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N7792BEC
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique
le 07 Octobre 2010
Le DPU a connu ces deux dernières décennies un élargissement de son champ d'application, ce qui en fait un instrument privilégié d'aménagement pour les collectivités territoriales. En effet, la crise du logement social a fait ressurgir la problématique des réserves foncières. La loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 (N° Lexbase : L5929HU7) vient de créer un droit au logement opposable et le décret n° 2007-1827 du 26 décembre 2007 (N° Lexbase : L6840H3Q), pris pour l'application de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises (N° Lexbase : L7582HEK), accorde un nouveau droit de préemption des communes pour la sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité.
Afin de faire le point sur toutes ces évolutions, le Gouvernement a demandé au Conseil d'Etat de mener une étude "sur l'évolution et la pratique du droit de préemption urbain et sur les mesures qui pourraient être prises pour aboutir à une procédure équilibrée permettant aux collectivités locales de faire face à leurs besoins et à leurs obligations, notamment en matière de construction de logements, et assurant une garantie réelle des droits des propriétaires et des habitants". Cette étude met en évidence l'utilité de cet outil pour les collectivités. Elle souligne, cependant, que la préemption est parfois utilisée au-delà de son cadre légal, ce qui révèle, en outre, l'inadaptation des autres outils d'urbanisme pour répondre aux problèmes d'aménagement urbain.
Le DPU, de par sa souplesse juridique, a connu un fort succès auprès des collectivités territoriales pour leur gestion de l'urbanisme local. Cependant, ceci a entraîné des dérives importantes, ayant donné lieu à un contentieux en forte hausse (I), ce qui a conduit la Haute juridiction administrative à donner des pistes de réflexion sur une réforme encore à venir (II).
I - Un accroissement constant du contentieux du droit de préemption urbain
A - Une inflation des recours introduits devant les juridictions administratives
Le nombre de recours introduits ces six dernières années devant les juridictions administratives a été multiplié par trois. Une des causes de ce phénomène réside dans le fait que la collectivité publique qui décide de préempter ne peut notifier sa décision à l'acquéreur que si celui-ci est à même d'être identifié. Or, aucune disposition n'oblige à ce que la déclaration d'intention d'aliéner (DIA) mentionne cet acquéreur. Logiquement, dans ce cas, le délai du recours contentieux ne peut courir à l'égard de cette personne (CE 1° et 6° s-s-r., 14 novembre 2007, n° 305620, SCI du Marais N° Lexbase : A5836DZ8). Un autre fait marquant est la fréquence des annulations ou des suspensions prononcées par le juge administratif dans ce domaine, 40 % des décisions de préemption étant censurées en première instance (2). Les chances de succès offertes par l'issue des procédures contentieuses semblent donc contribuer fortement à ce phénomène.
De plus, on constate qu'une même décision peut être entachée à la fois d'illégalité interne et externe, situation facilitée par les dispositions de l'article L. 600-4-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L2399ATZ), qui énonce que "lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier". Ceci, complique donc la tâche des collectivités locales, en particulier de celles qui font rarement usage de ces droits.
B - L'exigence de motivation est toujours le point faible de la DPU
La source la plus importante de contentieux du DPU est toujours celle qui découle de la double obligation pour la collectivité publique de motiver la décision, et de la fonder sur des motifs pertinents. Ainsi, deux tiers au moins des annulations sont prononcés en raison d'une méconnaissance de cette obligation. L'article L. 210-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1030HPT) indique que "les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1. [...] Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé". A cet égard, l'acquisition du bien préempté doit être justifiée par un projet "réel" et préalablement défini (CE Contentieux, 25 juillet 1986, n° 62539, Lebouc N° Lexbase : A4793AMH et CE Contentieux, 26 février 2003, n° 231558, M. et Mme Bour [LXB= A3418A7Q]). Ceci tend à éviter que le droit de préemption ne serve à des pratiques peu recommandables, par exemple, évincer des acquéreurs "indésirables".
La personne publique doit donc démontrer qu'elle a envisagé avec suffisamment de certitude l'élaboration d'un projet dont la consistance est, elle-même, suffisamment arrêtée (CE 1° et 6° s-s-r., 30 janvier 2008, n° 299675, Ville de Paris N° Lexbase : A5957D4E). Cependant, le problème réside dans la nécessité pour la collectivité préemptrice, de "justifier" de la réalité d'un projet "précis". En effet, chaque fois que la préemption est décidée pour des raisons qui peuvent être considérées comme légitimes, il est pratiquement impossible de présenter un authentique projet d'élaboration dans le délai de deux mois dont dispose la personne publique pour faire connaître au propriétaire sa décision d'exercer ce droit. Il ne reste plus à l'administration que d'essayer de construire a posteriori le projet, ce qui permettra, peut-être, de convaincre le juge lors de l'examen du dossier contentieux et d'éviter, ainsi, une annulation (3).
