Lecture: 28 min
N2385BZD
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Nao Ogino - Professeure à l’Université Doshisha
le 28 Juillet 2022
Face à la crise de la Covid-19, les États mènent plusieurs actions pour enrayer la pandémie, et les acteurs de la vie économique ou sociale comme les employeurs ou les établissements d’accueil pour personnes âgées sont tenus de prendre des mesures nécessaires en vue d’assurer la sécurité de leurs employés ou de leurs résidents. Des traitements médicaux sont dispensés par les hôpitaux, alors même que ceux-ci sont saturés par l’afflux de patients contaminés par le virus. La vaccination est porteuse d’espoir, mais les vaccins peuvent provoquer des effets secondaires, qui risquent d’être graves… Cette lutte menée contre la Covid-19 soulève de nombreuses questions sur la responsabilité de l’État ou celle des acteurs concernés. Ces questions portent sur la pertinence des mesures prises pour faire face à l’épidémie ou sur la prise en charge des risques qui sont inhérents à ces mesures. La question que nous proposons d’aborder, ayant trait au cas particulier de la responsabilité contractuelle, a une autre allure.
Précisons-le. En parlant de l’effet de la crise de la Covid-19 dans le domaine de la responsabilité contractuelle, nous pouvons distinguer entre deux cas de figure : d’un côté, la nature de la responsabilité de l’employeur ou de l’établissement d’accueil pour personnes âgées ainsi que celle des médecins peut être qualifiée de contractuelle, car l’obligation de sécurité ainsi que les obligations médicales peuvent être non seulement de nature délictuelle, mais aussi de nature contractuelle, au moins pour le droit japonais [1]. De l’autre côté, il est des cas où la pandémie vient perturber l’exécution d’un contrat en cours. En effet, même si ce n’est pas forcément la Covid-19 elle-même qui empêcherait les parties d’exécuter le contrat, la stagnation de l’activité économique, comme la fermeture des sites de production, ou la diminution des transports à la suite de la propagation du virus pourraient entraver l’exécution normale du contrat. C’est cette deuxième hypothèse que nous allons traiter en examinant les questions suivantes, à savoir qui assume les risques liés à la crise sanitaire et comment [2] ?
Pour y répondre, il nous semble opportun de distinguer deux situations : celle où le débiteur est empêché d’exécuter son obligation, et celle où le créancier n’a pu recevoir ou profiter de la prestation. Il s’agit, dans les deux cas, de la question de la prise en charge des risques, soit en cas d’inexécution (I), soit en cas de non-réception (II).
I. La prise en charge des risques en cas d’inexécution
Supposons qu’un contrat de vente ait été conclu avant l’apparition de la Covid-19 entre deux entreprises : le vendeur-fabricant A et l’acheteur B. Supposons aussi que, à la suite de la crise sanitaire survenue après la conclusion du contrat, la délivrance de la marchandise objet du contrat dans le délai convenu ait été perturbée [3]. Cela pourrait être le cas soit en raison du ralentissement de la production chez A, notamment pour rupture d’approvisionnement ; soit en raison de la lenteur inhabituelle dans l’examen de la marchandise par B. Le premier est un cas d’inexécution [4], tandis que le deuxième est un cas de non-réception (v. infra).
A. La cause non imputable au débiteur
En cas d’inexécution, le créancier peut demander des dommages et intérêts au débiteur, à moins que ce dernier ne démontre que l’inexécution est due à une cause qui ne lui est pas imputable (article 415, alinéa 1 du Code civil japonais, ci-après « CCJ » [5]). La question serait donc de savoir si la pandémie ou les mesures prises par les autorités publiques pour faire face à la crise sanitaire constitueraient une cause exonératoire de responsabilité contractuelle [6].
Il est à noter ici que les contours de la notion de « cause non imputable au débiteur » ne sont pas précis. En effet, contrairement à l’article 1218 du Code civil français N° Lexbase : L0930KZH (ci-après « C. civ. ») qui fixe les conditions de la force majeure en tant que cause exonératoire de responsabilité contractuelle (C. civ., art. 1231-1 N° Lexbase : L0613KZQ), il n’en est pas le cas pour l’article 415, alinéa 1 du Code civil japonais qui ne prévoit pas les conditions de la « cause non imputable au débiteur ». Cet article dispose simplement que cette cause doit être appréciée d’après le fait générateur de l’obligation, c’est-à-dire le contrat, et « le sens commun (shakaï-tsûnen) des transactions ».
