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N9673BUS
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par Dominique Vidal, Professeur émérite, CREDECO GREDEG UMR 7321 CNRS/UNS
le 05 Novembre 2015
3. Il en est de même de tout autre acteur de révision légale (commissaire aux apports, commissaire à la fusion, etc.) investi par la loi d'effectuer une diligence à l'assemblée, ainsi que des personnes (secrétaire, notaire) chargées d'intervenir dans la rédaction du procès-verbal de l'assemblée.
4. Outre l'évidence de la présence des dirigeants associés ou actionnaires (gérant associé, président d'une SA), la présence à l assemblée des dirigeants le cas échéant non associés ne fait guère difficulté. La solution va de soi lorsqu'un tel personnage a qualité à convoquer et présider l'assemblée, tel le gérant non associé d'une société civile, d'une SARL, d'une société en nom collectif ou d'une société en commandite, ou le président d'une SAS.
5. Il en est de même du directoire, dès lors que celui-ci a compétence à convoquer l'assemblée, encore que la question ait pu se poser, semble-t-il, de la présence de tous les membres du directoire ou de son seul président. A notre avis, bien que le directoire ne soit pas au sens technique un organe collégial, la présence de tous les membres du directoire doit pouvoir être admise, y inclus par conséquent les membres du directoire qui n'ont pas la qualité de directeur général.
6. C'est la nature des pouvoirs généraux du directoire, lesquels consistent à agir en toute circonstance dans l'intérêt de la société, qui doit commander la solution. Pour cette même raison, on ne conçoit pas que dans la forme classique de SA, les directeurs généraux et directeurs généraux délégués ne puissent accéder à l'assemblée. Leur présence relève par nature du domaine de leurs obligations, sauf exception factuelle justifiée par l'intérêt social.
7. Il en est de même pour les membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance ; bien que ces organes n'exercent pas de compétence décisionnaire directe, le fait pour les membres du conseil d'administration de participer à la détermination des orientations de l'activité sociale, ou pour les membres du conseil de surveillance d'exercer le contrôle permanent de la société ou d'opérer toute vérification jugée opportune se comprend, à notre avis, en ce compris la présence aux assemblées.
8. Parmi les présents à une assemblée de société qui n'ont pas la qualité d'associé ou d'actionnaire, les mandataires et autres représentants soulèvent une autre problématique, laquelle fait l'objet de soins législatifs et réglementaires particuliers. La question est hors de notre propos, techniquement dans la mesure où l'associé représenté est juridiquement "présent", et pratiquement dès lors que par hypothèse la présente étude est circonscrite à la présence de personnes qui sont présentes à titre distinct de la qualité d'associé.
9. Demeure pareillement hors de notre propos la présence prévue par les textes de certains représentants de la collectivité des salariés (C. trav., art. L. 2323-67 N° Lexbase : L2904H9G).
10. Enfin, au titre des exceptions prévues par les textes entendues au sens large, il faut signaler la présence de journalistes à l'assemblée d'une société ouverte. Prescrite par la COB -désormais AMF- (2) pour les sociétés faisant alors appel public à l'épargne et évidemment transposable aujourd'hui aux sociétés dont les titres sont inscrits sur un marché financier réglementé, la solution s'inscrit dans le particularisme juridique de telles sociétés (3).
11. Reste la question, plus ouverte, que posent certaines personnes dont la présence n'est pas prévue par les textes, mais souhaitée par certains associés et repoussée par d'autres. Cette perspective soulève parfois non seulement un conflit d'intérêts, mais aussi un conflit de légitimités, auxquels il appartient au juge de donner une solution.
12. Pour examiner ce contentieux de la présence d'un non associé à l'assemblée d'une société, on examinera en premier lieu les conditions de cette admission (I). On devra également s'interroger sur les sanctions qui peuvent s'attacher à la méconnaissance de ces conditions (II).
I - Les conditions de l'admission de tiers à une assemblée
13. Suivant une jurisprudence bien établie, la réunion d'une assemblée de société revêt en principe un caractère privé. La solution a été expressément rappelée par la COB (4) pour les sociétés dont (désormais) les titres sont inscrits sur un marché financier réglementé. Elle vaut encore, et à plus forte raison, pour les sociétés "fermées". Elle est donc la solution de principe pour toutes les sociétés. A quelles conditions de forme et de fond peut-on y déroger ?
