Lexbase Droit privé - Archive n°457 du 13 octobre 2011 : Procédure civile

[Textes] Contribution pour l'aide juridique : présentation du nouveau dispositif *

Réf. : Décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 (N° Lexbase : L1504IR7) ; circulaire du 30 septembre 2011 (N° Lexbase : L1562IRB)

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

le 26 Juillet 2012

La contribution pour l'aide juridique a pour objet d'assurer une solidarité financière entre les justiciables par le paiement d'une taxe de 35 euros exigée du demandeur pour toute instance introduite à compter du 1er octobre 2011 en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou, en matière administrative, devant les juridictions administratives. L'article 1635 bis Q (N° Lexbase : L9043IQY) a été inséré dans le Code général des impôts par l'article 54 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 (N° Lexbase : L0278IRQ). Cet article est complété par un décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011, relatif au droit affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoué près les cours d'appel et à la contribution pour l'aide juridique et par une circulaire du 30 septembre 2011. I - Le champ d'application

En application de l'article 1635 bis Q du Code général des impôts, "une contribution pour l'aide juridique de 35 euros est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire".

La circulaire précise que cette contribution est due lorsque trois conditions sont réunies :

- en premier lieu, une juridiction judiciaire doit être saisie (ainsi, ne sont pas concernées les procédures soumises au Procureur de la République, au greffier en chef, au greffier d'une juridiction, aux organes disciplinaire ou au tribunal arbitral) ;

- en deuxième lieu, cette saisine constitue une instance (ainsi, ne sont pas concernées les procédures aux seules fins de conciliation, d'obtention d'un certificat, de recueil de consentement) ;

- en troisième lieu, cette instance relève de la matière civile au sens large.

Néanmoins, même dans le cas où l'instance considérée entre dans le champ du I de l'article 1635 bis Q du Code général des impôts, des exceptions sont prévues tenant soit à certains domaines, soit à certaines personnes.

Sont donc exclues les procédures introduites devant les juridictions et formations suivantes :

- la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) ;

- le juge des enfants ;

- le juge des libertés et de la détention ;

- le juge des tutelles, du tribunal de grande instance comme du tribunal d'instance.

Les procédures suivantes sont exclues du champ de la contribution :

- les procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers ;

- les procédures collectives (article 1635 bis Q, III, 4°) ;

- la procédure, mentionnée à l'article 515-9 du Code civil (N° Lexbase : L7175IMP), aux fins d'ordonnance de protection contre le conjoint violent ;

- la procédure mentionnée à l'article L. 34 du Code électoral (N° Lexbase : L2672AA9) (omission des listes électorales) ;

- les procédures pour lesquelles une disposition législative prévoit expressément que la demande est formée, instruite ou jugée sans frais.

En revanche, cette exception ne concerne pas les procédures pour lesquelles le principe d'une procédure "sans frais" est prévu par une disposition simplement règlementaire. Ainsi en va-t-il notamment du contentieux électoral professionnel et des contentieux assimilés, régies par le Code du travail, qui seront donc soumis au paiement de la contribution.

Enfin, le 1° du III de l'article 1635 bis Q du Code général des impôts dispense expressément du paiement de la contribution tous les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, que celle-ci soit totale ou partielle. Et, le 2° du même III exclut expressément l'Etat du paiement de la contribution pour l'aide juridique lors de l'introduction de l'instance.

Cette contribution pour l'aide juridique est exigible lors de l'introduction de l'instance et qu'elle est due par la partie qui l'introduit. Est ainsi posé le principe d'une seule contribution par instance, à la charge de la seule partie qui l'introduit.

Par exception à ce principe, le législateur a prévu, au IV de l'article 1635 bis Q, que "lorsqu'une même instance donne lieu à plusieurs procédures successives devant la même juridiction, la contribution n'est due qu'au titre de la première des procédures intentées".

Les contribuables ou, pour leur compte, les auxiliaires de justice qui les représentent s'acquittent de la contribution pour l'aide juridique auprès de l'administration fiscale par voie de timbres mobiles fiscaux ou par voie électronique. Ils justifient de cet acquittement auprès de la juridiction saisie de l'instance.

A ce titre, la contribution pour l'aide juridique est comprise dans la liste des dépens que prévoit l'article 695 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2072IPG ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E3649EUP).

