La lettre juridique n°305 du 22 mai 2008 : Pénal

[Textes] Les nouvelles mesures de sûreté post-carcérales instituées par la loi du 25 février 2008 pour prévenir la récidive des criminels les plus dangereux

Réf. : Loi n° 2008-174 du 25 février 2008, relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (N° Lexbase : L8204H3A)

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par Dorothée Bourgault-Coudevylle, Maître de conférences à la Faculté de droit de Douai - Université d'Artois

le 07 Octobre 2010

Avec la loi du 25 février 2008, relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (publiée au Journal officiel du 26 février 2008), ce ne sont pas moins de quatre lois qui ont été adoptées dans la période récente, dont trois en moins d'un an, pour tenter d'apporter des solutions au problème de la récidive : la loi du 12 décembre 2005, relative au traitement de la récidive des infractions pénales (loi n° 2005-1549 N° Lexbase : L4971HDH), la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance (loi n° 2007-297 N° Lexbase : L6035HU3) et, enfin, la loi du 10 août 2007, relative à la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (loi n° 2007-1198 N° Lexbase : L1390HY7 et lire nos observations Présentation de la loi relative à la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, Lexbase Hebdo n° 278 du 24 octobre 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N9078BC9). Les législations successives s'étant attachées à étendre le domaine de la récidive légale, à durcir les sanctions applicables aux récidivistes ou encore à favoriser le développement de sanctions post-carcérales à caractère préventif (suivi socio-judiciaire et surveillance judiciaire), on pouvait légitimement penser que le temps d'une pause législative était venu afin de mesurer l'efficacité des nouvelles dispositions ainsi instituées. D'autant que selon le rapport de la Commission d'analyse et de suivi de la récidive, présidée par le professeur J.-H. Robert, remis au Garde des Sceaux le 2 juillet 2007, les mauvais résultats dans ce domaine seraient moins dus à l'insuffisance de la législation qu'à un défaut de coordination des différents services associés dans la lutte contre la récidive. Le dispositif existant serait même grossièrement sous employé. A propos des sanctions post-carcérales mises en place pour prévenir la récidive des délinquants ayant purgé leur peine, le rapport énonce que l'efficacité du suivi socio-judiciaire n'aurait pas encore pu être véritablement évaluée faute d'avoir été appliqué de manière systématique. Quant à la surveillance judiciaire, datant de 2005, son impact ne pourra véritablement être évalué que dans les années à venir. Que l'on songe que le décret concernant la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique mobile (issu de la loi du 12 décembre 2005), après quelques applications dans une phase d'expérimentation, date du 1er août 2007 (décret n° 2007-1169, modifiant le Code de procédure pénale et relatif au placement sous surveillance électronique mobile N° Lexbase : L1238HYI) et que la première application de ce décret a été faite le 24 septembre 2007. Ne convenait-il pas de favoriser la mise en oeuvre de la législation existante en tenant compte des propositions faites notamment par la commission précitée avant d'entreprendre de légiférer à nouveau?

C'était sans compter l'émotion soulevée par l'affaire "Evrard" (pédophile responsable de l'enlèvement et du viol du petit Enis à Roubaix quelques jours après sa libération), présentée comme symptomatique des insuffisances du dispositif actuel à protéger la société contre les délinquants les plus dangereux (rapport fait au nom de l'Assemblée Nationale par M. G. Fenech sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté).

Malgré les critiques très vives qui furent émises à son encontre par les représentants du monde judiciaire, le projet de loi, déposé le 28 novembre 2007, fut adopté, après déclaration d'urgence, au début du mois de février 2008, soit en moins de deux mois et demi !

Au final, la loi du 25 février 2008 comporte trois volets.

Le premier est aussi celui qui a été le plus fortement médiatisé. Il tend à instituer deux nouvelles mesures de sûreté -la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté- à l'encontre de délinquants particulièrement dangereux et pour lesquels la probabilité de récidive apparaît importante.

Le deuxième crée une nouvelle procédure destinée à déclarer l'irresponsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux.

Enfin, le dernier volet de cette loi comporte quelques dispositions pour améliorer la prise en charge des détenus nécessitant des soins.

Nous ne traiterons dans cette chronique que du premier volet, à savoir des nouvelles mesures de sûreté post-carcérales instituées pour prévenir la récidive des criminels les plus dangereux.