A - Conditions de forme
14. On peut concevoir en premier lieu que les statuts de la société permettent à tout associé d'être assisté d'un avocat, et/ou de provoquer l'intervention d'un huissier de justice. Admettons que cette hypothèse est rarissime, et que les rédacteurs de statuts y sont en général fort peu enclins.
15. Admettons encore, cependant, que dans une société où l'intuitus personae est renforcé, dans une SAS par exemple, les fondateurs peuvent avoir un intérêt partagé réel à s'y autoriser mutuellement une telle faculté, en particulier l'assistance d'un avocat.
16. Hors la prévision des statuts, le principe est que le caractère privé d'une assemblée interdit qu'une personne étrangère soit admise à y participer ou même à y assister, sans une décision qui écarte ledit principe. Mais quel type de décision ?
17. S'il apparaît une division entre les associés, un tel accord peut-il être donné à la majorité de l'assemblée ? On l'admet parfois, comme l'admet le rapport annuel de la COB pour 1982 qui prévoit qu'"il appartient à l'assemblée de se prononcer par un vote" ; on ne connaît pas de décision de justice qui puisse venir confirmer (ni d'ailleurs infirmer) cette opinion. Certains auteurs (5) considèrent au contraire qu'"une assemblée générale n'a pas le pouvoir d'imposer la présence d'un tiers à une minorité qui la refuse, pas plus qu'un associé n'est fondé en droit à exiger une telle présence".
18. A notre avis, cette dernière opinion mérite la meilleure considération, tant il est loin d'être certain que l'assemblée statuant à la majorité puisse s'octroyer un tel pouvoir. Une décision à l'unanimité pourrait assurément prendre une telle décision, ne serait-ce que par le défaut de grief que pourrait ultérieurement faire valoir un associé contestataire. Enfin, si une majorité entend le décider sans aucune opposition dans le cas où la minorité se limite à s'abstenir, c'est-à-dire dans l'hypothèse d'un consensus, il y a matière à hésiter.
19. La solution qui s'impose donc comme la plus sûre est celle de l'autorisation judiciaire. La procédure de référé est ici parfaitement adaptée. L'associé qui souhaite se faire accompagner par un avocat ou faire acter les opérations de l'assemblée par un huissier de justice aura juste le temps, à réception de la convocation, d'engager cette procédure, au besoin d'heure à heure si le temps lui est spécialement compté.
20. Une procédure sur requête est-elle envisageable ? Elle peut sembler fragile, dans la mesure où il lui manque le contradictoire. Toutefois, la pratique en fournit des exemples, et l'on peut certes considérer qu'il peut s'avérer judicieux d'éviter d'ouvrir un front judiciaire hostile de manière prématurée.
21. En tout état de cause, la société pourra prendre l'initiative de venir en référé contester l'ordonnance rendue sur requête, à condition que la chronologie des opérations le lui permette. Le cas échéant, l'assemblée pourrait être ajournée pour permettre la liquidation de ce contentieux, et si d'aventure cela devait conduire à tenir la nouvelle réunion au-delà du délai requis par les textes, il y a tout lieu de supposer que le report judiciaire fondé sur ce motif serait accordé.
22. Dans ce contexte général, on peut citer une affaire dans laquelle la présence de l'huissier avait été sollicitée sur requête par application de l'article 875 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0854H4E). La Cour de cassation (6) rappelle que, par application de cet article, le président peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement. Elle observe que la cour d'appel a constaté que ces conditions étaient remplies pour la désignation de l'huissier compte tenu de la date de convocation des associés et de celle prévue de l'assemblée. Elle décide, en conséquence, que la cour d'appel en a exactement déduit que l'ordonnance avait été prise régulièrement.
23. Quant à la compétence territoriale, il a été logiquement jugé (7) que le juge compétent est celui du lieu où la mesure demandée doit être exécutée, c'est-à-dire en l'occurrence le lieu où l'assemblée a été convoquée.
B - Conditions de fond
24. La jurisprudence rendue sur ce point n'est pas très abondante. On dispose de quelques indications sur les critères en vertu desquels la jurisprudence admet la présence d'un avocat ou d'un huissier de justice.
