Réf. : Rapport annuel de la Cour de cassation
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le 07 Octobre 2010
- Cass. soc., 13 juin 2007, 2 arrêts, n° 06-40.823, Mme Marie Addou, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8016DWS) et n° 05-45.694, Association Apaei du Bocage Virois et de la Suisse Normande c/ Mme Claudine X et autres, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8179DWT) : "les salariés ayant engagé leurs actions postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 (loi n° 2000-37 N° Lexbase : L0988AH3) ne sont pas fondés à invoquer l'incompatibilité de ses dispositions rétroactives avec l'exigence de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR)" ; "il ressort tant de la finalité que du libellé même de ses dispositions que la Directive européenne 93/104 du 23 novembre 1993 (N° Lexbase : L7793AU8), concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs" (lire nos obs., Heures d'équivalence dans le secteur social et médico-social : enfin le bout du tunnel !, Lexbase Hebdo n° 266 du 28 juin 2007 - édition sociale N° Lexbase : N5840BBW).
Comme l'arrêt précédent, ces décisions sont le fruit des conséquences que la Cour de cassation a été obligée de tirer du droit européen. Elles mettent, enfin, un terme à la saga des heures d'équivalence dans le secteur social et médico-social. On se souvient que cette saga avait débuté par un retentissant arrêt rendu par la Chambre sociale le 29 juin 1999, précisant que la Convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, du 15 mars 1966, ne pouvait valablement édicter un horaire d'équivalence, dans la mesure où elle n'avait fait l'objet que d'un agrément et non d'une extension, comme l'exigeait l'article L. 133-5 du Code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 23 septembre 1967 ([LXB=L3149HIH)]) (Cass. soc., 29 juin 1999, n° 97-41.567, Association départementale des pupilles de l'enseignement public c/ M. Auffrère et a., publié N° Lexbase : A4754AG8, Bull. civ. V, n° 307). La Cour de cassation signifiait que les heures de surveillance nocturne constituant un temps de travail effectif, les employeurs étaient tenus de les rémunérer comme des heures normales de travail, avec, éventuellement, majoration pour heures supplémentaires.
La réaction du législateur n'allait guère se faire attendre et l'article 29 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, dite "Aubry II" venait préciser que, "sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne comportant des temps d'inaction, effectuées sur le lieu de travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collectives nationales et accords collectifs nationaux de travail, agréés en vertu de l'article 16 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, relative aux institutions sociales et médico-sociales (N° Lexbase : L6769AGS), en tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l'absence de validité desdites clauses".
Ne s'avouant pas vaincu, la Chambre sociale déniait toute efficacité à cette disposition législative, en s'appuyant sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (Cass. soc., 24 avril 2001, n° 00-44.148, Terki c/ Association Etre enfant au Chesnay, publié N° Lexbase : A2993ATZ, Bull. civ. V, n° 130). Celle-ci allait, cependant, être désavouée par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 24 janvier 2003, affirmait que, "si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives, le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges". L'Assemblée plénière concluait, ensuite, qu'"obéit à d'impérieux motifs d'intérêt général l'intervention du législateur destinée à aménager les effets d'une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité du service public de la santé et de la protection sociale auquel participent les établissements pour personnes inadaptées et handicapées" (Ass. plén., 24 janvier 2003, n° 01-40.967, M. Frédéric Baudron c/ Association départementale des pupilles de l'enseignement public (ADPEP), publié N° Lexbase : A7263A4R, Bull. civ., n° 2).
Si la messe semblait dite, c'était sans compter l'intervention des juridictions supranationales et, spécialement, celle de la Cour européenne des droits de l'Homme. Par plusieurs arrêts du 9 janvier 2007, celle-ci décidait que l'adoption de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000, qui réglait définitivement, de manière rétroactive, le fond des litiges pendants devant les juridictions internes, n'étant pas justifiée par d'impérieux motifs d'intérêt général, constituait une violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En revanche, elle déclarait irrecevable une requête formée postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi en l'absence de toute rétroactivité de son application (CEDH, 9 janvier 2007, req. n° 31501/03, Aubert et autres et 8 autres affaires c/ France N° Lexbase : A3743DTS, RJS, 4/07, p. 299, avec les obs. de J.-Ph. Lhernould ; RDSS, 2/2007, p. 315 avec la chron. de D. Boulmier).
