Réf. : Cass. soc., 18 octobre 2007, n° 06-43.771, Assedic de Franche-Comté Bourgogne, FS-P+B (N° Lexbase : A8181DYN)
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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 07 Octobre 2010
Résumé
Le droit des organismes concernés à obtenir le remboursement des indemnités de chômage payées au travailleur licencié n'est pas subordonné à d'autres conditions que la condamnation par le même juge de l'employeur fautif au versement d'une indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. |
1. Pluralité des sanctions applicables au défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement
Tout licenciement, quelle qu'en soit la cause, doit impérativement reposer sur une cause réelle et sérieuse. L'absence de cause réelle et sérieuse est diversement sanctionnée et singulièrement fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et de la taille de cette dernière (C. trav., art. L. 122-14-4 N° Lexbase : L8990G74 et art. L. 122-14-5 N° Lexbase : L5570ACB).
L'article L. 122-14-4 du Code du travail dispose que, lorsque le salarié qui a plus de 2 années d'ancienneté dans l'entreprise et/ou qui travaille dans une entreprise de 11 salariés et plus, est licencié sans cause réelle et sérieuse, le tribunal peut proposer sa réintégration dans l'entreprise, avec maintien des avantages acquis. Cette dernière étant facultative, en cas de refus de l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie aux salariés une indemnité. Cette indemnité, qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaires, s'ajoute à l'indemnité de licenciement (C. trav., art. L. 122-9 N° Lexbase : L5559ACU).
Le salarié n'est pas le seul créancier de l'employeur, en présence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. L'employeur est, également, débiteur envers les organismes qui ont versé au salarié un revenu de remplacement.
L'alinéa 2 de l'article L. 122-14-4 du Code du travail prévoit, en effet, que "le tribunal ordonne également le remboursement par l'employeur fautif aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé par le tribunal dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié concerné".
Ce remboursement est ordonné d'office par le tribunal dans le cas où les organismes concernés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées (C. trav., art. L. 122-14-4, al. 2).
Il est, en outre, précisé qu'une copie certifiée conforme de la décision est adressée aux organismes par le tribunal et que, sur le fondement de ce jugement, lorsque celui-ci est devenu exécutoire, les institutions qui versent les indemnités chômage peuvent poursuivre le recouvrement des indemnités devant le tribunal d'instance du domicile de l'employeur.
Le montant de cette indemnité est plafonné entre la date du licenciement et le jour du jugement ou la date à laquelle le salarié a retrouvé un emploi et ne perçoit plus d'allocations chômage (Cass. soc., 13 juillet 1993, n° 90-40.865, Assedic Sambre Escaut c/ Société Nord Valenciennes automobiles et autres, inédit N° Lexbase : A8397AG4), et ne peut, en tout état de cause, dépasser 6 mois d'indemnité.
Le remboursement des indemnités est donc automatique et uniquement subordonné à la condamnation de l'employeur à verser au salarié, sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
C'est ce principe qu'est venue rappeler la Cour de cassation dans la décision commentée.
Dans cette espèce, un salarié mis à disposition de la société Smoby par 110 missions successives, d'octobre 1998 à novembre 2002, avait saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la requalification des contrats de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée ainsi que la condamnation de l'employeur au paiement d'indemnités de rupture et d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les juges du fond avaient accueilli la demande de requalification du salarié et avaient, corrélativement, condamné la société à verser au salarié les indemnités afférentes à cette requalification (indemnité de requalification, indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de précarité...). Les juges avaient, en revanche, refusé de condamner la société à rembourser les indemnités de chômage aux Assedic.
Pour la Cour de cassation, cette dernière solution n'est pas satisfaisante. Elle rappelle que le droit pour les organismes d'obtenir le remboursement des indemnités de chômage payées au travailleur licencié n'est pas subordonné à d'autres conditions que la condamnation, par le même juge, de l'employeur fautif au versement d'une indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Dans la mesure où les juges du second degré avaient condamné l'employeur à verser au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, ils ne pouvaient que valider la condamnation de l'employeur au remboursement des indemnités chômage perçues par le salarié depuis la rupture de son contrat de travail.
Cette solution doit, en tous points, être approuvée.
