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par Emmanuelle Lemaire - Lecturer in Law à l’Université d’Essex (Royaume-Uni)
le 28 Juillet 2022
D’après les dernières données disponibles sur le site de l’OMS, le Royaume-Uni serait le septième pays comptant le plus grand nombre de décès liés à la Covid-19, derrière les États-Unis, le Brésil, l’Inde, le Mexique, le Pérou et la Russie [1]. Selon le Gouvernement britannique, plus d’un demi-million de personnes atteintes de Covid-19 ont été admises à l’hôpital depuis le début de l’épidémie [2] ; en particulier, durant les deux principaux pics de l’épidémie, soit en mars 2020 et en janvier 2021, l’on a pu recenser, en moyenne, entre 3000 et 4000 admissions hospitalières quotidiennes liées à la Covid-19. [3] C’est donc peu que de dire que le système de santé britannique a été contraint d’opérer « sous-tension », avec un mot d’ordre : adaptation. [4]
Adaptation sur le plan technique, d’abord. On citera, par exemple, la construction d’hôpitaux de fortune en prévision du dépassement de la capacité d’accueil des malades de la Covid-19 [5], l’annulation d’opérations non urgentes pour libérer des lits ou encore la mise en place de consultations à distance par les cabinets de médecins généralistes.
Adaptation sur le plan humain, ensuite. Les professionnels de santé retraités et les étudiants en dernière année de médecine, notamment, ont répondu à l’appel du Gouvernement pour venir rejoindre les rangs du système national de santé (ou NHS) ; les professionnels de santé encore en service ont parfois été amenés à exercer en dehors de leur champ de spécialité pour prêter main-forte aux unités de soin intensif.
Adaptation face à l’évolution des connaissances scientifiques, enfin : mise à jour constante des protocoles, recommandations, conseils et guides de bonnes pratiques à destination des professionnels de santé ; nécessité d’une prise de décision des médecins quant à l’utilisation de certains produits contestés, comme la chloroquine ou l’hydroxychloroquine par exemple, pour traiter les malades de la Covid-19.
Dans ce contexte incertain et inédit, on ne saurait s’étonner de l’inquiétude grandissante des professionnels de santé quant à l’engagement de leur éventuelle responsabilité médicale. Dès avril 2020, cette inquiétude a conduit certaines organisations professionnelles chargées de défendre les intérêts des professionnels de santé (comme le Medical Defence Union [6]) à appeler le Gouvernement britannique à suivre l’exemple de certains États américains, en introduisant une immunité de responsabilité civile pour le NHS et les professionnels de santé travaillant au sein, ou en partenariat avec le NHS, pour tout dommage ou décès prétendument subi à raison d’actes ou d’omissions accomplis de bonne foi durant la crise de la Covid-19 [7].
Cet appel à l’immunité civile, relayé par certains médias anglais [8], a tout de même de quoi surprendre : le risque de responsabilité médicale encouru par le NHS (et ses employés) serait-il donc si grand qu’il justifierait l’introduction d’une immunité de responsabilité civile ? Autrement dit, est-il vraiment nécessaire d’introduire une immunité de responsabilité civile pour protéger les professionnels de santé [9] du risque de responsabilité médicale dans le contexte de la Covid-19 ?
Deux éléments permettent, selon nous, d’en douter. D’une part, les obstacles à surmonter pour parvenir à faire reconnaître la responsabilité des professionnels de santé dans le contexte de la Covid-19 sont importants. Dès lors, la crainte d’une augmentation de la reconnaissance de responsabilité médicale dans ce contexte n’est pas, selon nous, justifiée (I). D’autre part, quand bien même l’on observerait une augmentation de la reconnaissance de responsabilité médicale, ce ne sont pas, de toute façon, les professionnels de santé eux-mêmes qui en supporteraient le poids financier (II).
I. La crainte injustifiée d’une explosion de la reconnaissance de responsabilité médicale dans le contexte de la Covid-19
Il est utile de commencer par présenter brièvement les règles de responsabilité médicale, telles qu’elles s’appliquent en temps « normal » (A). En effet, comme le relevait le National Audit Office dans son rapport publié le 3 mai 2001, l’indemnisation des victimes est généralement assez difficile dans le contexte médical, en raison notamment de la preuve des conditions de responsabilité que ces victimes doivent apporter [10]. Ces difficultés traditionnelles, loin de disparaître, risquent d’être au contraire exacerbées dans le contexte de la Covid-19 (B).
A. La difficile reconnaissance de responsabilité médicale en temps « normal »
De manière générale, les patients traités par le National Health Service (NHS) ne sont pas contractuellement liés au médecin qui les traite ou à l’hôpital dans lequel ils reçoivent des soins [11] ; par conséquent, la principale source de responsabilité médicale est, en droit anglais, extracontractuelle et fondée sur le délit civil de négligence (tort of negligence).
L’action en négligence implique traditionnellement que la victime démontre, premièrement, qu’un devoir de diligence (duty of care) lui est dû par le défendeur ; deuxièmement, que ce devoir de diligence a été violé par le défendeur (breach of duty of care) ; troisièmement, que la violation du devoir de diligence lui a causé un dommage (causation) ; et enfin, naturellement que le dommage soit lui-même réparable (actionable damage). Ce sont là les quatre conditions classiques de responsabilité médicale.
Les première et quatrième conditions ne posent généralement aucun problème.
