Cahiers Louis Josserand n°1 du 28 juillet 2022 : Pénal

[Chronique] Droit pénal et procédure pénale

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N2375BZY

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par Salomé Papillon - Doctorante et Angéline Coste - Doctorante, Équipe de recherche Louis Josserand, Université Jean Moulin Lyon 3

le 28 Juillet 2022

Rendons à la CHINS ce qui appartient à la CHINS

Mots-clés : détention provisoire, mise en liberté, compétence matérielle

♦ CA Lyon, 4e ch., 17 mars 2020

Cet arrêt rendu par la quatrième chambre de la cour d’appel de Lyon nous permet de revenir sur des précisions procédurales. Entre délai et compétence, cette décision appert à la fois subtile et limpide.

Le 4 octobre 2019, un individu était placé en détention provisoire pour des faits d’outrage, menace et violences volontaires envers un fonctionnaire de police. Le 11 février 2020, le juge d’instruction rendait une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel. Le 19 février 2020, une demande de mise en liberté était formulée au greffe de la maison d’arrêt par l’individu détenu. Ainsi, le 25 février, le tribunal correctionnel de Lyon rejetait la demande de mise en liberté. Le lendemain, un appel était interjeté par le détenu.

Devant la cour, le conseil de l’individu faisait valoir l’incompétence du tribunal pour statuer sur la demande de mise en liberté en application de l’article 148-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1744IPB. En absence de décision de la juridiction compétente dans le délai imparti prévu par l’article 148-2 N° Lexbase : L1333MAM, il n’existait donc aucune raison de poursuivre la détention. La nullité était reconnue par la cour d’appel ; le détenu, quant à lui, remis en liberté.

I. Une habile démonstration

Le raisonnement de la défense est implacable. Il s’appuie sur l’article 148-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1744IPB qui distingue deux possibilités. Tout d’abord, l’article rappelle que lorsqu’une juridiction est saisie, cette dernière se prononce sur la détention provisoire. À l’inverse, lorsqu’aucune juridiction n’est saisie du fond de l’affaire, c’est à la chambre de l’instruction (CHINS) de s’attarder sur les demandes de mise en liberté. Elle offre ainsi une réponse unique aux zones grises, s’inscrit en creux des possibilités.

La première partie de la réflexion résidait dans le fait de savoir si, en l’espèce, le tribunal était saisi et donc compétent pour se prononcer sur la demande. Pour ce faire, la Cour de cassation estime que la détermination de la juridiction compétente s’apprécie au jour du dépôt de la demande de mise en liberté. Peu importe que l’ordonnance soit définitive au jour où le tribunal se réunit pour examiner la demande de mise en liberté. La Chambre criminelle ne laisse guère planer de doute (Cass. crim., 7 mai 2019, n° 19-81.366 et n° 19-81.494, F-P+B+I N° Lexbase : A0706ZBR). Dans les faits, l’individu avait déposé sa demande le 19 février 2020, soit huit jours après l’ordonnance de renvoi rendu par le juge d’instruction. Rappelons que le délai d’appel pour contester une ordonnance de renvoi est de dix jours (C. proc. pén., art. 186 N° Lexbase : L8081MAK). Aussi, lorsque la demande de mise en liberté avait été déposée au greffe de la maison d’arrêt, l’ordonnance de renvoi n’était pas définitive. En application de l’article 148-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1744IPB, seule la chambre de l’instruction était compétente, car aucune juridiction n’était saisie.

Une fois la compétence de la CHINS établie, le raisonnement consistait à rappeler que cette dernière disposait d’un délai de vingt jours pour statuer en application de l’article 148-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1333MAM. Puisqu’il avait été dépassé, l’individu fut remis en liberté.

À première vue, le raisonnement de la défense est incontestable. La cour d’appel n’avait d’autre choix que de reconnaître la nullité d’ordre public. La lecture des articles 148-1 et 148-2 du Code de procédure pénale s’ajoute à l’apparente clarté de la Cour de cassation. La détention provisoire doit prendre fin, l’individu retrouver la liberté.

II. Une stricte application

Cet arrêt de la cour d’appel de Lyon est éloquent. Il s’agit d’une stricte application de la loi. La fin ne justifie plus les moyens et les magistrats tirent toutes les conséquences de la situation. Cela est d’autant plus saisissant que la jurisprudence de la Cour de cassation n’est pas toujours aussi limpide à ce sujet.

