’établit entre autres dans l’article 6 CEDH, découle que la preuve obtenue de façon illicite doit être écartée des débats purement de droit civil, échoue en droit. »

II. Qu’est-ce que cela signifie ? Description des tâches et normes correspondantes pour le jugement de la preuve

La doctrine s’accorde à dire qu’avec ce doublé, la Cour de cassation a fixé les normes pour trancher la question de l’exclusion de la preuve, dans ce que la Cour qualifie de « litiges de nature de droit privé pur » [15]. Avant d’entrer dans le champ d’application précis de ces critères, il convient d’apporter quelques précisions terminologiques.

L’exclusion de la preuve dans les litiges de droit privé pur est une exclusion de preuve dans la relation juridique horizontale, entre citoyens ou entre le citoyen et le Gouvernement, lorsque ce dernier entre en jeu. La relation juridique dans ce cas est en effet de nature de droit privé (« affaires civiles ») [16]. Dans cette relation juridique horizontale, le concept de preuve illicite se réfère alors aux cas où la preuve a été obtenue ou est utilisée [17] en violation d’une règle étrangère au droit de la preuve, car lorsqu’une règle du droit de la preuve est ignorée, il s’agit d’une preuve irrecevable et non d’une preuve illicite [18]. Cette dernière distinction explique, par exemple, pourquoi les documents rédigés ou les communications faites pendant et aux fins d’une procédure de médiation sont irrecevables en tant que preuves devant les tribunaux (v. C. jud., art. 1728, § 1) [19]. L’on peut également penser au cas où le parent ascendant d’un enfant avancerait la reconnaissance parentale dans une affaire où ces parents ont des intérêts opposés. Il peut être assumé qu’une telle information constitue la preuve amenée par une partie et que la décision de la rejeter peut être fondée sur son irrecevabilité à la lumière des principes établis dans les articles 931 iuncto et 1004/1 du Code judiciaire.

La formule [20] proposée par la Cour de cassation pour résoudre la question de l’exclusion des preuves respecte la primauté du législateur (« Sauf si la loi en dispose expressément autrement »), puis se penche sur les notions de l’atteinte à la « fiabilité des preuves » et au « procès équitable », qui sont souvent associées. Contrairement à ce que la discussion de l’arrêt de décembre dans le Rapport annuel de la Cour de cassation semble suggérer [21], il n’est pas question d’une simple possibilité d’exclusion de la preuve dans ces cas. La formulation « l’utilisation d’une preuve obtenue illégalement en matière civile ne peut être écartée que si son obtention entache sa fiabilité ou si elle compromet le droit à un procès équitable » établit qu’aucune exclusion de la preuve ne soit possible en dehors de ces normes. Si l’un de ces cas se présente, l’exclusion de la preuve s’impose [22]. Quels sont donc ces critères ?

A. Les critères

1) La fiabilité

La preuve rendue non fiable par son acquisition ne peut pas être prise en compte. Cela semble évident, mais la jurisprudence a pourtant eu du mal à délimiter le champ d’application précis de ce critère de fiabilité [23]. La distinction entre la fiabilité en tant que critère d’évaluation des preuves et la fiabilité en tant que critère d’écartement dans la collecte des preuves n’est pas toujours reflétée. Ainsi, la Cour a jugé que lorsque la forme juridique omise n’est pas prescrite à peine de nullité ou que l’irrégularité n’affecte ni la fiabilité de la preuve ni le droit à un procès équitable, le juge ne peut attribuer une valeur probante légale à un élément de preuve obtenu en violation des dispositions qui réglementent particulièrement la preuve et garantissent sa valeur intrinsèque [24]. L’arrêt fut souvent cité dans le passé pour illustrer qu’en cas de non-respect des règles de preuves réglementées légalement, l’écartement de la preuve s’impose en tant que sanction, à l’exception de l’application d’Antigone [25].

Il est possible de systématiser davantage en établissant une distinction en fonction de la nature de la sanction. Si la loi prescrit un mode particulier pour l’obtention des preuves qui donne lieu à une force probante accrue, le non-respect de ce mode particulier d’obtention des preuves a pour sanction la réduction de la force probante ; en d’autres termes, il n’y a plus lieu à une force probante accrue. Si, au contraire, le juge veut dénier toute valeur probante à la preuve, il doit pouvoir établir que la méthode d’obtention des preuves a fait perdre toute fiabilité à la preuve [26].

Lors de l’application de ce critère de fiabilité, il convient en tout état de cause de garder à l’esprit que le critère doit contribuer à résoudre la question la recevabilité de la preuve et que cette question précède toujours l’appréciation de sa valeur probante, c’est-à-dire l’appréciation de la crédibilité, la confiance, le crédit, le sérieux, que le juge peut lui accorder en conscience [27].

2) Le procès équitable

Il est bien connu que la Cour de cassation a raccroché la question de l’écartement de la preuve dans la relation juridique verticale entre le citoyen et le Gouvernement à la notion du procès équitable. Dans l’approche de la Cour de cassation, cette notion fonctionne comme un terme fourre-tout pour un ensemble de sous-critères destinés à donner une forme concrète à ce procès équitable. Y sont compris tant le degré de diligence avec lequel les preuves ont été recueillies, la portée exacte de la norme juridique, l’objectif normatif de cette règle juridique et la proportionnalité entre la violation de la loi et la gravité de l’infraction dont les preuves sont en cause. Comme susmentionné, l’évaluation au cas par cas en fait partie intégrante [28].

J’ai expliqué ailleurs pourquoi le transfert de cette notion de procès équitable pour résoudre la question de l’écartement des preuves dans les relations juridiques horizontales est problématique [29]. Fondamentalement, l’objection se résume à dire que la collecte de preuves dans la relation juridique verticale est un acte de procédure. Antigone offre des critères de procédure pour répondre à une question de procédure. Les affaires civiles offrent une tout autre perspective. Il n’y a là pas question de phase préliminaire de nature procédurale. Alors que dans les affaires pénales, par exemple, l’obtention de preuves est axée sur le procès et rentre dans la phase procédurale préliminaire, dans les affaires civiles, préalablement au procès il n’existe que des sujets de droit qui peuvent ou non avoir des relations juridiques [30]. La collecte de preuves est ici une question de droit matériel. Cette collecte de preuves peut être destinée à un éventuel litige, mais elle peut également avoir pour seul objectif de produire certains effets juridiques en dehors de toute procédure. Concrètement : qu’il s’agisse d’un employeur qui souhaite justifier un licenciement ou un entrepreneur qui recueille des preuves quant à la concurrence déloyale d’un concurrent, c’est le droit substantiel qui régit leurs actions. Dans les affaires civiles, la question de savoir si la collecte de preuves fut illicite et l’effet que cela a sur le litige sont principalement déterminés par le droit substantiel. Le fait que la discussion sur l’exclusion des preuves ait lieu lors du procès ne peut pas affecter ce principe. Ceux qui n’envisagent la question de l’écartement des preuves que sous l’angle de la nullité, de la fiabilité et du procès équitable n’ont plus besoin de ce droit substantiel [31]. L’exigence d’un procès équitable devient ainsi le seul critère d’appréciation débouchant d’une garantie minimale [32]. Ainsi, Antigone n’aboutit pas à la relativisation, mais bien à la négation du droit substantiel [33].

« Sauf disposition contraire expressément prévue par la loi, l’utilisation d’une preuve obtenue illégalement en matière civile ne peut être écartée que si son obtention entache sa fiabilité ou si elle compromet le droit à un procès équitable. Le juge doit ainsi prendre en compte toutes les circonstances de la cause, notamment la manière dont la preuve a été obtenue, les circonstances dans lesquelles l’illégalité a été commise, la gravité de l’illégalité et la mesure dans laquelle le droit de la partie adverse a été violé, le besoin de preuve de la part de la partie qui a commis l’illégalité et l’attitude de la partie adverse. » [34] Il est tentant de discerner dans l’énumération des « circonstances de la cause » autant de sous-critères de ce procès équitable [35]. Même la discussion de l’arrêt de décembre dans le Rapport annuel de la Cour semble le suggérer [36]. Toutefois, cela ne va pas de soi. Dans la jurisprudence de la Cour de cassation concernant l’exclusion de preuves dans la relation juridique verticale, ces sous-critères servent spécifiquement à étoffer la notion de procès équitable [37] et la Cour laisse au juge (du fond) le soin de choisir lesquels de ces sous-critères il souhaite inclure dans son jugement [38].