La loi du 25 février 2008 institue, en premier lieu, la rétention de sûreté, mesure permettant de retenir, à titre exceptionnel, dans un centre socio-médico-judiciaire, les criminels particulièrement dangereux, qui présentent un risque de récidive particulièrement élevé et qui ont purgé la totalité de leur peine (I). Lorsque les conditions d'application de cette première mesure ne sont pas ou plus réunies, la loi prévoit, à titre subsidiaire, la possible mise en oeuvre d'une surveillance de sûreté (II).

I - La rétention de sûreté, une mesure exceptionnelle

La loi définit la rétention de sûreté comme "le placement d'une personne en centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel lui est proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale, sociale et psychologique destinée à permettre la fin de cette mesure" (C. pr. pén., art. 706-53-13). La loi prévoit que son prononcé doit rester exceptionnel et ne concerner que les délinquants les plus dangereux contre lesquels la société ne dispose pas d'autres moyens pour se protéger efficacement. C'est la raison pour laquelle, la loi pose des conditions de nature à la cantonner aux délinquants les plus dangereux, et subordonne son prononcé au respect d'une procédure strictement définie au cours de laquelle aura pu être évaluée sa dangerosité (A).

Bien que présentée comme une mesure de sûreté à but préventif et non pas punitif, fondée sur un état de dangerosité et non sur la culpabilité, la rétention de sûreté n'en est pas moins une mesure privative de liberté qui peut s'avérer particulièrement attentatoire aux libertés individuelles. Ce qui a suscité de nombreuses interrogations sur sa nature juridique : fallait-il y voir une mesure de sûreté ou une peine (B) ? Interrogations qui n'ont pas totalement disparu malgré la décision du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2008-562 DC, du 21 février 2008, Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental N° Lexbase : A0152D7R). Encore aujourd'hui, la nature juridique de la rétention de sûreté apparaît pour le moins ambiguë (B).

A - Les conditions d'application de la rétention de sûreté

Mesure de sûreté, fondée non pas sur la culpabilité du délinquant mais sur un critère de dangerosité, la rétention de sûreté apparaît, néanmoins, directement liée à la commission d'une ou plusieurs infractions antérieures dont elle est censée empêcher la récidive. Deux critères sont nécessaires au prononcé de la mesure : un état de particulière dangerosité du délinquant et une condamnation antérieurement prononcée pour l'une des infractions contenues dans une liste préétablie.

1 - Le critère de dangerosité

Aux termes de l'article 706-53-13 du Code de procédure pénale, la rétention de sûreté est applicable aux "personnes dont il est établi qu'elles présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité".

La référence à l'état de dangerosité du délinquant rappelle bien évidemment les thèses développées par l'école Positiviste au XIXème siècle, dont les tenants -Lombroso et Ferri- entendaient déjà fonder la réaction sociale à la délinquance non plus sur la faute mais sur la dangerosité des criminels nés ou par habitude. Ces thèses avaient, d'ailleurs, trouvé un écho certain en droit positif français avec la loi du 27 mai 1885 instituant la relégation des récidivistes incorrigibles et qui consistait à envoyer en Guyanne pour le reste de leur existence des voleurs ayant à leur actif quatre condamnations successives ; texte abrogé depuis lors. La prise en compte de la dangerosité du délinquant n'est donc pas à proprement parler une nouveauté.

Depuis la loi du 12 décembre 2005, relative au traitement de la récidive des infractions pénales, la dangerosité est même expressément mentionnée dans le Code de procédure pénale puisqu'elle constitue l'une des conditions du placement sous surveillance judiciaire et sous surveillance électronique mobile des personnes libérées après l'exécution d'une peine privative de liberté (C. pr. pén., art. 723-31 N° Lexbase : L8949HZH et 763-10 N° Lexbase : L9699HEX). Pour autant, pas plus qu'en 2005, le législateur n'a pris le soin de donner une définition précise de cette notion alors même qu'elle conditionne le placement en rétention de sûreté.

