La lettre juridique n°305 du 22 mai 2008 : Rel. individuelles de travail

[Focus] La jurisprudence de la Cour de cassation rendue en 2007 à la lumière du rapport de la Cour de cassation : relations individuelles de travail

Réf. : Rapport annuel de la Cour de cassation

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N9652BE9

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[Focus] La jurisprudence de la Cour de cassation rendue en 2007 à la lumière du rapport de la Cour de cassation : relations individuelles de travail. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3210125-focuslajurisprudencedelacourdecassationrendueen2007alalumieredurapportdelacourde
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le 07 Octobre 2010



A la suite de la récente diffusion, sur le site internet de la Cour de cassation, de son rapport annuel 2007, Lexbase Hebdo - édition sociale vous invite, cette semaine, à retrouver, dans ses colonnes, les commentaires des éclairages apportés par la Haute juridiction sur les arrêts ayant marqué l'année dernière. Une série de neuf articles vous est donc proposée, balayant la jurisprudence sociale rendue en matière de relations individuelles de travail, de relations collectives de travail et, enfin, de Sécurité sociale.
  • Convention collective/Bulletin de paie

- Cass. soc., 15 novembre 2007, n° 06-44.008, Mme Gabrielle Dos Santos c/ Société Oneo Conseil, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7430DZ9) : "aux termes de l'article R. 143-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1837G9W), relatif au bulletin de paie, interprété à la lumière de la Directive européenne 91/533/CEE du Conseil du 14 octobre 1991 (N° Lexbase : L7592AUQ), l'employeur est tenu de porter à la connaissance du salarié la convention collective applicable. Si, dans les relations collectives de travail, une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l'activité principale de l'entreprise, dans les relations individuelles, le salarié peut demander l'application de la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie. Cette mention vaut présomption de l'applicabilité de la convention collective à son égard, l'employeur étant admis à apporter la preuve contraire" (lire nos obs., Convention collective et bulletin de paie : revirement de jurisprudence !, Lexbase Hebdo n° 284 du 6 décembre 2007 - édition sociale N° Lexbase : N3567BDH).

L'arrêt rendu le 15 novembre 2007 par la Cour de cassation fait partie des quelques revirements de jurisprudence qui auront émaillé l'année 2007. Pour être tout à fait précis, et ainsi qu'il est affirmé dans le rapport, cette décision constitue une "mise en adéquation de [la] jurisprudence [de la Cour de cassation] avec la Directive européenne du 14 octobre 1991 et la jurisprudence de la CJCE depuis l'arrêt "Kampelmann" du 4 décembre 1997 [CJCE, 4 décembre 1997, aff. C-253/96, Helmut Kampelmann et a. N° Lexbase : A5879AYE, Dr. ouvrier, 1998, p. 235, note M. Bonnechère]". Eu égard à la date de cette dernière décision, on pourra s'étonner qu'il ait fallu autant de temps à la Chambre sociale pour modifier une solution qu'elle avait adopté en 1998.

Il convient, en effet, de rappeler que, dans un arrêt rendu le 18 novembre 1998, la Cour de cassation décidait que la mention de la convention collective sur le bulletin de paie vaut reconnaissance de l'application de la convention collective à l'entreprise dans les relations individuelles de travail (Cass. soc., 18 novembre 1998, n° 96-42.991, Société hôtelière cognacaise c/ Mme Mazif, publié N° Lexbase : A3757ABR, JCP éd. G, 1999, II, 10088, note J.-Ph. Lhernould). Il fallait comprendre que la présomption, ainsi, reconnue présentait un caractère irréfragable.

Critiquable et critiquée au regard de notre droit interne (voir nos obs., Convention collective et bulletin de paie : revirement de jurisprudence !, préc.), cette solution apparaissait, en outre, en contradiction avec le droit européen. En effet, par un arrêt "Kampelmann", en date du 4 décembre 1997, la CJCE avait précisé qu'il convient d'attribuer à l'information délivrée au salarié une force probante telle qu'elle puisse être considérée comme élément susceptible de démontrer la réalité des éléments essentiels du contrat et qu'elle soit, de ce fait, revêtue d'une présomption de vérité comparable à celle qui s'attacherait dans l'ordre juridique interne à pareil document établi par l'employeur et communiqué au travailleur. Mais l'arrêt ajoutait que, "en l'absence de régime de preuve établi par la Directive elle-même, l'établissement des éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail ne saurait dépendre de la seule communication faite par l'employeur. Dès lors, l'employeur doit être autorisé à apporter toute preuve contraire en démontrant soit que les informations contenues dans la communication sont fausses en elles-mêmes, soit qu'elles ont été démenties par les faits".