Les arrêts du 13 juin 2007 tirent les conséquences de ces décisions et de la condamnation de l'Etat français. La Chambre sociale considère que l'article 29 de la loi de validation est inapplicable aux litiges introduits avant l'entrée en vigueur de cette disposition, tout en décidant, logiquement, que les salariés qui ont engagé leurs actions postérieurement à la date d'entrée en vigueur de l'article 29 ne sont pas fondés à invoquer l'incompatibilité de ses dispositions rétroactives avec l'exigence de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Ces solutions n'appellent pas de grands commentaires. Il est parfaitement normal que la Cour de cassation écarte les recours engagés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000, alors même qu'ils concernent des périodes de travail antérieures à celle-ci. En effet, il faut rappeler que la CEDH a, uniquement, entendu condamner l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice aux fins d'influer sur l'issue de litiges en cours. A dire vrai, et de ce point de vue, les arrêts commentés ne présentent un intérêt concret que pour les quelques salariés qui auraient introduit une action en justice avant l'entrée en vigueur de la loi "Aubry II" et qui demeurerait encore en cours. Compte tenu de ces conditions, s'il reste encore des salariés dans cette situation, ils sont en nombre extrêmement restreint.
Ainsi qu'il est relevé dans le rapport, on ajoutera simplement que la Cour de cassation écarte, par ailleurs, comme l'avait fait la Cour européenne des droits de l'Homme et avant elle la CJCE dans sa décision "Dellas" du 1er décembre 2005 (CJCE, 1er décembre 2005, aff. C-14/04, Dellas N° Lexbase : A7836DLS, RJS, 2/06, n° 288 et chron. J.-Ph. Lhernould, p. 89), la Directive européenne 93/104/CE du 23 novembre 1993, qui n'a pas vocation à s'appliquer à la rémunération des travailleurs.
- Cass. soc., 31 octobre 2007, n° 06-43.876, Société Blue Green Villennes c/ M. Vincent Loustaud, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2447DZN) : "il résulte de la combinaison des articles L. 212-15-3, III du Code du travail, en sa rédaction applicable au litige (N° Lexbase : L3870DCC), et 5.7.2.3 de la Convention collective nationale du golf , qu'un régime de forfait jours ne peut être appliqué qu'aux cadres dont la durée du travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. Dans ce cas, le cadre doit bénéficier d'une grande liberté dans l'organisation de son travail à l'intérieur du forfait jours" ; "l'indemnité prévue par l'article L. 212-15-4, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L7952AID) n'est due qu'au salarié susceptible d'être, par application des dispositions légales et conventionnelles, soumis à une convention de forfait jours" (lire nos obs., Le forfait jours sous la surveillance de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 281 du 15 novembre 2007 - édition sociale N° Lexbase : N0155BD4).
Apparu avec la loi "Aubry II" du 19 janvier 2000, le forfait jours constitue, sinon une anomalie, du moins une curiosité au sein de la durée du travail. Il implique, en effet, une mise à l'écart de l'étalon horaire au bénéfice d'une référence en jours. Eu égard à son caractère extrêmement dérogatoire, ce mécanisme est strictement encadré par la loi. Réservé à certains salariés, seulement, il ne peut être mis en oeuvre que sur le fondement d'une convention ou d'un accord collectif de travail. Cette dernière doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires. Parmi celles-ci figure la définition des catégories de cadres concernés. Jusqu'à la loi "Fillon II" du 17 janvier 2003 (loi n° 2003-47 N° Lexbase : L0300A9Y), le forfait jours ne pouvait être appliqué qu'aux cadres dont la durée du travail "ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps". Depuis cette réforme, la loi n'utilise plus qu'un seul critère pour définir les cadres qui peuvent relever du forfait jours. Il s'agit de "leur autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps".
Par ailleurs, il résulte de l'article L. 212-15-4, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L7952AID, art. L. 3121-50, recod. N° Lexbase : L1181HXZ) que, lorsqu'un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours ne bénéficie pas d'une réduction effective de sa durée de travail ou perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut solliciter d'un juge l'octroi d'une indemnité. Cette disposition vient, ainsi, sanctionner une mise en oeuvre abusive du forfait jours ou, à tout le moins, et pour reprendre les termes du rapport, "une mise en oeuvre non conforme aux textes".
