Cahiers Louis Josserand n°1 du 28 juillet 2022 : Covid-19

[Actes de colloques] Colloque "Covid-19 et droit de l’indemnisation" : la responsabilité administrative

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N2382BZA

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par Hervé de Gaudemar - Professeur de droit public, Doyen de la Faculté de droit, Université Jean Moulin Lyon 3

le 28 Juillet 2022

Le coronavirus consacre, en ce début de XXIe siècle, le règne de l’Administration. Durant cette crise sanitaire, l’Administration a été omniprésente. Écrasante diraient certains, pesante à tout le moins. Certainement pas arbitraire en tout cas. Car l’Administration, si puissante a-t-elle été, est restée derrière les lignes de l’État de droit, celles qui forment pour l’action administrative, dans le régime administratif inhérent au système juridique français, les limites issues des notions de légalité et de responsabilité administratives.

Pendant la crise du coronavirus, les limites de la légalité administrative ont montré une grande élasticité au point qu’il n’a pas été rare d’entendre le reproche d’une domestication de la justice administrative. La réalité est moins polémique. L’assouplissement des conditions de légalité en période de crise fait partie du régime administratif. La Première Guerre mondiale a lancé le mouvement. Il en est né la théorie des circonstances exceptionnelles. C’est dans ce cadre que le Premier ministre s’est d’abord placé pour décider du premier confinement de la population par un décret du 16 mars 2020 qui comportait notamment les visas suivants : « Vu les circonstances exceptionnelles découlant de l'épidémie de Covid-19 ; Vu l’urgence ». Bâtie en toute hâte par des cabinets ministériels exaltés, mais adoptée au sein d’assemblées parlementaires clairsemées, la loi du 23 mars 2020 a ensuite pris le relais en instituant le régime de l’état d’urgence sanitaire. Introduit dans le Code de la santé publique, aux articles L. 3111-12 et suivants, il constitue aujourd’hui encore le socle des mesures nationales de police administrative liées à la situation sanitaire. À la demande du Conseil d’État (avis sur le projet de loi n° 2020-290, du 23 mars 2020 N° Lexbase : L5506LWT), ce régime prévoit notamment une exonération de responsabilité́ des professionnels de santé en cas de dommages résultant de mesures administratives, ainsi que la prise en charge de l’indemnisation des préjudices par l’Office national d'indemnisation des accidents médicaux (CSP, art. L. 3131-20 N° Lexbase : L5647LW3).

Pour garantir leur bonne participation à l’action administrative, les possessionnels de santé ont été protégés. Les préjudices qu’ils sont susceptibles d’occasionner relèvent d’un régime administratif de responsabilité sans faute reposant sur la solidarité nationale. Est-ce à dire que la consécration, du fait la crise sanitaire, du règne de l’Administration pourrait se doubler d’un avènement du règne de la responsabilité administrative ? Le régime de la responsabilité administrative qui s’est bâti par voie jurisprudentielle à l’orée du XXe siècle se montrera-t-il, dans cette hypothèse, suffisamment adapté pour répondre aux enjeux d’une crise sanitaire inédite, qui constitue à ce jour la plus grande pandémie du XXIe siècle ?

La responsabilité administrative liée à la Covid-19 pourra être examinée à la lumière des précédentes crises sanitaires. Nous nous interrogerons ensuite sur le cas spécifique de la campagne de vaccination.

I. Covid-19 et responsabilité administrative à la lumière des précédentes crises sanitaires

À la lumière du passé, on peut facilement mettre en évidence l’existence d’une administration de crise qui repose sur des actions communes aux différentes crises traversées aussi bien d’un point de vue matériel (crises sanitaires, crises environnementales), qu’historique (depuis la grippe espagnole jusqu’à la pandémie de la Covid-19).

Cette administration de crise a des répercussions sur le terrain de la responsabilité administrative, où l’on peut symétriquement déceler un certain nombre d’invariants. Deux principaux peuvent être ici exposés :

  • la carence fautive comme fondement principal de l’engagement de la responsabilité administrative ;
  • la mobilisation de la solidarité nationale à titre complémentaire.

A. La carence fautive

La question de la faute humaine dans la survenue des catastrophes naturelles a été bien balayée sur le terrain philosophique par le débat ayant opposé deux philosophes des Lumières, Voltaire et Rousseau, à l’occasion du terrifiant tremblement de terre de Lisbonne du 1er novembre 1775. Au hasard mis en avant par le premier pour souligner l’absence de responsabilité s’opposait pour le second celle de l’Homme dans la construction d’une ville de si forte densité en bord de mer.

