Réf. : Trib. UE, 25 octobre 2018, aff. T-122/17 (N° Lexbase : A9043YHE)
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par Vincent Téchené
le 07 Novembre 2018
► Le nom d’une ville bulgare, peut être enregistré comme marque de l’Union pour de l’eau minérale ;
►Le nom géographique demeure disponible aux tiers non seulement pour un usage descriptif, tel que la promotion du tourisme dans cette ville, mais également à titre de signe distinctif en cas de «juste motif» et d’absence de risque de confusion. Tel est le sens d’un arrêt rendu par la Tribunal de l’Union européenne le 25 octobre 2018 (Trib. UE, 25 octobre 2018, aff. T-122/17 N° Lexbase : A9043YHE).
En l’espèce, la société Devin AD a obtenu l’enregistrement de la marque de l’Union européenne verbale «DEVIN» pour les boissons non alcooliques auprès de l’EUIPO. La Chambre du commerce et de l’industrie de Haskovo (Bulgarie) a présenté devant l’EUIPO une demande d’annulation de la marque contestée. Par décision du 2 décembre 2016, l’EUIPO a, en substance, constaté que la ville de Devin en Bulgarie était connue du grand public bulgare et d’une proportion considérable de consommateurs dans les pays voisins tels que la Grèce et la Roumanie, en particulier en tant que célèbre station thermale, et que le nom de cette ville était associé, par les milieux intéressés, à la catégorie de produits couverts par la marque contestée, notamment les eaux minérales. L’EUIPO a donc prononcé la nullité de la marque contestée dans son intégralité.
Saisi d’une demande d’annulation de la décision de l’EUIPO, le Tribunal y fait droit. Il relève que, pour le consommateur bulgare, même si celui-ci reconnaît le terme «devin» comme un nom géographique, il apparaît extrêmement peu plausible que la marque «DEVIN» n’ait pas acquis en Bulgarie, à tout le moins, un caractère distinctif normal, sans même se prononcer sur sa renommée.
Concernant le consommateur moyen grec et roumain, le Tribunal constate que l’existence d’un «profil touristique sur l’internet», en soi, ne saurait suffire à établir la connaissance d’une petite ville par le public pertinent à l’étranger. Ensuite, le fait que la ville de Devin ait une «infrastructure touristique considérable» ne permet pas de conclure qu’un tel consommateur pourrait avoir une connaissance de la ville au-delà des frontières ou établir un lien direct avec celle-ci. Le Tribunal souligne que l’EUIPO, en se focalisant à tort sur les touristes étrangers, notamment grecs ou roumains, qui visitent la Bulgarie ou Devin, n’a pas pris en considération l’ensemble du public pertinent, constitué par le consommateur moyen de l’Union, notamment de ses Etats membres.
S’agissant de la disponibilité du nom géographique pour les tiers, le Tribunal constate que, en vertu de la législation et de la jurisprudence, une utilisation descriptive du nom «Devin» aux fins de promouvoir la ville en tant que destination touristique demeure.
En outre, le nom de la ville de Devin demeure disponible aux tiers non seulement pour un usage descriptif, tel que la promotion du tourisme dans cette ville, mais également à titre de signe distinctif en cas de «juste motif» et d’absence de risque de confusion. L’intérêt général à préserver la disponibilité d’un nom géographique tel que celui de la ville thermale de Devin peut ainsi être protégé grâce à la permission des utilisations descriptives de tels noms et aux garde-fous limitant le droit exclusif du titulaire de la marque contestée, sans que soit requise l’annulation de cette marque. Selon le Tribunal, c’est ce nécessaire équilibre entre les droits des titulaires et les intérêts des tiers qui permet l’enregistrement de marques provenant d’un nom géographique éponyme.
Le Tribunal conclut que l’EUIPO n’a pas établi l’existence d’un degré suffisant de reconnaissance de la ville de Devin par le consommateur moyen de l’Union, notamment grec ou roumain. Il en résulte que l’EUIPO a commis une erreur d’appréciation en concluant que la marque contestée était descriptive d’une provenance géographique pour ce qui concerne le consommateur moyen des pays voisins de la Bulgarie, à savoir la Grèce et la Roumanie, ainsi que celui de tous les autres Etats membres de l’Union.
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