La première condition pose assez peu de difficultés [12], car la jurisprudence reconnaît en effet de longue date que les médecins et le NHS sont tenus d’un devoir de diligence envers leurs patients [13]. Parfois même, le médecin peut, dans certaines circonstances, être tenu d’un devoir de diligence envers un tiers. Par exemple, certains auteurs semblent considérer que le médecin serait probablement tenu d’un devoir de diligence envers un tiers contaminé par une maladie contagieuse qui lui aurait été transmise par un patient que le médecin aurait imprudemment laissé sortir de l’hôpital [14]. La question la plus délicate à cette étape tient en fait souvent à l’étendue du devoir de diligence dont le médecin est tenu envers le patient, et il faut reconnaître que les juges continuent d’en préciser les contours au fur et à mesure de leurs décisions. Ce qui est certain, c’est qu’un médecin doit exercer un soin raisonnable notamment lorsqu’il fournit des conseils [15], pose un diagnostic ou prodigue un traitement au patient [16].
La quatrième condition n’est pas non plus problématique, car les victimes dans le contexte médical souffrent souvent d’un dommage corporel ou psychiatrique, éventuellement d’un dommage matériel, types de dommages réparables dans le cadre du tort of negligence.
Si la preuve de l’existence du devoir de diligence et d’un dommage réparable entraînent rarement des difficultés, on ne peut pas en dire de même de la preuve de la violation du devoir de diligence, autrement dit de la faute médicale. La victime doit en effet démontrer que « le professionnel n’a pas atteint le niveau de diligence du médecin (ou autre professionnel de santé) avisé » [17], ce qui implique d’abord de déterminer le niveau de diligence (standard of care) auquel le médecin doit se conformer.
Dans la grande majorité des cas [18], le niveau de diligence est apprécié par référence à l’arrêt Bolam v. Friern Hospital Management Committee [19]. Selon cette décision, un médecin n’est pas considéré fautif s’il a agi « en conformité avec une pratique jugée raisonnable par un groupe compétent d’experts médicaux travaillant dans la même spécialité » [20]. Par conséquent, si le médecin parvient à démontrer que la pratique qu’il a suivie est raisonnable, alors il ne sera pas considéré fautif et ce, quand bien même une autre pratique aurait pu être suivie [21]. La conformité du médecin aux guides de bonnes pratiques, recommandations et protocoles établis par les organismes professionnels constitue souvent un indice fort de l’absence de faute ; néanmoins, un médecin qui ne se serait pas conformé à ces différents guides ou protocoles n’est pas nécessairement fautif si cette pratique est jugée « raisonnable » par un groupe compétent d’experts médicaux exerçant dans la même spécialité.
Il faut toutefois se garder d’en conclure que le caractère raisonnable de la pratique suivie est laissé à l’appréciation seule de ce groupe. En effet, encore faut-il que le juge soit convaincu que l’avis de ce groupe d’experts est lui-même logique et raisonnable, tempérament apporté par l’arrêt Bolitho v. City and Hackney Health Autority [22]. Par suite, un médecin qui se serait conformé à un guide de bonne pratique que le juge considérerait dépourvu de logique pourrait être considéré fautif. Il faut tout de même bien le reconnaître : il est rare qu’un juge parvienne à la conclusion qu’une pratique soit elle-même totalement dépourvue de fondement [23], particulièrement si cette pratique est communément admise [24].
Par conséquent, en dépit du tempérament apporté par l’arrêt Bolitho, l’application du test Bolam rend souvent difficile la preuve d’une négligence médicale.
La preuve du lien de causalité est, elle aussi, souvent problématique dans le contexte médical.
C’est souvent à l’étape de la cause in fact que les difficultés sont les plus importantes. Les juges appliquent généralement le test traditionnel du but for (cause sine qua non), même s’ils ont parfois pu adopter une approche plus souple [25]. Le standard de preuve étant celui de la balance des probabilités, le demandeur doit ainsi démontrer qu’il est plus probable que non probable que, sans la négligence médicale, le dommage ne serait pas survenu. Le test implique donc d’entreprendre une analyse contrefactuelle, consistant à s’interroger sur ce qu’il se serait probablement passé si le médecin n’avait pas commis la négligence médicale, ceci afin de déterminer si la négligence médicale a vraiment participé à la survenance du dommage [26]. Cette analyse est particulièrement complexe puisqu’elle peut aboutir à devoir envisager la conduite hypothétique qu’aurait adopté, selon toute probabilité, un demandeur (par exemple dans les cas où est en cause un défaut d’information du patient tenant aux risques d’un traitement particulier), un défendeur (par exemple dans les cas où est en cause un acte négligent accompli par le défendeur dans le cadre d’un traitement), ou parfois même un tiers (par exemple dans les cas où l’action d’un défendeur aurait dû entraîner l’intervention d’un tiers).
Cette analyse causale est également très complexe en cas de causes concurrentes, comme le démontre l’arrêt Wilsher v. Essex Area Health Authority [27]. Dans ce contentieux, un bébé né prématurément souffrait d’une rétinopathie, affection de la rétine courante chez les nouveau-nés, qui avait entraîné son aveuglement presque total. Cette condition médicale pouvait, en l’espèce, avoir été causée par cinq causes différentes, dont l’une seulement était génératrice de responsabilité médicale. Aucun élément de preuve ne permettait, dans cette affaire, d’attribuer le dommage souffert par l’enfant à la cause « fautive » plutôt qu’à l’une des quatre autres causes. Refusant d’adopter un test de causalité plus souple, la Chambre des lords a, par application du test traditionnel du but for, rejeté la responsabilité de l’autorité régionale de santé d’Essex, responsable de l’administration de l’hôpital dans lequel l’enfant était né.
En matière médicale, il faut bien reconnaître que la preuve de la causalité confine souvent à une véritable probatio diabolica.
Parvenir à faire reconnaître la responsabilité des professionnels de santé n’est pas une tâche aisée en temps « normal », en raison des difficultés probatoires s’attachant à la preuve d’une faute médicale et du lien de causalité [28]. Nul doute que ces difficultés seront également présentes dans le cadre d’actions en responsabilité médicale entreprises dans le contexte de la Covid-19.