La formule actuelle adopte un ton différent dans le deuxième partie de la phrase : « ainsi », c’est-à-dire en décidant de la question de l’exclusion de la preuve, la Cour dit que le juge du fond doit prendre en compte « toutes les circonstances de la cause ». Sous ce titre, la Cour ordonne au juge civil de faire dépendre son jugement de la manière dont la preuve a été obtenue, les circonstances dans lesquelles l’illégalité a été commise, la gravité de l’illégalité et la mesure dans laquelle le droit de la partie adverse a été violé, le besoin de preuve de la part de la partie qui a commis l’illégalité et l’attitude de la partie adverse. Dans cette énumération, trois éléments d’appréciation peuvent être distingués pour le tribunal : l’appréciation à la lumière des circonstances de l’obtention de la preuve, la nécessité de la preuve et l’attitude de la partie contre laquelle la preuve est invoquée. Pourquoi alors continuer de s’accrocher à la notion de procès équitable ? Il semble que la Cour mise sur la reconnaissance de sa formule, même si l’analyse ci-dessous montre que les critères utilisés sont principalement propres au procès civil.

a. Le mode d’obtention de la preuve

Avec ce premier critère, la Cour de cassation demande au juge d’isoler et de qualifier l’acte d’obtention des preuves. Dans l’exposé de son raisonnement, la Cour utilise d’abord des mots neutres (« la manière dont la preuve a été obtenue »), semble ensuite vouloir rappeler que, quoi qu’il en soit, il s’agit ici d’un cas où la preuve illicite est invoquée (« les circonstances dans lesquelles l’illégalité a été commise ») et requiert ensuite du juge qu’il analyse « la gravité de l’illégalité » et donc « la mesure dans laquelle le droit de la partie adverse a été violé » [39].

En bref [40], ce premier critère de pondération revient à la qualification du moyen d’obtention de la preuve. Cette appréciation doit tenir compte tant de l’intensité et de la finalité de la norme invoquée comme violée que de la liberté, du droit subjectif ou de l’intérêt légitime des parties au litige. Une différenciation en fonction de la nature et du contenu de la norme prétendument violée devra donc contribuer à orienter la réponse à la première question. Que constitue une preuve illicite lors de la réponse à cette question ? En m’appuyant sur les critères d’intensité et de finalité de la norme ainsi que sur les travaux de Léonard [41], j’ai précédemment tenté de démontrer que la question de l’exclusion de la preuve gagne également à expliciter la nature de la norme prétendument violée : sert-elle à sauvegarder un intérêt, une liberté ou un droit subjectif ? Et comment cette norme s’articule-t-elle avec l’intérêt, la liberté ou le droit subjectif de l’auteur de l’obtention de la preuve ? [42] Si l’obtention illégale de preuves ou l’utilisation de ces preuves est qualifiée d’acte délictuel [43], il s’agit alors d’examiner les éléments constitutifs de ce fait juridique, et donc de déterminer si, à la lumière des critères susmentionnés, existe une violation matérielle du droit qui est, en outre, imputable (nous reviendrons sur ce dernier point plus loin).

Dans son analyse de l’arrêt de juin, Schouteden préconise une approche différente. Elle aborde ensuite le critère du moyen d’obtention de la preuve, le critère des circonstances dans lesquelles l’irrégularité a été commise et le critère de la gravité de l’illégalité et la mesure dans laquelle le droit de la partie adverse a été violé [44]. Elle place sous ce premier critère l’imputabilité de l’irrégularité commise (intentionnelle ou accidentelle, provoquée, coïncidente ou résultant d’un crime), dans le cadre du deuxième critère, elle traite de l’attente raisonnable de vie privée et, dans le cadre du troisième critère, de la proportionnalité et de l’équilibre entre le droit à la vie privée et le droit à la preuve. Schouteden reconnaît que cette approche peut entraîner un double usage de critères qui ont déjà été abordés dans la qualification de la preuve [45], mais elle ne considère pas cette objection comme décisive : après tout, selon elle, la question de l’utilisation de preuves non admissibles nécessite toujours une pondération des intérêts, qui doit servir à la détermination factuelle de la vérité [46].

Cette approche s’expose à tous les risques que j’ai déjà signalés. Ainsi, l’évaluation de la nature admissible d’une atteinte à la vie privée à la lumière de la notion d’attente raisonnable de vie privée implique déjà un exercice au niveau du droit matériel. L’ajout d’une considération procédurale supplémentaire et, en ce qui me concerne, sans contours, ne peut que saper cette considération antérieure [47]. L’utilisation de concepts tels que la détermination de la vérité et la balance des intérêts ne peut que dissimuler cette situation [48]. Schouteden déclare ainsi à propos de l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt de juin que « noch het recht op een eerlijk proces van de kopers noch de betrouwbaarheid van de opname zijn aangetast. De zoektocht naar de feitelijke waarheid (wilsovereenstemming over de prijs) vereist dat de rechter de opname in de debatten houdt. Aan de hand van de opname wordt de feitelijke waarheid immers het best benaderd » [« ni le droit au procès équitable des acheteurs ni la fiabilité de l’enregistrement n’ont été affectés. La quête de la vérité factuelle (consentement sur le prix) exige que le juge maintienne l’enregistrement dans les débats. C’est effectivement à l’aide de cet enregistrement que la vérité factuelle est approchée au mieux »]. Dans cette approche, il ne reste plus rien du droit matériel et les éléments de pondération discutés par Schouteden en tant que sous-critères sont également vidés de leur sens [49].

Une approche graduelle, par laquelle l’application du droit matériel à la légalité de l’obtention de preuves est le point de départ et le droit procédural n’est qu’un complément (« complémenter et non substituer »), est donc préférable [50]. La procédure bénéficie plus d’un élargissement de la perspective : non pas le choix entre le droit matériel et procédural, mais celui pour le droit matériel et procédural offre la solution. Mon analyse de ce premier critère et des autres critères avancés par la Cour (v. infra) démontre que la jurisprudence de la Cour accepte une telle interprétation et qu’elle est gérable pour le juge du fond.

Un élément brillant par son absence dans l’énumération de la Cour de cassation est la gravité de la faute imputée, ou, en d’autres termes, la mesure dans laquelle l’autre partie a violé la loi [51]. Il ne s’agit pas d’une perte. L’on peut, en effet, objecter à cette évaluation propagée auparavant que l’illégalité commise et la mesure dans laquelle l’autre partie a violé la loi sont mises en balance [52]. La certitude – l’obtention illégale de preuves – serait ainsi mise en balance avec ce dont le tribunal ne peut que présumer l’existence par et après obtention des preuves légales. C’est également ce que de l’avocat général Spier avait exposé dans ses conclusions sous l’arrêt du Hoge Raad relatif au vol à l’étalage : « Onderkend moet intussen worden dat de zojuist ontvouwde gedachtegang vertrekt van het retrospectieve gezichtspunt dat een dader is ontdekt en dat de camera op hem was gericht. Beziet men de zaak vóór de ontdekking en/of vanuit de optiek van een onschuldige, dan krijgt deze uiteraard een andere kleur » [« Il faut cependant reconnaître que le raisonnement qui vient d’être exposé part du point de vue rétrospectif qu’un coupable a été découvert et que la caméra était braquée sur lui. Vue avant la découverte et/ou du point de vue d’une personne innocente, l’affaire prend évidemment une autre couleur »] [53].

b. Le besoin de la preuve

La doctrine juridique a déjà tenté à plusieurs reprises de faire en sorte que le droit à la preuve fasse contrepoids à la discussion sur l’exclusion des preuves illicites [54]. Il est toutefois possible de discuter de la valeur ajoutée du droit à la preuve propagé en tant que droit subjectif autonome – en plus de garantir le droit au procès équitable comme établi dans l’article 6 CEDH N° Lexbase : L7558AIR et le principe général du droit à la défense. Selon la Cour des droits de l’Homme, il découle de l’égalité des armes, qui est intrinsèquement liée au droit d’accès à la justice [55], que dans les litiges où des intérêts privés sont opposés, chaque partie doit se voir offrir une possibilité raisonnable d’exposer sa cause, y compris ses preuves, dans des circonstances qui ne la placent pas dans une position clairement désavantageuse par rapport à la partie adverse [56]. Toutefois, cela n’octroie pas aux parties le droit d’admission de toutes les preuves apportées. De « le droit d’une partie à un procès de se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause – y compris les preuves » [57] en vertu de l’article 6 CEDH, ne découle pas le droit de voir préservées les preuves irrégulières.

