La lettre juridique n°611 du 7 mai 2015 : Avocats/Responsabilité

[Brèves] Caractérisation de l'ingérence disproportionnée dans le droit à la liberté d'expression d'un avocat critiquant publiquement le dysfonctionnement de la justice

Réf. : CEDH, 23 avril 2015, Req. n° 29369/10 (N° Lexbase : A0406NHI)

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le 13 Mai 2015

La condamnation d'un avocat pour complicité de diffamation s'analyse en une ingérence disproportionnée dans son droit à la liberté d'expression, dès lors que la critique d'un magistrat s'inscrit dans le cadre d'un débat général relatif aux dysfonctionnements de la justice. Tel est l'apport de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme du 23 avril 2015 (CEDH, 23 avril 2015, Req. n° 29369/10 N° Lexbase : A0406NHI). En l'espèce, un avocat et son confrère adressèrent une lettre à la Garde des Sceaux dans le cadre de l'instruction sur le décès du juge B.. Ils saisirent la ministre de la Justice en raison "du comportement parfaitement contraire aux principes d'impartialité et de loyauté, des magistrats instructeurs, Mme M. et M. L.L." et demandèrent que soit ordonnée une enquête. Le lendemain parut un article dans lequel un journaliste relatait que les avocats avaient "vivement" mis en cause la juge M. auprès de la Garde des Sceaux. Il était précisé que la juge semblait "avoir omis de coter et de transmettre une pièce de procédure à son successeur". Les deux magistrats mis en cause déposèrent plainte avec constitution de partie civile, pour diffamation publique envers un fonctionnaire public, contre le directeur du journal, l'auteur de l'article et le requérant. Le requérant fut déclaré coupable de complicité du délit de diffamation envers un fonctionnaire public. Dans un arrêt du 11 juillet 2013 (CEDH, 11 juillet 2013, Req. 29369/10 N° Lexbase : A0946KKA), la CEDH a considéré que la condamnation du requérant ne s'analysait pas en une violation de l'article 10 de la CESDH (N° Lexbase : L4743AQQ). En effet, en raison du rôle clé de l'avocat dans le fonctionnement de la justice et de la gravité des accusations lancées dans l'article, les juridictions internes avaient pu, à juste titre, être convaincues que ces propos, prononcés par un avocat, étaient graves et injurieux et qu'ils étaient susceptibles de saper inutilement la confiance du public à l'égard de l'institution judiciaire. La grande Chambre considère, quant à elle, que les propos reprochés au requérant ne constituent pas des attaques gravement préjudiciables à l'action des tribunaux dénuées de fondement sérieux, mais des critiques, exprimées dans le cadre d'un débat d'intérêt général relatif au fonctionnement de la justice et dans le contexte d'une affaire au retentissement médiatique important depuis l'origine. Il s'agit d'un jugement de valeurs reposant sur une "base factuelle" suffisante. Conséquemment, l'atteinte à l'article 10 de la CESDH est caractérisée (cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E4103ET7) et cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E1682EUT).

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