La lettre juridique n°664 du 21 juillet 2016 : Actes administratifs

[Jurisprudence] L'incommunicabilité de documents dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité des personnes - Conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 11 juillet 2016, n° 392586, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0790RXK)

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[Jurisprudence] L'incommunicabilité de documents dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité des personnes - Conclusions du Rapporteur public. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/33333842-jurisprudence-lincommunicabilite-de-documents-dont-la-divulgation-porterait-atteinte-a-la-securite-d
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par Aurélie Bretonneau, Rapporteur public au Conseil d'Etat

le 21 Juillet 2016

Dans un arrêt rendu le 11 juillet 2016, le Conseil d'Etat a dit pour droit que les noms des fonctionnaires affectés à la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) ne sont pas communicables, du fait que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité des personnes. Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public sur cet arrêt, Aurélie Bretonneau. Cette affaire de droit d'accès aux documents administratifs pose deux questions distinctes : l'une sur la portée de l'extinction du droit à communication que prévoit l'article 2 de la loi dite "CADA" n° 78-753 du 17 juillet 1978 (N° Lexbase : L6533AG3) (devenu L. 311-2 du Code des relations entre le public et l'administration N° Lexbase : L1866KNG), une fois que les documents administratifs font l'objet d'une diffusion publique ; l'autre sur la portée de l'incommunicabilité qu'organise l'article 6 de la loi (devenu article L. 311-5 du code N° Lexbase : L1869KNK) pour les documents dont la communication porterait atteinte à la sécurité des personnes.

Le litige oppose le Premier ministre à l'Association Ethique et Liberté. Cette dernière, souvent présentée -ceci explique peut-être cela- comme proche de l'Eglise de scientologie, souhaitait en effet obtenir communication d'un certain nombre de documents relatifs à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), placée auprès du Premier ministre et chargée "d'observer et d'analyser le phénomène des mouvements à caractère sectaire dont les agissements sont attentatoires aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales ou constituent une menace à l'ordre public ou sont contraires aux lois et règlements", de favoriser la coordination de l'action préventive et répressive des pouvoirs publics à l'encontre de ces agissements et d'informer tant l'administration que le public sur les risques liés aux dérives sectaires (décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 N° Lexbase : L7507A8K, art. 1er (1)). Plus précisément, l'association a, le 17 avril 2013, demandé au Premier ministre, par l'intermédiaire du directeur de la mission, de lui communiquer, premièrement, les noms des agents affectés dans les différents pôles opérationnels de la mission, deuxièmement, les noms des personnes composant le comité exécutif de pilotage opérationnel, troisièmement, les noms des personnalités composant le conseil d'orientation et quatrièmement, le montant des indemnités perçues par ces personnalités. L'absence de réponse du Premier ministre, même après un avis de la CADA du 24 juillet 2014 favorable à la communication, a conduit l'association à saisir le tribunal administratif de Paris.

Ce dernier, par un jugement du 11 juin 2015, a, d'une part, rejeté la demande portant sur le montant des indemnités en l'assimilant à une demande de renseignements ne relevant pas du droit d'accès organisé par la loi "CADA", d'autre part fait droit aux demandes relatives au nom des fonctionnaires, en enjoignant la communication dans un délai d'un mois. Le Premier ministre, qui n'avait pas défendu devant le tribunal administratif, se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant seulement qu'il lui fait grief, c'est-à-dire pour la partie "nom des fonctionnaires", la partie "indemnités" n'étant donc plus en litige devant vous.

Le pourvoi soulève deux séries de moyens, l'une consacrée aux noms des personnes composant le comité exécutif de pilotage opérationnel et le conseil d'orientation, qui pose la question de l'extinction du droit de communication, l'autre consacrée au nom des agents répartis dans les pôles, qui pose la question de la protection de la sécurité publique et des personnes.

Par la première série de moyens, le Premier ministre conteste, sous l'angle de l'erreur de droit et de l'erreur de qualification juridique, l'affirmation des premiers juges selon laquelle les documents retraçant la composition du comité et du conseil sont communicables, alors qu'ils ont été publiés au Journal officiel et sont donc extournés du champ du droit à communication. A première vue, on voit mal comment donner tort au Premier ministre, dès lors, d'une part, que la loi dispose que "Le droit à communication ne s'exerce plus lorsque les documents font l'objet d'une diffusion publique", d'autre part, qu'il est constant que les seuls documents correspondant à la demande sont des arrêtés du Premier ministre (des 3 mars 2003, 16 mars 2005, 30 mars 2005, 7 juillet 2006 et 29 janvier 2007 pour le conseil d'orientation, du 14 février 2007 pour le comité exécutif de pilotage opérationnel) et qu'ils ont bien été publiés au JORF. Or il ne fait aucun doute qu'une telle publication s'assimile à une diffusion publique au sens de cette disposition : vous en avez jugé ainsi pour une publication aux bulletins officiels des ministères (2), ce qui nous semble valoir a fortiori pour une publication au Journal officiel de la République française, conformément d'ailleurs à la position unanime des tribunaux administratifs (3), de la doctrine la mieux informée (4) et de la CADA.