B. La reconnaissance de la responsabilité médicale dans le contexte de la Covid-19
Il est encore trop tôt pour voir apparaître les premières décisions judiciaires à propos d’actions en responsabilité médicale dans le contexte de la Covid-19. Néanmoins, rien ne nous empêche d’envisager, dès maintenant, certaines des situations qui pourraient se présenter aux juges anglais. Le propos sera limité à la responsabilité des médecins : médecins généralistes, d’une part (1) et médecins employés dans un hôpital du NHS, d’autre part (2).
1) La responsabilité des médecins généralistes
En ce qui concerne les médecins généralistes, trois situations pouvant appeler une responsabilité médicale seront envisagées. La première concerne l’erreur de diagnostic du médecin qui n’aurait pas détecté que son patient était infecté par le virus SARS-CoV-2 (a). La deuxième est liée à la décision erronée du médecin généraliste de ne pas transférer un patient atteint de Covid-19 à l’hôpital (b). La troisième situation, enfin, tient à la décision d’un médecin généraliste de prescrire de la chloroquine ou de l’hydroxychloroquine pour soigner un patient, malade de la Covid-19 (c).
a. L’erreur de diagnostic
Première situation, un médecin n’a pas su détecter que son patient était atteint du virus SARS-CoV-2. Si l’on imagine que ce patient décède ensuite de la maladie de Covid-19 ou bien qu’il subisse les effets à long terme de cette maladie (ce que l’on a pu appeler « Covid long »), la responsabilité du médecin généraliste qui a commis une erreur de diagnostic pourrait-elle être retenue ?
Le premier obstacle à surmonter pour voir reconnaître la responsabilité du médecin est la preuve de l’existence d’une négligence médicale. Le droit anglais opère une distinction très nette entre l’erreur médicale et la négligence médicale [29]. Par conséquent, une erreur de diagnostic n’est pas, en elle-même, constitutive d’une négligence médicale. Pour prouver la négligence médicale, le demandeur doit démontrer que le médecin n’a pas atteint le niveau de diligence requis, tel que défini par l’arrêt Bolam [30].
Dans les cas d’erreurs de diagnostic, plusieurs éléments sont pris en compte comme la difficulté (ou non) de procéder à un diagnostic au regard des symptômes présentés par le patient [31], et les techniques possibles de diagnostic, telles que l’existence (ou non) de tests par exemple [32]. À la lumière de ces éléments, la date à laquelle l’erreur de diagnostic a été commise sera sans aucun doute importante. Une erreur de diagnostic commise au début de la crise de la Covid-19 a, selon nous, peu de chance d’être considérée fautive. En effet, l’absence de connaissance scientifique initiale tenant au virus et à la maladie, suivie de l’évolution de la liste des symptômes de la maladie de Covid-19 reconnus par la communauté scientifique, les difficultés initiales de conception de tests permettant le diagnostic, le manque de fiabilité initiale des tests aggravé par une mutation constante du virus constituent autant d’éléments qui seront probablement pris en compte dans l’appréciation de la faute médicale. Une erreur de diagnostic commise à une époque plus récente ne serait pas non plus nécessairement jugée fautive. Par exemple, si le médecin démontre avoir suivi les recommandations des organismes professionnels applicables au moment opportun, il est peu probable que la faute médicale soit caractérisée, comme le suggère la lecture a contrario de la décision Pope v. NHS Commissioning Board [33] rendue dans le contexte de la pandémie de grippe A H1N1.
Prouver l’existence d’une négligence médicale risque d’être encore plus difficile dans le contexte de consultations à distance, utilisées pour limiter les risques de propagation du virus. Sans possibilité d’ausculter le patient, en se fondant finalement uniquement sur les dires du patient ou sur un examen visuel à distance, le risque d’une erreur de diagnostic est peut-être plus grand, mais le risque qu’une telle erreur soit considérée fautive sera peut-être, corrélativement, plus faible. En effet, les conditions pour poser le diagnostic seront indéniablement prises en compte par le juge. Dans ce contexte particulier, la conformité du médecin aux recommandations et guides de bonne pratique produits par les organismes professionnels [34] sera sans doute déterminante.
Dans tous les cas, si le demandeur parvient à démontrer la violation du devoir de diligence par le médecin généraliste, il devra encore faire face à un obstacle de taille : prouver le lien de causalité entre la violation de ce devoir et le dommage subi. Dans le scénario envisagé, le demandeur doit démontrer qu’en l’absence de la négligence médicale, le patient ne serait probablement pas décédé de la maladie Covid-19 ou n’aurait probablement pas subi les effets à long terme de cette maladie. Cela implique, d’abord, d’envisager ce qu’aurait fait un médecin généraliste raisonnablement compétent en l’absence de négligence médicale, et ensuite, de déterminer si ceci aurait ou non probablement fait une différence pour le patient. La preuve du lien de causalité risque donc d’être difficile, d’autant que le droit anglais ne semble pas admettre, a priori, la responsabilité pour perte d’une chance de guérison[35].
b. La décision de ne pas transférer un patient atteint de Covid-19 à l’hôpital
Deuxième situation, un médecin généraliste, ayant correctement diagnostiqué que son patient était infecté par le virus, prend cependant la décision de ne pas le transférer à l’hôpital. Si l’on imagine que le patient est atteint d’une forme sévère de la maladie de Covid-19 qui entraîne des séquelles ou son décès, la décision du médecin de ne pas l’avoir orienté plus tôt à l’hôpital peut-elle engager sa responsabilité ?
De nouveau, la première difficulté sera de prouver la violation du devoir de diligence par le médecin généraliste. Là encore, la preuve de la négligence médicale risque de dépendre, en grande partie, du point de savoir si un médecin raisonnablement compétent aurait agi de même au regard de l’état du patient, de sa vulnérabilité (par exemple, le patient fait-il partie de la population à risque ?), et des lignes directrices ou recommandations en place à ce moment.