L’examen de la cause non imputable au débiteur dépendrait alors du contrat, et si la force majeure est souvent citée comme un exemple emblématique de la notion de « cause non imputable au débiteur » [7], il n’en reste pas moins que son examen est soumis à une appréciation au cas par cas. En effet, ni les catastrophes naturelles comme les séismes, les tsunamis ou les éruptions volcaniques ni les situations graves ou de crises telles que les guerres ou les accidents nucléaires ne sont en soi des cas de force majeure. De même, une épidémie ne constitue pas en elle-même un cas de force majeure. Il se peut donc que la Covid-19 soit considérée dans un cas comme étant une cause non imputable au débiteur alors qu’elle ne permettrait pas de libérer le débiteur dans un autre.
La majorité de la doctrine contemporaine considère que le fait à l’origine de l’inexécution sera retenu comme une cause non imputable au débiteur s’il n’est pas compris dans les risques qui sont ou qui doivent être assumés par le débiteur [8]. Ainsi, le critère d’exonération dépendra de la répartition des risques dans le contrat, qui se déterminent, au moins a priori, par l’interprétation de celui-ci.
B. Le changement de circonstances
Lorsque l’exécution d’une obligation contractuelle est impossible, le débiteur pourrait se soustraire à son obligation, car le créancier ne pourra pas en demander l’exécution (CCJ, art. 412-2, al. 1er). Cependant, si la Covid-19 rend non pas impossible, mais seulement difficile l’exécution du contrat [9], le débiteur pourrait tenter d’invoquer la théorie de changement de circonstances, pour demander la résolution ou la révision du contrat.
Alors que cette théorie ne se trouve pas consacrée par le Code civil japonais qui reste muet sur cette question, et ce contrairement à l’article 1195 du Code civil français N° Lexbase : L0909KZP, elle fut néanmoins admise en jurisprudence, du moins sur le plan des principes. En effet, un arrêt fondateur rendu en 1944 avait admis qu’un contrat de vente d’immeuble pouvait être résolu dans le cas où l’exécution dudit contrat était devenue incertaine à cause de la réglementation des prix introduite après sa conclusion [10]. Selon la doctrine courante, les conditions de la théorie sont les suivantes :
Pourtant, en ce qui concerne l’application de la théorie, la Cour suprême s’est montrée rigoureuse notamment lorsqu’il s’agit de l’appréciation des conditions de son admission. En effet, elle n’en a fait application dans aucun des quatorze cas dans lesquels elle s’était saisie de la question [12]. Cette réticence affichée ainsi que la mise à l’écart de la théorie lors de la réforme du Code civil de 2017 [13] pourraient être vues comme une affirmation du principe d’intangibilité des contrats qui exige le respect strict de la parole donnée. Aussi vrai qu’une telle observation pourrait l’être, il se peut aussi qu’un tel état des choses soit l’écho des « pratiques contractuelles japonaises » qui laissent place aux parties la possibilité de modifier leur engagement de manière autonome en fonction de changement des circonstances, au lieu de faire appel à cette théorie, qui leur reste néanmoins disponible en tant qu’ultime recours [14]. En effet, il est fréquent qu’une clause dite de « concertation de bonne foi » soit stipulée dans les contrats conclus entre les entreprises japonaises, contrairement aux clauses dites « d’intégralité » qui ne sont que rarement utilisées.
Quoiqu’il en soit, il est possible que le débiteur soit tenté d’invoquer la théorie de changement de circonstances notamment en cas d’échec de la renégociation à l’amiable du contrat. Par rapport à la crise de la Covid-19, le point capital serait de déterminer si les conséquences de la pandémie, ou les mesures prises par les autorités publiques étaient prévisibles pour les parties ou non, ce qui sera apprécié au cas par cas par le juge.
II. La prise en charge des risques en cas de non-réception
A. Le régime du « retard de réception »
En cas de non-réception, c’est-à-dire lorsque le créancier ne reçoit pas la prestation que le débiteur se propose de fournir, ce dernier sera dispensé des conséquences de son inexécution (CCJ, art. 492 [15]), et ce sera au créancier de prendre à sa charge l’augmentation des frais de l’exécution de l’obligation (CCJ, art. 413, al. 2 [16]). Le « retard de réception », prévu par l’article 413 du Code civil japonais, ne constituant pas une inexécution de l’obligation, ces effets se produisent même s’il est dû à une cause non imputable au créancier [17]. Le créancier ne peut donc pas invoquer la force majeure, ni pour être dispensé de la charge des frais supplémentaires ni pour se libérer de son obligation. Nous pouvons penser que la possibilité d’invoquer la théorie de changement de circonstances reste ouverte [18], mais comme nous l’avons vu, son application est admise seulement dans des cas véritablement exceptionnels.