Il est vrai qu'il s'agit d'une notion "protéiforme et complexe" qu'il est difficile de définir avec précision. Dans son acception criminologique, la dangerosité est définie comme "un phénomène psychosocial caractérisé par les indices révélateurs de la grande probabilité de commettre une infraction contre les personnes ou les biens" (rapport de G. Fenech, préc., p. 12). En d'autres termes, cela correspond au risque qu'un individu commette une infraction. Ce qui ne doit pas être confondu avec la dangerosité au sens psychiatrique du terme qui s'analyse comme "le risque de passer à l'acte à un moment donné en raison de troubles mentaux" (ex : risque de se défenestrer pour échapper à des visions ou agresser quelqu'un au hasard pour se défendre contre l'incarnation du mal -exemples cités dans le rapport préc. p.11-). La lecture des travaux parlementaires permet d'affirmer que la dangerosité doit, pour l'application des dispositions de la loi, être entendue au sens criminologique et non au sens psychiatrique du terme. Les débats parlementaires ont d'ailleurs permis de préciser que "la dangerosité résultant d'un trouble grave de la personnalité", telle que mentionnée dans l'article 706-53-13 du Code de procédure pénale, vise les psychopathies (qui se caractérisent essentiellement par trois types de défaillance : défaillance narcissique ou du contrôle émotionnel ou encore défaut de maîtrise comportementale -rapport Sénat n° 174, présenté par J.-R. Lecerf fait au nom de la commission des lois, 23 janvier 2007, p. 9) mais non la maladie mentale.

Au final, la dangerosité apparaît, malgré tout, comme un concept relativement flou. Il est donc heureux qu'à ce premier critère, sujet à une évaluation délicate, le législateur ait pris le soin d'en ajouter un second, plus objectif, lié à la condamnation antérieurement prononcée.

2 - Le critère relatif à la condamnation antérieurement prononcée

Le droit français a toujours été réticent à admettre des mesures de sûreté, dites ante delictum, c'est-à-dire détachées de tout critère lié à la commission d'infractions antérieures. La loi du 25 février 2008 ne déroge pas à cette règle non écrite, garante de la protection des libertés individuelles. La rétention de sûreté ne saurait reposer sur le seul critère de la dangerosité du délinquant. La loi pose une seconde condition pour justifier le placement. L'article 706-53-13 du Code de procédure pénale prévoit, en effet, que cette mesure ne peut être prononcée qu'à l'encontre des personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour certaines infractions spécifiquement déterminées :

- lorsque la victime est mineure, il s'agit des crimes d'assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration ;

- si la victime est majeure pour les crimes d'assassinat ou de meurtre aggravé, de tortures et actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravé.

C'est un critère objectif de nature à cantonner la mesure, en pratique, à un nombre limité de récidivistes. La Chancellerie évalue ainsi à une dizaine, voire à une vingtaine, le nombre des personnes par an susceptibles de faire l'objet d'une rétention de sûreté.

Malgré les garanties posées par le texte, cette loi marque indéniablement un tournant, en permettant qu'une personne soit enfermée, non plus pour les faits qu'elle a commis, mais pour ceux qu'elle pourrait commettre (propos tenus par Robert Badinter, entretien : Le Monde, 24-25 février 2008, pour qui "l'on perd ainsi de vue l'un des fondements d'une société de liberté").

B - La procédure de placement en rétention de sûreté

La procédure se décompose en deux temps : une phase d'évaluation de la dangerosité dévolue à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (1) à laquelle succède la décision du placement en rétention sûreté qui sera prise par la juridiction régionale de la rétention de sûreté (2). La loi prévoit, également, les conditions de sa mainlevée (3).

1 - L'évaluation de la dangerosité

L'évaluation de la dangerosité devra intervenir au moins un an avant la date prévue pour la libération de l'intéressé. Elle sera confiée à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, instituée par la loi du 12 décembre 2005 précitée, qui est déjà chargée d'examiner la dangerosité des personnes condamnées à un placement sous surveillance électronique mobile. Afin de rendre son avis, celle-ci devra demander le placement de la personne concernée, pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues (actuellement un tel service existe au sein de la maison d'arrêt de Fresnes) aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale réalisée par deux experts.

Si la commission conclut à la particulière dangerosité du condamné, elle pourra proposer, par un avis motivé, que celui-ci fasse l'objet d'une rétention de sûreté.

La loi subordonne néanmoins la mise en place de la mesure à deux conditions cumulatives :

- il faut en premier lieu que toutes les autres mesures destinées à lutter contre la récidive ("les obligations résultant de l'inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, ainsi que les obligations résultant d'une injonction de soins ou d'un placement sous surveillance électronique mobile, susceptibles d'être prononcés dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance judiciaire") "apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes mentionnés à l'article 706-53-13" ;

- et il faut, en second lieu, que la "rétention constitue l'unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions".