En effet, le 12 juin 2014, la Chambre criminelle a estimé que le dépassement du délai prévu à l’article 148-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1333MAM ne devait pas être pris en compte « dès lors que les demandes de mise en liberté présentées par le détenu étaient entachées de mentions erronées, de nature à rendre incertaine la désignation de la juridiction compétente » (Cass. crim., 12 juin 2014, n° 14-82.233, FS-P+B+I N° Lexbase : A2285MR3 ; Dalloz actualité, 27 juin 2014, obs. Fucini ; AJ pénal 2015, 48, obs. Ascensi ; RSC 2014, 591, note Danet). Au regard de cette décision, la Cour de cassation semble estimer que l’erreur de destinataire est le fait de l’individu détenu. « Il importe peu que cette mention ne soit pas de sa main dès lors que, sachant lire et écrire comme il l’a dit à la cour, il l’a signée en qualité de déclarant, validant ainsi son contenu ». De fait, les erreurs commises par l’administration pénitentiaire seraient excusées. Si cette décision peut s’entendre en présence d’un conseil, quid de l’individu détenu sans avocat ? Espère-t-on que ce dernier ait connaissance de la subtilité de l’article 148-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1744IPB mieux que le greffe ?

Pourtant, quelques années auparavant, la Cour de cassation avait affirmé qu’une erreur d’adresse faite dans une demande de mise en liberté par un détenu ne saurait rendre cette dernière irrecevable. L’individu incarcéré avait tout à fait la possibilité de faire examiner sa demande par la chambre de l’instruction, quand bien même il avait saisi par erreur le juge d’instruction (Cass. crim., 21 mai 2008, n° 08-81.613, F-P+F N° Lexbase : A0669D9N ; D. 2008 ; AJ pénal, 2008, 423, obs. Nord-Wagner). À la lecture de cet arrêt, l’erreur de l’individu ne semble pas proroger le délai d’intervention de la CHINS. Toutefois, le fait que la chambre de l’instruction était encore dans les délais pour se prononcer sur la demande de mise en liberté justifie sans doute cette tolérance de la part de la Cour de cassation.

Quoi qu’il en soit, ces deux arrêts publiés embrassent une certaine casuistique et laissaient libre champ aux magistrats de la cour d’appel de Lyon, qui ont privilégié les droits de la personne détenue sur ses devoirs de vigilance.

Aussi, pour les avocats de la défense, le raisonnement d’espèce est inspirant et pourrait se propager. D’une erreur chétive naît une conséquence notable, bien que parfaitement conforme à la lettre de la loi. Afin d’enrayer ces errances, des recommandations pourraient être faites aux greffes des établissements pénitentiaires, rappelant les règles prévues par l’article 148-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1744IPB. Il nous semble délicat d’exiger une parfaite connaissance des subtilités procédurales de la part des détenus dès lors que la demande est en réalité enregistrée par le greffe de l’administration pénitentiaire. Il serait surprenant de sommer le détenu d’avoir une meilleure connaissance du droit que le professionnel. N’est-ce pas naturellement le rôle des garants de la procédure ? Le droit doit être respecté, les règles de procédure appliquées, au risque de laisser échapper certains détenus des murs que l’on pensait avoir dressés.

Par Salomé Papillon

De ce qui justifie, ou plutôt ne justifie pas, la non-transmission d’un acte d’appel par pénitentiaire

Mots-clés : demande de mise en liberté d’office, détention provisoire, transmission de l’acte d’appel

♦ CA Lyon, CHINS, 19 novembre 2020

Un soir d’avril 2018 alors qu’il était au volant de son véhicule, un individu était visé par plusieurs tirs de pistolet, en provenance d’un autre véhicule. Les investigations réalisées aboutissaient à la mise en examen de trois individus du chef de tentative de meurtre en bande organisée. L’un d’entre eux, identifié comme étant le tireur, était placé en détention provisoire.