Dans son arrêt [58] fréquemment cité N.N. et T. A. c. Belgique au sujet de la preuve (il) légitime dans le contentieux de leur divorce, bien que la Cour des droits de l’Homme commence l’analyse par le positionnement fondamental du conflit entre le droit au procès équitable et le droit à la vie privée, elle restreint ensuite ce procès équitable à la possibilité raisonnable que toute partie doit avoir de présenter sa cause, y compris ses preuves, et ne manque pas l’occasion de souligner la spécificité de l’affaire : « L’affaire s’inscrit dans le cadre d’une procédure en divorce, qui est par nature une procédure au cours de laquelle des éléments de l’intimité de la vie privée et familiale des parties sont susceptibles d’être révélés. » [59] Plutôt qu’une prise de position fondamentale au sujet du conflit entre l’affectation de la preuve illicite et le droit fondamental enfreint invoqué – dans ce cas le droit à la vie privée – l’arrêt démontre que l’atteinte à la vie privée alléguée – et donc la qualification en tant que preuve illicite – ne sera pas prise à la légère dans les matières de divorce.

Des situations dans lesquelles une partie démontre qu’aucun autre moyen de preuve (légal) ne soit ou n’était à sa disposition, sont néanmoins concevables [60]. Cette situation de nécessité de la preuve doit être prise en compte par le juge, car le fait de refuser à une partie la (seule) possibilité de preuve restante constitue un obstacle déraisonnable à l’administration de la preuve et viole donc l’article 6 CEDH [61]. Il s’agit d’une bonne chose que la Cour de cassation suive l’exemple étranger [62] de souligner que le juge doive également tenir compte de cette situation de nécessité de la preuve dans son jugement. À cette fin, le juge examine l’imputabilité de cette nécessité de la preuve et, partant, l’opposabilité de celui qui s’en prévaut.

c. L’attitude de la partie contre laquelle la preuve est invoquée

Avec ce critère, la Cour de cassation comble le fossé entre le droit matériel et le droit procédural. Tel qu’invoqué, le juge au civil a l’obligation de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et à examiner en particulier la nature juridique des faits et actes invoqués par les parties. C’est précisément parce que cette tâche incombe au juge qu’il doit examiner les faits invoqués et contestés, en recourant si nécessaire aux moyens de preuve prévus par la loi. Le rôle du juge trouve donc son effet dans l’organisation de la preuve, et c’est là que la possibilité de l’établissement des faits se présente dans toute son ampleur [63].

Dérivé du rôle du juge de trancher le litige conformément au droit (et donc – j’ajoute – sur base de l’établissement des faits), les parties sont donc obligées de coopérer à la preuve. Qualifié de principe général de droit [64] et entretemps codifié en Belgique [65], le devoir de collaboration à la preuve jouit même au niveau international d’une reconnaissance générale.

La partie qui avance que la preuve est (obtenue de façon) illicite et prétend qu’elle puisse ainsi réfuter les faits avancés, doit être consciente que cela ne la dispense pas de l’obligation de clarifier ce qui tombe sous sa connaissance, telle que le veut la charge de la preuve motivée. Selon ce concept juridique, même si le risque de la preuve reste à la charge de la partie qui apporte la preuve, une justification peut être exigée de la partie adverse lorsqu’il s’agit de faits qui doivent être considérés comme tombant sous sa connaissance [66].

Cette charge de la preuve motivée est facile à faire respecter. Aux Pays-Bas, la Cour Suprême laisse au juge du fond le choix entre accepter l’allégation comme établie en l’absence de contestation motivée, considérer l’allégation comme plausible dans l’immédiat en admettant la possibilité d’une preuve du contraire (pour cela, il suffit que la preuve fournie soit réfutée, ce qui est une mesure plus légère que le renversement de la preuve, et le risque probatoire reste à charge de la partie qui apporte la preuve) ou même – et cela indique une certaine hiérarchie – le renversement de la preuve [67]. Je suis d’accord avec Paijmans [68] pour dire que la considération comme plausible dans l’immédiat soit, pour l’instant, la meilleure incitation à la contestation motivée, dans le respect de la répartition du risque de la preuve, et je considère que ce choix est transposable en droit belge, puisque le législateur a encadré le renversement de la preuve comme un ultimum remedium dans ce cas également [69].

d. Alternative légitime procédurale

Qualifier la preuve selon les critères du droit matériel, prise en compte de l’éventuelle nécessité de la preuve et du comportement procédural de la partie contre qui la preuve est invoquée. Lors de cette évaluation [70] exigeante, le juge peut trouver du réconfort dans ce que j’ai nommé l’alternative légitime procédurale. Le raisonnement est fondé sur le droit de la responsabilité, en particulier l’appréciation du lien causal en tant qu’élément constitutif de cette responsabilité. La Cour de cassation adopte à cette fin l’alternative légitime hypothétique depuis 1988, en formulant une hypothèse contrefactuelle : « Le juge doit ainsi déterminer ce que le défendeur aurait dû faire pour agir régulièrement. Il doit faire abstraction de l’élément fautif dans l’historique du sinistre, sans en modifier les autres circonstances, et vérifier si le dommage se serait également produit dans ce cas. » [71]

Jafferali a souligné que la construction de l’alternative légitime prête également attention à l’objectif de la règle violée, et que cela n’enlève rien à l’application de la doctrine de l’équivalence des conditions [72].

L’utilisation de l’alternative légitime procédurale implique que le juge examine si, à circonstances factuelles inchangées, il aurait pu, en vertu de l’article 877 du Code judiciaire, ordonner la production de la preuve qualifiée d’illégale. À cette fin, il organisera le débat sur la question de savoir si une partie aurait pu invoquer un motif légitime tel que visé à l’article 882 du Code judiciaire [73] – et si oui, lequel – pour contester la production de cette preuve. L’analyse de ce motif légitime en tant que moyen d’opposition est souvent limitée au secret professionnel [74], mais le Rapport Van Reepinghen met plus généralement l’accent sur l’appréciation par le juge de la légitimité du motif invoqué [75]. Il s’agit pour le juge de concrétiser son appréciation en tenant compte des libertés, des droits et des intérêts en jeu  [76].

L’appréciation que cela exige de la part du juge répond à une évaluation de jugements possibles : « Hij vergelijkt dus het hypothetische geval waarbij hij afwijzend op de vordering beslist met het hypothetische geval waarbij hij de vordering toewijst » [« il compare donc le cas hypothétique dans lequel il rejette la demande au cas dans lequel il fait droit à la demande »] [77]. Une telle évaluation de jugements possibles peut aider le juge à déterminer le poids réciproque des critères que la Cour de cassation lui impose de trancher [78].

B. Illustration

Un exemple peut clarifier mon appréciation des critères anno 2021. Dans le cadre d’une procédure de divorce, un époux invoque une faute grave de son épouse pour faire échec à sa demande de pension alimentaire (C. civ., anc. art. 301, § 2, al. 2) [79]. Le mari tire la preuve de cette faute grave de messages électroniques devant démontrer que sa femme entretient une relation adultère et a également tenu des propos offensifs à son égard. L’épouse demande l’écartement de cette preuve, car les messages ont été obtenus en se connectant à son compte électronique après la prise d’effet du divorce de fait avec autorisation de vie séparée.

En appliquant les critères Antigone, l’écartement de cette preuve ne sera pas envisageable [80]. Par la force des choses, la discussion portera sur la question de savoir si la preuve répond aux garanties de fiabilité, et les parties devront en débattre, car c’est la (seule) garantie que leur donne le droit de contradiction.

Si, au contraire, l’on prend le secret de la correspondance, tel que garanti par l’article 8 CEDH N° Lexbase : L4798AQR, en tant que point de départ, l’on doit conclure avec la cour d’appel que « ook wanneer die echtgenote zou hebben nagelaten de sloten van de woning c.q. de brievenbus te veranderen, dan kon geïntimeerde na de rechterlijke beslissing van 10 juli 2007 geen rechtmatige toegang meer nemen tot haar woning c.q. haar brievenbus, en bij uitbreiding tot haar elektronische brievenbus » [« même si l’épouse n’aurait pas changé la serrure de sa maison et de sa boîte aux lettres, le défendeur ne pouvait plus avoir légalement accès à sa maison et sa boîte aux lettres, et par extension à sa boîte aux lettres électronique »]. L’exclusion de la preuve en est alors la conséquence [81].