Simplement, l'association fait valoir en défense que faute d'avoir défendu devant le tribunal administratif, le Premier ministre n'avait jamais fait valoir que les arrêtés étaient publiquement diffusés. Elle en déduit que le moyen est nouveau en cassation et, partant, inopérant à l'encontre du jugement attaqué.

Vous êtes familiers des complications que peuvent engendrer, en matière de CADA, le silence gardé par l'administration aux différents stades de la procédure. Nombre, en effet, des conditions mises par la loi du 17 juillet 1978 à la communication de documents dépendent de contingences dont seule l'administration a, la plupart du temps, connaissance : ainsi de l'existence même du document, qui peut ne jamais avoir été élaboré ou avoir été, depuis, détruit ou perdu ; de sa détention par une administration plutôt que par une autre personne, qui peut ne pas entrer dans le champ d'application de la loi ; de son caractère préparatoire ou non ; ou encore de la possibilité d'occulter ou non, en son sein, de diverses mentions couvertes par un secret. Il n'est pas rare que, faute de réponse, un demandeur s'enferre dans la croyance qu'un document existe tel qu'il l'imagine alors que ce n'est pas le cas, la CADA étant amenée à émettre un avis hypothétique à l'aveugle et le juge contraint de procéder à une mesure d'instruction à l'abri du contradictoire (5) pour tirer l'affaire au clair. Nous allons vous proposer de ne pas créer une complication de plus en jugeant qu'un moyen tiré de la publication au Journal officiel peut valablement surgir pour la première fois en cassation.

Votre jurisprudence en matière d'opérance -vous parliez jusqu'il y a peu de recevabilité- en cassation des moyens non soulevés devant les juges du fond se laisse moins aisément systématiser qu'on pourrait s'y attendre s'agissant d'une question qui touche au coeur de votre office de juge de cassation. Nous croyons pouvoir la résumer en ces termes : le moyen doit, d'abord, être soit né de l'arrêt (ou du jugement) attaqué, soit qualifié de moyen d'ordre public. Lorsqu'il remplit cette dernière condition, il faut ensuite qu'il soit ressorti des pièces du dossier soumis aux juges du fond, faute de quoi on ne peut reprocher à ces derniers de ne pas s'en être saisi (6). A quoi s'ajoute, dans la ligne la plus exigeante de votre jurisprudence, que le moyen en cause soit de pur droit et non mêlé d'appréciations de fait (7).

En l'espèce, le moyen n'est pas né du jugement attaqué. Il faut donc que les autres conditions soient remplies.

Il faut d'abord estimer que la question de savoir si un document fait l'objet d'une diffusion publique peut prétendre à l'appellation "moyen d'ordre public". Nous le pensons, dans la mesure où elle relève à nos yeux du champ d'application de la loi.

Deux raisons pourraient vous faire hésiter à retenir cette qualification.

D'abord, la diffusion publique d'un document administratif n'est pas consubstantielle à ce dernier et peut donc intervenir, voire d'ailleurs s'interrompre, dans le courant de son existence. Or, vous pourriez éprouver quelque réticence à consacrer un champ d'application de la loi à éclipses. Nous relevons toutefois que c'est déjà le sort de cette loi dans de nombreuses cas de figure : ainsi, et à titre d'exemple, le titre Ier de la loi du 17 juillet 1978 s'applique aux documents relatifs à une enquête publique avant cette enquête, mais cesse de s'appliquer pendant la durée de celle-ci, la CADA étant alors incompétente pour connaître des demandes, et retrouve à s'appliquer une fois l'enquête close.