II - Les préconisations du Conseil d'Etat pour une réforme du DPU
A - Une distinction entre DPU et droit de préférence
L'une des principales propositions du Conseil d'Etat pour une réforme du DPU consiste, selon Jean-Pierre Duport, conseiller d'Etat et préfet, qui a présidé le groupe de travail sur le droit de préemption, à distinguer entre droit de préemption et droit de préférence. Selon lui, "le droit de préemption correspondrait à ce qui existe actuellement, fusionné avec le droit de préemption renforcé", ce qui permettrait d'étendre son application à des biens qui en sont normalement exclus, en particulier les ventes de lots de copropriété et d'immeubles construits il y a moins de dix ans (4). Il serait lié à l'existence d'un projet certain et réel et fondé sur l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3400HZX), mais "pourrait être étendu à certains articles du Code de la construction et de l'habitation, par exemple dans le cadre d'une opération d'aménagement ou d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat". Ceci pourrait, de même, être le cas dans une opération de résorption de l'habitat insalubre relevant du Code de la santé publique. Cependant, M. Duport ajoute que "ce droit ne pourrait jouer que dans ces hypothèses et périmètres opérationnels", les propriétaires se voyant, toutefois, reconnaître un véritable droit de délaissement, c'est-à-dire la faculté de mettre en demeure le bénéficiaire du droit de préemption d'acquérir son bien.
Ce droit de préemption verrait donc s'appliquer la jurisprudence actuelle. A côté de ce droit classique, M. Duport propose la création d'un droit de préférence restant dans le champ de l'article L. 300-1 précité, mais aussi du Code de la construction et de l'habitation et du Code de la santé publique, qui "permettrait de faire des acquisitions d'opportunité". De cette manière, une ville n'aurait pas à justifier d'un projet définitivement arrêté, mais, dans le cadre d'une opération de résorption de l'habitat insalubre non encore votée par le conseil municipal, pourrait justifier la préemption par une opportunité foncière. Il ajoute que "la différence sera qu'en ce cas, l'acquisition ne pourra se faire qu'au prix fixé par le vendeur, le cas échéant après négociation amiable".
B - L'unification des contentieux liés à l'exercice du DPU
Une autre proposition importante du Conseil d'Etat est l'unification des contentieux liés à l'exercice du DPU. M. Duport émet l'hypothèse "dans laquelle une commune préempte, puis rétrocède immédiatement à sa société d'aménagement qui revend elle-même à un aménageur". Dans le cas où la décision de préemption est annulée ultérieurement, il faut normalement s'adresser au juge judiciaire pour faire annuler les ventes subséquentes. Le rapport du Conseil d'Etat propose donc que le contentieux des cessions immédiatement et totalement liées à la préemption relève du même juge. Ceci permettrait "d'annuler la préemption et ces ventes, ce qui serait une vraie simplification sur le plan pratique". Une autre suggestion de ce rapport est de "lier la prise de possession par la collectivité locale au paiement du prix". Actuellement, le paiement du prix peut être postérieur à la prise de possession. Le Conseil propose donc que les deux soient simultanés, comme c'est le cas non seulement pour l'expropriation, mais aussi pour une vente ordinaire.
Le contentieux portant sur le DPU peut s'expliquer par la crise actuelle du marché immobilier qui incite les acquéreurs potentiels à contester davantage qu'autrefois la décision administrative faisant obstacle à la transaction envisagée. Le rapport du Conseil d'Etat vise donc, pour y remédier, à proposer aux communes qui le souhaitent de continuer à pouvoir acquérir des biens dont elles ont besoin pour mener à bien leurs projets d'aménagement, sans avoir recours à l'expropriation, et sans avoir à subir la censure du juge administratif.
(1) Philippe Billet, Droit de préemption urbain : assouplissement des exigences relatives à la réalité d'un projet, JCP éd. A, 14 avril 2008, n° 16, p. 2088.
(2) Roland Vandermeeren, Le contentieux des droits de préemption d'urbanisme : excès de recours ou excès d'illégalités ?, AJDA, n° 14/2008, 14 avril 2008, p. 734.
(3) Roland Vandermeeren, Le contentieux des droits de préemption d'urbanisme : excès de recours ou excès d'illégalités ?, précité.
(4) Questions à Jean-Pierre Duport, L'avenir des droits de préemption, AJDA, n° 14/2008, 14 avril 2008, p. 731.
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