Il y a tout lieu de constater que la jurisprudence de la Cour de cassation n'était pas conforme à celle de la CJCE et portait, ainsi, atteinte à la primauté du droit communautaire. A ce titre, le revirement de jurisprudence dont est porteur l'arrêt du 15 novembre 2007 doit être salué.

Ainsi que l'affirme la Chambre sociale, "aux termes de l'article R. 143-2 du Code du travail relatif au bulletin de paie, interprété à la lumière de la Directive européenne 91/533/CEE du Conseil du 14 octobre 1991, l'employeur est tenu de porter à la connaissance du salarié la convention collective applicable ; que si, dans les relations collectives de travail, une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l'activité principale de l'entreprise, dans les relations individuelles, le salarié peut demander l'application de la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie ; que cette mention vaut présomption de l'applicabilité de la convention collective à son égard, l'employeur étant admis à apporter la preuve contraire".

La présomption irréfragable est, ainsi, devenue une présomption simple. Il reste, désormais, à tirer les conséquences pratiques de cette solution. Ainsi que nous l'avions relevé dans notre commentaire, une difficulté risque de naître lorsque l'employeur apportera la preuve que, malgré la mention de telle ou telle convention dans le bulletin de paie, il n'a pas entendu en faire une application volontaire. Si la convention visée par le bulletin de paie a été appliquée et a permis aux salariés de bénéficier de certains avantages, l'employeur pourra certainement exercer une action en répétition de l'indu. Cela étant, on pourrait considérer que si l'employeur a respecté les obligations mises à sa charge par la convention, c'est qu'il a clairement entendu en faire une application volontaire.

Sur ces points, le rapport n'apporte aucun éclaircissement et il conviendra, par conséquent, d'attendre de prochains arrêts. Toutefois, il est précisé, et cela a son importance au regard de ce qui vient d'être dit, que "par cet arrêt, la Chambre sociale de la Cour de cassation signifie également qu'elle garde un contrôle et ne laisse pas totalement à l'appréciation souveraine des juges du fond le soin de vérifier la preuve contraire apportée par l'employeur".

Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

  • Prise d'acte de la rupture

- Cass. soc., 9 mai 2007, 4 arrêts, n° 05-40.315, Société Lacour, n° 05-42.301, Société Kent, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0925DW8) : "lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture, qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission" (lire nos obs., Clarifications (?) sur la distinction entre prise d'acte et démission, Lexbase Hebdo n° 260 du 16 mai 2007 - édition sociale N° Lexbase : N0691BB9).

Comme cela avait été souligné (voir nos obs., Clarifications (?) sur la distinction entre prise d'acte et démission, préc.), cette décision vient utilement clarifier le régime de la contestation de la démission, fondée sur l'analyse subjective de la qualité du consentement du salarié, de la prise d'acte qui impose au juge une analyse objective des torts imputés à l'employeur. En dépit d'une réserve portant sur la référence aux vices du consentement, ces arrêts donnent de précieux exemples "de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission" permettant d'établir "qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque".

Le rapport annuel précise que, "dans toutes ces hypothèses, c'est l'existence d'un différend "formalisé" auprès de l'employeur, avant ou au moment de la rupture, qui justifie la solution". En d'autres termes, ou des indices matériels existent et permettent de douter de la sincérité de la démission, et celle-ci pourra être contestée (soit dans le cadre d'une annulation, si le salarié désire reprendre son poste, soit dans le cadre du régime de la prise d'acte s'il souhaite obtenir uniquement un chèque), ou aucun élément ne peut être relevé et la démission sera confirmée.

Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

  • Licenciement disciplinaire

- Ass. plén., 30 novembre 2007, n° 06-45.365, M. Michel Canny c/ Crédit lyonnais, P+B+R+I (N° Lexbase : A9892DZE) : bien que la convention collective conditionne son versement à l'existence d'une insuffisance professionnelle ou d'une incapacité physique, l'indemnité conventionnelle de licenciement doit être versée au salarié en cas de licenciement pour motif non disciplinaire (lire nos obs., Le versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement liée à l'absence de motif disciplinaire, Lexbase Hebdo n° 285 du 13 décembre 2007 - édition sociale N° Lexbase : N3932BDY).

Les explications proférées par le rapport de la Cour de cassation sur cet arrêt ne manquent pas de provoquer une certaine frustration. En effet, la Cour se contente, ici, de rappeler la longue procédure qui avait mené les parties jusqu'à l'Assemblée plénière et d'égrener les précédents jurisprudentiels qui ont ponctué les quinze dernières années sur le problème posé.