Dans tous les cas, à supposer même que l’erreur soit constitutive de négligence médicale, il faudrait encore démontrer qu’en l’absence de négligence médicale, le décès ou les séquelles subis par le patient malade de la Covid-19 ne seraient probablement pas survenus. Ceci implique d’envisager ce qu’il se serait probablement passé si le médecin avait pris la décision d’orienter le patient plus tôt à l’hôpital. On peut supposer que dans un tel cas, le patient aurait probablement pu être traité plus tôt. Pour autant, cela aurait-il, selon toute probabilité, fait une différence pour le patient ? Rien n’est moins sûr et la réponse à cette question risque de reposer en grande partie sur les circonstances de l’espèce [36]. L’on peut tout de même déjà mesurer, avec ce simple exemple, les difficultés liées à l’analyse causale susceptibles d’émerger.
c. La prescription de chloroquine ou d’hydroxychloroquine
Troisième situation envisageable, un médecin généraliste a prescrit de la chloroquine ou de l’hydroxychloroquine pour traiter un patient, malade de la Covid-19. Le patient subit un dommage corporel qu’il pense être lié à la prise de l’un de ces médicaments.
Cette situation est peut-être l’une des seules où l’existence d’une négligence médicale pourrait être plus aisément caractérisée à l’encontre du médecin. En effet, au Royaume-Uni, ces deux médicaments n’ont jamais fait l’objet d’une autorisation sanitaire (même temporaire) pour le traitement des malades de la Covid-19 [37]. La ligne directrice a, au contraire, toujours été de ne pas prescrire l’utilisation de ces médicaments avant que les essais cliniques (encore en cours) ne permettent aux autorités sanitaires de prendre une décision au regard de la sécurité et de l’efficacité de ces médicaments dans le traitement des malades de la Covid-19 [38]. À suivre le test Bolam, il semble donc douteux que la prescription de l’un de ces deux médicaments par le médecin soit jugée raisonnable par un groupe compétent d’experts médicaux exerçant dans la même spécialité. En effet, le médecin aurait sans doute du mal à justifier pourquoi il a pris la décision de s’écarter de la pratique médicale admise, particulièrement au regard de l’absence d’éléments probatoires tenant à la sécurité et à l’efficacité de ces médicaments dans le traitement des malades de la Covid-19. Il est donc probable que, dans de telles circonstances, la violation du devoir de diligence pesant sur le médecin soit caractérisée.
Cela étant, la preuve du lien de causalité entre la prescription (fautive) de l’un de ces médicaments et le dommage survenu demeure délicate. D’une part, si le patient présentait déjà une condition médicale antérieure, il serait sans doute difficile de démontrer que le dommage subi est probablement dû au médicament prescrit, plutôt qu’à la condition médicale. D’autre part, la preuve de la causalité risque de dépendre, en grande partie, des connaissances scientifiques disponibles (ou non) quant aux effets du médicament sur la santé. Si ce n’est donc la preuve de la négligence médicale qui posera un problème, ce sera sans doute celle de la causalité.
2) La responsabilité des médecins employés dans un hôpital du NHS
Si l’on envisage à présent la responsabilité des médecins, employés dans un hôpital du NHS, qui ont été chargés du traitement des malades de la Covid-19, les mêmes difficultés sont à prévoir. Deux situations en particulier ont concentré les inquiétudes au Royaume-Uni. La première concerne les éventuelles erreurs commises par les étudiants en dernière année de médecine ou les médecins redéployés hors de leur champ de spécialité qui ont été impliqués dans le traitement des malades de la Covid-19 (a). La seconde concerne l’éventuel tri des patients (b).
a. L’erreur commise par un médecin inexpérimenté
À partir de mars 2020, il est vite apparu que les services hospitaliers auraient du mal à faire face au nombre d’admissions hospitalières de patients atteints de Covid-19. Plusieurs solutions ont été mises en place pour répondre à ce problème : certains étudiants en dernière année de médecine ont, par exemple, pu obtenir leur diplôme avec quelques mois d’avance pour rejoindre les rangs du NHS ; plusieurs médecins ont été amenés à exercer en dehors de leur champ de spécialité pour traiter les malades de la Covid-19.
Dans ces circonstances, la question peut se poser de savoir si les erreurs commises par ces médecins « inexpérimentés » sont susceptibles d’être qualifiées de faute médicale. La question mérite d’être posée, car, traditionnellement, le standard de diligence requis d’un médecin dépend du rôle qu’il occupe et non pas de son niveau d’expérience (ou inexpérience) [39]. Par exemple, un médecin junior travaillant depuis trois jours en unité de soin intensive est soumis au même standard de diligence qu’un médecin qui y travaille depuis plus de vingt ans. Dans ces conditions, on pourrait effectivement se dire que la caractérisation d’une négligence médicale à l’encontre de médecins juniors ou de médecins redéployés hors de leur champ de spécialité pourrait être plus facile. Il est cependant important de ne pas tirer de conclusions trop hâtives : la jurisprudence anglaise a souvent répété que l’appréciation de la violation du standard de diligence n’était pas un exercice abstrait, mais impliquait, au contraire, de tenir compte des circonstances spécifiques de chaque espèce [40]. Le moins que l’on puisse dire, c’est que dans le contexte de la Covid-19, les circonstances sont si spécifiques qu’elles sont sans précédent ! Nombre important de patients admis à l’hôpital entraînant une pression considérable sur les médecins, adaptation continuelle des guides de bonnes pratiques et recommandations pour faire face à la crise, durée de travail allongée avec parfois une pénurie d’équipements, etc. Là encore, il n’est pas dit que la caractérisation de la négligence médicale soit plus facile [41] : tout va dépendre des circonstances dans lesquelles l’erreur a été commise.
b. Le cas du tri des patients
La seconde situation qui a suscité des inquiétudes en termes de responsabilité juridique concerne l’éventuel tri des patients, c’est-à-dire la classification des patients par ordre de priorité en vue d’un traitement. Le tri des patients n’est pas nouveau, il est même courant dans les services d’accueil d’urgence : un accidenté grave de la route sera traité par priorité à une personne qui a besoin d’un point de suture.