De même, si à cause de la Covid-19, une partie à un contrat se trouve dans l’impossibilité de tirer profit de la contrepartie fournie par son cocontractant, elle n’en reste pas moins tenue à exécuter sa part d’engagement. Ainsi, si un étudiant kyotoïte, ayant loué un studio à Tokyo à proximité de son université, est resté à Kyoto chez ses parents, car les cours sont assurés uniquement en ligne, il reste tenu de payer le loyer du studio alors qu’il ne l’utilise pas.
B. La non-réception ou l’inexécution
Si cela paraît évident, il est des cas où la délimitation entre la non-réception par le créancier et l’inexécution par le débiteur n’est pas facile. Supposons qu’avant l’irruption de la Covid-19, un propriétaire d’un local conclut un contrat de bail avec un entrepreneur pour que ce dernier y exerce son activité commerciale. À la suite de la propagation du virus, le preneur peut être amené à fermer, totalement ou partiellement, son commerce. Dans ce cas, quel serait le sort des loyers [19] ?
Il est possible de penser d’une part que le bailleur a bel et bien exécuté son obligation ou du moins en avait offert l’accomplissement en mettant le local à la disposition du preneur, mais que celui-ci n’a pas pu en prendre possession ou en tirer profit. Il s’agirait alors d’un cas de non-réception, et le preneur sera tenu de continuer à payer les loyers. D’autre part, il est concevable de penser que le bailleur était dans l’impossibilité d’exécuter son obligation de faire jouir le preneur du local loué [20]. Il s’agirait alors d’un cas de non-exécution. Dans ce cas, le preneur pourrait refuser de payer le loyer tant que l’usage et la jouissance du local restent impossibles. En effet, d’après une opinion courante, puisque les créances de loyer ne naissent qu’au fur et à mesure du déroulement du contrat [21], il n’en sera pas le cas pour les loyers relatifs à la période durant laquelle le bailleur n’a pas pu faire jouir le preneur du local loué. Le preneur n’aura donc pas à payer le loyer tant que le bailleur ne délivre pas la chose louée [22] ou que cette chose ne soit pas dans un état apte à l’usage et à la jouissance [23]. L’article 611, alinéa 1er du Code civil japonais prévoyant la réduction du loyer en cas d’impossibilité partielle d’usage et de jouissance [24] peut être vu comme une affirmation de ce principe.
C’est l’étendue de l’obligation du bailleur qui est ici en question. Sur ce point, il serait d’abord admis que les utilités matérielles du local sont assurées par le bailleur, qui est tenu non seulement de délivrer la chose louée, mais aussi de faire les réparations nécessaires à son usage et à sa jouissance (CCJ, art. 606, al. 1er [25]). Il est aussi évident que la baisse des revenus est assumée en principe par le preneur. À cet égard, il est vrai que le preneur des terres dédiées au labourage ou à l’élevage peut demander la réduction du loyer lorsqu’il retire de son activité un revenu inférieur au loyer par suite de force majeure (CCJ, art. 609 [26]), mais il s’agit ici d’une protection spéciale pour les fermiers, que d’autres preneurs ne peuvent pas réclamer. Nous pouvons en déduire que les loyers restent dus pour les preneurs ayant fermé leur commerce en raison de la stagnation de leurs activités personnelles et économiques à la suite de la propagation du coronavirus.
