La lettre juridique n°611 du 7 mai 2015 : QPC

[Chronique] QPC : évolutions procédurales récentes - Janvier à Mars 2015

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N7196BU3

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[Chronique] QPC : évolutions procédurales récentes - Janvier à Mars 2015. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/24336909-chronique-qpc-evolutions-procedurales-recentes-janvier-a-mars-2015
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par Mathieu Disant, Agrégé des facultés de droit, Professeur à l'Université Lyon Saint-Etienne

le 07 Mai 2015

La question prioritaire de constitutionnalité est à l'origine d'une jurisprudence abondante du Conseil constitutionnel comme du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation. Cette chronique trimestrielle, rédigée par Mathieu Disant, Agrégé de droit public, Professeur à l'Université Lyon Saint-Etienne, Membre du CERCRID (CNRS / UMR 5137), Membre du Centre de recherche en droit constitutionnel de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Chercheur associé au Centre de recherche sur les relations entre le risque et le droit (C3RD), Expert international, s'attache à mettre en exergue les principales évolutions procédurales de la QPC, les apports au fond du droit étant quant à eux traités au sein de chacune des rubriques spécialisées de la revue. Le 2 février 2015, le Conseil constitutionnel a reçu une délégation de la Cour de cassation. Cette rencontre a permis d'échanger sur quelques difficultés dans le fonctionnement de la QPC, notamment certaines problématiques liées à l'applicabilité au litige de la disposition contestée, à la motivation du caractère sérieux de la question dans les décisions de renvoi d'une QPC au Conseil constitutionnel, à l'intensité du contrôle dans l'appréciation du caractère sérieux de la QPC. Ont été aussi abordées les questions relatives à la formulation des réserves d'interprétation et leur interprétation, l'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le contrôle des lois de validation, ainsi que les effets dans le temps des déclarations d'inconstitutionnalité, en particulier en cas de report dans le temps de la date de l'abrogation des dispositions législatives. Ce genre d'initiative permet de donner forme au fameux "dialogue des juges".

La période examinée signe l'anniversaire de la QPC, entrée en vigueur le 1er mars 2010. Une note diffusée par les services du Conseil constitutionnel dresse un bilan chiffré des cinq années écoulées. Au 1er mars 2015, le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation ont saisi le Conseil constitutionnel de 465 QPC, avec respectivement 258 et 207 décisions de renvoi. Auxquelles s'ajoutent les cinq QPC soulevées directement devant le Conseil constitutionnel à l'occasion du contentieux électoral, dont la décision n° 2014-4909 SEN du 23 janvier 2015 (N° Lexbase : A8059M9D). Avec le jeu des jonctions, le Conseil constitutionnel a rendu 395 décisions : 56,2 % de décisions de conformité, 14,1 % de conformité sous réserve, 14,6 % de non-conformité totale, 9,3 % de non-conformité partielle, 4,5 % de non-lieu et 1,3 % relatives à des aspects de procédure. Au fond, certaines tendances se confirment : les dispositions annulées concernent majoritairement le droit pénal ou la procédure pénale, devant le droit fiscal ou la procédure fiscale, le droit processuel, le droit de l'environnement, la santé publique... Le délai moyen de jugement est de soixante-dix jours.

I - Champ d'application

A - Normes contrôlées dans le cadre de la QPC

1 - Notion de "disposition législative"

Des dispositions législatives qui se bornent à délimiter le champ de l'habilitation donnée au Gouvernement sur le fondement de l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L0864AHH) pour prendre par ordonnance des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ne sont, par leur nature même, pas susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit (CE 9° et 10° s-s-r., 23 janvier 2015, n° 380339, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9910M9W). La QPC dirigée contre ces dispositions n'est donc ni nouvelle, ni sérieuse, elle est en quelque sorte structurellement sans prise pour être renvoyée. On retrouve la démarche qui a conduit à juger, dés les débuts de la QPC, que les lois de programmation et les lois de ratification d'un accord ou Traité international ne sont jamais "applicables" au litige (1). Bien entendu, la règle ici énoncée ne vaut que si la loi se borne bien à habiliter le Gouvernement. On ajoutera qu'il ne s'agit en réalité que de différer le contrôle, celui-ci pouvant être opéré lors d'un recours devant le juge administratif contre l'ordonnance ou devant le Conseil constitutionnel, s'agissant de la loi de ratification.