1° - La présence d'un huissier de justice
25. Avant même la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales (loi n° 66-537 N° Lexbase : L6202AGS), on avait admis la désignation d'un huissier de justice chargé de constater la régularité de la réunion ou de procéder au décompte des voix (8). Ce premier cas d'ouverture s'impose. On ne voit pas, du moins a priori et sauf circonstance exceptionnelle, ce qui peut empêcher le juge des référés de prendre une telle mesure a minima qui ne porte en elle aucun risque de perturber le déroulement de l'assemblée ni d'influer sur la teneur des débats. Chacun ne peut en effet que se féliciter d'un surcroît de précautions relatives à la régularité de l'assemblée
26. Dans un arrêt de 1975, la cour d'appel de Colmar (9) statue sur une demande de désignation d'un huissier de justice, assisté d'une sténotypiste et muni d'un magnétophone, aux fins de "consigner tous discours, déclarations ou interventions". L'ordonnance qui avait procédé à la désignation est infirmée, au motif qu'une telle désignation n'est pas abandonnée à la volonté arbitraire des actionnaires et que les motifs de la demande doivent nécessairement être graves et intéresser le fonctionnement de la société.
27. Le motif invoqué par le demandeur était "l'ordre du jour et ses problèmes" ; or, cet ordre du jour portait sur l'approbation des comptes, l'affectation des bénéfices et une augmentation de capital, projets de délibérations sur lesquels la cour dit que les actionnaires allaient se prononcer conformément à la loi "sans que fût mis en place et fonctionnât tout un appareil non seulement gênant, mais même humiliant".
28. La recherche d'un point d'équilibre est donc tracée : le juge des référés se livre à une pesée des intérêts entre la légitimité apparente de la demande et l'aspiration a priori légitime de la société à ce que ses organes sociaux fonctionnent comme à l'habitude. Cette seconde légitimité n'est d'ailleurs pas une prime à la paresse ; elle peut à l'occasion s'autoriser d'une conformité à l'intérêt social dès lors qu'il s'agit de faire prévaloir une tranquillité de bon aloi sur un risque de désordre. Tout dépend des circonstances, lesquelles sont appréciées par le juge.
29. La Cour de cassation (10) devait rejeter le pourvoi contre cet arrêt, rendant expressément hommage à la "précision de ses motifs".
30. La jurisprudence se fixe peu à peu. En 1978, la cour de Paris (11) considère qu'un actionnaire est recevable à demander l'assistance d'un huissier de justice avec pour mission de prendre note de l'intégralité des débats ; mais c'est à la condition que la demande soit justifiée par des motifs gaves intéressant directement le fonctionnement de la société.
31. Dans l'arrêt précité rendu le 22 mars 1988 (n° 23), la Cour de cassation considère que la cour d'appel a "exactement énoncé" que seuls des motifs graves intéressant le fonctionnement de la société peuvent justifier la désignation d'un huissier de justice pour assister aux débats d'une assemblée. La désignation est justifiée en l'espèce dès lors que les documents accompagnant la requête établissaient l'existence de dissensions aiguës entre le groupe majoritaire et la minorité, cela laissant redouter que, non seulement les intérêts de ceux-ci, mais encore ceux de la société soient gravement lésés, la société ayant de surcroît refusé d'inscrire à l'ordre du jour des projets de résolutions proposés par la minorité.
32. En 1992 et selon une jurisprudence désormais bien établie, la cour d'appel de Paris (12) décide encore que le juge peut désigner un huissier de justice chargé d'établir une relation écrite complète des débats, dès lors que cette désignation répond à des motifs graves intéressant le fonctionnement de la société ; en l'espèce, les actionnaires s'opposaient parallèlement dans plusieurs instances civiles et pénales, de telle sorte que le compte rendu établi par le bureau de l'assemblée risquait fort de manquer de sincérité.
33. A notre avis, c'est d'une manière non restrictive que l'on peut entendre les "motifs graves intéressant le fonctionnement de la société" ; ils pourraient pareillement concerner la structure de la société.