Ainsi, la circulaire précise que dans le cas où le demandeur initial assujetti à la contribution obtiendrait gain de cause, le juge, en application de l'article 696 du même code (N° Lexbase : L7734IP7), condamnera la partie perdante aux dépens qui comprendront de plein droit cette contribution, à moins que par décision motivée il n'estime qu'il convient d'en mettre la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. En conséquence, sur le fondement de la décision condamnant le cas échéant son adversaire aux dépens, le contribuable ayant acquitté la contribution pour l'aide juridique pourra en obtenir le remboursement auprès de ce dernier.

II - Les modalités d'acquittement

L'article 1635 bis Q du CGI définit les conditions d'exigibilité de la contribution (I et II de l'article), les modalités selon lesquelles elle est acquittée (V du même article) et renvoie au pouvoir réglementaire le soin de prévoir les conséquences sur l'instance du défaut de paiement de la contribution ainsi que les modalités de son application.

A cet égard, le décret du 28 septembre 2011 apporte plusieurs précisions sur le fait générateur de l'exigibilité de la contribution ainsi que sur les modalités de justification de son acquittement.

A - Exigibilité et recouvrement de la contribution

La contribution est exigible lors de l'introduction de l'instance. Cette introduction résulte de la remise au greffe de la demande initiale.

La demande initiale est notamment définie par l'article 53 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1227H49).

Il convient de noter, selon la circulaire, que si l'article 53 ne concerne que la demande introductive d'instance en matière contentieuse, la contribution concerne également la demande initiale en matière gracieuse. C'est pourquoi le décret complète le chapitre Ier du titre IV du livre premier du Code de procédure civile, relatif à la demande initiale, par une section relative à la contribution pour l'aide juridique, qui est commune à toutes les demandes initiales, contentieuses comme gracieuses.

La réforme ne s'attache pas à la forme prise par la demande initiale. Toutes les formes de demande initiale sont concernées : assignation, requête, déclaration au greffe ou requête conjointe.

Il convient par ailleurs de noter que la demande a un effet introductif dès lors qu'elle est formellement présentée à la juridiction.

S'agissant d'une demande formée par assignation, dans une procédure ordinaire devant le tribunal de grande instance ou le tribunal d'instance, c'est l'enrôlement de l'assignation préalablement signifiée au défendeur qui saisit la juridiction.

Il convient de noter que, pour l'application dans le temps, l'article 21 du décret du 28 septembre 2011 précise que seules les assignations signifiées à compter du 1er octobre 2011, date d'entrée en vigueur de la réforme, sont assujetties au paiement de la contribution. Ainsi, en cas d'enrôlement après le 1er octobre 2011, d'une assignation signifiée avant cette date, il n'y aura pas lieu d'acquitter la contribution.

Si cette contribution est exigible dès l'introduction de cette instance, un paiement ultérieur restera possible, tant que l'instance ne sera pas terminée.

Le nouvel article 62-4 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1520IRQ) prévoit que la personne redevable de la contribution justifie de son acquittement lors de la saisine du juge. Par ailleurs le II de l'article 21 du décret du 28 septembre 2011 précise que l'instance est introduite, lorsque la juridiction est saisie par la remise d'une assignation, par la signification de cette assignation. Cette précision est notamment utile pour la procédure ordinaire devant le tribunal de grande instance, pour laquelle l'enrôlement peut intervenir jusqu'à quatre mois après l'assignation, en application de l'article 757 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6976H7I).

Cependant, pour garantir le respect du principe d'accès à la justice, et compte tenu de l'exonération des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle du paiement de la contribution, l'article 62-4 prévoit que les parties qui ont demandé le bénéfice de cette aide sont dispensées de justifier de l'acquittement de la contribution lors de la saisine du juge.

Le V de l'article 1635 bis Q du Code général des impôts prévoit que lorsque l'instance est introduite par un auxiliaire de justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par voie électronique. Lorsque l'instance est introduite sans auxiliaire de justice, la partie acquitte cette contribution par voie de timbre mobile ou par voie électronique.