Rappelons qu'il revenait à l'Assemblée plénière de fixer l'interprétation qu'il convenait de retenir de l'article 26 de la Convention collective de la banque , texte instituant une indemnité conventionnelle de licenciement en cas de motif non disciplinaire de licenciement, le texte ayant la maladresse d'établir une liste des licenciements ne recouvrant pas une telle qualification (1). Par un chapeau de tête limpide, la Cour de cassation avait décidé que l'"indemnité conventionnelle de licenciement est versée au salarié en cas de licenciement pour motif non disciplinaire", mais son raisonnement ultérieur avait été basé sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, en estimant que le fait qu'il ait été "irrévocablement jugé que le licenciement [du salarié] était dépourvu de cause réelle et sérieuse [...] lui ouvrait droit au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement".

Le rapport persiste dans cette voie en estimant que "l'Assemblée plénière se prononce sur le droit d'un salarié, dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de percevoir l'indemnité conventionnelle de licenciement" (2). Ce faisant, la Cour de cassation entérine la confusion entre cause qualificative et cause justificative de licenciement. Il est, en effet, manifeste qu'un licenciement peut être prononcé pour un motif disciplinaire sans pour autant être justifié par une cause réelle et sérieuse. L'absence de cause réelle et sérieuse ne disqualifie pas le licenciement, ce qu'un exemple permet parfaitement d'illustrer. Imaginons qu'un employeur prononce un licenciement fondé sur un motif disciplinaire sans respecter la procédure de ce type de sanction, procédure encadrée par les articles L. 122-40 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L5578ACL, art. L. 1331-1 et s. recod. N° Lexbase : L0252HXM). Que le licenciement soit, ou non, justifié par une cause réelle et sérieuse, le salarié devra toujours être indemnisé pour manquement à cette procédure. Cela démontre bien que l'absence de cause réelle et sérieuse n'emporte pas disqualification du licenciement disciplinaire en licenciement non disciplinaire.

Il aurait été appréciable de recevoir un complément d'argumentation par l'intermédiaire du rapport sur ce sujet. Tel n'est pas le cas, il faudra donc se contenter de la règle selon laquelle, désormais, tout licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ouvre droit au versement de l'indemnité conventionnelle.

Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

  • Décompte des jours d'absence pour maladie

- Cass. soc., 9 janvier 2007, n° 05-43.962, Mme Françoise Bethus, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4832DT7) : "un accord collectif ou une décision unilatérale de l'employeur ne peut retenir, afin de régulariser la rémunération du salarié en fin d'année, indépendante des heures réellement effectuées chaque mois, la durée hebdomadaire moyenne de la modulation comme mode de décompte des jours d'absence pour maladie pendant la période de haute activité, une telle modalité de calcul constituant, malgré son caractère apparemment neutre, une mesure discriminatoire indirecte en raison de l'état de santé du salarié" (lire nos obs., Incidence de la maladie sur le décompte annuel des heures de travail dans le cadre d'un accord de modulation : aucune à peine de discrimination indirecte !, Lexbase Hebdo n° 245 du 24 janvier 2007 - édition sociale N° Lexbase : N8128A9W).

Un nouveau vide législatif a été comblé par la Haute juridiction le 9 janvier 2007. La question qui se posait était celle de savoir comment il convenait de décompter les périodes de maladie d'un salarié dont la durée du travail a été annualisée. Convient-il de retenir la durée lissée du travail et, partant, de décompter 35 heures hebdomadaires, ou faut-il, au contraire, tenir compte de la durée effectivement réalisée dans l'entreprise au cours de la période de suspension du contrat ?

Afin d'éviter une discrimination indirecte fondée sur l'état de santé du salarié, l'employeur ou les partenaires sociaux doivent veiller, lorsqu'ils entendent régulariser la rémunération du salarié en fin d'année, à ne pas retenir la durée hebdomadaire moyenne de la modulation, et lui préférer la durée collective effective de travail pratiquée au cours de la période d'absence.

Cette solution est parfaitement conforme à tous les principes du droit du travail, qu'il s'agisse du principe d'égalité, de la définition donnée à la notion de discrimination indirecte par le droit communautaire.

Cette règle égalitaire est, nous l'avions souligné, à double tranchant. Elle interdit, en effet, au salarié de se prévaloir de l'horaire annualisé, s'il advenait que ce mode de décompte lui était plus favorable et, singulièrement, si les périodes d'absences correspondaient à des périodes de basse activité.