« Faire ou ne pas faire », là n’est pas la question sur le terrain du droit administratif. La faute de nature à engager la responsabilité administrative peut être tout aussi bien une faute d’action qu’une faute d’inaction. La faute d’inaction, dite aussi carence fautive, est cependant la plus fréquemment invoquée en temps de crise, à l’exception notable de l’affaire de la tempête Xynthia (CAA Nantes, 2e ch., 10 décembre 1999, n° 18NT01531, 18NT01546, 18NT01620, 18NT01621, 18NT01642 N° Lexbase : A89183TH, ministre de la Transition écologique et solidaire, Commune de la Faute-sur-Mer, Association syndicale autorisée de la Vallée du Lay, Consorts M.). Ce sont bien des carences fautives que l’on trouve au cœur des autres grandes crises sanitaires les plus emblématiques de la période contemporaine, qu’il s’agisse du sang contaminé (CE Contentieux, 9 avril 1993, n° 138653, Bianchi N° Lexbase : A9437AMH), de l’amiante (CE, ass., 3 mars 2004, n° 241153 N° Lexbase : A4306DB4), du Mediator (CE, 1e-6e ch. réunies, 9 novembre 2016, n° 393902 N° Lexbase : A0619SGZ et n° 393108 N° Lexbase : A0615SGU et n° 393904 N° Lexbase : A0616SGW) ou encore des prothèses mammaires PIP (TA Montreuil, n° 1800068, 29 janvier 2019 N° Lexbase : A5141YUX).

La carence fautive relève en matière de police sanitaire d’un régime de faute simple. La démarche du juge est très pragmatique : elle consiste à apprécier si l’État a agi comme il devait le faire au regard des connaissances du danger qu’il pouvait avoir.

En vérité, l’appréciation de la carence fautive est particulièrement délicate. À partir de quel délai l’inaction est-elle constitutive d’une faute ? Ce délai est évidemment variable et dépend de l’état des connaissances scientifiques sur les risques encourus, sur la connaissance de ces risques par l'Administration.

Pour prendre des exemples récents, on peut rappeler que le juge administratif a retenu la date du 7 juillet 1999 pour la crise du Mediator. À cette date, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), informée d'un cas d'hypertension artérielle pulmonaire et d'un cas de valvulopathie cardiaque imputables au benfluorex, aurait dû suspendre le Mediator et le retirer du marché, ce qu'elle a fait seulement dix ans plus tard (CAA Paris, 3e ch., 31 juillet 2015, n° 14PA04082, ministre des Affaires sociales et de la Santé N° Lexbase : A3175NNW ; CE, 1e-6e ch. réunies, 9 novembre 2016, n° 393902, Mme A. N° Lexbase : A0619SGZ). Dans l’affaire des prothèses mammaires PIP, le juge administratif a considéré que cette même agence s'est fautivement abstenue d'agir entre avril 2009 et le 18 décembre 2009 et a engagé la responsabilité de l'État pour carence des services de la police sanitaire (TA Montreuil, n° 1800068, 29 janvier 2019 N° Lexbase : A5141YUX, AJDA 2019, 951, note C. Lantero).

Quelle date retenir pour la Covid-19, sachant que la Covid-19 a été identifiée le 30 janvier 2020 comme une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) au sens du Règlement sanitaire international (RSI) du 23 mars 2005 ?

Une carence de l’État est-elle décelable ? Des mesures d'urgence sanitaire ont été prises rapidement par le Gouvernement sur le fondement de l'article L. 3131-1 du Code de la santé publique N° Lexbase : L7288L4P, qui autorise le ministre chargé de la Santé, « en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas d'épidémie », à prescrire toute mesure nécessaire pour prévenir et limiter les conséquences sur la santé de la population. Ce régime d'urgence, instauré en 2004, a déjà été mobilisé à plusieurs reprises au cours de la dernière décennie, par exemple en 2009 lors de l'épidémie de la grippe A (H1N1). La ministre de la Santé de l’époque avait imposé l'organisation d'une campagne de vaccination ainsi que des mesures d'information et de contrôle dans les aéroports.