2. Logique du remboursement des indemnités chômage
Bien qu'il faille reconnaître que c'est la première fois, à notre connaissance, que la Haute juridiction pose de manière aussi nette le principe, source de la solution retenue, cette solution n'était pas douteuse. Elle résulte, en effet, à la fois de la lettre de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, de son esprit et des décisions antérieures.
L'article L. 122-14-4, alinéa 2, du Code du travail dispose que le "tribunal ordonne également [...], le remboursement par l'employeur des indemnités chômage et que lorsque les organismes ne sont pas intervenus à l'instance, il ordonne d'office la condamnation de l'employeur" (c'est nous qui soulignons).
Rien ne permet à l'employeur d'échapper à cette sanction.
Le temps (présent de l'indicatif) et le verbe employés, ainsi que les adverbes utilisés, ne laissent aucune alternative : la condamnation de l'employeur au versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du travail emporte nécessairement sa condamnation à rembourser les indemnités de chômage versées au salarié.
Cette sanction se situe, en outre, dans un paragraphe 2 situé immédiatement après celui consacré aux sanctions du licenciement irrégulier d'un salarié ayant 2 ans d'ancienneté et plus et/ou travaillant dans une entreprise de 11 salariés et plus.
Cette sanction n'est donc pas douteuse, pas plus que ne l'est son caractère automatique. Les juges en font, d'ailleurs, systématiquement application. Il importe peu que le licenciement soit la conséquence de la requalification d'un ou plusieurs contrats de travail à durée déterminée. Seule compte, en effet, la condamnation de l'employeur à indemniser un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
On comprend aisément cette sanction : le salarié licencié de manière injustifiée aurait dû conserver son emploi, il n'aurait donc pas dû percevoir d'indemnité de chômage. Dans la mesure où la perception de ces indemnités résulte du licenciement irrégulièrement prononcé par l'employeur, ce dernier doit en supporter les conséquences. Tout comme le licenciement, le versement des indemnités étant injustifié, l'employeur doit rembourser.
Ce principe du remboursement est admis depuis longtemps par la jurisprudence.
La jurisprudence a toujours fait une application stricte de ce texte, refusant d'en limiter le champ aux hypothèses dans lesquelles est relevé un abus ou un détournement de la part de l'employeur (Cass. soc., 14 novembre 1991, n° 88-44.161, Société HB c/ M. Marchandet, publié N° Lexbase : A9321AAH ; Bull. civ. V, n° 496).
La seule exception résulte de l'hypothèse dans laquelle l'erreur commise par l'employeur est une erreur de procédure. Dans ce cas, le remboursement des indemnités ne peut être ordonné (Cass. soc., 26 mars 1980, n° 78-41.369, Assedic Paris c/ SA Roques et compagnie, Pasquet, publié N° Lexbase : A7353AGG ; Bull. civ. V, n° 298) ; cette erreur ne préjugeant en rien la présence du salarié dans l'entreprise.
Le principe du remboursement est donc acquis, seule la part remboursée est souverainement fixée par les juges dans la limite des 6 mois prévus par le législateur (Cass. soc., 26 mars 1980, préc. ; Cass. soc., 22 avril 1992, n° 90-44.015, Société SCRL c/ Mlle Pailleux, publié N° Lexbase : A3756AAD ; RJS 1992, 399, n° 727).
L'employeur qui entend ne rien reverser doit prouver qu'il réunit les conditions légales pour être dispensé du remboursement des allocations chômage en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 18 avril 2000, n° 97-44.925, Assedic Marche limousin c/ M. Picat et autres, publié N° Lexbase : A6379AGD), c'est-à-dire que le licenciement est causé... ou que le salarié a immédiatement recommencé à travailler. A défaut, il devra payer.
Décision
Cass. soc., 18 octobre 2007, n° 06-43.771, Assedic de Franche-Comté Bourgogne, FS-P+B (N° Lexbase : A8181DYN) Cassation (CA Besançon, chambre sociale, 17 janvier 2006) Texte visé : C. trav., art L. 122-14-4, al. 2 (N° Lexbase : L8990G74) Mots-clefs : licenciement ; cause réelle et sérieuse ; sanctions ; indemnités dues au salarié ; remboursement des indemnités chômage aux Assedic. Lien bases : |
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