Ce résultat reste inchangé, même en appliquant l’alternative légitime procédurale. La production forcée de la preuve ne peut être prétexte à l’organisation d’une perquisition privée [82], précisément parce que cela porterait atteinte au droit au respect de la vie privée (Const., art. 22 N° Lexbase : L0848AHU et CEDH, art. 8 N° Lexbase : L4798AQR) [83]. « À circonstances factuelles inchangées » signifie ici que la production ne peut pas être ordonnée dans les mêmes circonstances que celles dans lesquelles la collecte illégale de preuves a eu lieu, précisément parce que la production doit être fondée sur le respect du contradictoire et les droits fondamentaux. Ordonner une telle production serait en même temps en contradiction avec l’objectif de la règle violée : le respect de la vie privée de l’époux. Admettre une telle preuve par le biais de l’alternative légitime procédurale irait donc à l’encontre de l’objectif que l’article 22 de la Constitution et l’article 8 de la CEDH cherchent à défendre.

L’application du premier critère anno 2021 (avec différenciation en fonction de la nature et du contenu de la norme prétendument violée) aboutit ainsi en la disqualification de la preuve obtenue de façon illicite. Les autres critères ne sont pas abordés dans l’arrêt d’Anvers, mais en tout état de cause, l’existence d’une nécessité de la preuve ne doit pas être prise à la légère. Tel que la cour d’appel l’établit correctement, le droit à la curiosité s’arrêta lorsque l’autorisation d’habitation entra en vigueur [84]. L’appréciation du comportement procédural de l’époux contre qui la preuve est invoquée ne peut pas non plus, à mon avis, aboutir à la preuve de l’existence de l’adultère. L’appréciation de la charge de la preuve motivée se fait, comme indiqué (v. supra, n° 11), avec prise en compte de la répartition du risque de la preuve, et celle-ci incombe bien à l’époux qui invoque la faute grave. En d’autres termes, il n’appartient pas au juge d’essayer de toutes ses forces de déclarer prouvé ce qui est avancé par une partie au moyen de preuves manifestement obtenues de manière illégale. À un certain moment, le juge doit décider et les parties doivent l’accepter : final, not infallible [85].

III. Conclusion

Après de nombreux détours, la doctrine du sort de la preuve illicite dans les affaires civiles est aujourd’hui en train de s’éclaircir. La jurisprudence belge devra utiliser les critères fournis par la Cour de cassation anno 2021 et éviter une approche du « tout ou rien ». L’approche du « tout », impliquant que le juge doit toujours pouvoir prendre en compte ce qui se rapproche le plus de la vérité factuelle, est en contradiction avec ce qui a été exposé plus haut. L’approche du « rien », selon laquelle l’obtention illégale de preuves aboutit toujours à l’exclusion de preuves, ne peut pas non plus être retenue depuis les arrêts de la Cour de cassation anno 2021. J’ai défendu ailleurs l’idée que la relation juridique entre citoyens ne justifiait pas et ne nécessitait pas un changement de perspective inspiré d’Antigone, maintenant qu’elle se faisait au détriment du respect du droit substantiel. La procédure civile bénéficiait selon moi plutôt d’un élargissement de la perspective : non pas le choix entre le droit matériel et procédural, mais celui pour le droit matériel et procédural offre la solution [86]. Il semble que la Cour de cassation ait répondu à cet appel. La norme de jugement que montre la Cour de cassation anno 2021 rappelle les critères de la fiabilité et du procès équitable, mais surpasse largement cette approche. La Cour construit ainsi un barrage protégeant du dérapage auquel la simple appréciation à la lumière du procès équitable donnerait lieu et garantit ainsi que la rule of law maintienne le dessus sur la rule of men [87].

 

[1] Genèse, 3:1-7.

[2] Cass., 10 décembre 1923, Pas., 1924, I, 66, concl. P. Leclercq.

[3] Cass., 14 octobre 2003, Arr. Cass., 2003, 1862, concl. M. De Swaef.

[4] Cass., 14 octobre 2003, Arr. Cass., 2003, 1862, concl. M. De Swaef.

[5] Cass., 10 mars 2008, Arr. Cass., 2008, 678.

[6] Cass., 22 mai 2015, Arr. Cass., 2015, 1349.

[7] E. Dirix, De vruchten van de giftige boom, in Liber amicorum Jo Stevens, Bruges, die Keure, 2011, (263) 270.

[8] J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs, Anvers, Intersentia, 2020, 137.

[9] J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs, Anvers, Intersentia, 2020, 44, n° 22 et seq.

[10] Sous prétexte de ne pas vouloir interférer avec le droit formel de la preuve (v. Exposé des motifs relatif au projet de loi portant insertion du Livre 8 « La preuve » dans le nouveau Code civil, Doc., Ch., 2018-19, n° 54-3349/001, 10).

[11] Y.S. Van Der Sype, Naar een geïntegreerde privacybescherming in de onderneming, Malines, Wolters Kluwer, 2017, 204.

[12] Cass., 14 juin 2021, ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20210614.3N.2, AR C.20.0418.N, [en ligne], RW, 2021-22, 1108. L’arrêt fut prononcé par une chambre composée de trois conseillers, ce qui est normalement réservé aux affaires dont la solution paraît s’imposer ou n’appelle pas une décision dans l’intérêt de l’unité ou du développement du droit (v. C. jud., art. 1105 bis).

[13] Cass., 16 décembre 2021, ECLI :BE :CASS :2021 :ARR.20211216.1N.8, AR C.18.0314.N, [en ligne], RW, 2021-22, 1105. V. aussi la discussion approfondie de l’arrêt sous le titre « d’arrêts de principe » dans le Rapport annuel de la Cour de cassation de 2021 (Rapport annuel, 2021, 107 e.s.).

[14] Le dernier alinéa de l’article 301, § 10 de l’ancien Code civil dispose que : « Le juge peut mettre fin à la pension lorsque le bénéficiaire vit maritalement avec une autre personne. »

[15] D. Mougenot, Utilisation des preuves irrégulières en justice : Antigone se met en tenue civile, JT, 2021, (537) 540, n° 8 : « Cet arrêt [l’on parle ici de l’arrêt de la Cour de cassation du 14 juin 2021, JVD] clôture une longue attente » ; M. Schelkens, Cassatie hakt knopen door over onrechtmatig verkregen bewijs in burgerlijke zaken (note sous Cass., 14 juin 2021), TBH, 2021, (2032) 2041, n° 20 ; M. Schouteden, Antigoon in een nieuw, burgerrechtelijk jasje: klaar voor de catwalk?, TBBR, 2022, (251) 274, n° 40. J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs in civiele zaken: dat geeft te denken, RW, 2021-22, (1090) 1097, n° 10 et 1104.

[16] Pour cette distinction, v. précédemment E. Dirix, De vruchten van de giftige boom, in Liber amicorum Jo Stevens, Bruges, die Keure, 2011, (263) 269 ; repris systématiquement dans J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs, Anvers, Intersentia, 2020, 2, n° 1.

[17] Ce dernier ajout couvre également l’hypothèse d’une preuve étant illicite par nature. Avancer une preuve qui est illicite par nature (la notion implique qu’un élément de preuve est affligé d’une caractéristique qui empêche son utilisation, par exemple la production d’une preuve soumise au secret professionnel, v. B. Cattoir, Burgerlijk bewijsrecht, in APR, Malines, Kluwer, 2013, n° 997) est également qualifié d’illicite.

[18] V. désormais expressément à cet effet l’article 8.1, 13° du Livre 8 « La preuve » du Code civil : « Admissibilité : la conformité de la preuve avec les règles du présent livre, qui précisent à quelles conditions un mode de preuve [la preuve, ndlr] peut constituer la preuve d’un fait contesté » (loi du 13 avril 2019, portant création d’un Code civil et y insérant le Livre 8 « La preuve », MB, 14 mai 2019, entrée en vigueur le 1er novembre 2020). Les travaux préparatoires confirment que « Le concept d’admissibilité d’une preuve ne vise que la conformité d’un élément de preuve aux règles relatives à la preuve au sens strict et laisse de côté la problématique de la preuve déloyale ou contraire à une règle de droit étrangère à la preuve » (v. Exposé des motifs du projet de loi portant insertion du Livre 8 « La Preuve » dans le nouveau Code civil, Doc., Ch., 2018-19, n° 54-3349/001, 10).

[19] L’illustration démontre par le même effet que la notion du droit de la preuve formel, qui se situe traditionnellement dans le Code judiciaire, n’est pas dépourvue de toute importance (v. à ce sujet J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs, Anvers, Intersentia, 2020, 157, note de bas de page 577).