Toutefois, la question peut se poser lorsque la fermeture est demandée ou ordonnée par les gouverneurs régionaux [27]. Dans ce cas, pouvons-nous dire que le bailleur est dans l’impossibilité d’exécuter son obligation, qu’il ne peut pas mettre le local loué à la disposition du preneur dans un état conforme à l’objectif du contrat ? La doctrine semble divisée. En effet, un auteur distingue entre le cas où c’est le local lui-même qui est visé par les mesures des autorités publiques [28] du cas où c’est l’activité du preneur qui est visée [29] : dans le premier cas, le bailleur est dans l’impossibilité de faire jouir le preneur du local loué, tandis que dans le deuxième, le bailleur a mis le local à disposition du preneur, qui est interdit de son activité. Et si les risques liés au local doivent être pris en charge par le bailleur, les risques concernant l’activité du preneur doivent être assumés par celui-ci [30]. Si cette observation semble théoriquement fondée, il ne serait pas toujours facile de distinguer les cas où l’usage et la jouissance du local lui-même sont devenus impossibles des cas où ce sont les risques concernant l’activité du preneur qui se sont réalisés. Un autre auteur propose d’assimiler les deux cas, en soulignant que le preneur est dans l’impossibilité de jouir du local, puisque la fermeture est le résultat direct des mesures prises par les autorités publiques qui trouvent leurs sources dans la loi et que le preneur risque d’en subir les conséquences, souvent graves, s’il ne s’y soumet pas [31].
***
Les problèmes que nous avons évoqués et qui sont liés à l’impact de la Covid-19 sur l’exécution des contrats en cours montrent les limites de la répartition des risques en matière contractuelle. La notion de force majeure pourrait être invoquée au secours du débiteur défaillant ; seulement, sa mise en œuvre reste limitée, en plus du fait qu’elle peut produire des résultats néfastes pour le créancier, qui lui aussi est victime de la crise sanitaire. Il en va de même pour la question du sort des loyers pendant la crise. Il est en effet possible d’assurer une protection aux preneurs en considérant que les créances de loyer ne naissent pas pendant la fermeture des locaux, mais cela serait au détriment des bailleurs. Il s’agit ici des mesures qui favorisent une partie aux dépens de l’autre et qui débouchent sur des solutions de tout ou rien. La théorie de changement de circonstances pourrait conduire à des résultats plus nuancés, si la révision du contrat par le juge est admise. Seulement, on peut douter de la capacité des juges à rédiger des contrats.
Les parties ont alors intérêt à répartir elles-mêmes les risques par les clauses contractuelles, mais il ne nous semble pas réaliste ni opportun de considérer que les contractants peuvent prévoir, au moment de la conclusion du contrat, tous les risques qui peuvent survenir au cours de son exécution. Il serait alors souhaitable de les inciter à renégocier les termes de leur contrat et trouver par elles-mêmes un accord à l’amiable au moment de la survenance de la crise, tout en évitant l’abus d’une position avantageuse d’une partie sur l’autre [32].
Au reste, il se peut que ni l’une ni l’autre des parties ne soient capables de surmonter les épreuves difficiles que présentent certains risques de grande ampleur. Il serait alors important que l’État prenne des mesures appropriées pour venir en aide aux parties vulnérables.
[1] Le droit japonais ne retenant pas le principe de non-cumul des responsabilités, la victime peut former la demande des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou délictuelle.
[2] Nous allons surtout nous intéresser aux règles législatives et jurisprudentielles, même si les aménagements conventionnels sont tout à fait possibles. En effet, les contractants peuvent insérer dans le contrat des clauses visant à gérer l’imprévu, telles que les clauses de force majeure ou de hardship. Dans ces cas, la prise en charge des risques serait définie par l’interprétation desdites clauses. En ce qui concerne la clause prévoyant les effets de la force majeure insérée dans le modèle des conditions générales des contrats d’entreprise de construction, le ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Équipement et des Transports a suggéré une interprétation selon laquelle la pénurie des matériaux liée à la crise de la Covid, ainsi que la contamination des travailleurs par le virus pourraient constituer des cas de force majeure (v. par exemple la communication du 17 avril 2020 [en ligne]).
[3] Le paiement du prix pourrait aussi être perturbé, soit parce que la gestion du paiement au sein de B s’est compliquée, soit parce que B se trouve désormais en difficulté financière. Il s’agit d’un cas de retard d’exécution. Il faut noter toutefois que l’inexécution de l’obligation de payer une somme d’argent obéit à un régime spécial. En effet, selon l’article 419 du Code civil japonais, « lorsque l’obligation a pour objet une somme d’argent, le montant des dommages et intérêts à raison de l’inexécution se détermine d’après le taux légal des intérêts à compter du moment où le débiteur est en demeure pour la première fois. Si, toutefois, le taux conventionnel dépasse le taux légal, le taux conventionnel sera appliqué. » (al. 1) ; « le créancier n’est pas tenu d’établir le préjudice par lui subi pour obtenir les dommages et intérêts prévus à l’alinéa précédent » (al. 2) ; « concernant les dommages et intérêts prévus à l’alinéa 1, le débiteur n’est pas admis à invoquer la force majeure pour repousser la demande du créancier » (al. 3).