34. D'autre part, ainsi que la décision de la Cour de cassation de 1988 le suggère, l'intérêt social pourrait devenir le principe régulateur essentiel, au-delà des oppositions entre groupes d'associés, ainsi que l'on peut l'observer dans d'autres mécanismes de l'intervention du juge dans les sociétés (mandat ad hoc, expertise de minorité, administration provisoire, abus de majorité, abus de minorité (13)).
2° - La présence d'un avocat
35. La question a donné lieu à une jurisprudence encore plus parsemée que pour l'huissier de justice. Bien plus, on ne connaît pas d'exemple de contentieux de l'intervention du juge des référés. C'est donc par extrapolation que l'on peut envisager la transposition pour l'avocat des principes et exceptions connus pour l'huissier. Avec toutefois quelques adaptations.
36. La première est à l'évidence que l'associé ne saurait demander la "désignation" d'un avocat. Il demande l'autorisation d'être accompagné de l'avocat de son choix. Corrélativement, la détermination de la mission de l'avocat est évidemment de la seule compétence des relations de ce dernier avec son client. La décision judiciaire est donc ici doublement limitée quant à son objet.
37. Limitée à ce point, la décision judiciaire est-elle nécessaire ? La question s'est trouvée posée dans un contentieux où l'associé prétendait pouvoir être accompagné de son avocat sans autorisation judiciaire. Plus précisément, l'associé demande la suspension des résolutions adoptées lors d'une assemblée qui a décidé sa révocation de ses fonctions de gérance et son exclusion en faisant valoir que ces mesures ont été prises au mépris des droits de la défense en ce que son avocat avait été empêché d'assister à cette assemblée.
38. On sait, en effet, que le principe du contradictoire investit peu à peu le droit des sociétés, qu'il s'agisse de la révocation d'un dirigeant (14) ou de l'exclusion d'un associé (15), les deux circonstances étant réunies en l'espèce.
39. Or, le respect de la contradiction est au service de l'exercice des droits de la défense et l'argument du demandeur consistait à faire considérer que l'assistance de son avocat était une modalité du respect des droits de sa défense. L'argument est habile, et il est suivi par la cour d'appel (16) qui, pour dire que la décision d'exclusion était constitutive d'un trouble manifestement illicite, retient qu'en l'absence de toute précision dans les statuts et les textes légaux et réglementaires applicables à ce type de société (une société d'exercice libéral) sur les modalités par lesquelles un associé menacé d'exclusion pouvait faire valoir sa défense, les associés ne pouvaient arbitrairement refuser à l'intéressée de mettre en oeuvre les moyens qu'elle estimait opportuns pour se défendre.
40. La cour ajoute : "[...] ces moyens étant ceux habituellement utilisés lorsqu'une personne est mise en cause et qu'en refusant, lors de cette assemblée générale, la présence d'un avocat aux côtés de Mme X, ses associés ont porté atteinte aux droits de celle-ci de se défendre sur les reproches formulés à son égard". L'enchaînement des arguments pouvait paraître péremptoire.
41. Pourtant, cet arrêt est censuré (17), au motif que l'assemblée de la société "n'était pas un organe juridictionnel ou disciplinaire, mais un organe de gestion interne à la société", ce dont il résultait qu'aucun trouble manifestement illicite n'était caractérisé.
42. La motivation est discutable : d'une part, l'avocat n'intervient pas que dans le contexte juridictionnel ou disciplinaire, mais aussi à titre de conseil, en particulier en droit des sociétés ; d'autre part, les qualifications du droit processuel mériteraient d'être vérifiées pour le cas d'une révocation et d'une exclusion qui définissent sans doute un litige donnant lieu à un contentieux. Il demeure que la Cour de cassation exprime une préférence pour la paix sociale (celle des sociétés). Dont acte.
43. L'enseignement pratique de cette décision est que l'associé qui entend être assisté de son avocat lors de l'assemblée de sa société devra avoir la prudence de faire le détour procédural d'une demande d'autorisation judiciaire.
44. Quant aux critères de l'autorisation judiciaire de la présence d'un avocat, la jurisprudence n'en donne pas d'exemple. Il est raisonnable de considérer que les critères dégagés à propos de la désignation d'un huissier de justice représentent une base de référence, du moins a minima.