C’est dans ce modèle que les premières mesures réglementaires se sont inscrites. Plusieurs arrêtés du ministre de la Santé ont d’abord uniquement concerné les personnes ayant séjourné dans les zones atteintes par l’épidémie, c’est-à-dire à Wuhan, en Chine (arrêté du 30 janvier 2020 relatif à la situation des personnes ayant séjourné dans une zone atteinte par l’épidémie 2019-nCov N° Lexbase : L2485LXC ; arrêté du 20 février 2020 relatif à la situation des personnes ayant séjourné dans une zone atteinte par l’épidémie du virus Covid-19 N° Lexbase : L1671LWS). La logique du confinement individuel n’ayant pas suffi, pour différentes raisons, à enrayer l’arrivée du virus sur le territoire, les textes réglementaires ont ensuite privilégié des mesures plus générales, et non plus seulement individuelles. La liberté de réunion s’est trouvée visée au premier chef avec la multiplication des interdictions de rassemblement (arrêté du 4 mars 2020 interdisant tout rassemblement mettant en présence de manière simultanée plus de 5 000 personnes en milieu clos N° Lexbase : Z01118SP ; arrêté du 9 mars 2020 descendant cette jauge à 1000 personnes N° Lexbase : Z05018SP ; arrêté du 13 mars 2020 la ramenant à 100 personnes en milieu clos ou ouvert N° Lexbase : Z24812SP).

L’épidémie ayant continué à progresser, des mesures plus contraignantes encore ont été prises. Un arrêté du 14 mars 2020 N° Lexbase : Z29840SP a d’abord prévu la fermeture immédiate au public des salles de spectacles, des centres commerciaux, des restaurants et débits de boisson, des bibliothèques et des musées et suspendu l’accueil des bébés, enfants, adolescents et étudiants au sein des crèches, écoles, collèges, lycées et universités. Puis, le Premier ministre, au titre de son pouvoir propre de police administrative générale sur l’ensemble du territoire national (CE Contentieux, 8 août 1919, n° 56377 ; Labonne N° Lexbase : A5793B7P), a édicté le décret n° 2020-260, du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19 N° Lexbase : L5030LW9. C’est par ce décret que le premier confinement a été institué.

Aucune carence ne peut être décelée dans la réaction de l’État en ces premières semaines de crise sanitaire. Et s’il a pu être reproché au Gouvernement par un collectif de médecins de ne pas avoir ordonné de confinement total de la population sur l’ensemble du territoire, sur le modèle de ce qui se faisait en Chine, le juge des référés du Conseil d’État n’y a pas vu une carence grave et manifestement illégale (CE, ord. réf., 22 mars 2020, n° 439674, Syndicat des jeunes médecins N° Lexbase : A03603KK).

Sans doute doit-on raisonner différemment pour le port du masque qui a tardé à être ordonné du fait de stocks insuffisants. Une carence de l’État pourrait être identifiée dans la gestion des stocks ou dans leur utilisation. Elle serait alors fautive et pourrait ouvrir un droit à indemnisation à toute victime qui serait en mesure de prouver un préjudice corrélé à cette carence.

B. La solidarité nationale

La responsabilité sans faute est l’un des marqueurs essentiels de la jurisprudence administrative depuis que le Conseil d’État en a admis le principe dans son arrêt Cames du 21 juin 1895 sur les conclusions du commissaire du Gouvernement Romieu. Elle n’est cependant pas adaptée à la crise de la Covid-19. Si la responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques est, en premier lieu, de manière générale de nature à engager la responsabilité du fait d’actes administratifs légaux en cas de préjudice anormal et spécial, il n’en va pas de même en matière de police sanitaire. En la matière, selon une jurisprudence administrative bien établie (CE Contentieux, 30 juillet 1997, n° 118521, Boudin N° Lexbase : A0619AEN ; CE, 3e-8e ssr., 20 octobre 2014, n° 361686, Sopropêche N° Lexbase : A0629MZC), eu égard aux objectifs de protection de la santé publique, qu’une telle responsabilité sans faute ne peut pas être engagée en l’absence de dispositions législatives expresses en ce sens.

En second lieu, exception faite du cas circonscrit des agents publics et collaborateurs occasionnels, les caractères jurisprudentiels de la responsabilité pour risque ne sont pas susceptibles d’être réunis pour la population dans la crise de la Covid-19. Mais une telle responsabilité se déploie sur le terrain législatif dans le cadre d’un dispositif de solidarité nationale comme dans cela s’est fait dans de nombreuses crises précédentes : sang contaminé, amiante, prothèses mammaires PIP, H1N1, benfluorex, Mediator, etc.