B - Règles propres à certaines procédures

Devant la cour d'appel

Des dispositions particulières sont prévues pour les procédures d'appel en matière gracieuse. En effet, en cette matière, en application des articles 950 (N° Lexbase : L1044H4G) et 952 (N° Lexbase : L1049H4M) du Code de procédure civile, l'appel est formé auprès de la juridiction qui a rendu la décision, pour lui permettre de la modifier ou de la rétracter. Le nouvel article 964-1 du même code prévoit en conséquence que l'appelant justifie de l'acquittement du droit sur demande du greffe de la cour d'appel.

En outre, à titre transitoire, l'article 21 du décret du 28 septembre 2011 prévoit, par exception à l'article 62-4 du Code de procédure civile, dans les procédures d'appel avec représentation obligatoire, qu'il sera justifié du paiement de la contribution au moment des premières conclusions de l'appelant, remises au greffe par la partie tenue au paiement du droit, et ce jusqu'à une date qui sera fixée par arrêté du Garde des Sceaux, et au plus tard jusqu'au 1er juin 2012.

Pendant cette période transitoire, il sera justifié du paiement de la contribution lors de la remise par l'appelant de ses premières conclusions. En application de l'article 908 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0162IPP), ces conclusions doivent être remises, depuis le 1er janvier 2011, à peine de caducité dans un délai de trois mois suivant la déclaration d'appel, sauf réduction de ce délai par le conseiller de la mise en état, en application de l'article 911-1 (N° Lexbase : L0165IPS) de ce code.

Une disposition similaire est prévue dans le cas où l'appelant, dans la procédure sans représentation obligatoire, forme volontairement son appel de façon dématérialisée, en application de l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel (N° Lexbase : L3316IKZ).

Devant la Cour de cassation

Devant la Haute juridiction, le demandeur pourra justifier de cet acquittement au plus tard lors de la remise de son mémoire. Ce délai varie selon la nature du pourvoi. Il dépend également de la décision de réduction du délai de dépôt du mémoire ampliatif, que le premier président de la Cour de cassation peut prendre en application de l'article 1009 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1230H4C).

S'agissant des pourvois en matière électorale, la déclaration peut contenir un exposé des motifs de cassation. Dans ce cas, le demandeur au pourvoi sera tenu de justifier de l'acquittement de la contribution dès la remise du pourvoi.

III - Les sanctions

La contribution est exigée à peine d'irrecevabilité. Cette irrecevabilité doit être relevée d'office par le juge saisi de l'instance.

Ainsi, sous réserve de quelques exceptions expressément prévues par le décret du 28 septembre 2011, les règles ordinaires de la procédure civile ont vocation à s'appliquer.

Trois exceptions sont prévues, pour tenir compte des spécificités de cette contribution fiscale.

En premier lieu, s'agissant d'un moyen étranger au débat et pour éviter toute attitude dilatoire, il est prévu que les défendeurs n'ont pas qualité à soulever cette irrecevabilité. Il appartient au juge de relever d'office l'irrecevabilité affectant une demande initiale pour laquelle la contribution n'a pas été acquittée.

En deuxième lieu, dans certains cas des règles spécifiques déterminent le juge compétent pour constater cette irrecevabilité.

En troisième lieu, les modalités selon lesquelles sont recueillies les observations des parties sont simplifiées.

IV - Les recours contre la décision d'irrecevabilité

Le décret du 28 septembre 2011 ne déroge pas aux voies de recours ouvertes contre les décisions rendues en matière d'irrecevabilité.

En premier lieu, la voie de recours est donc l'appel, l'opposition ou le pourvoi en cassation, selon que la décision est rendue en premier ou dernier ressort et que, dans ce dernier cas, elle est ou non rendue par défaut.

Le nouvel article 818 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1532IR8) précise ainsi que pour les affaires relevant du tribunal de grande instance, même lorsqu'elle n'émane pas de la formation de jugement du tribunal, la décision peut faire l'objet du recours ouvert contre les décisions de la juridiction. Lorsque la décision d'irrecevabilité émane du président du tribunal, du président de la chambre à laquelle l'affaire est distribuée ou du juge de la mise en état, le recours est donc en principe l'appel dans le mois suivant la notification de la décision. En revanche, lorsque la décision émane du conseiller de la mise en état ou du magistrat chargé d'instruire l'affaire, il n'est pas ouvert de recours immédiat.


* Cet article a déjà fait l'objet d'une publication dans Lexbase Hebdo n° 92 du 6 octobre 2011 - édition professions

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