45. En effet, il est envisageable, à notre avis, que l'avocat soit également autorisé dans des circonstances qui ne suffiraient pas à autoriser la désignation d'un huissier de justice, c'est-à-dire à caractériser des motifs graves intéressant le fonctionnement de la société. Il suffirait, à notre avis, que l'associé ait un motif légitime à être assisté de son avocat. Le statut de l'associé et la définition des droits professionnels de l'avocat sont de nature à justifier une telle solution.
46. Au demeurant, la décision judiciaire peut moduler l'autorisation en précisant les modalités de la présence de l'avocat à l'assemblée en lui permettant, par exemple, ou bien en ne lui permettant pas, d'y prendre la parole.
II - Les sanctions d'une présence non autorisée
47. Sauf erreur ou omission, la question demeure inédite en soi ; mais fort heureusement, des éléments de réflexion existent qui ne sont pas inédits.
La question se pose sur le plan d'éventuelles responsabilités civiles (A) et du point de vue d'une éventuelle annulation de l'assemblée (B).
A - Responsabilités civiles
48. Le premier type de sanction relève de l'application du droit commun de la responsabilité civile appliqué aux sociétés. Les dirigeants sociaux qui accueillent à l'assemblée une personne qui n'a pas qualité à y participer commettent une faute (violation des lois ou des statuts) de nature à engager leur responsabilité. Certes, ce sont le plus souvent des associés minoritaires et/ou contestataires qui formuleront la demande de la présence d'un huissier de justice, et en conséquence lesdits dirigeants auront de fait plutôt tendance à éviter ou à repousser une telle participation. Mais selon les circonstances, une telle présence peut éventuellement être le fait des dirigeants.
49. S'agissant de la présence d'un avocat, il semble raisonnable d'admettre que celle de l'avocat de la société soit toujours admissible par la nature des choses, dans la mesure où l'on peut considérer qu'elle contribue à la régularité de la vie sociale, et à celle de la tenue de l'assemblée en particulier.
50. La solution serait sans doute différente, en cas d'opposition avérée entre un dirigeant et un groupe significatif d'associés, de l'éventuelle présence de l'avocat personnel dudit dirigeant (même si en pratique il est vrai que la distinction est souvent subtile).
51. Toujours sur le plan de la responsabilité civile, on peut envisager celle des associés. La jurisprudence tient pour recevable une telle responsabilité, en particulier dans le contexte de leur participation à l'assemblée, qu'ils soient majoritaires ou minoritaires.
52. Ce peut être le cas non seulement lorsque le comportement relève d'une intention de nuire, mais aussi en l'absence d'une telle intention : il en est ainsi, par exemple, du non respect des droits de la défense et de la loyauté dans les rapports sociaux (18). Tel pourrait être le cas de la présence non autorisée d'un tiers imposée par une majorité fautive d'associés.
53. Plus généralement, la jurisprudence admet la qualification de faute de l'associé dans l'exercice de son droit de vote (19) et il suffit, pour finir de s'en convaincre, de faire référence aux "théories" jurisprudentielles de l'abus de majorité et de l'abus de minorité (20).
54. Observons au passage que ce risque de responsabilité doit éclairer la question de savoir si l'autorisation de la présence d'un tiers peut émaner d'une décision de l'assemblée ; de ce point de vue également, mieux vaut reconnaître sur ce point la seule compétence judiciaire.
B - Annulation de l'assemblée ?
55. Aux termes de l'article L. 235-1, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L6338AIL), "la nullité d'une société ou d'un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d'une disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats". Quant aux autres assemblés, leur nullité "ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent livre ou des lois qui régissent les contrats". Selon l'article 1844-10, alinéa 3, du Code civil (N° Lexbase : L2030ABS), "la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent titre ou de l'une des causes de nullité des contrats en général". Etant donné qu'il n'existe pas de disposition expresse visant l'annulation d'une assemblée modifiant les statuts d'une société commerciale pour présence d'une personne non autorisée, la question ne se pose donc que sur le point de savoir s'il y a ici matière à une disposition impérative.