Dans la décision n° 2015-460 QPC du 26 mars 2015 (N° Lexbase : A4635NEE), le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions qui ne sont jamais entrées en vigueur faute de décret d'application sont insusceptibles d'avoir porté atteinte à un droit ou une liberté que la Constitution garantit. De telles dispositions ne peuvent donc faire l'objet d'une QPC. Ce raisonnement rejoint celui retenu, avec la même conclusion, s'agissant de dispositions législatives abrogées avant leur entrée en vigueur (2).

2 - Statut de l'interprétation de la loi

Sur la question du contrôle par le Conseil constitutionnel de "la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante" confère à la loi, le Conseil d'Etat considère implicitement que cette interprétation peut être donnée par le juge du filtre pour la première fois à l'occasion d'une demande de renvoi d'une QPC (CE 1° et 6° s-s-r., 21 janvier 2015, n° 382902, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6826M9P). Il s'agit ici de l'article L. 111-3 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7775IMW). Au-delà de rappeler le régime applicable à la reconstruction à l'identique, le Conseil d'Etat fixe le point de départ du délai de prescription eu égard à l'entrée en vigueur de la loi. On comprend que l'examen du caractère sérieux suppose de donner un sens à la disposition critiquée, mais cette position peut conduire à des applications discutables, notamment si elle glisse sur une interprétation conforme.

3 - Disposition n'ayant pas déjà été déclarée conforme à la Constitution

La définition du "déjà jugé" connaît un nouveau développement. Le Conseil d'Etat a considéré qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer une QPC lorsque les dispositions contestées sont "identiques, dans leur substance et dans leur rédaction" à celles que le Conseil constitutionnel a, dans une précédente décision QPC et à propos d'un texte formellement distinct, déclaré contraires à la Constitution (CE 9° et 10° s-s-r., 16 janvier 2015, n° 386031, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4788M99). Selon le Conseil d'Etat, il appartient au juge saisi d'un litige portant sur l'application de ces dispositions identiques antérieures de le constater, sans qu'il y ait lieu de saisir le Conseil constitutionnel d'une nouvelle QPC, dès lors qu'au regard des dispositions l'article 62, alinéa 2, de la Constitution (N° Lexbase : L0891AHH), d'une part, les dispositions en cause ont auparavant été abrogées, de sorte qu'une nouvelle décision du Conseil constitutionnel ne pourrait avoir cet effet, et, d'autre part, que le litige soumis au juge est au nombre de ceux pour lesquels le requérant peut, en vertu de la décision du Conseil constitutionnel, bénéficier des effets de la déclaration d'inconstitutionnalité prononcée par cette décision. De sorte qu'une QPC dirigée contre les dispositions identiques aux dispositions postérieures déclarées contraires à la Constitution est sans objet.

On retiendra que cette solution extensive donne à l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel toute sa portée substantielle. Elle vise la situation dans laquelle la QPC porte sur une autre version, antérieure ou postérieure, de la disposition déjà déclarée inconstitutionnelle. Cette version en est formellement distincte dès lors qu'elle a été déplacée dans une autre loi ou recodifiée, mais elle est matériellement similaire, voire rigoureusement identique. Le Conseil d'Etat renonce ici à raisonner texte par texte, ce qui conduirait à renvoyer une QPC par version et nuirait, au final, au fonctionnement utile de la procédure. Cette position rejoint celle adoptée par le Conseil constitutionnel, au terme d'une démarche partiellement comparable, dans sa décision n° 2013-349 QPC du 18 octobre 2013 (N° Lexbase : A0316KNZ) (v. nos observations dans cette chronique). Elle reste tout de même attachée à la situation subjective d'un requérant qui n'a plus rien à obtenir d'une nouvelle QPC.