En temps de Covid-19, la difficulté tient à l’existence d’un afflux massif de patients pouvant nécessiter un traitement urgent. Les ressources disponibles se raréfient, car ces patients ont souvent besoin des mêmes équipements médicaux et il faut donc procéder à un nouveau tri. Deux patients gravement malades de la Covid-19 ont besoin d’un respirateur artificiel, mais seul l’un de ces respirateurs est disponible. Qui choisit-on ? Les médecins doivent-ils opérer sur la base du premier arrivé, premier servi ? Au contraire, est-il nécessaire de privilégier la personne ayant une meilleure chance de survie ? Les médecins doivent-ils prendre la décision de réaffecter un respirateur artificiel en cours d’utilisation chez un patient dont l’état se détériore, quand bien même le retrait de ce respirateur entraînera probablement le décès de celui-ci ? Les questions de tri et de priorisation des patients dans ces circonstances sont autant d’ordre éthique qu’elles sont d’ordre juridique.
Sur le plan juridique, déterminer si le professionnel de santé a violé son devoir de diligence implique ici aussi d’évaluer si la pratique qu’il a suivie est considérée raisonnable par un groupe compétent d’experts médicaux ; les protocoles et guides de bonnes pratiques devraient donc encore constituer un indice utile dans ce domaine. Le seul problème, c’est qu’aucune ligne directrice véritablement claire n’a été communiquée. Celles produites par l’Institut national d’excellence de santé et des soins (NICE) mentionnent quelques critères à prendre en compte, mais sans indiquer le poids respectif à leur donner. Ces critères incluent les chances de guérison du patient, la prise en compte d’une échelle de vulnérabilité ou, pour les jeunes adultes, d’une évaluation individualisée, les cas de comorbidité et les vœux du patient [42]. Sans indication sur le poids respectif à donner à chacun de ces critères, il peut être difficile pour les médecins de savoir comment appliquer ces lignes directrices. Toutefois, prouver la violation du devoir de diligence ne sera pas nécessairement plus facile dans un contexte si sensible et controversé. Le médecin doit en effet seulement démontrer avoir adopté une pratique raisonnable au regard des circonstances dans lesquelles il était placé [43]. Le médecin a-t-il tenu compte des critères mentionnés ? A-t-il consulté le patient ou la famille de ce dernier sur la décision envisagée ? A-t-il discuté des mesures raisonnables à adopter dans ces circonstances avec ses collègues et son manager ? Si la réponse à ces questions est positive, il nous paraîtrait difficile de retenir une négligence médicale.
Les quelques exemples évoqués, tant en ce qui concerne les médecins généralistes que les médecins travaillant dans un hôpital du NHS démontrent combien il risque d’être difficile de faire reconnaître la responsabilité des professionnels de santé dans le contexte de la Covid-19 au Royaume-Uni. Cela étant, difficile ne veut pas dire impossible, et certaines actions en responsabilité médicale aboutiront sans aucun doute. Est-ce pour autant à dire qu’il y aura une augmentation massive de reconnaissance de responsabilité médicale ? Cela nous semble peu probable. [44] La preuve d’une négligence médicale, malaisée en temps normal, risque de l’être tout autant dans le contexte de la Covid-19. La même observation s’applique pour la preuve de la causalité. Dans ces conditions, accorder une immunité de responsabilité civile aux professionnels de santé n’est pas nécessaire pour les protéger du risque juridique de responsabilité. Cette immunité n’est pas non plus nécessaire pour les protéger du risque financier lié à l’éventuelle reconnaissance de leur responsabilité médicale : les professionnels de santé sont en effet déjà couverts par un mécanisme d’assurance particulier.
II. Les conséquences financières pour les professionnels de santé de l’éventuelle reconnaissance de responsabilité médicale dans le contexte de la Covid-19
Au Royaume-Uni, ce sont les organismes relevant du NHS, comme les hôpitaux par exemple, qui sont responsables des négligences médicales commises par leurs employés dans l’exercice de leurs fonctions : ce sont eux qui devront le cas échéant verser les dommages-intérêts.
Ces organismes bénéficient néanmoins d’une sorte d’assurance de responsabilité. Ils sont adhérents d’une organisation, le CNST (Clinical Negligence Scheme for Trusts), qui est elle-même administrée par un organisme spécifique (le NHS resolution). Ainsi, si l’on imagine qu’un interne employé par le NHS engage sa responsabilité médicale envers un patient, l’hôpital dans lequel il travaille sera juridiquement et financièrement responsable du dommage causé au patient. L’hôpital étant adhérent du CNST, ce sera ce dernier (et plus généralement, le NHS resolution) qui couvrira en fait l’indemnisation du patient.
Ce système ne s’applique que pour les organismes relevant du NHS, ce qui exclut en fait les cabinets de médecins généralistes [45]. Néanmoins, ces derniers bénéficient depuis le 1er avril 2019 d’un mécanisme similaire, avec la création du Clinical Negligence Scheme for General Practice (CNSGP), organisme qui est également administré par le NHS resolution.