56. Pour apprécier si une règle de droit des sociétés est "impérative", c'est la raison d'être de la disposition qui doit être prise en compte, davantage que les termes de sa formulation ou sa forme législative ou réglementaire et l'interprétation de cette disposition soulève des difficultés animées par la contradiction entre la volonté législative de cantonner le domaine des nullités et le souci d'assurer une certaine effectivité au contenu de la règle de droit.
57. En l'absence de toute jurisprudence sur ce point, il est difficile de dire si la présence d'une personne non autorisée est susceptible d'entraîner la nullité de l'assemblée. En réalité, la question se subdivise en deux. La première question est de savoir s'il s'agit de la violation d'une disposition impérative de la loi. L'interprète aura tendance à supposer que non ; mais il n'a aucune autorité pour en décider. Par contre, c'est sur un second plan que la question, si elle se pose, peut fort probablement trouver sa solution.
58. La jurisprudence tire conséquence de la structure des textes, qui énoncent que la nullité "ne peut résulter que" des cas qu'ils définissent, pour en déduire que la nullité demeure facultative. Les exemples abondent. Les juges saisis d'une demande d'annulation de l'assemblée irrégulièrement convoquée ne sont pas liés par la constatation de l'existence d'une telle irrégularité (21). Une assemblée convoquée par un conseil d'administration irrégulièrement désigné n'est pas nulle de plein droit (22). L'annulation de l'assemblée convoquée par un organe irrégulièrement composé n'est qu'une faculté pour le juge (23). Les associés sont convoqués, à peine de nullité en cas de grief (a contrario : pas de nullité sans un tel grief), quinze jours au moins avant la réunion de l'assemblée (24).
59. De cette jurisprudence abondante et constante, il est raisonnable de déduire que sauf cas tout à fait exceptionnel, la présence d'une personne non autorisée à l'assemblée d'une société ne sera pas constitutive d'une cause de nullité de cette assemblée.
(1) D. Vidal et K. Luciano, Droit général des sociétés, Gualino, 2015, n° 1474 à 1533.
(2) Rapport annuel COB pour 1974, p. 22 ; bulletin COB, juillet 1979, p. 10 ; rapport annuel COB pour 1982, p. 22.
(3) D. Vidal et K. Luciano, Droit spécial des sociétés, Gualino, 2015, n° 483/688.
(4) Rapport annuel COB pour 1982, p. 22.
(5) S. de Vendeuil, Accès de l'huissier aux assemblées générales, JCP éd. E, 1er avril 1993, act.100080.
(6) Cass. com., 22 mars 1988, n° 86-16.785 (N° Lexbase : A7754AAG), Rev. jur. com., 1989, p.111 ; Rev. sociétés,1988, 261
(7) Cass. civ. 2, 18 novembre 1992, n° 91-16.447 (N° Lexbase : A5961AHA), RJDA, n° 1/1993, p.16 ; D.,1993, 91.
(8) T. com. Seine, 12 octobre 1945, Rev. sociétés, 1946, p.172, note Dalsace ; CA Douai, 15 juillet 1948, JCP, 1949, II, 5057, note Bastian.
(9) CA Colmar, 30 juillet 1975, D., 1976, 47, note J.-J. Burst ; Rev. sociétés, 1976, 493, note J.G. ; RTDCom., 1976, 576, n° 38.
(10) Cass. com., 15 février 1977, n° 75-14.672 (N° Lexbase : A3192AGC) ; JCP éd G, 1979, II, 19020, note J.-J. Burst.
(11) CA Paris, 15 novembre 1978 ; Rev. sociétés, 1979, 338, note J. G..
(12) CA Paris, 14ème ch., sect. B, 21 février1992, n° 91/2478 (N° Lexbase : A4288A39); D., 1992, IR 151 ; Rev. sociétés, 1992, 558.
(13) Cf. D. Vidal et Luciano, Cours de droit général des sociétés, Gualino, 2015, n° 1696 à 1889.