[20] Par analogie avec le principe général de droit du devoir du juge, l’obligeant à trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et à examiner la nature juridique des faits et actes invoqués par les parties.  Ne pas prendre en considération d’autres faits que ceux qui sont invoqués et contestés, respecter l’avantage dans son avancement de fait, respecter l’accord des parties qui n’entrave pas à l’ordre public, tout en respectant les droits de la défense ; ce sont les limites du rôle du juge lors de l’application du droit aux faits (v. Cass., 14 avril 2005, Arr. Cass., 2005, 868, concl. P. De Koster, JT, 2005, 659, note J. Van Compernolle, err. JT, 2005, 796, JLMB 2005, 856, note G. De Leval, Pas., 2005, 862, concl. P. De Koster, RABG, 2005, 1663, note R. Verbeke), qui annule les considérations suivantes : « Attendu que l’arrêt relève que la demanderesse n’invoque pas la responsabilité contractuelle de la défenderesse mais seulement sa responsabilité quasi-délictuelle et décide qu’il ne peut, dès lors, examiner si la défenderesse n’a pas engagé sa responsabilité contractuelle ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si, sur la base des faits que la demanderesse invoquait à l’appui de sa demande, la responsabilité contractuelle de la défenderesse n’était pas engagée, l’arrêt n’a pas justifié légalement sa décision » ; (plus) récemment Cass., 28 juin 2018, AR C.17.0696.N, concl. C. Vandewal, RW, 2018-19, 1260, note ; Cass., 4 juin 2020 AR C.19.0079.N ; à ce sujet B. Wylleman, De verplichting van de burgerlijke rechter om ambtshalve rechtsgronden op te werpen, in Hof van Cassatie, Jv.Cass. 2017, (172) 174 ; plus loin J.-F. Van Drooghenbroeck, L’office juridictionnel du juge belge, in C. Chainais, B. Hess, A. Saletti et J.-F. Van Drooghenbroeck (réd.), L’office du juge. Études de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2018, 43 et seq. ; W. Van Eeckhoutte, Schuifelen op de rechterstoel. De taak van de rechter in het Belgisch privaatrechtelijk procesrecht: een kwestie van moeten of mogen, in VERENIGING VOOR DE VERGELIJKENDE STUDIE VAN HET RECHT VAN BELGIE EN NEDERLAND (réd.), Preadviezen, 2015, La Haye, Boom Juridische uitgevers, 2015, 251 et seq. ; J. Van Doninck, Ambtshalve aanvulling van rechtsgronden: een tour d’horizon, in Liber amicorum Johan Erauw, Anvers, Intersentia, 2014, 229 et seq. ; précédemment B. Allemeersch, Taakverdeling in het burgerlijk proces, Anvers, Intersentia, 2007, Volume III, chapitres 3 et suivants, 177 et seq.

[21] Rapport annuel 2021, 112 : « Par ailleurs, il convient de faire remarquer qu’à l’instar du contrôle pénal, le contrôle civil suppose une simple option32 (et donc pas une obligation) d’écarter la preuve dans l’appréciation des critères « atteinte à la fiabilité » et « mise en péril du droit à un procès équitable ». Le Rapport renvoie à la note infrapaginale 32 en indiquant ce qui suit : « Voir le considérant : "l’utilisation d’une preuve obtenue illégalement en matière civile ne peut être écartée que si son obtention entache sa fiabilité ou si elle compromet le droit à un procès équitable" (soulignement et gras ajoutés). » Il semble être question ici d’une erreur de raisonnement du type « foutieve disjunctie » [« disjonction fautive »] (comp. F. Peeraer, Juridisch argumenteren, Oud-Turnhout, Gompel&Svacina, 2019, 239, n° 371)

[22] Comp. en matière pénale Cass., 8 novembre 2005, Arr. Cass., 2005, 2175 ; Cass., 4 décembre 2007, Arr. Cass., 2007, 2388, Pas. 2007, 2226, RW, 2008-09, 110, note B. De Smet, T.Strafr., 2008, 274.

[23] P. Traest, Actualia bewijs in strafzaken, in DIENST PERMANENTE VORMING VAN DE ORDE VAN ADVOCATEN VAN DE BALIE VAN KORTRIJK (ed.), Bewijsrecht, Gand, Larcier, 2014, (129) 147-148.

[24] Cass., 26 novembre 2008, Arr. Cass., 2008, 2730, JT, 2008, 741, concl. D. Vandermeersch, Pas., 2008, 2673, concl. D. Vandermeersch, RW, 2010-11, 450, note. Il s’agissait d’une affaire dans laquelle le juge avait pris en considération la preuve provenant d’un éthylomètre (concentration d’alcool dans l’air alvéolaire expiré) qui n’était pas contrôlé par l’Institut belge pour la sécurité routière.

[25] V. la paraphrase ultérieure de ce jugement par D. Vandermeersch dans ses conclusions sous l’arrêt de la Cour de cassation du 14 mai 2014, AR P.14.0186.F, Arr. Cass., 2014, 1194, [en ligne]: « Dans certaines matières où la loi règle spécialement l’administration de la preuve, la Cour considérait [...] que là où la loi a fixé des conditions ou des formalités strictes que l’on pouvait considérer comme substantielles dès lors qu’elles étaient édictées pour garantir la qualité intrinsèque de la preuve, le test "Antigoon" ne s’appliquait pas lorsque l’irrégularité résultait du non-respect de ces règles » ; P. Traest, Het bewijs in het wegverkeerrecht en Antigoon, in P. Lecocq e M. Dambre (réd.), Rechtskroniek voor de vrede- en politierechters 2012, Bruges, die Keure, 2012, (191) 201 et seq.; C. De Roy, Kroniek wegverkeersrecht 2010-2013: overzicht van de belangrijkste evoluties in wetgeving en rechtspraak, RW, 2013-14, (1323) 1324, n° 9 ; P. Traest, Actualia bewijs in strafzaken, in DIENST PERMANENTE VORMING VAN DE ORDE VAN ADVOCATEN VAN DE BALIE VAN KORTRIJK (réd.), Bewijsrecht, Gand, Larcier, 2014, (129) 149 ; J. De Codt, La nouvelle loi sur les nullités : un texte inutile ?, Rev.dr.pén., 2014, (245) 262-263 ; T. Decaigny, De stille evolutie inzake de uitsluiting van onbetrouwbaar bewijs, T.Strafr., 2015, (167) 170, n° 8. Pour un aperçu de la jurisprudence d’Antigone précédente relative à la circulation routière v. B. Devos et C. Bleret, La jurisprudence Antigone en matière de roulage, in R. Alvarez Campa (réd.) Circulation routière et responsabilité, Limal, Anthemis, 2012, (7) 26-44.

[26] Comp. Cass., 12 mars 2014, Arr. Cass., 2014, 752, Pas., 2014, 702 : « Pour déchoir de sa valeur probante légale une preuve réglée spécialement par la loi, le juge doit constater qu’elle a été rapportée en violation d’une disposition qui en garantit la qualité intrinsèque ; la loi ne subordonne pas ladite valeur probante au visa exact et complet de la réglementation applicable » et Cass., 26 mai 2015, Arr.Cass., 2015, 1383, Pas., 2015, 1361, T.Strafr., 2015, 263, note T. Decaigny, RW, 2016-17, 1419, note S. Van Overbeke : « En ce qui concerne le critère de la fiabilité de la preuve, le juge ne peut écarter un élément de preuve que s’il constate que l’irrégularité a effectivement porté atteinte à la fiabilité de la preuve. »

[27] F. Dumon, De la motivation des jugements et arrêts et de la foi due aux actes, JT, 1978, (485) 486-487, n° 35. Également décrit ailleurs comme « l’aptitude des éléments recueillis de la sorte à persuader le juge de la vérité d’un fait » (v. Cass., 31 octobre 2012, Arr. Cass., 2012, 2385).

[28] J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs, Anvers, Intersentia, 2020, 44, n° 22 et seq.

[29] J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs, Anvers, Intersentia, 2020, 151 et seq.

[30] S. Guinchard, Une vision renouvelée de leurs relations dans l’émergence d’un droit processuel humaniste, in S. Amrani-Mekki (réd.), Procédure civile et procédure pénale. Unité et diversité ?, Bruxelles, Bruylant, 2014, (27) 28 ; comp. M. Kremer, Onrechtmatig verkregen bewijs in civiele zaken, Deventer, Tjeenk Willink, 1999, 193 : « de bewering dat zulke handelingen nietig zijn, ziet daaraan volstrekt voorbij » [« l’affirmation selon laquelle ces actes sont nuls ne tient aucunement compte de cela »].