Si l’on en revient à la responsabilité médicale appliquée au traitement des malades de la Covid-19, il est donc clair que les médecins employés par un hôpital du NHS comme les médecins généralistes sont en fait financièrement protégés, si bien qu’ils n’ont pas à supporter eux-mêmes la dette de responsabilité. Toutefois, comme nous l’avons dit en introduction, l’urgence sanitaire a entraîné une adaptation massive – et rapide – du système de santé. L’on a donc pu craindre que certaines personnes ayant prêté main-forte au NHS, comme les volontaires par exemple, se retrouvent sans aucune protection financière en cas d’engagement de leur responsabilité civile.
La loi du 25 mars 2020 intitulée « Coronavirus Act 2020 » a donc cherché à répondre à cet éventuel problème. Sur la base des pouvoirs accordés au secrétaire d’État par la section 11(1)(b) du Coronavirus Act 2020, un nouveau mécanisme, le Clinical Negligence Scheme for Coronavirus (CNSC), toujours piloté par le NHS resolution, a été mis sur pied pour couvrir le personnel soignant, volontaires ou autres qui ne bénéficieraient d’aucune assurance de responsabilité médicale (que ce soit par l’un des mécanismes mentionnés, ou par une assurance individuelle). Ce mécanisme, entièrement financé par des fonds publics, constitue donc un « filet de sécurité », une garantie qui a été mise en place pour protéger tous ceux qui ont participé au fonctionnement du système de santé durant la crise de la Covid-19.
⁂
En conclusion, à la question de savoir si l’introduction d’une immunité de responsabilité civile est nécessaire pour protéger les professionnels de santé du risque de responsabilité médicale dans le contexte de la Covid-19, la réponse est, selon nous, négative. D’une part, le risque de responsabilité que les professionnels de santé encourent n’est sans doute pas si grand qu’ils semblent le craindre ; en effet, dans bien des cas, les difficultés traditionnelles que sont la preuve de la négligence médicale et la preuve du lien de causalité risquent de refaire surface dans le contexte de la Covid-19. D’autre part, les professionnels de santé qui sont intervenus dans le contexte de la Covid-19 sont dans tous les cas financièrement couverts contre le risque de responsabilité médicale.
À bien y réfléchir, la question n’est peut-être pas tant de savoir si l’introduction d’une immunité de responsabilité civile est nécessaire, car, pour protéger les professionnels de santé contre le risque de responsabilité médicale dans le contexte de la Covid-19, deux voies étaient en réalité possibles : 1/ Introduire une immunité de responsabilité civile pour protéger les professionnels de santé contre les actions en réparation (immunity) ou bien ; 2/ Étendre le bénéfice de la couverture financière pour protéger les professionnels de santé contre les conséquences financières en cas de succès des actions en réparation (indemnity). Dans cette perspective, la question est peut-être plutôt de savoir quelle voie, parmi les deux possibles, est préférable.
Entre ces deux alternatives, la seconde a été clairement privilégiée en droit anglais, comme en témoigne la mise en place du Clinical Negligence Scheme for Coronavirus (CNSC). À titre personnel, nous nous réjouissons du fait que le Gouvernement et les législateurs britanniques n’aient pas cédé à la tentation d’introduire une immunité de responsabilité civile pour les professionnels de santé en cette période de crise. Le contraire aurait en effet abouti à supprimer, en pratique, tout standard de diligence dans le contexte médical (pour les actes accomplis dans le contexte de la Covid-19) ! Accorder une immunité de responsabilité civile, c’est accepter de protéger les professionnels de santé même en cas de négligence médicale grossière. L’on pourrait certes nous opposer que l’immunité de responsabilité pourrait s’arrêter là où la négligence grossière commence. Mais alors, l’on ne ferait que déplacer le contentieux ; la question ne serait plus de savoir si le professionnel de santé a commis une négligence médicale (établissement de responsabilité), mais de savoir s’il a commis une négligence médicale « grossière » (perte du bénéfice de l’immunité de responsabilité). Il n’est donc pas sûr que cette solution entraîne une diminution du nombre de contentieux…
Introduire une immunité de responsabilité civile pour protéger les professionnels de santé dans le contexte de la Covid-19 est une solution qui, selon nous, n’est ni nécessaire ni même désirable : la solution protègerait certes les intérêts des professionnels de santé, mais en sacrifiant alors les intérêts des patients. Quel message souhaite-t-on envoyer à ces derniers ? Que la qualité des soins qu’ils sont en droit d’attendre est supprimée à l’ère de la Covid-19 ? Non, au temps de la Covid-19, comme en temps « normal », trouver un équilibre entre la protection des intérêts en présence doit rester la priorité.
[1] Accessible sur le site de l’Organisation mondiale de la Santé [en ligne], consulté le 10/09/2021.
[3] Ibid.
[4] Pour la préparation de cet article, nous tenons à remercier chaleureusement le Professeur Simon Taylor pour sa relecture et ses observations pertinentes ; les éventuelles erreurs contenues dans l’article sont les miennes.
[6] Il s’agit d’une organisation à but non-lucratif exclusivement à destination des professionnels de santé : cette organisation délivre une assurance de responsabilité médicale (indemnity cover) à ses membres, des conseils et une assistance juridique dans le cas où leur responsabilité médicale serait mise en cause.
[7] The Medical Defence Union, MDU calls for national debate over protecting NHS from COVID-19 clinical negligence claims, press release, 20 April 2020, consulté le 10/09/2021 sur : MDU calls for national debate over protecting NHS from COVID-19 clinical negligence claims - The MDU. Voir également sur le point de savoir si l’immunité recherchée doit avoir une étendue limitée (immunité s’appliquant aux seuls cas de traitement des patients atteints de Covid-19) ou large (immunité s’appliquant au traitement des patients durant la crise de la Covid-19, ce qui inclut également le traitement des patients non-atteints de Covid-19) : K. Duignan, C. Bradbury, « Covid-19 and medical negligence litigation : Immunity for healthcare professionals ? » 88(1S) Medico-Legal Journal 31-34, 2020, spéc. p. 32.