Ces dispositions attestent de ce que la rétention de sûreté est envisagée comme une mesure exceptionnelle, le dernier recours quand les autres dispositifs de lutte contre la récidive se révèlent insuffisants.

Par une réserve d'interprétation, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 février 2008, a considéré "qu'eu égard à la gravité de l'atteinte qu'elle porte à la liberté individuelle, la rétention de sûreté ne saurait constituer une mesure nécessaire que si aucune autre mesure moins attentatoire à cette liberté ne peut suffisamment prévenir la commission d'actes portant gravement atteinte à l'intégrité des personnes que ces dispositions garantissent". Et, par une autre réserve d'interprétation, il a ajouté que la mesure ne pourra être regardée comme nécessaire au but poursuivi que si "la rétention de sûreté n'a pu être évitée par des soins et une prise en charge pendant l'exécution de la peine" et "qu'il appartiendra, dès lors à la juridiction régionale de la rétention de sûreté de vérifier que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine de la prise en charge et des soins adaptés au trouble de la personnalité dont il souffre".

2 - La décision de placement en rétention de sûreté

Si la commission conclut à la particulière dangerosité du condamné et au risque élevé de récidive, elle proposera, par avis motivé, au procureur général son placement en rétention.

La décision de rétention de sûreté sera alors prise par la juridiction régionale de la rétention de sûreté territorialement compétente, composée d'un président de chambre et de deux conseillers de la cour d'appel, après un débat contradictoire, et public si le condamné, assisté d'un avocat, le demande.

Elle pourra, en outre, être contestée devant une juridiction nationale composée de conseillers à la Cour de cassation, dont la décision motivée peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation. La décision de rétention sera valable un an et pourra être renouvelée selon les mêmes conditions de fond et de procédure.

3 - La mainlevée de la rétention sûreté

La personne placée en rétention de sûreté pourra demander, à l'issue d'un délai de trois mois à compter de la décision définitive, à la juridiction régionale de la rétention de sûreté qu'il soit mis fin à cette mesure (C. pr. pén., art. 706-53-17). Celle-ci devra statuer dans un délai de trois mois. A défaut, il sera mis fin d'office à la mesure de rétention. Dans l'hypothèse où la commission rejette la demande de l'intéressé, celui-ci ne pourra formuler une nouvelle demande avant l'expiration d'un nouveau délai de trois mois. Etant précisé que la décision de la commission régionale pourra faire l'objet des mêmes voies de recours que la décision de placement initiale.

Par ailleurs, l'article 706-53-18 du Code de procédure pénale prévoit que la commission régionale de la rétention de sûreté devra, d'office, mettre fin à la mesure dès lors que les conditions de son maintien ne sont plus réunies. On pense bien évidemment à l'hypothèse dans laquelle il deviendrait possible d'envisager un recours aux autres dispositifs de prévention de la récidive ou encore à la disparition de l'état de dangerosité.

C - Une mesure de sûreté privative de liberté à la nature juridique ambiguë

La rétention de sûreté est une mesure privative de liberté qui peut s'avérer particulièrement attentatoires aux libertés. Dans la mesure où elle consiste dans le placement de la personne intéressée dans un centre socio-médico-judiciaire (placé sous la tutelle des ministères de la Justice et de la Santé), où elle bénéficiera de façon permanente d'une prise en charge médicale, éducative, sociale, psychologique et criminologique adaptée destinée à permettre la fin de cette mesure.

Un décret précisera les conditions dans lesquelles s'exerceront les droits des personnes retenues dans un tel centre, y compris en matière d'emploi, d'éducation et de formation, de visites, de correspondances, d'exercice du culte et de permissions de sortie sous escorte ou sous surveillance électronique mobile. Il ne pourra apporter à l'exercice de ces droits que les restrictions strictement nécessaires aux exigences de l'ordre public. La Garde des Sceaux a, d'ores et déjà, indiqué que le premier centre sera créé au sein de l'établissement public de santé national (EPSN) de Fresnes, dès le 1er septembre 2008, avec une capacité d'accueil d'une trentaine de personnes (rapport AN, n° 497, préc., p.42).