[4] Il s’agirait souvent d’un retard d’exécution, car en général, le débiteur (A) pourra reprendre son activité une fois que la situation se stabilise. Le créancier (B) pourra alors à nouveau demander la délivrance de la chose vendue. En revanche, si l’exécution est devenue définitivement impossible, la demande d’exécution sera écartée (CCJ, art. 412-2, al. 1 : « lorsque l’exécution d’une obligation est impossible compte tenu du contrat, d’autres faits générateurs de l’obligation ou encore le sens commun (shakaï-tsûnen) des transactions, le créancier ne peut demander son exécution »).
[5] « Lorsque le débiteur manque à l’exécution de son obligation de manière conforme à sa teneur, ou lorsque l’exécution de l’obligation est impossible, le créancier peut demander la réparation du dommage qui lui est causé, à moins que l’inexécution de l’obligation ne soit due à une cause non imputable au débiteur compte tenu du contrat, d’autres faits générateurs de l’obligation ou encore le sens commun (shakaï-tsûnen) des transactions. »
[6] En cas de réponse affirmative, reste à savoir le sort de la contrepartie : le créancier (B) pourra refuser l’exécution de son obligation, soit en invoquant l’exception d’inexécution (CCJ, art. 533 : « L’une des parties à un contrat bilatéral peut refuser l’exécution de sa propre obligation jusqu’à ce que l’autre partie offre d’exécuter la sienne (y compris l’exécution de l’obligation de payer des dommages et intérêts à la place de l’exécution de l’obligation), si, du moins cette dernière est exigible »), soit par le jeu de la théorie des risques si l’exécution par A est devenue impossible (CCJ, art. 536, al. 1 : « Si l’exécution d’une obligation est devenue impossible par suite d’un fait qui ne peut être imputé à aucune des deux parties, le créancier peut refuser l’exécution de la contre-prestation »). Il est aussi possible que le créancier procède à la résolution du contrat, avec (CCJ, art. 541) ou sans sommation (en cas d’impossibilité d’exécution : CCJ, art. 542, al. 1), le droit à la résolution n’étant exclu que si l’inexécution est due à une cause imputable au créancier (CCJ, art. 543). Le créancier peut exercer son droit à la résolution au moyen d’une simple déclaration de volonté adressée à l’autre partie (CCJ, art. 540).
[7] Y. Shiomi, Shin saïken-sôron I, Shinzansha, 2017, pp. 383 et s. ; H. Nakata, Saïken-sôron, Iwanami-Shoten, 4e éd., 2020, p. 160.
[8] La cause imputable au débiteur comme condition de la responsabilité contractuelle est l’un des sujets qui a fait couler beaucoup d’encre. Si la notion était traditionnellement assimilée à celle de la faute, qui servait de fondement à la responsabilité contractuelle, selon le nouveau courant doctrinal, la responsabilité contractuelle repose sur la force obligatoire du contrat tout en admettant que l’exonération du débiteur soit justifiée par une cause qui ne lui est pas imputable. Sur le débat autour de « la cause non imputable au débiteur », v. H. Nakata, « Songaï-baïshô ni okeru « Saïmusha no seme ni kisurukoto ga dekinaï jiyû » », N. Segawa et al. (sous la dir.), Minjisekinin-hô no Furontia, Yûhikaku, 2019, p. 245.
[9] La distinction entre l’impossibilité et la simple difficulté d’exécution n’est pas toujours claire. En effet, la notion d’impossibilité d’exécution, qui est appréciée d’après le fait générateur de l’obligation, c’est-à-dire le contrat, ou encore « le sens commun (shakaï-tsûnen) des transactions » (CCJ, art. 412, al. 1er), comprend les cas où l’exécution n’est pas matériellement impossible mais excessivement onéreuse par rapport à l’intérêt du créancier (dans le même sens, v. C. civ., art. 1221 N° Lexbase : L1985LKQ). La délimitation entre un tel cas d’impossibilité (dit « impossibilité de fait ») et un cas où l’exécution est possible mais coûteuse (dit « impossibilité économique », mais qui ne constitue pas un cas d’impossibilité au sens du CCJ, art. 412, al. 1), est assez délicate. Sur cette question, v. H. Ishikawa, « Rikôsêkyûken-haïjo-hôri to jijôhenkô-hôri no kyôgô », Jurist n° 1434, 2011, p. 11.
