Réf. : Cass. soc., 17 octobre 2007, n° 06-43.243, Société Poly service TMS, F-P+B (N° Lexbase : A8176DYH) ; Cass. soc., 17 octobre 2007, n° 06-44.388, M. Nourredine Daoui, F-P+B (N° Lexbase : A8191DYZ)
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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 07 Octobre 2010
Résumé
Pourvoi n° 06-43.243 : malgré la stipulation au contrat de travail d'une période d'essai plus longue, la rupture du contrat, intervenant au-delà de la limite maximale de durée de la période d'essai prévue par la convention collective, s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Pourvoi n° 06-44.388 : ne respecte pas l'obligation faite par la convention collective de confirmer par écrit la notification de la rupture de la période d'essai, l'employeur qui se contente d'adresser au salarié une attestation Assedic et un certificat de travail, quand bien même ces documents porteraient mention de la rupture d'essai à l'initiative de l'employeur. |
1. L'influence maintenue des conventions collectives sur la période d'essai
A l'exception de quelques situations particulières telles que le contrat de travail à durée déterminée, le contrat de travail temporaire ou les contrats de travail conclus par les VRP, le Code du travail est resté bien silencieux s'agissant tant de la définition que de la détermination du régime juridique de la période d'essai du contrat de travail.
En effet, seul l'article L. 122-4 (N° Lexbase : L5554ACP) énonce, laconiquement, que les règles applicables à la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée ne sont pas applicables durant la période d'essai. Sachant que la grande majorité des contrats de travail comporte, aujourd'hui, une clause stipulant un essai, ce silence législatif pouvait s'avérer, parfois, bien pesant.
C'est en réaction à l'insuffisance du code en la matière que les partenaires sociaux sont intervenus et ont intégré, dans les conventions collectives, des dispositions encadrant la pratique de l'essai du contrat de travail. Le caractère succinct de la loi a, d'ailleurs, permis aux dispositions conventionnelles de s'intéresser à un large champ s'agissant de l'essai.
Les clauses conventionnelles les plus courantes concernent la durée de la période d'essai. Elles se sont substituées aux usages professionnels qui constituaient, naguère, l'essentiel de la réglementation de la durée de l'essai. Ainsi, les partenaires sociaux se sont-ils entendus pour limiter la durée maximale des périodes d'essai, faisant varier ces limites en fonction de la classification des salariés dans les entreprises ou dans les branches.
De la même manière, les conventions collectives ont, parfois, ajouté au régime de l'essai et, spécialement, de sa rupture, en imposant certaines formalités à celui des parties souhaitant mettre fin à la période d'expérimentation de la relation de travail.
Ce sont ces points qui faisaient litige dans les arrêts commentés.
Dans la première affaire existait un hiatus entre la durée d'essai prévue par le contrat de travail du salarié et la durée maximale prévue par la convention collective. De manière somme toute classique, la Chambre sociale rappelle que la durée prévue par le contrat de travail ne peut excéder les limites prévues par la convention collective (2). La rupture du contrat de travail intervenant dans les limites de la période d'essai du contrat de travail, mais au-delà de celles fixées par la convention collective, elle s'analyse donc en un licenciement qui, n'étant pas motivé, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Dans la seconde affaire, il était question du formalisme à respecter en matière de rupture du contrat de travail pendant la période d'essai. A première vue, cette question pouvait sembler dépourvue d'intérêt puisque, par l'effet de l'article L. 122-4 du Code du travail, le formalisme imposé en matière de licenciement et, dans une moindre mesure, de démission, est formellement exclu en matière d'essai. La Cour de cassation décide, d'ailleurs, de manière constante, que la rupture de l'essai peut même intervenir par simple notification verbale (3).
Il existe, néanmoins, quelques exceptions à cette absence de formalisme de la rupture d'essai. Certaines d'entre elles furent posées par la Cour de cassation lorsqu'il s'avérait que la rupture de l'essai était prononcée pour un motif disciplinaire ou qu'elle concernait un salarié protégé. Les juges avaient alors estimé qu'il était nécessaire, dans le premier cas, que la procédure disciplinaire soit respectée (4) et, dans le second cas, que l'autorisation administrative de licenciement soit obtenue (5).
Une autre exception provient de certaines conventions collectives qui exigent des formalités supplémentaires lorsqu'il s'agit de mettre fin à l'essai. La Cour de cassation considère, alors, que ces formalités doivent être respectées, à défaut de quoi la partie lésée pourra obtenir une indemnisation pour le préjudice qu'elle aura subi (6). La Chambre sociale, par l'arrêt exposé, apporte quelques précisions sur le formalisme requis par la convention collective. Ainsi, lorsqu'une disposition conventionnelle exige que la notification de la rupture soit confirmée par écrit, l'employeur ne peut se contenter d'adresser une attestation Assedic et un certificat de travail pour assouvir cette obligation.
L'analyse de ces arrêts démontre la vigueur de la règle de conflit que constitue, en droit du travail, le principe de faveur. Elle montre, également, l'importance croissante du formalisme dans le cadre de la période d'essai.
2. L'influence protectrice des conventions collectives sur la période d'essai
Le principe fondamental de droit du travail que constitue le principe de faveur est toujours bien vivace dans cette discipline, nonobstant les différents revers qu'il a subis depuis l'apparition de l'ordre public dérogatoire permettant aux conventions collectives de déroger in pejus aux dispositions législatives (7). Ainsi, lorsque des dispositions de la convention collective sont plus favorables au salarié que celles prévues par le contrat de travail, ce sont les premières qui doivent trouver à s'appliquer.