[31] Comp. E. Maes, Onrechtmatig verkregen bewijs in civiele zaken in België en Duitsland, RW, 2014-15, (682) 700, n° 45 ; B. Allemeersch, Controversiële bewijzen in handelszaken, in B. Tilleman en E. Terryn (réd.), Handels- en Economisch Recht, Deel 1, Ondernemingsrecht, Volume A, Ter gelegenheid van het emeritaat van Professor dr. Gabriël Luc Ballon, Malines, Kluwer, 2011, 663, n° 806 : « Het is inderdaad zo dat de limitatief omschreven gevallen waarin luidens deze formule wering mogelijk is, zich in burgerlijke of handelszaken zelden zullen voordoen, waardoor het leerstuk van het ongeoorloofd bewijs zo goed als helemaal ontmanteld wordt » (« En effet, les cas limitatifs dans lesquels, selon cette formule, l’exclusion est possible, se produiront rarement en matière civile ou commerciale, ce qui démantèle virtuellement la doctrine de la preuve déloyale. »

[32] L. Cadiet, Efficience versus équité, in Mélanges Jacques van Compernolle, Bruxelles, Bruylant, 2004, (25) 40 : « Les exigences du procès équitable ne sont pas un idéal, mais un minimum. »

[33] Comp. M. Mekki, Preuve et vérité en France, in Travaux de l’association Henri Capitant, La preuve, Journées Pays-Bas/Belgique, t. LXIII, Bruxelles, Bruylant, 2013, (815) 846, n° 47-48, où il discute du « juge éclairé par le respect d’un débat contradictoire » en tant que seul critère.

[34] Cass., 14 juin 2021, ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20210614.3N.2, AR C.20.0418.N, [en ligne], RW, 2021-22, 1108, moyen 2 ; Cass., 16 décembre 2021, ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20211216.1N.8, AR C.18.0314.N, RW, 2021-22, 1105, moyen 1.

[35] M. Schouteden, Antigoon in een nieuw, burgerrechtelijk jasje: klaar voor de catwalk?, TBBR, 2022, (251) 266, n° 31.

[36] Rapport annuel, 2021, 111: « Enfin, le contrôle civil, tout comme le contrôle pénal, doit également être précisé au moyen d’une série de sous-critères spécifiques adaptés au droit civil. »

[37] Comp. en matière civile Cass., 5 mai 2020, AR P.19.1272.N, ECLI :BE :CASS :2020 :ARR.20200505.2N.1, [en ligne], moyen 5 : « Le juge apprécie souverainement sur la base des éléments de la cause si, en raison de l’irrégularité commise, l’usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable. Il peut notamment tenir compte dans son appréciation d’une ou de plusieurs des circonstances suivantes : l’irrégularité a été commise de manière intentionnelle ou non ou en raison d’une négligence inexcusable ; la gravité de l’infraction dépasse de manière importante la gravité de l’irrégularité ; l’irrégularité concerne uniquement un élément matériel de l’infraction ; l’irrégularité a un caractère purement formel ; l’irrégularité est sans incidence sur le droit ou la liberté protégés par la norme transgressée. »

[38] Comp. à nouveau Cass., 5 mai 2020, AR P.19.1272.N, ECLI:BE:CASS:2020:ARR.20200505.2N.1, [en ligne], moyen 5 : « Le juge apprécie souverainement sur la base des éléments de la cause si, en raison de l’irrégularité commise, l’usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable. Il peut notamment tenir compte dans son appréciation d’une ou de plusieurs des circonstances suivantes : l’irrégularité a été commise de manière intentionnelle ou non ou en raison d’une négligence inexcusable ; la gravité de l’infraction dépasse de manière importante la gravité de l’irrégularité ; l’irrégularité concerne uniquement un élément matériel de l’infraction ; l’irrégularité a un caractère purement formel ; l’irrégularité est sans incidence sur le droit ou la liberté protégés par la norme transgressée », je souligne. Ce même arrêt met en outre en évidence les situations auxquelles cette approche « facultative » de la Cour peut donner lieu, comme la Cour se voit obligée d’indiquer dans le moyen 6 que : « Si le juge ne doit pas nécessairement tenir compte d’une ou de plusieurs de ces circonstances lorsqu’il apprécie le caractère équitable du procès, la seule circonstance que l’irrégularité n’empêche pas le prévenu de contredire la preuve ou son obtention ne suffit pas pour considérer que l’usage de la preuve obtenue irrégulièrement n’est pas contraire au droit à un procès équitable. »

[39] Cass., 14 juin 2021, C.20.0418.N, ECLI :BE :CASS :2021 :ARR.20210614.3N.2, [en ligne], RW, 2021-22, 1108, moyen 2 ; Cass., 16 décembre 2021, ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20211216.1N.8, AR C.18.0314.N, RW, 2021-22, 1105, moyen 1.

[40]Il est remarquable que le Rapport annuel contienne des références auprès des autres critères, mais passe ce premier critère sous silence (v. Rapport annuel, 2021, 111).

[41] T. Léonard, Conflits entre droits subjectifs, libertés civiles et intérêts légitimes, Bruxelles, Larcier, 2005.

[42] Sur cette question de qualification, v. J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs, Anvers, Intersentia, 2020, 164-176 et 238-242. Van Compernolle et Fettweis qualifient ma labellisation en droit substantiel de « relativement souple » (v. J. Van Compernolle et A.-L. Fettweis, Principes directeurs du procès civil, in G. De Leval réd.), Droit judiciaire – Tome 2 : Procédure civile – Volume 1, Bruxelles, Larcier, 2021 (21) 88). Cette caractérisation me semble incontestablement correcte, considérant le dénouement. En ce qui me concerne, la voie à suivre est conforme à ce que Leijten nomma « de topische rechtsvinding » [« l’examen juridique topique »], c’est-à-dire la réflexion sur le droit matériel en partant de l’affaire soumise à la décision (probleemdenken [réflexion en partant du problème]) (v. J.C.M. Leijten, Rechtspraak en topiek, in W. Van Gerven et J.C.M. Leijten, Theorie en praktijk van de rechtsvinding, Zwolle, Tjeenk Willink, 1981, (63) 75). Je souligne.

[43] J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs, Anvers, Intersentia, 2020, 180, n° 122.

[44] M. Schouteden, Antigone sous une nouvelle forme de droit civil : prêt pour le défilé ?, TBBR, 2022, (251) 267-271.

[45] M. Schouteden, Antigoon in een nieuw, burgerrechtelijk jasje: klaar voor de catwalk?, TBBR, 2022, (251) 272, n° 47 : « De lijn tussen de geoorloofdheidsbeoordeling en de weringstoets is soms flinterdun » [La distinction entre l’évaluation de l’admissibilité et le critère d’exclusion est parfois très délicate].

[46] M. Schouteden, Antigone sous une nouvelle forme de droit civil : prêt pour le défilé ?, TBBR, 2022, (251) 266, n° 31.

[47] Y.S. Van Der Sype, Naar een geïntegreerde privacybescherming in de onderneming, Malines, Wolters Kluwer, 2017, 204.

[48] J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs, Anvers, Intersentia, 2020, 205 et seq. (sur la détermination de la vérité) respectivement 231 et seq. (sur l’équilibrage des intérêts) ; J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs: een grondslagenonderzoek, RW, 2020-21, (1283) 1299-1302.

[49] Le danger de cette approche est démontré de manière adéquate dans la réflexion suivante de Stalev, lorsqu’il indiqua l’importance de la recherche de la vérité dans le cadre du droit procédural civil dans les anciens États socialistes d’Europe de l’Est : « If the illegally obtained evidence does not correspond to the truth, the party can object to it » (v. Z. Stalev, Fundamental guarantees of litigants in civil proceedings: a survey of the laws of the European people’s democracies, in M. Cappelletti et D. Tallon (réd.), Fundamental guarantees of the parties in civil litigation. Studies in National, International and Comparative Law prepared at the request of Unesco under the auspices of the International Association of Legal Science, Milan, Giuffrè, 1973, (355) 414. La recherche de la vérité dans les anciens États socialistes est l’argument par excellence pour l’admission de la preuve obtenue illégalement (v. M. Kremer, Onrechtmatig verkregen bewijs in civiele zaken, Deventer, Tjeenk Willink, 1999, 170 ; G.A. Micheli et M. Taruffo, Evidence in the procedure, in M. Storme et H. Casman (réd.), Towards a Justice with a human face. The first international congress on the law of civil procedure, Anvers, Kluwer, 1978, (123) 125.