La mesure de placement en rétention de sûreté ne peut être prononcée que pour une durée d'un an mais elle pourra faire l'objet d'un renouvellement tant que perdure l'état dangereux.

Pour décider que le grief tiré de la méconnaissance du principe de la nécessité des peines et du principe de la légalité des délits et des peines était inopérant, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 février 2008, s'est fondé sur le fait que la mesure de "rétention de sûreté n'était ni une peine, ni une sanction ayant le caractère d'une punition". Il en a donc déduit que les principes précédemment mentionnés ne lui étaient pas applicables. Certes, on ne peut nier, comme le relève le Conseil constitutionnel que ladite mesure n'est pas décidée par la cour d'assises lors du prononcé de la peine mais à l'expiration de celle-ci, par la juridiction régionale de la rétention de sûreté ; qu'elle repose non sur la culpabilité de la personne condamnée par la cour d'assises, mais sur sa particulière dangerosité appréciée par la juridiction régionale à la date de sa décision ; qu'elle n'est mise en oeuvre qu'après l'accomplissement de sa peine par le condamné ; et qu'enfin, elle a pour but d'empêcher et de prévenir la récidive par des personnes souffrant d'un trouble grave de la personnalité. Néanmoins, dans la mesure où elle est liée à une condamnation antérieure et où elle ne peut être prononcée que si la cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation le réexamen de la situation de la personne à l'issue de la peine, cette mesure s'inscrit indéniablement dans le prolongement de la peine. Et quand bien même sa finalité ne serait-elle pas de punir un comportement mais de prévenir un nouveau passage à l'acte, elle consiste, néanmoins, en un enfermement qui sera immanquablement ressenti par l'intéressé comme une nouvelle peine après la peine.

Bien que la rétention de sûreté soit rangée expressément dans la catégorie des mesures de sûreté, on peut douter qu'elle soit une mesure de sûreté comme une autre. Sa gravité, eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu'elle soit prononcée après une condamnation par une juridiction a, en effet, conduit le Conseil constitutionnel à refuser l'application rétroactive des nouvelles dispositions aux personnes condamnées avant la publication de la loi ou faisant l'objet d'une condamnation postérieure à cette date pour des faits commis antérieurement. Par conséquent, tout en soutenant que la rétention de sûreté n'est pas une peine, le Conseil lui applique bel et bien le même régime juridique que celui qu'il applique habituellement aux peines s'agissant de la question de la rétroactivité des dispositions.

II - La surveillance de sûreté

Selon les cas, la surveillance de sûreté pourra prendre la forme d'une alternative à la rétention de sûreté, ce qui supposera que cette dernière ait pris fin (A) ou bien s'inscrire à la suite d'une surveillance judiciaire ou d'un suivi socio-judiciaire (B).

A - La surveillance de sûreté : une alternative à la rétention de sûreté

Le nouvel article 706-53-19 du Code de procédure pénale autorise la commission régionale de la rétention de sûreté, si la rétention n'est pas prolongée ou s'il y est mis fin et si la personne présente toujours des risques de commettre les infractions visées à l'article 706-53-13, à ordonner un placement sous surveillance de sûreté pendant une durée d'un an.

Cette nouvelle mesure de sûreté comporte des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire (C. pr. pén., art. 723-30 N° Lexbase : L8948HZG). En particulier, il peut s'agir de l'injonction de soins et du placement de l'intéressé sous surveillance électronique mobile. La décision prononçant une telle mesure est prise après un débat contradictoire, au cours duquel la personne est assistée par un avocat choisi ou commis d'office. Elle pourra faire l'objet d'un recours dans les mêmes conditions que la décision de placement en rétention (recours devant la commission nationale de la rétention de sûreté, pourvoi en cassation). Le texte précise, par ailleurs, qu'à l'expiration du délai d'un an, la surveillance de sûreté peut être renouvelée dans les mêmes conditions et pour la même durée.