[10] Haute Cour, 6 décembre 1944, Minshû, vol. 23, p. 613.
[11] T. Taniguchi et K. Igarashi (sous la dir.), Shinban chûshaku-minpô (13), éd. revue, Yûhikaku, 2006, pp. 71 et s.
[12] L’arrêt le plus récent portait sur le sort des privilèges réservés aux membres d’un club de golf, lorsque le club a dû effectuer de grands travaux de réfection à la suite de l’effondrement d’un talus sur le terrain. Le club soutenait que les privilèges des demandeurs ayant refusé de payer un supplément n’ont plus lieu d’être, en application de la théorie de changement de circonstances. Toutefois, l’arrêt a rejeté l’argument du club estimant que l’effondrement du talus n’était pas imprévisible pour le club et lui était donc imputable (Cour suprême, 1 juillet 1997, Minshû, vol. 51, n° 6, p. 2452).
[13] Lors des travaux préparatoires de la réforme du droit des obligations adoptée en 2017, l’introduction de cette théorie dans le Code civil a été débattue au sein de la Commission de Législation auprès du ministère de la Justice, mais finalement, elle n’a pas été retenue. Sur le débat, v. T. Yoshimasa, « Jijôhenkô no hôri », in M. Yasunaga et al. (sous la dir.), Saïkenho-kaïsei to minpô-gaku, 2, Shôji-Hômu, 2018, p. 449.
[14] V. l’analyse de H. Ishikawa, « Keiyaku-jô no kiki to jijôhenkô no hôri », in Tôdaï-Shaken et al. (sous la dir.), Kiki-taïô no shakaïkagaku, 2, Tôdai-shuppankaï, 2019, pp. 38 et s.
[15] « À partir du moment où le débiteur offre d’accomplir son obligation, il est dispensé des conséquences de son inexécution. »
[16] « Si les frais d’exécution de l’obligation sont augmentés en raison du refus du créancier d’en accepter l’exécution ou parce qu’il se trouve dans l’impossibilité de l’accepter, il lui en incombe la prise en charge. »
[17] V. Cour suprême, 3 décembre 1965, Bull., vol. 19, n° 9, p. 2090.
[18] V. O. Morita, « Rikôfunô to jijôhenkô », Hôgaku-kyôshitsu, n° 372, 2011, p. 25. L’auteur évoque cette possibilité dans un exemple hypothétique en supposant qu’à la suite du tremblement de terre de mars 2011, un terrain – objet d’un contrat de vente – se trouvant sur un lieu élevé reste intact alors que ses alentours ont été grièvement touchés par le tsunami. Dans ce cas, la théorie de changement de circonstances pourrait venir en aide à l’acheteur, lorsqu’il existe un déséquilibre significatif entre les intérêts des parties par suite de la baisse de la valeur du terrain ou parce que la réalisation de l’objectif du contrat, comme la construction d’un entrepôt sur le terrain, est devenue impossible.
[19] Un problème similaire est débattu en France. V. entre autres, M. Behar-Touchais, « L’impact d’une crise sanitaire sur les contrats en droit commercial », JCP E, 2020, 1162 ; F. Danos, « Le paiement des loyers relatifs aux baux commerciaux et la crise du Covid-19 », JCP E, 2020, 1179 ; F. X. Testu, « La dette de loyers commerciaux pendant la période de fermeture ordonnée par le gouvernement », D., 2020, p. 885 ; C. Jamin, « Paiement du loyer des baux commerciaux : libre lecture de l’article 1221 du Code civil », D., 2020, p. 888. Récemment, la Cour de cassation a rendu une décision sur cette question (Cass. civ. 3, 30 juin 2022, no 21-20.127, FS-B N° Lexbase : A858778K ; 30 juin 2022, no 21-20.190, FS-B N° Lexbase : A859678U; 30 juin 2022 no 21-19.889, FS-D N° Lexbase : A194279S). Selon la Cour, le bailleur n’a pas manqué à son obligation de délivrance au cours des périodes pendant lesquelles les commerces non essentiels ont été fermés par décret gouvernemental, même si le preneur n’a pu exercer son activité commerciale. Selon les décisions, les locataires, qui sont créanciers, ne peuvent se prévaloir de la force majeure et ne sont donc pas fondés à demander la résolution du contrat ou sa suspension. Enfin, la fermeture administrative des commerces ne peut être assimilée à une perte de la chose au sens de l’article 1722 du Code civil.