Le 23 mars 2020, il formulait une première demande de remise en liberté, qui était rejetée par le juge des libertés et de la détention. Le 31 mars 2020, il faisait alors appel de l’ordonnance de rejet au greffe de l’administration pénitentiaire. Cependant, l’administration pénitentiaire omettait de transmettre l’acte d’appel à la chambre de l’instruction qui, de fait, ne pouvait confirmer ni infirmer l’ordonnance contestée. Alors que plusieurs demandes de mise en liberté suivaient, mais demeuraient infructueuses, le mis en examen sollicitait sa mise en liberté d’office. La régularité même de la détention provisoire était contestée sur le fondement de l’absence de transmission de l’acte d’appel par le greffe de l’administration pénitentiaire, la transmission immédiate de cet acte étant prescrite par l’article 503 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3897AZD.

Le ministère public requérait le rejet de cette demande de mise en liberté d’office. Il tentait de justifier l’absence de transmission par l’existence d’un dysfonctionnement extérieur au service public de la justice qui avait placé la chambre de l’instruction dans l’impossibilité de statuer.

Après un premier renvoi de l’affaire, la chambre de l’instruction se voyait dans l’obligation de faire droit à la demande du mis en examen, qui était alors placé sous contrôle judiciaire.

De cet arrêt doivent être tirés deux enseignements. Premièrement, la chambre de l’instruction considère que les difficultés qu’avait dû affronter l’administration pénitentiaire ne pouvaient être assimilées ni à un événement extérieur au service public de la justice ni à une cause insurmontable et irrésistible (I). Deuxièmement, les demandes formées devant la chambre de l’instruction ultérieurement à l’absence de transmission de l’acte d’appel litigieux n’ont aucun effet purgatif de l’irrégularité (II).

I. La notion de dysfonctionnement extérieur au service public de la justice précisée

La chambre de l’instruction lyonnaise livre deux critères qui permettent d’apprécier l’existence d’un dysfonctionnement extérieur au service public de la justice. Le dysfonctionnement doit être celui d’un service qui n’est pas placé sous l’autorité du ministère de la Justice (A). Ce dysfonctionnement ne doit pas être imputable à de simples difficultés passagères (B).

A. La nécessité d’indépendance entre l’administration dysfonctionnelle et le ministère

L’argument avancé au soutien du rejet de la demande de mise en liberté d’office consistait à rejeter la responsabilité de la non-transmission de l’acte d’appel sur le greffe pénitentiaire. Le ministère public considérait en effet que l’administration pénitentiaire et la juridiction étaient suffisamment indépendantes pour que celle-ci n’ait pas à souffrir des manquements imputables au greffe.

La chambre de l’instruction s’inscrit en faux et rappelle que l’administration pénitentiaire et le service de la justice sont placés sous la même autorité ministérielle. Dès lors, « l’absence de saisine de la Chambre de l’Instruction ne peut être regardée comme un événement extérieur au service public de la justice ».

Les juges semblent attachés à cette condition d’extériorité. Dans un arrêt récent, a été considéré comme un événement extérieur au service public de la justice le dysfonctionnement lié à une défaillance du réseau des télécommunications, la chambre criminelle précisant que « le dysfonctionnement […] était extérieur au service de la justice en ce qu’il est lié non pas à une défaillance de l’administration pénitentiaire, des services du tribunal, ou d’un quelconque service de la justice » (Cass. crim., 10 juillet 2019, n° 19-83.228, F-D N° Lexbase : A5757ZKG).

B. Le refus de la prise en compte de simples difficultés passagères

À la lecture de l’arrêt, il faut comprendre qu’un échange a eu lieu entre le parquet et la direction interrégionale des services pénitentiaires afin d’identifier la cause de l’absence de transmission de l’appel. Il s’avère que celle-ci serait due à l’affectation récente d’agents au greffe et au caractère multiple des tâches qu’ils doivent assurer. La note transmise par la direction assure toutefois qu’il a été remédié à ces difficultés.

Or la chambre de l’instruction fait la distinction entre difficultés structurelles et difficultés conjoncturelles. Si les premières peuvent être de nature à caractériser le dysfonctionnement extérieur au service public de la justice, les secondes, parce que simplement passagères, ne sauraient constituer la cause insurmontable et irrésistible attendue.

Reprenant les caractères de la force majeure, cette formule limite les hypothèses dans lesquelles un dysfonctionnement justifierait l’absence de diligences. En creux, les juges d’appel indiquent que le dysfonctionnement extérieur au service public de la justice, pour être reconnu, doit totalement échapper au contrôle de ce même service public. Il faut saluer cette position, qui rappelle l’importance du droit d’appel.