[50] J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs, Anvers, Intersentia, 2020, 163, n° 108. J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs: een grondslagenonderzoek, RW, 2020-21, (1283) 1294. Pour un excellent résumé v. J. Van Compernolle et A.-L. Fettweis, Principes directeurs du procès civil, in G. De Leval (réd.), Droit judiciaire – Tome 2: Procédure civile – Volume 1, Bruxelles, Larcier, 2021 (21) 88.

[51] K. Crauwels, Onrechtmatig bewijs… Of wat ervan overblijft? De invloed van de Antigoonrechtspraak op het onrechtmatig verkregen bewijs in burgerlijke zaken, in M. Faure et W. Rauws (réd.), Recente ontwikkelingen in het arbeids-, economisch, straf- en familierecht. Huldeboek voor Mr. Jos Van Goethem, Anvers, Intersentia, 2009, (169) 182 ; F. Kefer, Antigone et Manon s’invitent en droit social. Quelques propos sur la légalité de la preuve (note sous Cass., 10 mars 2008), RCJB, 2009, (333) 350, n° 22 ; K. Wagner, Actualia burgerlijk bewijsrecht, P&B 2009, (153) 167, n° 46 ; B. Cattoir, Burgerlijk bewijsrecht in APR, Malines, Kluwer, 2013, 570, n° 1047 ; Dirix mentionne également le critère, De vruchten van de giftige boom, in Liber amicorum Jo Stevens, Bruges, die Keure, 2011, (263) 271, tel qu’indiqué lors du renvoie à Haardt (v. W.L. Haardt, Bewijs en balans. Afweging van belangen in het nieuwe bewijsrecht, in het bijzonder bij “onrechtmatig verkregen bewijs”, in Vorm en wezen. Opstellen aangeboden aan W.H. HEEMSKERK, Utrecht, Uitgeverij Lemma, 1992, (81) 95-96).

[52] Comp. T. Léonard et K. Rosier, La jurisprudence « Antigoon » face à la protection des données : salvatrice ou dangereuse ?, RDTI, 2009, (5) 9, in fine.

[53] V. concl. J. Spier à la Cour suprême (Hoge Raad, NL) le 27 avril 2001, nr. C99/318HR, ECLI :NL :PHR :2001 :AB1347, [en ligne], nr. 3.34 ; comp. M. Kremer, Onrechtmatig verkregen bewijs in civiele zaken, Deventer, Tjeenk Willink, 1999, 57.

[54] Le lien avec la problématique de la preuve illicite fut exposé de façon la plus prononcée par B. Allemeersch, Stand van zaken en recente ontwikkelingen op het vlak van het bewijs in rechte, in P. Van Orshoven (réd.), Gerechtelijk Recht. Themis school voor postacademische vorming. Academiejaar 2010-2011, nr. 59, Bruges, die Keure, 2010, (35) 53, n° 29 ; et B. Cattoir, Burgerlijk bewijsrecht, in APR, Malines, Kluwer, 2013, 567, n° 1042 ainsi que les renvois ; avec caution : D. Mougenot, La preuve, in Rép. Not., Bruxelles, Larcier, 2012, 96 ; D. Mougenot, Le droit à la preuve (note sous Anvers 11 février 2015), P&B, 2015, (64) 66, n° 5 ; D. Mougenot, Antigone au milieu du gué, in C. Delforge (réd.), La preuve en droit privé : quelques questions spéciales, Bruxelles, Larcier, 2017, (127) 157, n° 25.

[55] CEDH, Golder c. Verenigd Koninkrijk, 1975, attendu 36 [en ligne].

[56] CEDH, Dombo Beheer BV c. Pays Bas, 1993, attendu 33 [en ligne].

[57] CEDH, N.N. et T.A. c. Belgique, 2008, attendu 42 [en ligne].

[58] J.-P. Gridel, Respect de la vie privée et droit de la preuve devant le juge civil, Cour de cassation – Bulletin d’information, 2015, nr. 826, (5) 7 ; Cour de cassation, Rapport Annuel 2012. La preuve dans la jurisprudence de la Cour de cassation, Paris, Direction de l’information légale et administrative, 2013, 329.

[59] CEDH, N.N. et T.A. c. Belgique, 2008, attendu 46 et encore attendu 47 : « les ingérences qui en découlent inévitablement » [en ligne].

[60] G. Goubeaux, Le droit à la preuve, in C. Perelman et P. Foriers (réd.), La preuve en droit – travaux du centre national de recherches de logique, Bruxelles, Bruylant, 1981, (277) 298-299, n° 29 ; M. Kremer, Onrechtmatig verkregen bewijs in civiele zaken, Deventer, Tjeenk Willink, 1999, 134 ; M. Kremer, Noot bij bewijsnood, in Amice, Opstellen aangeboden aan prof.mr. G.R. Rutgers (Rutgers-bundel), Deventer, Kluwer, 2005, (197) 204.

[61] Pour cette notion formulée récente de « limitation déraisonnable », v. Cass., 26 octobre 2017, AR C.14.0457.N, ECLI :BE :CASS :2017 :ARR.20171026.5, [en ligne], RW, 2018-19, 185 : « Le droit à un procès équitable comprend notamment les droits de la défense et implique notamment que l’administration de la preuve ne peut être entravée de manière déraisonnable. Les droits de la défense impliquent également le droit à l’assistance d’un avocat, ce qui entraîne la confidentialité de la correspondance. Il s’ensuit que le droit à l’administration de la preuve peut être limité par la confidentialité de certaines correspondances. Le moyen, qui, en cette branche, sans prendre en considération la limitation résultant de la confidentialité de certaines correspondances, suppose que les juges d’appel ne pouvaient légalement rejeter la demande de production de documents sans violer le droit à un procès équitable ainsi que les droits de la défense, ne peut être accueilli. »

[62] Cass. civ. (FR) 5 avril 2012, n° 11-14.177, F-P+B+I N° Lexbase : A1166IIZ. Dans une affaire de succession, le fils-héritier, en sa qualité d’administrateur de la succession, avait retrouvé un échange de lettres entre ses parents décédés, sa sœur et son beau-frère, qui, selon lui, constituait la preuve de donations déguisées. Son rejet entre en conflit avec le njet de la Cour de cassation : « Attendu qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la production litigieuse n’était pas indispensable à l’exercice de son droit à la preuve, et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. » Je souligne cette terminologie cruciale, comp. Cour de cassation, Rapport Annuel 2012. La preuve dans la jurisprudence de la Cour de cassation, Paris, Direction de l’information légale et administrative, 2013, 329-330 (« l’exigence du "seul moyen" ») ; N. Fricero, La recevabilité des preuves « déloyales » en matière civile, Procédures, 2015, n° 12, (32) 33, n° 9 : « La preuve déloyale doit être “indispensable”. La déloyauté n’est admise qu’à titre subsidiaire, et seulement si le plaideur est dans l’impossibilité de rapporter une preuve en respectant la loi. » La Bundesgerichthof allemande reconnaît également la possibilité d’invoquer la nécessité de la preuve (v. Bundesgerichtshof (DE) 15 mai 2018, n° VI ZR 233/17, [en ligne], attendus 30, 34 et 37, jugement axé sur la difficulté de la preuve lors d’un accident de la route qui manque d’autres éléments de preuve : « Ein solcher Beweisnotstand gehe über das schlichte Beweisinteresse hinaus. Es sei mit einer rechtsstaatlichen Prozessleitung nicht vereinbar, dem Beweispflichtigen die Verwertung einer vorhandenen Video-Aufzeichnung zu versagen, mit der er die Unwahrheit der gegnerischen Unfalldarstellung oder die Identität des geflohenen Unfallgegners belegen könne. »

[63] J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs, Anvers, Intersentia, 2020, 255 et seq.

[64] Cass., 14 novembre 2013, Arr. Cass., 2013, (2401) 2406, moyen 7.

[65] L’article 8.4, alinéa 3 du Livre 8 « La Preuve » du Code civil, dispose que : « Toutes les parties doivent collaborer à l’administration de la preuve » (introduit par l’article 3 de la loi du 13 avril 2019, loi portant création d’un Code civil et y insérant un Livre 8 « La Preuve », MB, 14 mai 2019).