Comme elle le souligne dans son rapport, la Cour vient, dans cette décision, pour la première fois, se prononcer sur l'existence d'une discrimination indirecte prohibée. Elle recourt donc, pour la première fois, à la définition retenue par les juges de la CJCE, selon laquelle une discrimination indirecte se produit lorsqu'une "disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés par rapport à d'autres personnes..." (CJCE, 13 mai 1986, aff. C-170/84, Bilka - Kaufhaus GmbH c/ Karin Weber von Hartz N° Lexbase : A8290AUL).

  • Accident du travail

- Cass. soc., 14 mars 2007, n° 05-43.184, Société Technique française de nettoyage (TFN), FS-P+B+R (N° Lexbase : A6927DU4) : "les règles particulières aux salariés victimes d'un accident du travail ne sont pas applicables aux rapports entre un employeur et un salarié victime d'un accident du travail survenu au service d'un autre employeur" (lire nos obs., Différence de régime applicable aux contrats de travail maintenus en application de la convention collective et ceux maintenus en application de L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail : l'exemple de l'accident survenu avant le transfert, Lexbase Hebdo n° 255 du 4 avril 2007 - édition sociale N° Lexbase : N3855BAZ).

Bien que n'ayant pas le caractère de nouveauté, la solution rendue par la Cour de cassation le 14 mars 2007 n'en demeure pas moins importante, notamment, parce qu'elle délimite le contour de l'article L. 122-32-10 du Code du travail (N° Lexbase : L5513AC8, art. L. 1226-6, recod. N° Lexbase : L9846HWL).

Dans cette espèce, un salarié, engagé en qualité d'agent de propreté, victime d'un accident du travail et en arrêt de travail, avait vu son contrat transféré au nouvel attributaire du marché, en application de l'accord annexé à la Convention collective nationale du personnel des entreprises de propreté.

Le nouvel employeur avait licencié le salarié pour inaptitude à tout poste de travail constaté par le médecin du travail. La cour d'appel avait fait droit à la demande du salarié, qui contestait le bien-fondé de cette rupture, considérant que l'accord du 29 mars 1990 équivalait à une application volontaire de l'article L. 122-12 du Code du travail (N° Lexbase : L5562ACY, art. L. 1224-1, recod. N° Lexbase : L9765HWL), appliquant par là même le principe dégagé par la Haute juridiction en 1992 (Cass. soc., 9 juillet 1992, n° 91-40.015, SA GSI c/ Mme Adrien, inédit N° Lexbase : A3619CQ4).

Cette décision est cassée par la Haute juridiction qui, aux visas des articles L. 122-32-10, L. 122-32-6 (N° Lexbase : L5524ACL, art. L. 1226-14, recod. N° Lexbase : L9854HWU) et L. 122-32-7 (N° Lexbase : L5525ACM, art. L. 1226-15, recod. N° Lexbase : L9855HWW) du Code du travail, affirme que l'accord qui, pour le cas de perte d'un marché de services, prévoit et organise la reprise de tout ou partie des contrats de travail, ne constitue pas une application volontaire de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail (art. L. 1224-1, recod.) et ne peut, à lui seul, et sauf clause contraire le prévoyant, faire échec aux dispositions de l'article L. 122-32-10 du même code (art. L. 1226-6, recod.). Cette solution va de soi.

L'article L. 122-32-10 du Code du travail (art. L. 1226-6, recod.) dispense le nouvel employeur du respect de la législation protectrice lorsque l'accident ou la maladie est survenue alors que le salarié se trouvait sous la subordination d'un ancien employeur.

Forte de ce principe, la jurisprudence refuse, par exemple, au salarié, une fois engagé par l'entreprise "anciennement utilisatrice", le bénéfice de la législation protectrice pour l'accident survenu alors qu'il était mis à disposition, l'entreprise de travail temporaire étant, à ce moment-là, son employeur.

Les juges atténuent ce principe en excluant l'application de l'article L. 122-32-10 du Code du travail (art. L. 1226-6, recod.), lorsqu'il y a transfert du contrat de travail en application de l'article L. 122-12 du même code (art. L. 1224-1, recod.), que cette application soit légale (Cass. soc., 3 mars 2004, n° 02-40.542, F-D N° Lexbase : A4154DBH) ou conventionnelle (Cass. soc., 9 juillet 1992, n° 91-40.015, préc.). Le salarié, dont le contrat de travail, est transféré peut donc se prévaloir de la protection à l'égard de son nouvel employeur.