Pour en venir à l'arrêt rapporté, la Chambre sociale était saisie d'un pourvoi d'une société qui contestait sa condamnation, par une cour d'appel, à verser à un salarié l'indemnité précitée.
La Chambre sociale ne s'est, cependant, pas située sur ce terrain. Soulevant un moyen d'office, tiré des articles L. 212-15-III , L. 212-15-4, alinéa 2 (L. 3121-50, recod.) et 5.7.2.3 de la Convention collective nationale du golf , elle a cassé l'arrêt en considérant que seul un salarié susceptible d'être soumis à une convention de forfait en jours peut demander au tribunal de lui allouer l'indemnité prévue à l'article L. 212-15-4, alinéa 2, du Code du travail.
Il ressort de cette décision, et cela est confirmé par le rapport, que la Chambre sociale "a souhaité instaurer, même en l'absence de demande formelle des parties en ce sens, un contrôle préalable du juge sur la qualité de bénéficiaire potentiel d'une convention de forfait en jours du salarié, contrôle qui conditionne la possibilité pour le juge d'allouer cette indemnité, dès lors que le salarié remplit les conditions prévues par cet article". Ce contrôle doit s'opérer sur le fondement des dispositions légales, mais aussi des stipulations conventionnelles applicables.
On peut se demander si la solution retenue dans l'arrêt à propos des cadres intermédiaires vaudra pour les salariés non cadres qui peuvent se voir proposer des conventions de forfait en jours en application de l'article 212-15-3, III du Code du travail (N° Lexbase : L7755HBT, L. 3121-51, recod. N° Lexbase : L1182HX3). Le rapport invite à apporter une réponse affirmative à cette question. En effet, il est précisé que "ce faisant, [la Cour de cassation] invite les juges du fond à une surveillance renforcée de l'application du régime du forfait en jours aux salariés, cette attention étant justifiée par l'importance des dérogations au droit commun de la durée du travail que ce type de forfaits entraîne". Il apparaît que le contrôle judiciaire doit bénéficier à tout salarié sans distinction, dès lors qu'ils sont confrontés à ce dispositif dérogatoire.
Il reste que, postérieurement à la recodification, on peut s'interroger quant au fait de savoir si les salariés non-cadres ayant conclu des conventions de forfait en jours peuvent demander le versement de l'indemnité prévue par l'article L. 3121-50 du Code du travail. En effet, ce dernier relève d'une sous-section 1 relative aux "dispositions applicables aux cadres". Or, les salariés non cadres sont visés par une sous-section 2. Remarquons, toutefois, que l'article précité envisage les salariés ayant conclu une telle convention sans plus de précisions.
Au-delà, et ainsi que nous le faisions remarquer dans notre commentaire, s'agissant du versement de l'indemnité en cause, la difficulté réside dans la caractérisation de l'abus dans le recours au forfait jours. Nul doute que la Cour de cassation sera amenée à préciser le champ d'application et les conditions de mise en oeuvre de l'article L. 3121-50 du Code du travail.
Remarquons, pour conclure, que la Cour de cassation a, par la suite et si l'on peut dire, joint le geste à la parole, en confirmant qu'elle entendait contrôler avec une grande rigueur la licéité des conventions de forfait en jours (Cass. soc., 26 mars 2008, n° 06-45.990, FS-P+B+R N° Lexbase : A6062D7N et nos obs., Les conventions individuelles de forfait dans le collimateur de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 300 du 10 avril 2008 - édition sociale N° Lexbase : N6557BEL).
Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
- Cass. soc., 11 juillet 2007, n° 06-11.164, Union des industries métallurgiques et minières (UIMM), FS-P+B+R (N° Lexbase : A2966DX7) : les actions de prévention et les actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances tendent à favoriser ou à permettre l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois. Le temps consacré à ces formations constitue, en conséquence, du temps de travail effectif, si bien que les dispositions d'un accord collectif plaçant ces périodes de formation hors du temps de travail sont nulles (lire nos obs., La nullité de l'accord collectif excluant du temps de travail effectif les périodes de formation visant à l'adaptation du salarié à son emploi, Lexbase Hebdo n° 269 du 19 juillet 2007 - édition sociale N° Lexbase : N9342BBM).