(14) Cass. com., 24 février 1998, n° 95-12.349 (N° Lexbase : A0023AUE), Rev. sociétés, 1998, p. 571, Dr. sociétés, juin 1998, nº 94, p. 14, nos obs. ; CA Paris, 25ème ch., sect. B, 4 septembre 1998, n° 1996/88734 (N° Lexbase : A5956DH3), RJ com., 1999, p. 366, nos obs. ; CA Paris, 5ème ch., sect. B, 28 janvier 1999, n° 1997/09415 (N° Lexbase : A7592A3L), Bull. Joly Sociétés, 1999, p. 1001, § 2365, note C. Ruellan, Dr. sociétés, mai 1999, nº 81, p. 18, nos obs. ; CA Paris, 24 novembre 1998, Dr. sociétés, février 1999, nº 25, p. 15, nos obs. ; CA Versailles, 4 octobre 2001, n° 98/05192 (N° Lexbase : A3328A4Z), Bull. Joly Sociétés, 2001, p. 1282, § 277, P. Le Cannu, Dr. sociétés, mars 2002, nº 45, F.-X. Lucas ; Cass. com., 12 mai 2004, n° 00-19.415, F-D (N° Lexbase : A1892DC3), JCP éd. E, 2004, 914 ; Cass. com., 30 novembre 2004, n° 01-15.382, F-D (N° Lexbase : A1153DEG), Bull. Joly Sociétés, mars 2005, p. 3876, § 76, P. Le Cannu.
(15) Cass. com., 13 juillet 2010, n° 09-16.156, FS-P+B (N° Lexbase : A6801E4N), RTDCom., 2011.727, obs. C. Champaud, D. Danet ; Dr. sociétés, 2010, comm. 200, note H. Hovasse ; D. Gibirila, L'exclusion d'un associé d'une société coopérative à capital variable, Lexbase Hebdo n° 407 du - édition privée (N° Lexbase : N0409BQ9).
(16) CA Rennes, 5 avril 2005.
(17) Cass. com., 10 mai 2006, n° 05-16.909, FS-P+B (N° Lexbase : A3792DP7), Bull. Joly Sociétés, 2006, § 239, p.1154, note J.-J. Daigre ; Dr. Sociétés, juillet 2006, comm. 110, H. Hovasse.
(18) CA Versailles, 29 mars 2007, n° 06/01432 (N° Lexbase : A6197DY8), Bull. Joly Sociétés, 2007, § 273, p.973, note S. Messai-Bahri.
(19) Cass. com., 13 mars 2001, n° 98-16.197 (N° Lexbase : A0074ATW), Bull. Joly Sociétés, 2001, § 192, p.891, note C. Prieto ; Dr. sociétés, 2001, n° 78, note Th. Bonneau.
(20) Adde, I. Parachkevova, L'associé responsable, Bull. Joly Sociétés, 2015, p. 165.
(21) Cass. com., 6 juillet 1983, n° 82-12.910 (N° Lexbase : A3729AG9), Rev. sociétés, 1984, p. 76, Y. Guyon ; CA Paris, 3ème ch., sect. A, 8 avril 1986, n° M 4331 (N° Lexbase : A9467A7R), JCP éd. E, 1986, I, 15846 ; CA Paris, 3ème ch., sect. A, 15 novembre 1988, n° 87-11577 (N° Lexbase : A3683ILY), JCP éd. E 1989, II, 15562 ; Cass. com., 5 décembre 2000, n° 98-13.904 (N° Lexbase : A1244AIW), Bull. Joly Sociétés, 2001, p. 262, § 71, note P. Le Cannu, JCP éd. E, 2001, 897, Dr. aff., 2001, p. 239, A. Lienhard.
(22) Cass. com., 9 juillet 2002, n° 99-10.453, FS-P (N° Lexbase : A0967AZT), JCP éd. E, 2002, p. 1555 ; Dr. sociétés, décembre 2002, n° 222, F.-X. Lucas ; RTDCom., 2002, p. 692 ; Bull. Joly Sociétés, 2002, p. 939, A. Couret ; Rev. sociétés, 2002, p. 716, Y. Guyon.
(23) Cass. civ. 3, 24 septembre 2003, n° 02-13.039, FS-D (N° Lexbase : A6344C9T), Dr. sociétés, févr. 2004, p. 16, n° 21, F.-X. Lucas.
(24) Cass. mixte, 16 décembre 2005, n° 04-10.986, FS-P (N° Lexbase : A0530DML) Rev. sociétés, 2006, p. 327, note B. Saintourens ; Bull. Joly Sociétés, 2006, § 107, p. 536, note L. Grosclaude.
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