La lettre juridique n°305 du 22 mai 2008 : Social général

[Focus] La jurisprudence de la Cour de cassation rendue en 2007 à la lumière du rapport de la Cour de cassation : social général

Réf. : Rapport annuel de la Cour de cassation

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N9654BEB

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le 07 Octobre 2010



A la suite de la récente diffusion, sur le site internet de la Cour de cassation, de son rapport annuel 2007, Lexbase Hebdo - édition sociale vous invite, cette semaine, à retrouver, dans ses colonnes, les commentaires des éclairages apportés par la Haute juridiction sur les arrêts ayant marqué l'année dernière. Une série de neuf articles vous est donc proposée, balayant la jurisprudence sociale rendue en matière de relations individuelles de travail, de relations collectives de travail et, enfin, de Sécurité sociale.
  • Procédure prud'homale

- Cass. soc., 18 décembre 2007, n° 06-44.548, M. Jean Daniel Torcheux, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1360D3R) : "l'erreur commise par un juge dans l'application ou l'interprétation d'une règle de droit ne constitue pas une violation manifeste de l'article 12 [du Nouveau Code de procédure civile N° Lexbase : L2043ADZ]" (lire nos obs., La limitation de l'arrêt de l'exécution provisoire de droit en matière prud'homale, Lexbase Hebdo n° 288 du 17 janvier 2008 - édition sociale N° Lexbase : N7995BDH).

Un décret du 20 août 2004 a institué la possibilité, pour les Premiers présidents de cour d'appel, d'ordonner, en référé, l'arrêt de l'exécution provisoire attachée obligatoirement à certaines décisions de première instance, parmi lesquelles figurent de nombreuses décisions rendues par les conseils de prud'hommes (1). Cette faculté lui est, notamment, ouverte en cas de violation manifeste de l'article 12 du NCPC. La Cour de cassation eut, pour la première fois, l'occasion d'appliquer cette réforme à l'occasion de l'arrêt rapporté.

Retenant une interprétation stricte du décret, à l'encontre de positions contraires de certains Premiers présidents de cour d'appel et d'une partie de la doctrine (2), la Cour de cassation estime qu'une erreur d'interprétation d'une convention collective ne constitue pas une violation manifeste de l'article 12 du NCPC. Aux termes du rapport, "l'erreur commise par un juge dans l'interprétation ou l'application d'une règle de droit ne constitue pas une violation manifeste des devoirs du juge découlant de l'article 12 précité, au sens de l'article 524 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L4949GUT)". Dans ces conditions, le Premier président ne peut donc ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision de première instance.

Le rapport confirme l'analyse qui avait été la nôtre à la lecture de la décision. Tout d'abord, il souligne le caractère général de la solution rendue, qui aura vocation à s'appliquer bien au-delà du champ prud'homal (3). Ensuite, il confirme l'interprétation déjà adoptée par la deuxième chambre civile au sujet de l'exécution provisoire facultative pour laquelle l'interprétation de l'article 12 du CPC était déjà entendue strictement, confirmation qui permet d'harmoniser le régime de l'exécution provisoire de droit avec l'exécution provisoire facultative (4). Enfin, le rapport exprime la volonté de la Cour de cassation de ne pas porter atteinte au double degré de juridiction par le jeu d'une extension mal mesurée des pouvoirs des Premiers présidents.

Sur ce point, il convient, néanmoins, de relever que l'argumentation des rapporteurs diffère légèrement de celle qui avait été proposée dans ces colonnes. Alors qu'était craint que la décision du Premier président soit de nature à influencer une future décision d'appel, la Cour de cassation semble plutôt soucieuse d'éviter que l'ordonnance du Premier président ne puisse constituer un "degré supplémentaire de juridiction en sus de la cour d'appel à la faveur d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire de droit". L'une comme l'autre de ces deux interprétations paraissent convaincantes. Le double degré de juridiction étant un objectif protégé par des normes d'une portée des plus prononcées, il était indispensable que la Cour de cassation retienne une telle interprétation de l'article 524 du NCPC, modifié par le décret de 2004.

Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

  • Respect de la vie privée

- Cass. soc., 23 mai 2007, n° 06-43.209, Société civile professionnelle (SCP) Laville-Aragon, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3964DWQ) : "si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur" (lire nos obs., La recherche de la vérité plus forte que le respect de la vie privée, Lexbase Hebdo n° 262 du 30 mai 2007 - édition sociale N° Lexbase : N1969BBK).

Le rapport annuel confirme que c'est bien pour des considérations techniques que l'utilisation du SMS est admise sans que le principe de loyauté ne s'y oppose, dès lors que son émetteur sait que ce message s'affichera sur le téléphone de son destinataire et que des tiers pourront, dès lors, en prendre connaissance.

- Cass. soc., 23 mai 2007, n° 05-17.818, Société Datacep, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3963DWP) : "le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2260AD3) dès lors que le juge constate que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées" (lire nos obs., La recherche de la vérité plus forte que le respect de la vie privée, Lexbase Hebdo n° 262 du 30 mai 2007 - édition sociale N° Lexbase : N1969BBK).

Le rapport confirme que le maintien d'une voie judiciaire est conciliable avec la jurisprudence "Nikon" (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942, Société Nikon France c/ M. Frédéric Onof, publié N° Lexbase : A1200AWD) et, même, préférable dans la mesure où le salarié voit ses droits alors utilement garantis.

Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale


(1) Décret n° 2004-836 du 20 août 2004, portant modification de la procédure civile (N° Lexbase : L0896GTD).
(2) V. nos obs., La limitation de l'arrêt de l'exécution provisoire de droit en matière prud'homale, préc., et les réf. citées.
(3) Le degré de publication de l'arrêt et la consultation préalable de la deuxième chambre civile avant l'arrêt rendu témoignait, déjà, de cette volonté d'offrir une large portée à la solution rendue.
(4) Cass. civ. 2, 7 juin 2007, n° 07-10.826, Société Jesta Fontainebleau, FS-P+B ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 2557755, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cass. civ. 2, 07-06-2007, n\u00b0 07-10.826, FS-P+B, Cassation", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A5679DWA"}}).

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