[66] Aux Pays-Bas, ce raisonnement fut introduit à la Cour Suprême (Hoge Raad NL) 18 décembre 1925, NJ, 1926, 228, note E.M. Meijers ; comp. en Belgique Cass., 18 janvier 2007, Res Jur.Imm., 2007, 27 : un entrepreneur est tenu responsable par la Région Wallonne pour le non-respect de l’obligation de sécurité repris dans le cahier des charges de dragage. Selon la Cour de cassation, en reprochant à cet entrepreneur de ne pas avoir prouvé qu’il avait pris des mesures pour assurer la sécurité des bateliers, malgré la présence de rochers, le juge n’attribue pas illégalement la charge de la preuve au détriment de l’entrepreneur : « L’arrêt ne dispense pas la première défenderesse [la Région Wallonne] de démontrer que la seconde défenderesse [le contractant] n’a pas pris toutes les mesures de sécurité utiles et n’impose pas davantage à la seconde défenderesse de prouver qu’elle avait pris de telles mesures. Il détermine seulement la mesure dans laquelle cette partie, tenue à un devoir de collaboration à l’administration de la preuve, devait s’expliquer sur ce qu’elle avait fait pour prévenir la survenance du dommage. » Je souligne.

[67] Hoge Raad (NL) 4 avril 2014, n° 13/02846, ECLI:NL:HR:2014:831, [en ligne], attendu 3.6.3 ; un exposé approfondi à ce sujet : B.M. Paijmans, De verzwaarde stelplicht revisited, NTBR, 2016, afl. 1, (4) 11 et seq., particulièrement 13, n° 6 in fine ; I. Giesen, Aansprakelijkheid van de (letselschade)advocaat voor informatieverzuimen: het bewijs van de zorgplichtschending en de (ontbrekende) eigen schuld van de cliënt, TvP, 2016, (35) 38-39, n° 2.4 ; W.D.H. Asser, Bewijs in Mr. C. Assers Handleiding tot de beoefening van het Nederlands burgerlijk recht Procesrecht, 3e partie, Deventer, Kluwer, 2017, 399, n° 309.

[68] B.M. Paijmans, De verzwaarde stelplicht revisited, NTBR, 2016, afl. 1, (4) 13, n° 6 in fine.

[69] L’article 8.4, alinéa 5 du Livre 8 « La Preuve » du Code civil stipule ce qui suit en ce qui concerne le renversement des preuves : « Le juge peut déterminer, par un jugement spécialement motivé, dans des circonstances exceptionnelles, qui supporte la charge de prouver lorsque l’application des règles énoncées aux alinéas précédents serait manifestement déraisonnable. Le juge ne peut faire usage de cette faculté que s’il a ordonné toutes les mesures d’instruction utiles et a veillé à ce que les parties collaborent à l’administration de la preuve, sans pour autant obtenir de preuve suffisante » (introduit par l’article 3 de la loi du 13 avril 2019, loi portant création d’un Code civil et y insérant un Livre 8 « La preuve », MB, 14 mai 2019). Les travaux préparatoires confirment que le renversement de la preuve peut également servir de moyen de sanction en cas de non-respect de la coopération à la preuve (v. Exposé des motifs relatif au projet de loi insérant le Livre 8 « La Preuve » dans le nouveau Code civil, Doc., Ch., 2018-19, n° 54-3349/001, 15 et l’exposé de Dr. Vandenbussche pendant l’audience du 20 novembre 2018, ajouté en tant que pièce jointe au Rapport fait au nom de la commission de la justice par M. Gautier Calomné et Mme Özlem Özen portant insertion du Livre 8 « La preuve » dans le nouveau Code civil, Doc., Ch., 2018-19, n° 54-3349/005, 36). En tant qu’« ultimum remedium » (v. Exposé des motifs de la loi portant insertion du Livre 8 « La Preuve » dans le nouveau Code civil, Doc., Ch., 2018-19, n° 54-3349/001, 14). L’ajout trouve son explication dans les commentaires critiques du Conseil d’État à cet égard (v. avis n° 63.445/2, du 27 juin 2018, Doc., Ch., 2018-19, n° 54-3349/001, 84). À ce sujet, voyez également l’exposé de Dr. Vandenbussche pendant l’audience du 20 novembre 2018, ajouté en tant que pièce jointe au Rapport fait au nom de la commission de la justice par M. Gautier Calomné et Mme Özlem Özen portant insertion du Livre 8 « La preuve » dans le nouveau Code civil, Doc., Ch., 2018-19, n° 54-3349/005, 35).

[70] J. H. Nieuwenhuis, Brief aan een jonge academisch gevormde vrouw, Zutphen, Paris, 2009 : « In het burgerlijk recht valt heel wat af te wegen: belangen, kansen, rechten. Zij vergen elk een eigen weegkunst » [« En droit civil, beaucoup de choses doivent être mises en balance : intérêts, opportunités, droits. Chaque élément exige un art de mise en balance particulier »].

[71] Pour cette formulation, v. Cass., 12 juin 2017, AR C.16.0428N, [en ligne], RW, 2018-19, 381, note ; Cass., 28 juin 2018, AR C.17.0696.N, [en ligne], concl. C. Vandewal avec les références qui y figurent, RW, 2018-19, 1260, note.

[72] R. Jafferali, L’alternative légitime dans l’appréciation du lien causal. Corps étranger en droit belge de la responsabilité ?, in F. Glansdorff (réd.), Droit de la responsabilité. Questions choisies, Bruxelles, Larcier, 2015, (97) 133-134, n° 25-26.

[73] C. jud., art. 882 : « La partie ou le tiers qui s’abstiennent, sans motif légitime, de produire le document ou sa copie, selon la décision du juge, peuvent être condamnés à tels dommages-intérêts qu’il appartiendra. »

[74] Cass., 30 octobre 1978, Arr. Cass,. 1978-79, 235; Cass., 29 octobre 1991, Arr. Cass., 1991-92, 197.

[75] Rapport de M. Charles Van Reepinghen, Commissaire royal à la réforme judiciaire, sur le projet de loi introduisant le Code judiciaire, Sénat, Doc.Parl., 1963-64, n° 60, 214 in fine.

[76] Dans ce sens, Kaissis établissait : « Die aufgezeigten Konkretisierungsprobleme bringen zwar Unsicherheit mit sich, lassen sich aber in casu bewältigen » (v. A. Kaissis, Die Verwertbarkeit materiell-rechtswidrig erlangter Beweismittel im Zivilprozeß, Europäische Hochschulschrift en, Frankfurt am Main, Peter Lang, 1978, 174).

[77] C.E. Smith, Belangenafweging door gevalsafweging, RM Themis, 2006, (141) 145.

[78] Comp. M. Schouteden, Antigoon in een nieuw, burgerrechtelijk jasje: klaar voor de catwalk?, TBBR, 2022, (251) 266, n° 33, in fine, où elle évoque que les critères qu’elle qualifie d’exceptionnels doivent être évalués en corrélation.

[79] Exemple fondé sur Anvers 21 april 2010, T.Fam., 2011, 223, note C. Van Roy, NJW, 2012, 426, note C. Declerck, voyez également au sujet de cet arrêt G. Verschelden, S. Brouwers, K. Boone, L. Pluym, W. Segers et B. Vinck, Familierecht: overzicht van rechtspraak (2007-2011), TPR, 2012, (1507) 1973, n° 863.

[80] V. C. Declerck, Briefgeheim tussen echtgenoten (note sous Anvers 21 april 2010), NJW, 2012, 428.

[81] Anvers 21 avril 2010, T.Fam., 2011, (223) 225.

[82] D. Mougenot, Mesures d’instruction en matière civile, in RPDB, Bruxelles, Larcier, 2016, 26, n° 14 ; Rapport de M. C. Van Reepinghen, commissaire royal à la réforme juridique, Projet de loi contenant le Code judiciaire, Doc. Parl., Sénat, 1963-64, n° 60, 213.

[83] Sur cette dimension de l’article 22 de la Constitution et de l’article 8 de la CEDH en tant que « droit à la vie privée », J. Velaers, De Grondwet Een artikelsgewijze commentaar. Deel I Het federale België, het grondgebied, de grondrechten, Bruges, die Keure, 2019, 392, n° 19.

[84] Anvers 21 avril 2010, T.Fam., 2011, (223) 225.

[85] H.L.A. Hart, The Concept of Law. Second edition, Oxford, Oxford University Press, 1994, 144.

[86] J. Van Doninck, Het lot van onrechtmatig bewijs, Anvers, Intersentia, 2020, 314.

[87] R. Foque, De rechter is het sprekende recht, in F. Evers et P. Lefranc, Kiezen tussen recht en rechtvaardigheid, Bruges, die Keure, 2009, 89.

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