La simple perte d'un marché n'emporte pas transfert des contrats de travail en application de l'article L. 122-12 du Code du travail (art. L. 1224-1, recod.) (Ass. plén., 16 mars 1990, n° 85-44.518, Consorts Mallet N° Lexbase : A1496ABZ). Il n'y a pas, dans ce cas, transfert d'une entité économique ayant conservé son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.

Les parties peuvent, néanmoins, décider de se soumettre à l'article L. 122-12 du Code du travail (art. L. 1224-1, recod.). Si l'application volontaire de l'article L. 122-12 du Code du travail n'est pas interdite, il n'en demeure pas moins qu'elle doit être expresse et est subordonnée à l'accord des salariés (Cass. soc., 2 avril 1998, n° 96-40.383, Société Lafitte c/ Mme Maryse Lesbarrères N° Lexbase : A6934AHB).

L'accord à l'origine du transfert prévoit la rédaction d'un avenant au contrat de travail précisant le nom du nouvel employeur et reprenant l'ensemble des clauses qui y sont attachées. Le contrat de travail est donc nouveau. Le rapport souligne, en outre, que le salarié peut refuser le transfert de son contrat de travail dans ce cas ce qui n'est pas possible en applicable de l'article L. 122-12 du Code du travail (art. L. 1224-1, recod.).

L'accord qui avait permis le transfert des contrats de travail ne pouvait donc être vu comme une application volontaire de l'article L. 122-12 du Code du travail. Il ne pouvait avoir pour effet de faire échec aux prescriptions de l'article L. 122-32-10 de ce même code. C'est ce que souligne la Cour de cassation dans son rapport.

- Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 05-13.771, M. Gérard Gruner, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2849DU3) : "un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail, dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail" (lire nos obs., Accident du travail : où va-t-on ?, Lexbase Hebdo n° 251 du 7 mars 2007 - édition sociale N° Lexbase : N2896BAI).

Sur le fondement de l'obligation de sécurité de résultat, la Haute juridiction reconnaît, par cet arrêt, la qualification d'accident du travail et la faute inexcusable de l'employeur pour la tentative de suicide commise par un salarié à son domicile alors qu'il se trouvait en arrêt maladie.

Pour justifier sa position, la Haute juridiction affirme qu'un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail, dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail. L'employeur étant tenu d'une obligation de résultat, toute violation de cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable. Le suicide d'un salarié est un accident du travail dû à une faute inexcusable de l'employeur dans la mesure où il est établi que l'employeur avait, ou aurait dû avoir, conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures pour l'en préserver.

La reconnaissance du suicide comme accident du travail n'est pas, à proprement parler, nouvelle. Dans la mesure où il est établi que ce suicide a eu lieu à l'occasion du travail, il doit être considéré comme accident du travail, tel est le cas de la tentative de suicide commise sur le lieu du travail (Tass Epinal, n° 218/99, 28 février 2000, Madame Chantal Rousseaux c/ CPAM des Vosges N° Lexbase : A4423DUD).

Il en va, désormais, de même, du suicide commis hors du lieu de travail, dans la mesure où il est établi que le geste du salarié est en relation directe avec le travail. Cette situation est inédite et nouvellement reconnue par la Cour de cassation comme un accident du travail. Elle fait sienne la définition donnée par le Code de la Sécurité sociale de l'accident du travail (CSS, art. L. 411-1 N° Lexbase : L5211ADD). Elle doit donc, sur ce point, être approuvée.

Plus contestable est la seconde partie de la décision, qui qualifie de faute inexcusable la faute de l'employeur. La définition traditionnelle de la faute inexcusable semblait, en effet, enfermée par le lieu de travail. Singulièrement, la notion de faute inexcusable était traditionnellement utilisée pour protéger les salariés sur leur lieu de travail, dans l'exécution de leur prestation de travail (Cass. soc., 11 avril 2002, n° 00-16.535, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4836AYR). Comme le souligne la Cour de cassation dans son rapport, traditionnellement, la faute de l'employeur est recherchée dans des manquements par l'employeur à des obligations matérielles (non-respect des obligation de sécurité, utilisation de substances dangereuses, violation des procédures de sécurité). Or, dans cette décision, c'est l'attitude, le comportement de l'employeur qui est sanctionné, ce qui est nouveau. La qualification de la faute inexcusable semble inexorablement suivre celle d'accident du travail...

Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV


(1) Le texte évoque, ainsi, l'insuffisance professionnelle et l'incapacité physique de travailler, mais laisse, par exemple, de côté le licenciement du salarié dont l'absence désorganise le fonctionnement de l'entreprise et la contraint à pourvoir définitivement à son remplacement.
(2) Cf. le rapport de la Cour de cassation.

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