[20] Le bailleur est obligé non seulement de délivrer au preneur la chose louée, mais aussi d’en faire jouir ce dernier (CCJ, article 601 : « le louage produit effet par l’engagement que prend l’une des parties de fournir à l’autre l’usage et la jouissance d’une chose et l’engagement que prend l’autre partie de lui payer le loyer et de lui rendre la chose délivrée lorsque le contrat prend fin »).
[21] Pour être précis, s’il est opportun de penser que les créances concrètes de loyer correspondant à chaque période naissent au fur et à mesure, nous pouvons en même temps penser que la créance de loyer en sens abstrait qui forme la base de chaque créance est née au moment de la conclusion du contrat de bail. Sur cette question, v. H. Morita, Saïkenhö-kaïsei wo fukameru, Yûhikaku, 2013, pp. 107 et s.
[22] Cour suprême, 21 juillet 1961, Minshû, vol. 15, n° 7, p. 1952.
[23] Haute Cour, 11 décembre 1915, Minroku, vol. 21, p. 2058 (l’inexécution du bailleur de l’obligation de réparer la chose louée). En revanche, si la chose louée est dans un état apte à l’usage et à la jouissance, le preneur doit payer le loyer même s’il ne l’utilise pas (Haute Cour, 29 septembre 1904, Minroku, vol. 10, p. 1196).
[24] « Lorsqu’il n’est plus possible d’user ou de jouir d’une partie de la chose louée en raison de sa destruction ou pour toute autre cause, et que cette cause n’est pas imputable au preneur, le loyer est réduit en proportion de la partie qui ne peut plus faire l’objet d’usage et jouissance. » Lorsque les conditions prévues par cet article sont remplies, la réduction du loyer se fera de plein droit (comp. C. civ., art. 1722 N° Lexbase : L1844ABW). En effet, l’ancien article 611, alinéa 1er du Code civil japonais prévoyait la diminution du loyer sur demande du preneur, ce qui a été modifié par la réforme du droit des obligations de 2017 (entrée en vigueur le 1er avril 2020).
S’il n’est plus possible d’user ou de jouir de la totalité de la chose louée en raison de sa destruction ou pour toute autre cause, le contrat de location prend fin (CCJ, art. 616-2).
[25] « Le bailleur est tenu de faire les réparations nécessaires à l’usage et à la jouissance de la chose louée, à moins que la réparation ne soit devenue nécessaire en raison d’une cause imputable au preneur. »
[26] « Lorsque le preneur d’un fonds de terre destiné à la culture ou à l’élevage a, par suite de force majeure, retiré du fonds un revenu inférieur au loyer, il peut demander que le loyer soit réduit au montant du revenu donné par le fonds. »
[27] V. l’article 24, alinéa 9 de la loi no 31 de 2021 sur les mesures spéciales contre les nouveaux types de grippes etc ; article 31-6 (en cas de situation nécessitant des mesures de « freinage renforcé »), article 45, alinéa 2 et alinéa 3 (en cas de déclaration d’« état d’urgence ») de la même loi, modifiée en février 2021.
[28] Nous pouvons penser que c’était le cas pour les centres commerciaux ayant une surface de plus de 1 000 m2 pendant la première période du troisième « état d’urgence ».
[29] Nous pouvons penser que c’était le cas pour les restaurants qui servent des boissons alcoolisées ou les établissements de karaoké sous le troisième « état d’urgence ».
[30] T. Yoshimasa, « Shingata corona virus kansenshô to hô no yakuwari », Hôgaku-kyôshitsu, n° 486, 2021, pp. 19 et s.
[31] K. Matsui, « Corona-ka niokeru yachin-mondai », Hôritsu-jihô, vol. 92, n° 10, 2020, p. 2.
[32] Concernant la nécessité d’encadrer la renégociation à l’amiable, v. H. Ishikawa, « Pandemic niyoru jijôhenkô to keiyaku no kaïtei », Jurist, n° 1550, 2020, p. 54 et s.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:482385