[8] Par ex.: O. Bowcott, « Union seeks legal immunity for NHS medics in pandemic », The Guardian, 19 April 2020 (consulté le 10/09/2021) [en ligne].
[9] Dans cet article, le propos sera limité à la seule responsabilité des médecins.
[10] National Audit Office, Handling clinical negligence claims in England, Report by the Comptroller and Auditor General (HC 403, session 2000-2001), 3 May 2001, p. 22, spéc. para 3.12. Voir aussi : S. Taylor, « Clinical negligence reform: lessons from France? » 52(3) I.C.L.Q. 737, 2003, spéc. p. 737; E.-J. Russel, « Establishing medical negligence: a Herculean task? » 3 S.L.T. 17, 1998.
[11] M. A. Jones, Medical Negligence, Sweet and Maxwell, 5e édition, 2018, p.74. On notera que la situation se présente différemment pour les patients traités par une clinique privée. Cela étant, le droit anglais ne connaît pas le principe de non-cumul si bien que le patient d’une clinique privée peut tout à fait introduire une action en responsabilités contractuelle et extracontractuelle. Il faut généralement reconnaître que le fondement contractuel présente souvent un intérêt limité, car le contrat liant le patient à la clinique privée contiendra rarement des devoirs plus contraignants à la charge de la clinique que ce qui existe en common law.
[12] A. Fulton Phillips, Medical Negligence Law: Seeking a balance, Dartmouth Publishing, 1997, p.14.
[13] Ibid., p. 15.
[14] M. A. Jones, op. cit. (n° 10), p. 171.
[15] Gold v. Haringey Health Authority [1987] 3 WLR 649.
[16] Sidaway v. Board of Governors of the Bethlem Royal Hospital [1985] 1 All ER 643. Voir aussi : M. Powers, N. Harris, Medical Negligence, 2e éd., Butterworths, 1994, p. 600 ; A. Fulton Phillips, op. cit. (n° 11), p. 15.
[17] S. Taylor, « La responsabilité médicale en droit anglais : entre conservatisme et renouveau », Journal de Droit de la Santé et de l’Assurance Maladie, n° 23, 2019, p. 23, spéc. p. 25.
[18] Tel n’est cependant plus le cas dans les situations où est en cause le devoir d’information du médecin tenant aux risques d’un traitement. À l’origine, le niveau de diligence était là aussi apprécié par référence à l’arrêt Bolam, comme le démontre l’arrêt Sidaway v. Bethlem Royal Hospital Governors [1985] A.C. 871. Toutefois, la Cour suprême a décidé, en 2015, de modifier l’approche en ce domaine avec la décision Montgomery v. Lanarkshire Health Board [2015] UKSC 11.
[19] Bolam v. Friern Hospital Management Committee [1957] 1 W.L.R. 582.
[20] Ibid., spéc. p. 587 (McNair J.) : « [A doctor is not guilty of negligence if he has acted] in accordance with a practice accepted as proper by a responsible body of medical men skilled in that particular art (…). » Voir aussi : Maynard v. West Midlands Regional Health Authority [1984] 1 WLR 634, p. 639 (Lord Scarman) ; Sidaway, préc. (n° 17).
[21] Bolam, préc. (n° 18), p. 587 (McNair J.) : « Putting it the other way round, a man is not negligent, if he is acting in accordance with such a practice, merely because there is a body of opinion would take a contrary view. »
[22] Bolitho v. City and Hackney Health Authority [1998] 2 A.C. 232, spéc. p. 243 (Lord Browne-Wilkinson) : « But if, in a rare case, it can be demonstrated that the professional opinion is not capable of withstanding logical analysis, the judge is entitled to hold that the body of opinion is not reasonable or responsible. »
[23] S. Taylor, art. préc. (n° 16), p. 28 ; Voir également la note 42 citée par cet auteur : M. Brazier, E. Cave, Medicine, Patients and the Law, 6e éd., Manchester University Press, 2016, p. 207.
[24] M. A. Jones, op. cit. (n° 10), p. 269. Mais voir quelques exemples dans lesquels un médecin se conformant à une pratique communément admise a été jugé fautif par le juge : AB v. Leeds Teaching Hospital NHS Trust [2004] EWHC 644.
[25] Voir par exemple l’approche adoptée dans l’arrêt Bailey v. Ministry of Defence [2009] 1 WLR 1052 et dans l’arrêt Williams v. The Bermuda Hospital Boards [2016] UKPC 4. Pour une explication plus détaillée : E. Lemaire, Risques sanitaires sériels et responsabilité civile : étude comparée des droits français et anglais, préf. M. Goré, L’Harmattan (à paraître).
[26] Barnett v. Kensington and Chelsea Hospital Management Committee [1968] 1 All ER 1068 (lien de causalité non retenu car la négligence n’avait fait aucune différence : le patient serait, selon toute probabilité, décédé même en l’absence de négligence).
[27] [1988] A.C. 1074 (HL).
[28] C. J. Lewis, Medical Negligence: A Plaintiff’s Guide, Frank Cass & Co Publishers, 1988, p. 184-185.
[29] Whitehouse v Jordan [1981] 1 All ER 267.
[30] Voir supra, n°5.
[31] Hulse v. Wilson [1953] 2 BMJ 890.
[32] M. A. Jones, op. cit. (n° 10), p. 383, § 4-022. Voir aussi : M. Khan, M. Robson, K. Swift, Clinical Negligence, 2e éd., Cavendish Publishing, 2002, p. 178-179.
[33] [2015] 9 WLUK 380.