Le législateur a, selon l’explication résultant des travaux préparatoires de la loi n° 2020-290, du 23 mars 2020 N° Lexbase : L5506LWT, admis au sein de l’article L. 3131-20 du Code de la santé publique N° Lexbase : L5647LW3, « l’extension à l’état d’urgence sanitaire des décharges de responsabilité des professionnels de santé et de l’industriel fabricant pour toute prescription médicamenteuse faite en-dehors des indications thérapeutiques lorsque celle-ci est rendue nécessaire par les circonstances. Il prévoit également la réparation par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) de tout accident médical, affection iatrogène ou nosocomiale, associés à la prise de mesures consécutives à l’état d’urgence sanitaire. »

La clarté de ces propos tranche avec l’inintelligibilité de l’article L. 3131-20 qui procède par renvoi à d’autres articles : l’article L. 3131-20, dispose en effet que : « Les dispositions des articles L.  3131-3 et L. 3131-4 sont applicables aux dommages résultant des mesures prises en application des articles L. 3131-15 à L. 3131-17. Les dispositions des articles L. 3131-9-1, L. 3131-10 et L. 3131-10-1 sont applicables en cas de déclaration de l’état d’urgence sanitaire. » Comprenne qui voudra !

Mais en faisant l’effort qui convient, on comprend par exemple qu’un médecin marseillais, qui administrerait de l’hydroxychloroquine à un porteur de la Covid-19, conformément à la réglementation adoptée dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, ne pourrait voir sa responsabilité engagée (CSP, art. L. 3131-3 N° Lexbase : L9615HZ7).

Il en irait de même, en application de la même disposition, pour le fabricant ou le titulaire d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), qui n’aurait pas à indemniser le patient si ce dernier venait à subir un dommage imputable à un médicament utilisé dans le cadre de la crise sanitaire en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d’utilisation prévues par son autorisation.

Les professionnels de santé sont donc exonérés de responsabilité par le législateur, qui a également garanti aux victimes d’un dommage dû à la Covid-19 un droit à indemnisation par le jeu de la solidarité nationale. Aux termes de l’article L. 3131-4 du Code de la santé publique N° Lexbase : L9616HZ8, la victime est en droit d’obtenir une indemnisation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. L’indemnisation est alors « assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l’article L. 1142-22 ».

Contrairement au droit commun de la responsabilité médicale, la victime n'a pas à démontrer que son préjudice est supérieur à un seuil de gravité : tout préjudice est réparé, quelle que soit l'ampleur des dommages corporels subis. On sait que deux cent cinquante demandes d’indemnisation en lien avec la Covid-19 ont été reçues par l’Oniam mi-septembre 2021. Si les indemnisations devraient être facilitées par un régime plus souple que le régime ordinaire de la responsabilité médicale, les défaillances passées de l’Oniam, soulignées notamment par le rapport public annuel de la Cour des comptes de 2017, n’augurent guère d’un traitement rapide. En se référant aux dossiers de demandes d’indemnisation imputables à la crise sanitaire du H1N1, on peut en effet constater qu’un contentieux s’est noué dans un nombre significatif de cas, les problèmes de causalité étant souvent les plus saillants (CAA Bordeaux, 5 mars 2018, n° 17BX031355 N° Lexbase : A5915XLN ; CAA Nancy, 3e ch., 4 juillet 2017, n° 17NC00649 N° Lexbase : A8567WLU ; CE, 5e ch., 4 novembre 2016, n° 397729 N° Lexbase : A9170SGQ), mais pas seulement.

II. L’impact de la campagne de vaccination sur la responsabilité de l’Administration

A. Une responsabilité de l’État assumée pour les vaccinés

Dans la mesure où la vaccination n’a jamais été imposée, y compris dans le cadre de l’instauration du « passe vaccinal », elle n’entre pas dans le champ de l’article L. 3111-9 du Code de la santé publique N° Lexbase : L8875LH8 sur les vaccinations obligatoires, issu d’une loi n° 64-643, du 1er juillet 1964, qui institue un régime de solidarité nationale dont la gestion est confiée à l’Oniam.

Mais les campagnes de vaccination liées à la Covid-19, à l’instar de la campagne relative à la crise de la grippe A H1N1 qui a été couverte au titre du régime des menaces et crises sanitaires graves, entrent dans le champ de l’article L. 3131-20 du Code de la santé publique N° Lexbase : L5647LW3 sur l’urgence sanitaire.

Le décret n° 2021-10, du 7 janvier 2021, modifiant les décrets n° 2020-1262, du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310, du 29 octobre 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire N° Lexbase : L6523LZM introduit en effet un article 55-1 ainsi rédigé :

« I.- Une campagne de vaccination contre la Covid-19 est organisée dans les conditions prévues au présent article.