Ensuite, la diffusion publique d'un document n'est pas toujours aisément décelable, de sorte qu'il pourrait être délicat d'obliger le juge à la soulever d'office : il en va ainsi de certaines publications non officielles que la CADA, à défaut de toute jurisprudence du Conseil d'Etat sur ce point, assimile à une diffusion publique en fonction d'un faisceau d'indices, par exemple dans le cas de la commercialisation d'un document pour une somme raisonnable, n'excédant pas les coûts de reproduction et l'amortissement du matériel utilisé (8), du dépôt de documents au greffe des tribunaux de commerce, dès lors qu'ils peuvent ensuite aisément être consultés soit sur place, soit, pour une somme modique, par l'intermédiaire du réseau Infogreffe, accessible par internet (9), des normes homologuées par l'AFNOR, consultables gratuitement au siège de l'organisme, dans ses antennes régionales et ses points d'accueil et accessibles par voie postale moyennant le paiement d'un montant fixé par l'émetteur de la norme (10) ou encore de la mise en ligne pérenne d'un document sur l'internet, au moins lorsqu'il peut être facilement identifié (ce qui dépend du référencement du site et de son organisation) et téléchargé (11). Mais nous pensons que la difficulté n'est qu'apparente, puisque les juges du fond ne sont jamais tenus de relever d'office un moyen d'ordre public qui ne ressort pas des pièces du dossier qui leur sont soumises.

A l'inverse, dans le sens de la qualification de moyen d'ordre public, la rédaction de l'article 2, aux termes duquel le droit d'accès ne s'exerce plus en cas de diffusion publique, semble bien signifier qu'à compter de cette date, la loi ne trouve plus à s'appliquer au document. Et vous jugiez d'ailleurs, avant que le législateur entende codifier votre jurisprudence à l'article 2, qu'un document publié n'est pas un document administratif au sens de la loi (12), ce qui relève bien d'une logique de champ d'application. Vous jugez également qu'est dépourvue d'objet une demande de communication portant sur un document publié dans un bulletin officiel en cours d'instance (13) : la logique veut donc bien qu'une demande de document faisant l'objet d'une diffusion publique soit irrecevable, ce qui se relève bien d'office.

Plus délicate est la question de savoir si la publication au JORF ressortait des pièces du dossier soumis au tribunal administratif. Bien entendu, la requérante ne l'affirmait pas en première instance, et le ministre non plus puisqu'il n'y a pas défendu. Nous serions toutefois d'avis que, compte tenu de sa nature particulière, le JORF et son contenu doivent être présumés connus du juge. Il est d'ailleurs fréquent que vous teniez pour acquis le contenu du journal officiel pour relever d'office l'existence d'un texte dont il aurait dû être fait application et que ne mentionnaient pas les parties. Par exemple, saisis d'un moyen de cassation contestant l'irrecevabilité retenue par les juges du fond pour des raisons factuelles, vous soulevez d'office le fait que cette irrecevabilité a été retenue sur le fondement d'un mauvais texte (14), alors même que le moyen tiré de ce qu'une fi de non-recevoir a été retenue à tort n'est pas d'ordre public (15). Plus proche de notre espèce, car nous admettons qu'il y a une différence de nature entre textes législatifs et réglementaires d'une part et décisions individuelles publiées de l'autre, il n'est pas rare que, saisis de contestation sur l'existence d'une délégation de signature, vous y coupiez court même sans qu'on vous l'indique lorsque celle-ci est publiée au JORF. Ainsi, et même si la question n'est pas tout à fait évidente, nous vous proposons d'admettre que le JORF fait, en quelque sorte, partie des documents se trouvant à disposition du juge de sorte que rien ne fait obstacle à ce qu'il soulève la publication qu'il y constate d'un document administratif et que son jugement peut valablement être annulé pour ce motif en cassation.

Quant à la condition, propre aux moyens nouveaux en cassation, tenant à ce que leur maniement n'implique aucune appréciation de fait, dont votre jurisprudence fait un usage pour le moins aléatoire, nous sommes favorable à ce que vous continuiez à l'appliquer, mais en la ramenant à une juste proportion. A cet égard, il nous semble que vous ne devez pas laisser la notion de fait occulter celle d'appréciation. En d'autres termes -et c'est d'ailleurs la façon que vous avez de raisonner en matière de substitution de motifs en cassation- peu importe que le moyen que vous maniez pour la première fois en cassation ait trait à des faits, pourvu que ces faits n'aient pas à être appréciés par vous, ce qui est le cas en présence de fait constant. Or en l'espèce, la publication des arrêtés litigieux au JORF que fait valoir le ministre est constante et absolument pas contestée par l'association, de sorte qu'il nous apparaîtrait tout à fait artificiel que vous ne la preniez pas en compte.

Nous sommes donc d'avis d'accueillir le moyen du ministre et de censurer, en conséquence, le jugement en tant qu'il annule le refus de communiquer ces arrêtés et enjoint leur communication, et de rejeter la demande tendant à la communication de ces documents qui, faisant l'objet d'une diffusion publique à la date d'introduction de la demande, ne relevaient pourtant pas du droit d'accès garanti par la loi "CADA", dispositif qui éviterait que le Premier ministre ait à se transformer en centrale d'impression de documents librement accessibles sur Légifrance.