[34] Voir par exemple : NHS England, NHS Improvement et Royal College of General Practitioners, Principles for supporting high quality consultations by video in general practice during COVID-19, 20 August 2020 (version 2), consulté le 21/09/2021 [en ligne].
[35] Gregg v. Scott [2005] UKHL 2.
[36] Voir par exemple sur des faits comparables : Wright v. Cambridge Medical Group [2011] EWCA Civ. 669 (responsabilité du médecin généraliste retenue).
[37] Medicines and Healthcare products Regulatory Agency, Chloroquine and Hydroxychloroquine not licensed for coronavirus (COVID-19) treatment, 25 mars 2020, mis à jour le 26 juin 2020, consulté le 21/09/2021 [en ligne]. Les médecins peuvent prescrire un médicament hors autorisation de mise sur le marché (AMM) ou dont l’utilisation n’est pas autorisée par une AMM si : 1/ Ils sont satisfaits qu’un médicament alternatif (AMM) ne répondrait pas aux besoins des patients ; 2/ Ils sont satisfaits qu’une telle utilisation servirait mieux les intérêts du patient qu’un médicament alternatif disposant d’une AMM ; 3/ Avant de prescrire un médicament pour une utilisation en dehors des conditions prévues par l’AMM, le médecin doit être satisfait qu’il existe suffisamment d’éléments probatoires ou un retour d’expérience d’utilisation du médicament démontrant sa sécurité et son efficacité ; 4/ Le médecin a une responsabilité accrue notamment, car il doit surveiller et suivre son patient pour vérifier la réaction du patient au médicament ; 5/ Le médecin doit également expliquer les raisons de la prescription de ce médicament lorsque cette prescription ne suit pas la pratique courante dans ce domaine. Pour la chloroquine et l’hydroxychloroquine, deux éléments en particulier sont susceptibles de poser problème : d’une part, il n’y a pas suffisamment d’éléments probatoires démontrant la sécurité et l’efficacité du médicament (les essais cliniques ont pour but de prendre position sur cette question, voir le site du MHRA) ; d’autre part, le médecin doit expliquer les raisons qui l’ont conduit à s’écarter de la pratique courante consistant à ne pas prescrire ce médicament aux patients de la Covid-19, ce qui peut être difficile à justifier étant donné le manque de connaissances scientifiques en ce domaine.
[38] Ibid. Voir aussi : A. Fulton Phillips, op. cit. (n° 11), p. 29-34.
[39] Nettleship v. Weston [1971] 2 QB 691; Wilsher v. Essex Area Health Authority [1987] QB 730. Plus récemment : Dowson v. Lane [2020] EWHC 642 (QB), [61] (His Honour Judge Auerbach). Voir aussi : M. Khan, M. Robson, K. Swift, op. cit. (n° 31), p. 158-160.
[40] Par exemple : Mulholland v. Medway NHS Foundation Trust [2015] EWHC 91 (QB) ; voir aussi: T. Riley-Smith QC, A. Heppinstall, F. Foster, « Is Covid-19 sowing the seeds for future litigation? » 88(2) Medico-Legal Journal 90-97, 2020, spéc. p. 91.
[41] Au-delà de l’éventuelle responsabilité du professionnel de santé, il est permis d’envisager une responsabilité personnelle de l’hôpital en cas de défaut d’organisation de ses services. Par exemple, un médecin junior doit être formé par l’hôpital, supervisé par un professionnel de santé plus expérimenté pour les actes accomplis, etc. Voir par exemple : Jones v. Manchester Corporation [1952] Q.B. 852.
[42] Pour un acompte du contenu des anciennes lignes directrices : N. Glover-Thomas, « Making the public health mandate work : COVID-19 and the challenges revealed in the UK » 39(2) Med. Law 353-368, 2020, spéc. p. 365-366. Pour voir la dernière version des lignes directrices : The National Institute for Health and Care Excellence (NICE), COVID-19 rapid guidelines : Managing COVID-19, version 13.0, 4 octobre 2021, p. 41 et p. 45, consulté le 4 octobre 2021 sur Guideline COVID-19 rapid guideline: Managing COVID-19 [en ligne]. Voir aussi : R. WM Law, K. A. Choong, « Covid-19 : Refracting decision-making through the prism of resource allocation » 88(2) Medico-Legal Journal 97-101, 2020, spéc. p. 99.
[43] Par exemple : Mulholland, préc. (n° 39), spéc. [24] (Turner LJ) : « In forming a conclusion about the conduct of a practitioner working within triage within an A & E Department, context cannot be ignored. The assessment of breach of duty is not an abstract exercise but one formed within a context (…) ». Voir aussi : Darnley v. Croydon Health Services NHS Trust [2018] UKSC 50, [22] (Lord Lloyd-Jones) : « It is undoubtedly the fact that Hospital A&E departments operate in very difficult circumstances and under colossal pressure. This is a consideration which may well prove highly influential in many cases when assessing whether there has been a negligent breach of duty. »
[44] Voir aussi en ce sens : C. Tomkins, C. Purshouse, R. Heywood et al., « Should doctors tackling covid-19 be immune from negligence liability claims? » 370 the British Medical Journal 1, 2020, spéc. p. 2.
[45] Les médecins généralistes ne sont pas des employés du NHS, mais ont conservé leur statut d’independent contractor. Toutefois, ils prodiguent des services de santé primaire (primary care services) qui relèvent normalement du NHS, sur la base d’un contrat conclu avec le NHS. Ces contrats peuvent prendre deux formes : il peut s’agir de contrats de services de médecine générale (General Medical Services (GMS) contracts) ou de contrats de prestation alternative de services médicaux (Alternative Provider of Medical Services (APMS) contracts). D’une certaine manière, les médecins généralistes, opérant sur la base de ces contrats, sont en quelque sorte des sous-traitants du NHS pour les services de santé primaire.
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