La lettre juridique n°305 du 22 mai 2008 : Rémunération

[Focus] La jurisprudence de la Cour de cassation rendue en 2007 à la lumière du rapport de la Cour de cassation : rémunération

Réf. : Rapport annuel de la Cour de cassation

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N9650BE7

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le 07 Octobre 2010



A la suite de la récente diffusion, sur le site internet de la Cour de cassation, de son rapport annuel 2007, Lexbase Hebdo - édition sociale vous invite, cette semaine, à retrouver, dans ses colonnes, les commentaires des éclairages apportés par la Haute juridiction sur les arrêts ayant marqué l'année dernière. Une série de neuf articles vous est donc proposée, balayant la jurisprudence sociale rendue en matière de relations individuelles de travail, de relations collectives de travail et, enfin, de Sécurité sociale.
  • Egalité de traitement

- Cass. soc., 18 décembre 2007, n° 06-45.132, Société autonome des transports parisiens (RATP), FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1382D3L) : "en se référant à la primauté du droit communautaire, sans apprécier la légalité de l'article 9 du statut, la cour d'appel a justement décidé que ce texte ne pouvait faire obstacle à l'application du principe d'égalité de traitement entre les travailleurs masculins et féminins en matière d'emploi et de travail résultant des articles 141, paragraphe 4, du Traité CE (N° Lexbase : L5147BCM) et 2, paragraphe 4, de la Directive 76/207/CEE du 9 février 1976 (N° Lexbase : L9232AUH)" ; "ayant relevé que la réglementation litigieuse accordait une priorité absolue et inconditionnelle aux candidatures de certaines catégories de femmes, au nombre desquelles figurent les femmes divorcées non remariées qui se trouvent dans l'obligation de travailler, en réservant à celles-ci le bénéfice de l'inopposabilité des limites d'âge pour l'accès au statut d'agent permanent de la RATP, à l'exclusion des hommes divorcés non remariés qui sont dans la même situation, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes prétendument omises selon la seconde branche, a exactement décidé qu'une telle réglementation était contraire au principe communautaire d'égalité de traitement entre travailleurs masculins et féminins en matière d'emploi et de travail tel qu'il résulte des articles 141, paragraphe 4, du Traité CE et 3, paragraphe 1, et 2, paragraphe 4, de la Directive 76/207/CEE" (lire nos obs., Des limites aux mesures tendant à favoriser l'accès des femmes aux carrières, Lexbase Hebdo n° 287 du 9 janvier 2008 - édition sociale N° Lexbase : N5941BDE).

Comme on pouvait s'y attendre (voir nos obs., Des limites aux mesures tendant à favoriser l'accès des femmes aux carrières, préc.), la solution est, du propre aveu de la Cour de cassation, directement dictée par la jurisprudence de la CJCE, qui s'oppose "à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui réserve l'inopposabilité des limites d'âge pour l'accès aux emplois publics aux veuves non remariées qui se trouvent dans l'obligation de travailler, à l'exclusion des veufs non remariés qui sont dans la même situation" (CJCE, 30 septembre 2004, aff. C-319/03, Serge Briheche c/ Ministre de l'Intérieur N° Lexbase : A4517DDN).

Les plaideurs sont donc prévenus. Dès lors qu'un différend intéresse le champ d'application d'une Directive communautaire, particulièrement lorsque est en cause le principe d'égalité entre les femmes et les hommes, le premier réflexe doit être de consulter le droit communautaire, singulièrement la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, car la Chambre sociale de la Cour de cassation entend, désormais, se plier à ses interprétations, comme elle doit, d'ailleurs, le faire, compte tenu de l'autorité qui s'attache à sa jurisprudence.

Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

  • Rémunération/Calcul de la subvention de fonctionnement du comité d'entreprise

- Cass. soc., 7 novembre 2007, n° 06-12.309, Société Systra, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4160DZ4) : "il résulte des constatations de l'arrêt que les employés de la RATP et de la SNCF, pendant le temps de leur mise à disposition, sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail constituée par le personnel de la société S., laquelle devait être prise en compte dans sa globalité par le comité d'entreprise dans l'exercice de sa mission. Il s'ensuit que la cour d'appel a décidé à bon droit que la masse salariale servant au calcul de la contribution patronale au budget de fonctionnement du comité d'entreprise doit inclure le montant de leur rémunération, fût-elle payée en tout ou partie par la SNCF ou la RATP" (lire nos obs., Prise en compte de la rémunération des salariés mis à disposition pour le calcul de la subvention de fonctionnement du comité d'entreprise, Lexbase Hebdo n° 285 du 13 décembre 2007 - édition sociale N° Lexbase : N3866BDK).