L'essai est constitutif d'une véritable période de précarité pour le salarié puisque, durant cette période, le contrat peut être rompu à tout moment, le plus souvent sans obligation de respecter un préavis, sans indemnisation et, surtout, sans invocation d'un quelconque motif. Il parait donc logique que la durée la plus courte lui soit favorable. Même si l'on peut estimer que, pour certaines catégories de salariés très demandés sur le marché de l'emploi, l'essai peut parfois constituer un atout, il s'agit, surtout, d'une mesure accordée à l'employeur, mesure dont les organisations patronales souhaiteraient, d'ailleurs, voir la durée étendue (8).
S'agissant de l'instauration d'un formalisme particulier pour la rupture d'essai, elle est, elle aussi, probablement de nature à accroître les droits des salariés et, partant, à leur être plus favorable que l'absence de toute formalité. Si la forme est "la soeur jumelle de la liberté", elle permet, surtout, en la matière, de disposer d'éléments précieux pour démontrer la date exacte de la rupture. Elle s'avère donc une avancée nette sur le terrain probatoire, surtout depuis que la Cour de cassation décide que la rupture de la période d'essai est un acte non réceptice, si bien que la détermination de la date à laquelle la volonté de l'employeur s'est exprimée peut être bien délicate en l'absence d'écrit (9). En outre, l'existence d'un écrit peut, à l'occasion, fournir au salarié un support pour la démonstration du caractère abusif de la rupture intervenue.
Evincer les règles légales ou contractuelles au profit de ces dispositions conventionnelles caractérise donc bien une application du principe de faveur en cas de concours de règles. Ces décisions mettent, également, l'accent sur un mouvement de formalisation de la période d'essai.
Cette idée ne ressort guère du premier arrêt qui ne s'intéresse réellement qu'à la durée de l'essai. Elle est plus flagrante dans le second arrêt.
Dans cet arrêt, l'employeur ne s'était pas totalement dispensé de fournir des documents écrits au salarié puisqu'il lui avait remis, conformément aux articles L. 122-16 (N° Lexbase : L5473ACP) et R. 351-5 (N° Lexbase : L3087HI8) du Code du travail, un certificat de travail et une attestation Assedic, lesquels mentionnaient que la rupture était intervenue durant la période d'essai. Néanmoins, si la Cour de cassation s'était contentée de ces documents, elle aurait réduit à néant l'obligation faite par la convention collective de confirmer la rupture par écrit.
En effet, ces documents n'ont clairement pas pour objet de notifier la rupture du contrat de travail mais permettent, seulement, au salarié de faire valoir son ancienne qualité de salarié là où cela peut lui être nécessaire. En outre, et surtout, la remise de ces documents est obligatoire, si bien que l'obligation de la convention collective serait dépourvue de toute portée si l'on se contentait de la remise de ces documents. Si l'on veut bien nous permettre la comparaison, la clause conventionnelle aurait alors autant de portée qu'une stipulation qui obligerait l'employeur à notifier le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception, obligation déjà prévue par l'article L. 122-14-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0042HDW).
Cette garantie d'une véritable notification écrite assurée par la Cour traduit la tendance nette au renforcement du formalisme en matière d'essai. Si cette tendance n'avait, au départ, touché que l'établissement de la période d'essai, par exemple, par la disparition de l'usage comme source de l'essai (10), elle semble, aujourd'hui, diffuser jusqu'à la rupture de l'essai.
Il nous semble qu'il s'agit là d'avancées tout à fait déterminantes. La rupture d'essai demeure un îlot de liberté dans la relation de travail puisque les parties n'ont pas à la motiver et peuvent donc, quasi discrétionnairement, rompre la relation. L'absence de préavis accompagnant la rupture renforce, encore, ce sentiment de liberté. Pourtant, comme nous l'avons vu, le formalisme de la rupture d'essai apporte un certain nombre d'avantages au droit de la preuve de la rupture.
Un tel formalisme a, en outre, une influence sur le calcul de la durée de la période d'essai. Il sera nettement plus facile, dans des cas tangents, de déterminer la durée exacte de la période d'essai, et donc d'apprécier si la rupture est intervenue dans le cadre de celle-ci, si la rupture est signifiée par écrit.
Enfin, si la durée des périodes d'essai devait globalement être augmentée, comme le demandent les organisations patronales, il nous semble que, par une sorte d'effet de balancier, l'augmentation de la durée de la précarité devrait être compensée par une meilleure prévention de l'usage abusif des périodes d'essai. Et pour y parvenir, la formalisation de la rupture de l'essai pourrait être une mesure envisageable.
Décisions
Cass. soc., 17 octobre 2007, n° 06-43.243, Société Poly service TMS, F-P+B (N° Lexbase : A8176DYH) Rejet (CA Aix-en-Provence, 17ème chambre, 3 avril 2006) Texte concerné : article 9.01.2 de la convention collective des entreprises de propreté Mots-clés : période d'essai ; durée excessive ; contrat de travail ; convention collective ; licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Lien bases : Cass. soc., 17 octobre 2007, n° 06-44.388, M. Nourredine Daoui, F-P+B (N° Lexbase : A8191DYZ) Cassation (CA Bordeaux, ch. soc., sect. B, 22 juin 2006) Texte visé : article 5 des dispositions particulières applicables aux salariés cadres de la convention collective nationale de la pharmacie d'officine Mots-clés : période d'essai ; rupture ; notification ; formalisme conventionnel. Lien bases : |
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