II. Le droit d’appel préservé

A. L’absence d’effet purgatif des demandes de mise en liberté ultérieures

Au soutien de la mise en liberté d’office du mis en examen, la chambre de l’instruction rappelle qu’en dépit de la non-transmission de l’appel formé le 31 mars, elle a été plusieurs fois saisie. Cependant, il est précisé que les saisines ultérieures « ont porté sur d’autres actes de procédure ».

Ainsi, il importe peu que le mis en examen ait pu faire valoir certains de ses arguments devant la cour d’appel si l’appel formé n’a quant à lui jamais pu être examiné. Les saisines ultérieures ne suffisent pas à effacer la gravité de la non-transmission de l’acte d’appel.

Le droit d’appel s’en trouve ainsi préservé. L’appel du mis en examen, qui était alors détenu, doit se soumettre à certaines conditions de recevabilité. Il n’est donc pas illogique que l’administration pénitentiaire soit elle-même soumise à une certaine exigence.

B. La non-transmission de l’acte d’appel, une perte de chance ?

Finalement, cette absence de transmission ne doit-elle pas s’analyser en une perte de chance pour le mis en examen de bénéficier d’un débat contradictoire pour contester une mesure particulière restrictive de liberté ? Dans l’arrêt du 10 juillet précédemment évoqué, la visioconférence avait dû être remplacée par la conférence téléphonique. Or la chambre de l’instruction avait relevé « qu’au lieu de statuer sans débat contradictoire, il [le juge des libertés et de la détention] a utilisé les moyens à sa disposition pour respecter les droits de la défense ».

Les juges d’appel se conforment à l’esprit de la mesure de placement en détention provisoire, qui ne doit être ordonnée qu’à titre subsidiaire. Si le placement en détention provisoire du mis en examen par le juge des libertés et de la détention n’apparaissait pas dénué de fondement, tant au regard des faits que de la personnalité de celui-ci, son droit de le contester s’impose face au risque de trouble à l’ordre public.

Une nouvelle fois, la chambre de l’instruction rompt avec la tendance à la dérogation qui a touché la procédure pénale depuis le début de la crise sanitaire.

Par Angéline Coste

Un risque de réitération majeur pour un mis en examen mineur

Mots-clés : minorité, détention provisoire, mise en examen

♦ CA Lyon, CHINS, 20 avril 2021

Alors qu’une série de vols d’accessoires automobiles se commettait dans le Rhône, les investigations menaient les enquêteurs jusqu’à un individu mineur, qui avait été aperçu au volant du véhicule utilisé pour commettre ces vols. Il était interpelé le 29 mars 2021 et était mis en examen pour une série d’infractions : dégradation ou détérioration volontaire d’un bien destiné à l’utilité publique, prise du nom d’un tiers, conduite sans assurance et sans permis de conduire, vols aggravés, association de malfaiteurs et refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en œuvre la convention de déchiffrement d’un moyen de cryptologie. Toutefois, il n’admettait son implication que pour les infractions de conduite sans permis et sans assurance et de prise du nom d’un tiers.

Le 31 mars 2021, le juge des libertés et de la détention rendait une ordonnance de placement en détention provisoire. Le 6 avril 2021, il était fait appel de cette ordonnance.

Selon le mineur et son conseil, les démarches réalisées pour entamer une formation professionnelle et l’existence d’un soutien maternel rendent le placement en détention provisoire superflu, un placement sous contrôle judiciaire suffisant à satisfaire l’un des objectifs cités à l’article 144 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9485IEZ.

Dans un arrêt en date du 15 avril 2021, la chambre de l’instruction confirme l’ordonnance de placement en détention provisoire litigieuse.

La confirmation de l’ordonnance est motivée par le risque de réitération des faits, qualifié de « majeur » par les juges d’appel (I). En creux, la chambre de l’instruction transpose sans surprise au mineur le raisonnement adopté pour les majeurs, rappelant à ce titre que le mis en examen est proche de la majorité (II).