Dans la décision n° 2015-460 QPC du 26 mars 2015 (N° Lexbase : A4635NEE), le Conseil constitutionnel a vérifié si un changement des circonstances était bien intervenu depuis sa décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999 (N° Lexbase : A8782ACA), de nature à justifier le réexamen du premier alinéa, ainsi que des première et dernière phrases du deuxième alinéa de l'article L. 380-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3416HWG). Pour ce faire, le Conseil a relevé que la définition du revenu fiscal de référence auquel renvoie l'article contesté avait fait l'objet de nombreuses modifications, en particulier en élargissant l'assiette de la cotisation. Il s'agit bien entendu d'un changement de circonstances de droit qui avait déjà été qualifié comme tel par le Conseil d'Etat lors du renvoi.

B - Normes constitutionnelles invocables

1 - Notion de "Droits et libertés que la Constitution garantit"

Dans sa décision n° 2014-450 QPC du 27 février 2015 (N° Lexbase : A3409NCA), le Conseil a considéré que le grief tiré de l'incompétence négative du législateur dans des conditions affectant la liberté d'aller et de venir était opérant à l'encontre de la sanction disciplinaire des arrêts. Il s'agit d'un ajustement assez fin de la jurisprudence sur l'incompétence négative. Il en ressort que le seul fait qu'une sanction soit prévue par un régime disciplinaire n'est pas, à lui seul, suffisant pour permettre en toute hypothèse d'écarter tout grief tiré de l'incompétence négative du législateur. Un tel grief est opérant dès lors que sont en cause des droits ou libertés constitutionnellement garantis qu'il incombe au législateur de protéger. En l'espèce, alors que d'autres sanctions n'auraient sans doute pas appelé la même réponse, la sanction des arrêts, qui a pour effet de restreindre la possibilité pour le militaire de se déplacer comme il le souhaite en dehors des heures de service, met en jeu la liberté d'aller et de venir, laquelle est protégée par les articles 2 (N° Lexbase : L1366A9H) et 4 (N° Lexbase : L1368A9K) de la Déclaration de 1789 et il incombe au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales des militaires. La disposition sera toutefois jugée conforme compte tenu des obligations particulières attachées à l'état militaire.

Dans sa décision n° 2014-455 QPC du 6 mars 2015 (N° Lexbase : A7734NCG), le Conseil constitutionnel a expressément jugé, sur le fondement de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D), "qu'est garanti par cette disposition le droit des personnes à exercer un recours juridictionnel effectif qui comprend celui d'obtenir l'exécution des décisions juridictionnelles". Autrement dit, l'obtention de l'exécution des décisions juridictionnelles est un droit bénéficiant d'une garantie constitutionnelle. Le Conseil rejoint une solution analogue à celle de la CEDH, cette dernière jugeant que le droit à l'exécution des décisions de justice constitue l'un des aspects du droit à un tribunal impartial, garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) (3). En l'espèce, le Conseil juge que les dispositions contestées ne privent pas ce droit de garanties légales.

Dans sa décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015 (N° Lexbase : A7983NDZ), le Conseil constitutionnel a modifié son considérant de principe en ce qui concerne le cumul de poursuites dans la mesure où les limites constitutionnelles à un tel cumul résultent tant du principe de nécessité des peines que de celui des délits. Il juge désormais : "Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P) : 'La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée' ; que les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition ; que le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction ; que, si l'éventualité que soient engagées deux procédures peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues".

2 - Normes constitutionnelles exclues du champ de la QPC

Dans l'affaire n° 2014-439 QPC du 23 janvier 2015, relative à la déchéance de nationalité (N° Lexbase : A8044M9S), le requérant sollicitait du Conseil constitutionnel qu'il pose deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne, en s'appuyant sur le précédent de la décision n° 2013-314P QPC du 4 avril 2013 (N° Lexbase : A4672KBN). Cette demande avait pour objet de vérifier si le droit interne est compatible avec le droit de l'Union européenne. Elle a été écartée, par un raisonnement a fortiori, en raison de l'incompétence du Conseil constitutionnel pour exercer le contrôle de conventionalité de la loi (4). Le Conseil s'en tient fermement à cette position, plusieurs fois réitérée, notamment lorsqu'a été invoquée l'incompatibilité avec la Directive "retour" (Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats-membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier N° Lexbase : L3289ICS) des dispositions incriminant le séjour irrégulier en France qui n'en constituait pas la transposition (5).