La méconnaissance des obligations imposées peut justifier le recours à la procédure d'"urgence" prévue par l'article 706-53-19 du Code de procédure pénale. Aux termes de ce texte, la mise en oeuvre de la procédure d'urgence peut intervenir en cas de violation des obligations qu'entraîne la surveillance de sûreté, et lorsque cette violation fait apparaître la particulière dangerosité de la personne caractérisée par une probabilité très élevée de commettre à nouveau les infractions prévues par l'article 706-53-13 du Code de procédure pénale. Celle-ci autorise le président de la juridiction régionale à ordonner en urgence le placement provisoire de la personne dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté. Ce placement doit être confirmé dans un délai maximal de trois mois, par la juridiction régionale qui devra statuer dans les conditions prévues par l'article 706-53-15 du Code de procédure pénale (débat contradictoire, assistance d'un avocat, possibilité de recours), et après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. A défaut de cette confirmation, il sera mis fin d'office à la rétention.

Mais, la surveillance de sûreté peut aussi être prononcée à la suite d'une surveillance judiciaire ou d'un suivi socio-judiciaire.

B - La surveillance de sûreté prononcée à la suite d'une surveillance judiciaire ou d'un suivi socio-judiciaire

L'article 1er, VI, de la loi du 25 février 2008 a introduit deux nouveaux articles 723-37 et 723-38 dans le Code de procédure pénale.

Le nouvel article 723-37 du Code de procédure pénale autorise la prolongation de tout ou partie des obligations auxquelles est astreinte une personne dans le cadre d'une surveillance judiciaire, dès lors que le condamné a commis une infraction entrant dans le champ d'application de la rétention de sûreté.

En vertu de l'article 723-29 (N° Lexbase : L9713HEH), tel qu'institué par la loi du 12 décembre 2005, la surveillance judiciaire peut, en effet, être ordonnée pendant une durée qui ne peut excéder celle correspondant au crédit de réduction de peine ou aux réductions de peines supplémentaires dont elle a bénéficié et qui n'ont pas fait l'objet d'une décision de retrait. Grâce aux nouvelles dispositions, la juridiction régionale, visée à l'article 706-53-15 du Code de procédure pénale, pourra décider de prolonger les effets de la surveillance judiciaire, au-delà de la limite prévue par l'article 723-29, en plaçant la personne sous surveillance de sûreté pour une durée d'un an. Concrètement, la prolongation ordonnée aura pour effet de porter la durée de la surveillance judiciaire à un an, au-delà de celle correspondant aux réductions de peine ou aux réductions de peines supplémentaires obtenues (C. pr. pén., art. 723-29).

La juridiction régionale sera saisie par le juge d'application des peines ou le procureur de la République six mois avant la fin de la surveillance judiciaire.

Le placement sous surveillance de sûreté ne pourra toutefois être ordonné, après une expertise médicale concluant à la "persistance de la dangerosité" du condamné, que dans les cas où : les obligations liées à l'inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes justifiant une rétention de sûreté ; et si le recours à une telle mesure constitue l'unique moyen de prévenir la commission de ces infractions, dont la probabilité est très élevée.

La surveillance de sûreté pourra être prolongée pour un an, et sans limites, dans les mêmes conditions et selon la même procédure. Enfin, si la personne, en faisant l'objet, méconnaît ses obligations, elle sera susceptible d'être placée en rétention de sûreté, les dispositions du dernier alinéa de l'article 706-53-19 du Code de procédure pénale pouvant, dans une telle hypothèse, recevoir application.

Quant au nouvel article 723-38 du Code de procédure pénale, il prend soin de préciser que, lorsque le placement sous surveillance électronique mobile a été prononcé dans le cadre d'une surveillance judiciaire, à l'encontre d'une personne relevant du champ d'application de la rétention de sûreté, cette mesure pourra être renouvelée aussi longtemps que la personne reste placée sous surveillance judiciaire ou sous surveillance de sûreté.

Enfin, l'article 1er, VII, de la loi du 25 février 2008 a rétabli l'article 763-8 du Code de procédure pénale, afin de prolonger tout ou partie des obligations auxquelles est astreinte une personne dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, au-delà de la durée prononcée par la juridiction de jugement et des limites prévues par l'article 131-36-1 du Code pénal (N° Lexbase : L0409DZ8), dès lors que le condamné est susceptible de faire l'objet d'une rétention de sûreté.

La juridiction régionale de la rétention de sûreté pourra décider de prolonger les effets d'un suivi socio-judiciaire, en plaçant l'intéressé sous une mesure de surveillance de sûreté pour une durée d'un an. La prolongation de cette mesure sera soumise aux mêmes conditions que celles prévues en cas de surveillance judiciaire ; en outre, le manquement aux obligations imposées pourrait conduire à un placement en rétention de sûreté.

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