Restent les conclusions dirigées par le Premier ministre contre le jugement en tant qu'il annule le refus de communiquer les documents relatifs au nom des agents opérationnels affectés dans les différents pôles de la mission. Le Premier ministre soutient que le jugement est entaché d'erreur de droit et de qualification à avoir estimé que ni la protection de la sécurité publique, ni celle de la sécurité des personnes, garanties par l'article 6 de la loi de 1978, n'était de nature à faire obstacle à la communication. Les explications fournies que donne le ministre dans son pourvoi, combinées à l'orientation de votre jurisprudence, nous conduisent à lui donner raison.

Par une décision du 22 février 2013 (16), vous avez admis que la divulgation de documents relatifs à la Miviludes puisse risquer de porter atteinte à la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes. Toutefois, vous avez fermement refusé d'assurer à la Miviludes une immunité institutionnelle totale et avez exigé que le juge n'oppose ce secret qu'au cas par cas, au vu du contenu des documents sollicités et, le cas échéant, de la possibilité d'en faire une communication partielle après occultation de certaines mentions.

En l'espèce, il n'est guère besoin de procéder à une mesure d'instruction de type "Banque de France c/ Huberschwiller" (17) pour évaluer le contenu précis des documents, qui ne comportent que le nom des fonctionnaires et leur pôle de rattachement. L'hypothèse d'une communication partielle après occultation préalable n'a pas non plus de sens, puisqu'elle priverait d'utilité la communication. Il faut donc simplement déterminer si, au regard des missions de la Miviludes et plus précisément des responsabilités assumées par les agents visés par la demande, la communication de leur identité serait susceptible de porter atteinte aux deux secrets invoqués.

Sous l'angle de la sécurité publique, il s'agit de déterminer si, d'une part, les missions des agents opérationnels visent à assurer la sécurité publique et, d'autre part, la divulgation de leur identité est de nature à entraver le bon déroulement de leurs missions.

Le premier point ne nous semble pas vraiment faire de doute, au moins pour ce qui concerne les missions consistant à analyser les agissements des sectes constituant une menace à l'ordre public et favoriser l'action préventive et répressive des pouvoirs publics à l'encontre de tels agissements. A titre d'exemple, le Premier ministre indique qu'à ce titre, la mission est notamment engagée dans la lutte contre la radicalisation djihadiste en collaboration étroite avec le comité interministériel de prévention de la délinquance.

Le pourvoi nous convainc que le second point est établi également. La Miviludes fonctionne sous l'autorité d'un président dont l'identité est connue. Sa gouvernance est assurée par les deux instances collégiales dont nous vous avons entretenus tout à l'heure dont la composition est publique également. Viennent alors les services opérationnels, placés sous l'autorité d'un secrétaire général magistrat de l'ordre judiciaire dont l'identité est publique. Ces services sont organisés en pôles thématiques, composés de conseillers mis à disposition par les ministères concernés par la politique publique de lutte contre les dérives sectaires dont l'identité n'est en pratique pas divulguée par la mission. Cette organisation est relayée au plan territorial par des correspondants "dérives sectaires" chargés de missions opérationnelles sur le terrain. En pratique, ces missions incluent des relations étroites avec les services de police et un échange avec ces services d'informations sensibles, de sorte que la divulgation de l'identité de ces interlocuteurs peut affaiblir le dispositif de veille et d'échange d'information et, ainsi, nuire à l'exercice des missions. Ainsi que le fait valoir le ministre, vous avez d'ailleurs déjà subordonné la communication à un requérant de fiches de police le concernant à la condition que soient occultés les noms des agents ayant consulté cette fiche, la divulgation de l'identité des personnes ayant eu connaissance de ces renseignements sensibles étant de nature à porter atteinte à la sécurité publique (18). De façon plus générale, on comprend que la divulgation systématique de l'identité des personnes chargées d'une mission de veille, y compris donc aux personnes visées par cette mission, puisque la loi du 17 juillet 1978 est hermétique aux considérations d'intérêt pour agir hors champ particulier du II de l'article 6, soit de nature à porter atteinte au bon déroulement de cette mission et donc, compte tenu de la finalité de cette dernière en l'espèce, à la sécurité publique au sens du I de l'article 6.