Dans sa décision n° 2015-459 QPC du 26 mars 2015 (N° Lexbase : A4634NED), le Conseil constitutionnel a jugé que le neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 "n'institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit". Il en a déduit que "sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ)". Le Conseil entend ici transposer le raisonnement déjà retenu pour d'autres exigences constitutionnelles qui s'adressent au législateur et non aux individus et qui ne créent aucun droit dans le chef de ces derniers. Il en est ainsi de l'article 6 de la Charte de l'environnement (6), ou de l'article 14 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1361A9B) (7).

II - Procédure devant les juridictions ordinaires

1 - Introduction de la requête

La notion de "partie" n'est pas toujours claire. La QPC conduit le Conseil d'Etat à faire une utile précision en jugeant que doit être regardée comme partie, ayant à ce titre qualité pour soulever une QPC, la personne ayant été invitée à présenter des observations et qui, si elle ne l'avait pas été, aurait eu qualité pour former tierce opposition (CE 3° et 8° s-s-r., 30 mars 2015, n° 387322, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6891NEX). On décèle ici une extension du critère retenu en droit commun. Cela permet de trier, parmi ceux qui se présentent en apparence comme des "observateurs" ou des "intervenants", ceux qui le sont réellement et ceux qui présentent un lien plus étroit avec le procès. L'interdiction de soulever une QPC ne vaut que pour les premiers, non pour les seconds qui bénéficient de droits réservés aux parties.

2 - Refus de transmission

Les conditions de contestation d'un refus de transmission sont facilitées. Le refus de transmettre une QPC, opposé par une cour avant de rejeter une demande de sursis à exécution d'un jugement frappé d'appel, peut être contesté à l'occasion du pourvoi contre l'arrêt ayant refusé le sursis à exécution (CE 3° et 8° s-s-r., 28 janvier 2015, n° 382605, publié au recueil Lebon [LXB=A6923NAN)]). La circonstance que cet arrêt ne puisse que difficilement être regardé comme "réglant tout ou partie du litige" semble sans portée.

III - Procédure devant le Conseil constitutionnel

A - Organisation de la contradiction

1 - Interventions devant le Conseil constitutionnel

Dans la note précitée diffusée par les services du Conseil constitutionnel, il est mentionné que le Conseil constitutionnel a été saisi de 427 demandes d'intervention dans 108 dossiers (soit dans 24 % des dossiers enregistrés). Ces interventions ont été largement admises : 357 d'entre elles ont été jugées recevables (soit 83,6 % des interventions reçues). 70 demandes en intervention ont fait l'objet d'un rejet, pour défaut d'intérêt spécial ou de motivation, ou pour cause de tardiveté.

La période examinée illustre une nouvelle fois cette tendance, dans différentes hypothèses. Dans l'affaire n° 2014-448 QPC du 6 février 2015 (N° Lexbase : A9202NA3), une personne placée dans une situation analogue à celle du requérant a été admise à intervenir dans la procédure et a soutenu des arguments semblables. Dans l'affaire n° 2014-449 QPC du 6 février 2015 (N° Lexbase : A9203NA4), la Fédération française des sociétés d'assurances est intervenue pour produire un grief complémentaire à l'encontre de cette procédure de transfert, fondé sur une privation patrimoniale contraire aux exigences des articles 2 et 17 (N° Lexbase : L1364A9E) de la Déclaration de 1789. Dans l'affaire, n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015, diverses personnes ont demandé à intervenir à la procédure. Le Conseil, s'il a admis les interventions de certaines d'entre elles, a, en revanche, refusé d'admettre l'intervention de l'Agence française de lutte contre le dopage. A noter aussi de multiples interventions, en soutien et en défense, dans l'affaire n° 2015-459 QPC du 26 mars 2015 (N° Lexbase : A4634NED), portant sur le droit de présentation des greffiers des tribunaux de commerce. Enfin, l'Union nationale des associations citoyennes de santé est intervenue dans l'affaire n° 2015-458 QPC du 20 mars 2015, relative à l'obligation de vaccination (N° Lexbase : A0005NEW).