Après plusieurs années de tâtonnements jurisprudentiels, la Cour de cassation a affirmé, dans un important arrêt en date du 28 février 2007, que "sauf dispositions législatives contraires, les travailleurs mis à disposition d'une entreprise, intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, inclus à ce titre dans le calcul des effectifs en application de l'article L. 620-10 du Code du travail (N° Lexbase : L3112HI4), sont à ce même titre, électeurs aux élections des membres du comité d'entreprise ou d'établissement et des délégués du personnel dès lors qu'ils remplissent les conditions prévues par les textes susvisés" (Cass. soc., 28 février 2007, n° 06-60.171, Syndicat CGT Peugeot Citroën automobiles (PCA) établissement de Poissy, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4007DUX).

Précisée par un arrêt "HispanoSuiza", rendu le 1er avril 2008 (Cass. soc., 1er avril 2008, n° 07-60.287, FS-P+B N° Lexbase : A7751D79, lire les obs. de S. Martin-Cuenot, Effectif et électorat des salariés mis à disposition : principe et conditions, Lexbase Hebdo n° 301 du 16 avril 2008 - édition sociale N° Lexbase : N7621BEY), cette solution laisse subsister la question essentielle des contours de la notion d'"intégration étroite et permanente à la communauté de travail", dont la Cour de cassation ne manquera pas d'être saisie.

S'agissant de la décision rapportée, elle se situe, ainsi que le rappelle le rapport, dans le prolongement de l'arrêt fondateur du 28 février 2007. La question posée, en l'espèce, était celle de savoir si les rémunérations versées par l'entreprise d'accueil aux salariés mis à disposition devaient être comprises dans la masse salariale brute servant de base au calcul de la subvention de fonctionnement du comité d'entreprise. L'intégration étroite et permanente des salariés mis à disposition à la communauté de travail de l'entreprise d'accueil n'était, en revanche, pas contestée.

Ainsi que le souligne la Cour de cassation dans son rapport, cette intégration "justifie [...] l'électorat et l'éligibilité des salariés mis à disposition". L'affirmation selon laquelle l'éligibilité des salariés concernés doit être admise constitue une précision d'importance car, pour l'heure, la Chambre sociale n'a pas tranché la question de manière expresse. La solution qui sera retenue ne fait, ainsi, guère de doute ; ce qui, au demeurant, doit être approuvé.

Il ressort, par ailleurs, du rapport, que l'intégration des salariés mis à disposition justifie, également, l'étendue de la mission du comité d'entreprise, qui justifie la subvention de fonctionnement. "Le comité d'entreprise a, en effet, pour mission d'assurer une expression collective des salariés de l'entreprise, et donc de l'ensemble des salariés qui y sont intégrés. Il s'en déduit que la rémunération des salariés mis à disposition payée par l'entreprise d'accueil doit être prise en compte pour le calcul de la subvention de fonctionnement du comité d'entreprise".

Ainsi que nous l'avions souligné dans notre commentaire, cette solution de principe doit être pleinement approuvée au regard précisément des dispositions de l'article L. 431-4 du Code du travail (N° Lexbase : L6394ACS, art. L. 2323-1, recod. N° Lexbase : L0704HXD).

Si cette décision constitue une avancée considérable, elle laisse, également, persister un certain nombre d'interrogations dont nous avions pu faire état dans nos observations. Tout d'abord, on peut se demander si la rémunération versée aux salariés mis à disposition doit aussi être prise en compte pour le calcul de la subvention de fonctionnement versée au comité d'entreprise de la société employeur. Dans la mesure où ces derniers sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail de l'entreprise d'accueil, une réponse négative est tentante. Toutefois, et sauf à considérer que ces salariés ne réintégreront jamais leur entreprise d'origine, il faut admettre qu'ils conservent un intérêt au sort et à la gestion de cette dernière. Partant, le comité d'entreprise s'y exprime aussi dans leur intérêt et leur salaire doit entrer dans le calcul de sa subvention de fonctionnement.

Ensuite, il faut s'interroger sur le fait de savoir si la rémunération des salariés mis à disposition doit être prise en compte pour le calcul de la contribution patronale au budget des activités sociales et culturelles. La formule utilisée par la Cour de cassation dans l'arrêt commenté le laisse fortement à penser. En effet, en affirmant que la communauté de travail doit être prise en compte dans sa globalité par le comité d'entreprise "dans l'exercice de sa mission", la Chambre sociale n'opère, à l'évidence, aucune distinction selon que la mission est de nature économique ou sociale.