En tout état de cause, il nous semble que la même solution pourrait prévaloir sous l'angle de la sécurité des personnes, notion qui peut trouver à viser les cas où la divulgation du document pourrait déboucher sur des représailles ciblées sur une personne, même sans mettre nécessairement en cause la sécurité publique en tant que composante de l'ordre public, y compris d'ailleurs parfois, ce qui est hétérodoxe, en tenant compte de l'identité du demandeur (19). Par la nature des renseignements qu'ils sont amenés à détenir sur les sectes et la possibilité qu'ils ont de leur assurer une publicité institutionnelle, on ne peut pas exclure que les agents de la Miviludes puissent faire l'objet de pressions. Le pourvoi indique ainsi que le président de la mission fait en cette qualité l'objet d'une protection policière. Et le risque peut s'étendre aux personnes membres de mouvements sectaires ou aux membres de leurs familles dont le mouvement s'apercevrait qu'ils entretiennent des contacts avec les correspondants de la Miviludes. Votre jurisprudence portant nettement la trace des risques qui peuvent s'attacher pour ces personnes à la dangerosité de certains mouvements sectaires (20), il nous semble que l'erreur de qualification est caractérisée, aussi, sur ce terrain.

Nous vous proposons donc d'accueillir aussi le second groupe de moyens du ministre et d'annuler le jugement en tant qu'il se rapporte aux documents révélant l'identité des membres des pôles de la mission.

Après cassation, vous pourrez tirer les conséquences de votre raisonnement sur la demande de première instance, en rejetant les conclusions relatives à la composition des organes collégiaux au motif que les documents font l'objet d'une diffusion publique, et celles relatives à la composition des services opérationnels au motif que sa divulgation porterait atteinte à la sécurité publique et des personnes protégées par le 2° du I de l'article 6 de la loi.

PCMNC - Annulation, rejet, et rejet des demandes de frais dits irrépétibles.


(1) Décret qui fait suite au décret n° 96-387 du 9 mai 1996, portant création d'un observatoire interministériel sur les sectes, pris dans la foulée du rapport n° 2468, déposé le 10 janvier 1996, d'une commission d'enquête de l'Assemblée nationale (dit rapport "Gest-Guyard") qui préconisait la mise en place, et au décret n° 98-890 du 7 octobre 1998, instituant une mission interministérielle de lutte contre les sectes.
(2) Pour le Bulletin officiel de la concurrence et de la consommation : CE, Sect., 17 janvier 1986, n° 62282 (N° Lexbase : A7547AMH).
(3) TA Paris, 23 juin 2006, n° 0508196 ; TA Nice, 17 avril 2007, n° 0604400.
(4) V. la rubrique "Documents administratifs : accès et réutilisation", tenue par A. Lallet au répertoire de contentieux administratif Dalloz.
(5) CE, Sect., 23 décembre 1988, n° 95310 (N° Lexbase : A7922AP4).
(6) CE, 6 janvier 1928, Sieur Grainetier, p.28 ; CE, 21 octobre 1959, Korsec, p. 533 ; CE, 1er mars 1972, Sieur Ducreux, p.179 ; CE, Sect., 26 juin 1992, n° 114728 (N° Lexbase : A7055ARQ).
(7) CE, 8 janvier 1982, n°s 19875 et 21978 (N° Lexbase : A0647ALK), T. p. 728.
(8) Pour les photographies aériennes de l'IGN : avis CADA n° 20071023 du 3 mai 2007.
(9) Conseil CADA n° 20050524 du 3 juillet 2005.
(10) Conseil CADA n° 20050541 du 17 février 2005.
(11) Avis CADA n° 20070320 du 25 janvier 2007 (N° Lexbase : X9000APZ).
(12) CE, 23 octobre 1987, Bertin, n° 36546 (N° Lexbase : A3898AP3), T. p. 739.
(13) CE, Sect., 17 janvier 1986, n° 62282 (N° Lexbase : A7547AMH).
(14) CE, 22 octobre 2010, n° 329949.
(15) CE, 15 avril 1996, n° 143556 (N° Lexbase : A8647ANL), T. p. 1130.
(16) CE, 22 février 2013, n° s 337987, 337988 (N° Lexbase : A5320I8K).
(17) CE, Sect., 23 décembre 1988, n° 95310, préc..
(18) CE, 3 juillet 2006, n° 262833 (N° Lexbase : A6451DQY).
(19) Voir fascicule "Documents administratifs : accès et réutilisation" du répertoire Dalloz de contentieux administratif, tenu par A. Lallet.
(20) CE, 17 février 1992, n° 86954 (N° Lexbase : A5377ARL), justifiant une atteinte au principe de neutralité religieuse de l'Etat ; CE, 18 mai 2005, n° 259982 (N° Lexbase : A3452DIP).

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