Les vaccins susceptibles d'être utilisés sont ceux dont la liste figure en annexe 6. Par dérogation à la procédure prévue à l'article L. 5132-7 du Code la santé publique, ils sont classés sur la liste I définie à l'article L. 5132-6 du Code de la santé publique.

Les vaccins sont achetés par l'Agence nationale de santé publique. Leur mise à disposition est assurée dans les conditions prévues au présent article, à titre gratuit. »

La campagne de vaccination est, par conséquent, même si elle n’est pas obligatoire, couverte par l’Oniam au titre de l’article L. 3131-20 du Code de la santé publique N° Lexbase : L5647LW3 en tant qu’activité de prévention réalisée dans le cadre des mesures d’urgence sanitaire.

Devant l’Oniam, les victimes n’ont pas à démontrer l’existence d’un défaut du produit. Mais elles doivent malgré tout établir un lien entre l’administration du vaccin et le dommage subi. 

B. Une garantie moins assumée à l’égard des fabricants

Un halo de mystère plane sur les contrats anticipés d’achat de vaccins. Pour le vaccin contre la grippe A H1N1 (Rapport Sénat, La grippe A (H1N1) : Retours sur « la première pandémie du XXIe siècle », Commission d'enquête sur la grippe A, 2010 [en ligne]), les contrats conclus par la France prévoyaient que « … le titulaire [le fabricant de vaccin] s’engage à demander l’autorisation de mise sur le marché et à accomplir toute démarche de droit en vue de l’obtenir. Une fois l’autorisation de mise sur le marché obtenue, le titulaire s’acquittera de toutes les obligations du titulaire d’une telle autorisation comme prévu dans le Code de la santé publique, y compris les obligations de pharmacovigilance.

L’administration déclare que l’utilisation des vaccins objet du présent marché ne se fera qu’en cas de situation épidémiologique le nécessitant. Dans ces conditions, les opérations de vaccination de la population seront décidées par la seule administration et seront placées sous la seule responsabilité de l’État.

Dans ce cadre, le titulaire est, en principe, responsable du fait des produits défectueux.

Toutefois, à titre dérogatoire et considérant les circonstances exceptionnelles qui caractérisent l’objet du présent marché, l’État s’engage à garantir le titulaire contre les conséquences de toute réclamation ou action judiciaire qui pourraient être élevées à l’encontre de ce dernier dans le cadre des opérations de vaccination sauf en cas de faute du titulaire ou sauf en cas de livraison d’un produit non conforme aux spécifications décrites dans l’autorisation de mise sur le marché ou, à défaut d’autorisation de mise sur le marché, aux caractéristiques du produit telles qu’elles figurent dans le dossier d’autorisation de mise sur le marché dans l’état où il se trouvait au moment de chaque livraison. »

On peut supposer que de mêmes analogues figurent dans les contrats de commande des vaccins contre la Covid-19 qui ont été conclus par l’Union européenne.

Faisant face à une polémique naissante sur l’exonération des laboratoires de toute responsabilité, la Commission européenne a cru devoir rappeler dans une communication du 24 septembre 2020 que les contrats qu’elle négocie « respectent et protègent pleinement les droits des citoyens, conformément à la directive sur la responsabilité du fait des produits. »

La responsabilité incombant aux producteurs de produits défectueux en application de la Directive (CEE) n° 85/374, du 25 juillet 1985 N° Lexbase : L9620AUT, transposée en France par les articles 1245 à 1245-17 du Code civil N° Lexbase : L0945KZZ, serait donc pleinement applicables aux fabricants du vaccin contre la Covid-19. À ce titre on peut rappeler qu’aux termes de l’article 1245 du Code civil : « Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime. »

Mais les contrats sembleraient avoir prévu l’institution d’une garantie des fabricants par les États membres de l’Union européenne. Dans la communication précitée du 24 septembre 2020, la Commission européenne a en effet souligné « qu’afin de compenser les risques pris par les fabricants en raison du délai exceptionnellement court pour la mise au point des vaccins, les contrats d’achat anticipés prévoient que les États membres indemnisent le fabricant pour les éventuelles responsabilités encourues uniquement dans les conditions spécifiques définies dans les contrats d’achat anticipés. » Si les contrats d’achat anticipés sont publiés sur le site de la Commission européenne, ils le sont dans une version expurgée qui ne permet pas de prendre connaissance des clauses de garantie des fabricants de vaccin.

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