Par cet arrêt, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait pris position quant à la validité d'une clause d'un accord collectif, qui avait exclu du temps de travail effectif des salariés de l'entreprise les actions de formation "qui avaient pour objet de réduire les risques d'inadaptation de qualification à l'évolution des techniques et des structures des entreprises en préparant les travailleurs dont l'emploi est menacé à une mutation d'activité, soit dans le cadre, soit en dehors de l'entreprise mais encore celles dont l'objet était d'offrir à ces mêmes travailleurs les moyens de maintenir ou de parfaire leur qualification" (1).
Rappelons que l'article L. 932-2, alinéa premier (N° Lexbase : L3097HIK), applicable au moment des faits, permettait aux partenaires sociaux d'exclure du temps de travail effectif certaines formation suivies par le salarié, à la condition que cette formation ne participe pas de l'obligation de l'employeur d'assurer l'adaptation de ses salariés à leurs emplois.
La solution rendue était d'une grande clarté (2), si bien que le rapport de la Cour de cassation se contente de lui conférer une plus grande publicité sans qu'il soit nécessaire d'apporter des précisions s'agissant du raisonnement suivi par la Cour. Relevons, tout de même, la volonté réitérée par la Cour de donner une grande importance à l'obligation d'adaptation du salarié dans l'entreprise, ce qui ne surprend guère, puisqu'elle en fut, bien avant le législateur, la principale instigatrice (3).
- Cass. soc., 31 octobre 2007, n° 06-43.834, Société Centre d'hémodialyse du Languedoc méditerranéen (CHLM), FS-P+B+R N° Lexbase : A2446DZM) : "le temps de déplacement accompli lors de périodes d'astreintes fait partie intégrante de l'intervention et constitue un temps de travail effectif" (lire nos obs., Les frontières du temps de travail effectif, Lexbase Hebdo n° 281 du 15 novembre 2007 - édition sociale N° Lexbase : N0157BD8).
Malgré les efforts de définition prodigués par le législateur depuis la première loi "Aubry" du 13 juin 1998 (loi n° 98-461, d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail N° Lexbase : L7982AIH), les distinctions entre temps de travail effectif, temps de repos et temps d'astreinte pose, encore, parfois, difficulté. Spécialement, dans l'arrêt rapporté, il était question de savoir si le temps de déplacement du domicile du salarié à son lieu de travail, lors d'une intervention dans le cadre d'une astreinte, devait être considérée comme du temps de travail effectif.
Le rapport de la Cour de cassation revient sur cet arrêt par lequel la Cour avait décidé que ce temps de déplacement devait être considéré comme du temps de travail effectif, le salarié étant tenu de se conformer aux directives de l'employeur, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles. Le rapport rappelle, au passage, que cette solution n'était pas tout à fait nouvelle puisqu'un arrêt de 2004, resté inédit, avait déjà statué en ce sens (4).
L'apport du rapport sur cet arrêt est double.
En premier lieu, la Cour de cassation entend placer la règle selon laquelle ce type de temps de trajet est constitutif d'un temps de travail effectif au rang de "principe". La règle est donc d'une importance soulignée et, quoique tout principe soit susceptible de supporter des exceptions, devrait, à l'avenir, être de la plus large application.
En second lieu, la Cour apporte une réponse à l'interrogation née du conflit, qui avait pu être décelé entre l'application des règles relatives à l'astreinte qui impliquaient que le temps de déplacement soit intégré au temps de travail effectif et les dispositions issues de la loi de cohésion sociale, aux termes desquelles "le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif" (5). Le rapport de la Cour de cassation précise que "le législateur n'ayant pas modifié la teneur de l'article L. 212-4 bis [du Code du travail N° Lexbase : L7946AI7] relatif à l'astreinte, le temps de déplacement nécessité par une intervention lors d'une astreinte reste soumis aux dispositions de cet article" (6). Le conflit supposé entre les deux corps de règles se résout donc à la faveur d'une interprétation de la volonté du législateur dont le silence gardé au sujet des astreintes fait l'objet d'une interprétation pour le moins audacieuse.
Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
- Cass. soc., 11 juillet 2007, 2 arrêts, n° 06-41.575, Société Ugine et Alz France, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3130DX9) et n° 06-40.567, Société Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine (CIAL), FS-P+B+R (N° Lexbase : A3115DXN) : "les jours de repos acquis au titre d'un accord de réduction et d'aménagement du temps de travail ne peuvent pas être positionnés sur un jour férié chômé" (lire nos obs., Quand jour férié chômé ne coïncide pas avec RTT, Lexbase Hebdo n° 270 du 25 juillet 2007 - édition sociale N° Lexbase : N9599BB7).
Par ces deux arrêts, la Haute juridiction précise que les jours de repos compensateur, acquis au titre d'un accord de réduction du temps de travail, ne peuvent être positionnés sur un jour férié chômé.
Elle comble, par là, un vide. L'article L. 212-9 du Code du travail (N° Lexbase : L9575GQP), art. L. 3122-19, recod. N° Lexbase : L1204HXU), qui détermine le régime applicable au repos compensateur, dispose que la convention ou l'accord collectif de travail précise les modalités de prises de journées ou de demi journées de repos, pour partie, au choix du salarié et, pour partie, au choix de l'employeur, ainsi que les délai maxima dans lesquels ces repos doivent être pris. Les partenaires sociaux disposent donc théoriquement de toute liberté pour déterminer les modalités de prises de ces congés acquis au titre des RTT.
Cette liberté n'est, toutefois, pas totale, elle est limitée par les règles propres aux autres matières qu'elle vient toucher. Ainsi, la liberté des partenaires sociaux dans la fixation des jours de repos se trouve circonscrite par les règles propres aux jours fériés chômés.
Le 1er mai est le seul jour légalement férié chômé. Les salariés occupés à travailler ce jour bénéficient, en plus de leur salaire, d'une indemnité égale au montant de ce salaire. Or en imposant au salarié de prendre leur congé le 1er mai, les partenaires sociaux font échec au dispositions d'ordre public relatives à cette date (Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 02-45.785, FS-P+B N° Lexbase : A1252DE4), ce qui justifie l'impossibilité de positionner le jour de repos à cette date.
La Cour va plus loin en interdisant cette concordance, non seulement, pour le 1er mai, mais, encore, pour tout jour férié chômé même fixé par voie conventionnelle.
Dans son rapport annuel, la Cour de cassation précise, ainsi, que les jours de repos acquis au titre d'un accord de réduction du temps de travail ne constituent ni des jours de repos compensateur, ni des jours de congés payés et qu'ils ne peuvent avoir une effectivité, comme les repos compensateurs, que s'ils ne sont pas imputés sur les jours déjà prévus pour ne pas être travaillés.
Comme nous l'avions souligné dans notre commentaire, la Cour laisse, par contre, ouverte la possibilité pour les partenaires sociaux de décider que tout ou partie des jours de repos acquis au titre d'un accord de réduction du temps de travail seront pris un jour férié (non chômé).
La seule question en suspens est celle de savoir s'il convient de faire, ici, application de la distinction jurisprudentielle entre jours fériés ouvrables et jours fériés ouvrés. Faute, pour la Haute juridiction, d'avoir été interrogée sur la question et en l'absence de décision ultérieure sur ce point, la question reste entière.
Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
(1) Cf. le rapport de la Cour de cassation.
(2) Au contraire des dispositions législatives applicables en la matière qui, comme nous l'avions déjà fait remarquer, se distinguaient par leur ambiguïté... V. nos obs., La nullité de l'accord collectif excluant du temps de travail effectif les périodes de formation visant à l'adaptation du salarié à son emploi, préc..
(3) Pour mémoire, v., Cass. soc., 25 février 1992, n° 89-41.634, Société Expovit c/ Mme Dehaynain, publié (N° Lexbase : A9415AAX), Bull. civ. V, n° 122 ; D., 1992, somm. 294, note A. Lyon-Caen ; D., 1992. 390, note M. Defossez ; JCP éd. E, 1992, I, 162, note D. Gatumel.
(4) Cass. soc., 10 mars 2004, n° 01-46.367, Société Thyssen Ascenseurs c/ M. Jérôme Blanco, F-D (N° Lexbase : A4839DBT), RJS, 2004, p. 477.
(5) Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49).
(6) Cf. le rapport de la Cour de cassation.
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