La lettre juridique n°922 du 27 octobre 2022 : Internet

[Brèves] Déréférencement des sites internet sur injonction de la DGCCRF : conformité à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2022-1016 QPC, du 21 octobre 2022 N° Lexbase : A21758QM

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[Brèves] Déréférencement des sites internet sur injonction de la DGCCRF : conformité à la Constitution. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/89258895-breves-dereferencement-des-sites-internet-sur-injonction-de-la-dgccrf-conformite-a-la-constitution
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par Vincent Téchené

le 26 Octobre 2022

► Sont conformes à la Constitution les dispositions législatives permettant à l'administration d'enjoindre de déréférencer certaines adresses électroniques des interfaces dont les contenus présentent un caractère manifestement illicite.

QPC. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 juillet 2022 par le Conseil d'État (CE, 9°-10° ch. réunies., 22 juillet 2022, n° 459960 N° Lexbase : A57948CL) d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du a, du 2 °, de l'article L. 521-3-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L7394MD9, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-1508, du 3 décembre 2020 N° Lexbase : L8685LYC.

Aux termes de ces dispositions, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prendre des mesures pour faire cesser certaines pratiques commerciales frauduleuses commises à partir d'une interface en ligne. En particulier, elle peut, dans certains cas, enjoindre aux opérateurs de plateforme en ligne de procéder au déréférencement des adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus présentent un caractère illicite.

Les critiques formulées contre ces dispositions. Il était reproché à ces dispositions par la société requérante et par la société intervenante de permettre à l'administration d'ordonner le déréférencement d'une interface en ligne, sans subordonner une telle mesure à l'autorisation d'un juge ni prévoir qu'elle doit être limitée dans le temps et porter sur les seuls contenus présentant un caractère manifestement illicite. Au regard des conséquences que cette mesure emporterait pour l'exploitant de l'interface et ses utilisateurs, il en résultait selon elles une méconnaissance de la liberté d'expression et de communication ainsi que de la liberté d'entreprendre.

Décision. Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions contestées permettent à l'autorité administrative de limiter l'accès des utilisateurs à des sites internet ou à des applications en imposant la disparition de leurs adresses électroniques dans le classement ou le référencement mis en œuvre par les opérateurs de plateforme en ligne. Ce faisant, elles portent atteinte à la liberté d'expression et de communication.

Le Conseil constitutionnel juge que, en premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu renforcer la protection des consommateurs et assurer la loyauté des transactions commerciales en ligne. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.

En deuxième lieu, d'une part, la mesure de déréférencement ne s'applique qu'à des sites internet ou à des applications, exploités à des fins commerciales par un professionnel ou pour son compte, et permettant aux consommateurs d'accéder aux biens ou services qu'ils proposent, lorsqu'ont été constatées à partir de ces interfaces des pratiques caractérisant certaines infractions punies d'une peine d'au moins deux ans d'emprisonnement et de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l'intérêt des consommateurs. D'autre part, seules peuvent faire l'objet d'un déréférencement les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus présentent un caractère manifestement illicite.

En troisième lieu, les dispositions contestées ne peuvent être mises en œuvre que si l'auteur de la pratique frauduleuse constatée sur cette interface n'a pu être identifié ou s'il n'a pas déféré à une injonction de mise en conformité prise après une procédure contradictoire et qui peut être contestée devant le juge compétent.

En quatrième lieu, le délai fixé par l'autorité administrative pour procéder au déréférencement ne peut être inférieur à quarante-huit heures. Ce délai permet aux personnes intéressées de contester utilement cette décision par la voie d'un recours en référé sur le fondement des articles L. 521-1 N° Lexbase : L3057ALS et L. 521-2 N° Lexbase : L3058ALT du Code de justice administrative.

En dernier lieu, les dispositions contestées permettent, sous le contrôle du juge qui s'assure de sa proportionnalité, que la mesure de déréférencement s'applique à tout ou partie de l'interface en ligne.

Par l'ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel juge que le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'expression et de communication doit être écarté.

Puis, se prononçant sur le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre, le Conseil constitutionnel retient, par les mêmes motifs que ceux précédemment relevés et en relevant en outre que les dispositions contestées n'ont pas pour effet d'empêcher les exploitants de ces interfaces d'exercer leurs activités commerciales, leurs adresses demeurant directement accessibles en ligne, que ce grief doit également être écarté.

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