I. Le placement en détention provisoire justifié par un risque de réitération élevé

La gravité du risque de réitération des faits est évaluée au regard des mesures d’avertissement dont a bénéficié le mis en examen, mais qui ont toutes échoué. En effet, l’arrêt nous apprend que le mineur a déjà bénéficié d’une certaine mansuétude judiciaire. Son casier judiciaire comporte deux mentions, pour des faits très similaires à ceux de la présente procédure, et les décisions de condamnation ont toujours fait primer la fonction protectrice du droit pénal des mineurs. Du reste, le 25 janvier 2021, le juge des enfants acceptait par exemple de ne pas révoquer son sursis avec mise à l’épreuve afin de ne pas décourager tout effort de réinsertion. Or cette décision de faveur se trouve précisément être concomitante avec les faits qui justifient sa mise en examen. À propos de ces faits, la chambre de l’instruction n’oublie pas de rappeler que peuvent en l’espèce être constatés des indices graves qui rendent plausible l’implication du mineur, comme l’exige avec constance la chambre criminelle (Cass. crim., 14 octobre 2020, n° 20-82.961, FS-P+B+I N° Lexbase : A50093XS ; Cass. crim., 27 janvier 2021, n° 20-85.990, publié au bulletin N° Lexbase : A65064DC).

Plus encore, le risque de réitération se trouve renforcé par l’absence de cadre éducatif suffisamment ferme pour contenir les velléités délinquantes du mineur. Premièrement, il est relevé que la mère du mis en examen rencontre une difficulté évidente à instaurer des limites à son fils. L’Unité éducative en milieu ouvert (UEMO) indique dans son rapport que malgré les efforts de la communauté éducative pour remobiliser celui-ci, il adopte un mode de vie peu propice à la réinsertion. D’ailleurs, le projet éducatif est qualifié par les juges d’appel de « peu abouti ». S’il est rappelé que le mis en examen n’a pas été scolarisé depuis la classe de 3e, un projet dans le domaine de la mécanique est évoqué. Cependant, cela ne semble pas faire oublier aux juges l’absence de mobilisation et le refus de saisir les nombreuses mains tendues. L’âge déjà avancé de l’individu mineur conforte le déclenchement du courroux judiciaire.

II. L’opportunité du placement en détention provisoire confirmée par l’âge avancé du mineur

La chambre de l’instruction précise que le mis en examen est certes mineur mais qu’il est « proche de la majorité ». À ce titre, l’arrêt commenté justifie la confirmation de l’ordonnance de placement en détention provisoire par l’absence de solution alternative garantissant les objectifs de l’article 144 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9485IEZ. Or l’article 11 de l’ordonnance n° 45-174, du 2 février 1945 N° Lexbase : L4662AGR fait de la mesure de placement en détention provisoire une solution indispensable et de dernier recours sans faire expressément référence aux objectifs de l’article 144, applicable en droit pénal des majeurs. Toutefois, une telle solution a quelque chose de visionnaire si l’on en croit les termes de l’article L. 334-2 du Code de justice pénale des mineurs N° Lexbase : L2877L83 qui fait lui-même référence à l’article 144 du Code de procédure pénale. Il indique que la détention provisoire d’un mineur doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs mentionnés à l’article 144. Ces objectifs ne doivent pouvoir être atteints autrement, ni par une mesure de contrôle judiciaire ni par une assignation à résidence sous surveillance électronique. Sur le principe, la solution retenue est donc tout à fait cohérente avec l’esprit du droit pénal des mineurs actuel. Il est permis d’affirmer, tant au regard de la nature des infractions qui justifient la mise en examen que du discours tenu en garde à vue, que le mineur semble avoir fait siennes les habitudes de la délinquance.

Il est néanmoins indiqué que ses auditions « attestent par ailleurs de l’absence de prise de conscience de la dérive délinquante chez ce jeune, proche de la majorité, qui adopte les codes de comportement propices à une concertation frauduleuse ». On ne peut que relever une certaine ambivalence dans cette déclaration. Le mis en examen est-il un jeune qui peine à saisir que les foudres du droit pénal risquent de s’abattre sur lui ou un délinquant, majeur en puissance, capable de s’approprier les subtilités et rouages de la délinquance organisée ? Il semble que l’arrêt commenté révèle toute la difficulté du droit pénal à saisir efficacement les comportements des individus qui se situent entre deux âges.

Par Angéline Coste

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