Toutefois, et ainsi que prend soin de le préciser le rapport, "le litige ne portant que sur la subvention de fonctionnement du comité d'entreprise, l'arrêt ne se prononce pas sur le calcul de la contribution de l'employeur aux activités sociales et culturelles du comité". Cela étant, l'article L. 432-8, alinéa 1er, du Code du travail (N° Lexbase : L6415ACL, art. L. 2323-83, recod. N° Lexbase : L0786HXE) dispose, dans son alinéa 1er, que le comité "assure ou contrôle la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise prioritairement au bénéfice des salariés". On peut avancer que les salariés visés sont ceux qui sont employés par l'entreprise d'accueil et non les salariés mis à disposition. Pour autant, il peut être tout aussi légitimement avancé que, parce qu'ils sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail de l'entreprise d'accueil, ils doivent pouvoir bénéficier des activités sociales et culturelles de son comité d'entreprise. Partant, leur rémunération doit être intégrée dans le calcul de la contribution patronale à ces activités.

Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

  • Rémunération/Travailleur à domicile

- Cass. soc., 10 mai 2007, n° 05-44.313, Société Assonance, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0926DW9) : "est illicite la clause du contrat de travail subordonnant la rémunération du travailleur à domicile au règlement par le client de la commande qu'il a enregistrée ; [...] en l'absence de fixation du salaire horaire et du temps d'exécution des travaux [...], le travailleur à domicile a droit à une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance pour le nombre d'heures de travail qu'il a effectué" (lire nos obs., De la rémunération du travailleur à domicile, Lexbase Hebdo n° 261 du 24 mai 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N1615BBG).

Dans cette affaire, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait eu, pour la première fois, à répondre à la question de savoir si la rémunération forfaitaire d'un travailleur à domicile pouvait être calculée en fonction du nombre de commandes payées par l'entreprise. Elle s'était nettement prononcée en faveur de la nullité d'une telle clause.

Comme nous l'avions pressenti, le rapport de la Cour de cassation confirme les raisons qui gouvernaient une telle solution. Le travailleur à domicile est un salarié et non un sous-traitant. En raison de ce lien de subordination, il ne doit pas voir peser sur ses épaules le risque d'entreprise et, spécialement, une éventuelle dégradation des relations entre l'entreprise et ses clients.

Quant à la détermination de la rémunération due au travailleur à domicile, la Cour avait cherché à faire application des règles issues des articles L. 721-9 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L6733ACD ; art. L. 7422-4 et s., recod. N° Lexbase : L3204HXX) et avait rappelé que "le tarif minimum des travaux à domicile est le produit du salaire horaire, qui ne peut être inférieur au SMIC, par les temps d'exécution, ces deux variables étant fixées par convention ou accord collectif ou, à défaut, par arrêté préfectoral ou ministériel" (1). Face au silence des partenaires sociaux et des autorités administratives, la Cour de cassation avait pris ses responsabilités en décidant que, dans un tel cas de figure, le travailleur à domicile avait droit à une rémunération au moins égale au salaire minimum interprofessionnel de croissance pour le nombre d'heures de travail effectuées. Le rapport de la Cour de cassation justifie cette solution par une argumentation fort logique s'attachant à replacer le SMIC comme "voiture-balai" de la rémunération (2).

En revanche, il avait été remarqué que, ce faisant, la Cour de cassation semblait se placer en porte-à-faux avec le principe de séparation des pouvoirs, qui semblait prescrire que seule la juridiction administrative soit compétente pour pallier l'inaction du préfet ou du ministre du Travail. Le rapport de la Cour de cassation n'apporte, sur cette question, aucune précision. Elle éclaire, cependant, une seconde observation, qui avait été apportée s'agissant de la détermination du salaire qui devait être prise en compte. En effet, nous nous étions demandé pour quelle raison la Cour de cassation faisait référence au SMIC plutôt qu'aux minima conventionnels applicables à l'entreprise. Le rapport précise, en effet, que la rémunération du travailleur à domicile peut être calculée, dans une telle hypothèse, par référence à l'un ou l'autre de ces deux minima. Il faut donc en conclure que la décision imposant le calcul par référence au SMIC devait avoir pris acte de l'absence de salaire conventionnel applicable au salarié concerné.

Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV


(1) Cf. le rapport de la Cour de cassation.
(2) V., déjà, Cass. soc., 25 septembre 1990, n° 87-40.493, M. Lizzi c/ M. Desson (N° Lexbase : A9045AAA) ; Cass. soc., 13 octobre 2004, n° 02-43.656, M. Daniel Chatelain, F-P (N° Lexbase : A6070DD8).

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