Lexbase Affaires n°159 du 17 mars 2005 : Santé

[Evénement] Conflits patients - médecins : l'information médicale, jusqu'où faut-il aller ?

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par A.-L. B.-P.

le 01 Octobre 2012

Le 10 mars 2005 a eu lieu le quatrième colloque de la compagnie des experts agrées par la Cour de cassation. Organisé au sein de l'Hôpital Américain de Neuilly-sur-Seine, sous le Haut patronage du président de la République, sous le patronage du ministre de la Justice et du président Guy Canivet, le thème retenu, cette année, était consacré aux "Conflits patients - médecins : nouvelles lois, points de vue des magistrats". La particularité de l'expertise dans le domaine médical est que les acteurs sont concernés à double titre : d'une part, en tant qu'expert, et, d'autre part, en tant que mis en cause potentiel. L'objectif de ce colloque était d'exposer la ligne directrice des magistrats de l'ordre civil, administratif et pénal, pour traiter des grands problèmes qui préoccupent la profession d'expert : la faute médicale, son imputabilité, la responsabilité médicale et les accidents médicaux. Lexbase vous propose, aujourd'hui, de revenir sur l'un des moments clés de cette journée : l'information des patients et le préjudice lié au défaut de cette information.
  • L'évolution de la notion d'information

"Il n'appartient qu'aux médecins de mentir en toute liberté" disait Platon. Aujourd'hui ce type d'affirmation est devenu complètement révolu tant l'information du malade s'impose au médecin comme une véritable obligation. En effet, comme le rappelait Maître Catherine Paley-Vincent, "le contrat médical est unique en son genre, difficilement assimilable ou même comparable à toute prestation de service, dans la mesure où son enjeu n'est autre que la santé et la vie face à la maladie et à la mort".

Si l'information fut longtemps absente des débats judiciaires, puis évoquée mais seulement à titre subsidiaire, elle est aujourd'hui indispensable. Désormais, les textes fondamentaux font référence à cette notion d'information (Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales). En 1994, le Code civil a été complété par un article 16-3 (N° Lexbase : L6862GTC) qui dispose, en son second alinéa, que "le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir". Ainsi, le droit à l'information irrigue tout le droit de la santé.

La loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé transforme l'obligation d'information, devoir du médecin, en un droit à l'information pour le patient (loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 N° Lexbase : L1457AXA). En effet, aux termes de l'article L. 1111-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8740GTU), le patient a le droit d'être informé de son état de santé.

La loi fait de l'obligation d'information une obligation professionnelle qui doit s'imposer à tout professionnel de santé "dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables".

  • Contenu et étendu de l'information

C'est essentielement la jurisprudence qui a déterminé tant le contenu que l'étendue de l'obligation d'information. Un arrêt de principe du 21 février 1961 a énoncé ce que doit être une bonne information : il s'agit d'une information simple, approximative, intelligible et loyale (Cass. civ. 1, 21 février 1961, n° 59-10.825, Dame Angamarre c/ Georges N° Lexbase : A7505AHG).

Ainsi, le devoir d'information incombe personnellement au médecin (Cass. civ. 1, 13 novembre 2002, n° 01-02.592, FS-P N° Lexbase : A7173A33). La jurisprudence a précisé, à de nombreuses reprises, que l'information devait porter aussi bien sur les risques graves que sur les risques exceptionnels (Cass. civ. 1, 14 octobre 1997, n° 95-19.609, Consorts X c/ Mme Y N° Lexbase : A0710ACB ; Cass. civ. 1, 7 octobre 1998 n° 97-10.267, Mme X c/ Clinique du Parc et autres N° Lexbase : A6405AGC ; Cass. civ. 1, 9 octobre 2001, n° 00-14.564, M. Franck Abel Coindoz c/ M. Louis Christophe N° Lexbase : A2051AWU). Or sur ce dernier point, la loi du 4 mars 2002 (C. santé publ., art. L. 1111-2) précise que l'information doit porter sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles. Aucun arrêt n'ayant été à ce jour rendu au visa de cet article, il reste à savoir quelle interprétation la jurisprudence donnera à cette disposition.

Concernant l'information incombant au chirurgien esthétique, elle est renforcée (Cass. civ. 1, 17 février 1998, n° 95-21.715, Union des assurances de Paris (UAP) c/ Mme X et autre N° Lexbase : A2049ACU et C. santé publ., art. L. 6322-2 N° Lexbase : L5044DYH).

Néanmoins, il existe des cas dans lesquels le médecin ne pourra pas délivrer son information : en cas d'impossibilité (Cass. civ. 1, 23 mai 2000, n° 98-18.513, M. X c/ M. Y N° Lexbase : A7454AHK; Cass. civ. 1, 26 octobre 2004, n° 03-15.120, F-P N° Lexbase : A7402DDI) ; en cas d'urgence ou de refus (Cass. civ. 1, 7 octobre 1998, arrêt précité) ; ou encore, en cas d'existence de raisons légitimes (Cass. civ. 1, 23 mai 2000, arrêt précité).

  • Preuve de l'information

En matière médicale, la charge de la preuve de cette information est inversée. Aux termes de l'article 1315 du Code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation d'en apporter la preuve (N° Lexbase : L1426ABG). Or, le juge a opéré, en 1997, un revirement de jurisprudence faisant reposer la charge de cette preuve sur le médecin, ce dernier étant tenu d'une obligation particulière d'information, il lui incombe de prouver qu'il l'a bien exécutée (Cass. civ. 1, 25 février 1997, n° 94-19.685, M. Hédreul c/ M. Cousin et autres N° Lexbase : A0061ACA).

La preuve de cette information se fait par tout moyen (Cass. civ. 1, 14 octobre 1997, n° 95-19.609, Consorts X c/ Mme Y N° Lexbase : A0710ACB). Et, il appartient aux juges du fond de l'apprécier souverainement (Cass. civ. 1, 4 janvier 2005, n° 02-11.339, F-P+B N° Lexbase : A8632DEG).

  • L'indemnisation du préjudice lié au défaut d'information

Le mécanisme de l'indemnisation joue dès lors qu'il y a un lien de causalité entre le dommage et le défaut d'information. Tel n'est pas le cas lorsque l'opération est inéluctable. Dès lors la jurisprudence a recours à la théorie de la perte de chance. Selon le doyen Savatier la perte de chance est "le paradis des juges indécis". En effet, elle permet une indemnisation pour le patient, sans pour autant radicalement condamner le praticien. Pour évaluer le préjudice, les juges regardent les chances qu'auraient eu le patient de refuser l'opération s'il avait été correctement informé. Plus ces chances sont grandes et plus l'indemnisation est élevée.

Il restera à voir si le recours à la perte de chance pour défaut d'information continuera d'être appliqué par les juges, alors que la loi du 4 mars crée une prise en charge sociale des aléas thérapeutiques.

Selon Catherine Paley-Vincent, il demeure une difficulté essentielle "liée tant à la complexité de la nature de l'information à donner, qu'à la psychologie des êtres". Aussi, une interrogation demeure : le patient est-il le mieux placé pour recevoir cette information, notamment, lorsque celle-ci est grave. Et de citer Pascal "quoique ce soit qu'on veuille persuader, il faut avoir égard à la personne à qui on en veut, dont il faut connaître l'esprit et le coeur".

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