2 - Déport des membres du Conseil constitutionnel

Dans l'affaire n° 2014-439 QPC du 23 janvier 2015 (N° Lexbase : A8044M9S), à la suite d'une demande du requérant, le président Jean-Louis Debré a estimé devoir s'abstenir de siéger. Le déport du président conduit le doyen d'âge à présider l'audience et la séance de délibéré. La présidence par intérim a ainsi été assurée par Lionel Jospin.

B - Réserves d'interprétation

Dans la décision n° 2014-437 QPC du 20 janvier 2015 (N° Lexbase : A4823M9I), le Conseil constitutionnel formule une réserve d'interprétation fondée sur le principe d'égalité devant les charges publiques. Il retient que "les dispositions contestées ne sauraient [...] sans porter une atteinte disproportionnée [à ce principe], faire obstacle à ce que, à l'instar de ce que le législateur a prévu pour d'autres dispositifs fiscaux applicables aux opérations réalisées dans un État ou un territoire non coopératif [...], le contribuable puisse être admis à apporter la preuve de ce que la prise de participation dans une société établie dans un tel Etat ou territoire correspond à des opérations réelles qui n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre, dans un but de fraude fiscale, la localisation de bénéfices dans un tel Etat ou territoire". On retrouve ici une jurisprudence désormais établie sur les présomptions poursuivant un objectif de lutte contre la fraude fiscale. Celles-ci ne sauraient être irréfragables.

Dans la décision n° 2014-451 QPC du 13 février 2015 (N° Lexbase : A3006NBX), qui constitue la dixième décision QPC en matière d'expropriation, le Conseil énonce une réserve directive. Si le Conseil juge que le législateur avait circonscrit précisément les circonstances dans lesquelles la consignation vaut paiement (et autorise donc la prise de possession) et avait subordonné cette possibilité à une autorisation du juge, il borne précisément ce tempérament à la règle du caractère préalable du paiement intégral de l'indemnité d'expropriation entre les mains de l'exproprié au jour de la prise de possession. La réserve porte sur la réparation du préjudice éventuel résultant de l'écart entre le montant de l'indemnité versée à l'expropriant lors de la prise de possession et l'indemnité définitivement due. Elle repose sur le principe de l'indemnisation de l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation. Dès lors que l'indemnité n'est pas intégralement perçue au jour de la perte de possession du bien exproprié, alors même que cela n'est pas du fait de l'exproprié, il pourrait en résulter un préjudice pour ce dernier. C'est pour prévenir cette hypothèse que le Conseil précise, dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 15-2 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (N° Lexbase : L9122IWR), que "lorsque l'indemnité définitivement fixée excède la fraction de l'indemnité fixée par le juge de première instance qui a été versée à l'exproprié lors de la prise de possession du bien, l'exproprié doit pouvoir obtenir la réparation du préjudice résultant de l'absence de perception de l'intégralité de l'indemnité d'expropriation lors de la prise de possession".

Dans la décision n° 2015-460 QPC du 26 mars 2015 (N° Lexbase : A4635NEE), le Conseil a considéré que "l'assiette de la cotisation [en cause] ne saurait, sans méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques, inclure des revenus du foyer fiscal qui ont déjà été soumis à une cotisation au titre de l'affiliation d'une personne à un régime d'assurance maladie obligatoire". Cette réserve a un effet neutralisant pour l'avenir. Dans l'hypothèse où le pouvoir réglementaire souhaiterait dans le futur, à législation inchangée, modifier les modalités de prise en compte des revenus du foyer fiscal pour établir la cotisation d'assurance maladie des résidents français travaillant en Suisse, il sera tenu de respecter cette réserve.

C - Effets dans le temps des décisions du Conseil constitutionnel

a) Application immédiate

Dans la décision n° 2014-436 QPC du 15 janvier 2015 (N° Lexbase : A1942M9S), le Conseil a abrogé avec effet immédiat le troisième alinéa de l'article 760 du CGI (N° Lexbase : L5758I7E) qui prévoit que, lorsqu'une créance à terme a été soumise à l'impôt sur une base estimative en application du deuxième alinéa de ce même article, le créancier est tenu de déclarer toute somme supplémentaire recouvrée postérieurement à l'évaluation en sus de celle-ci. Il a jugé que ces dispositions "instituent des modalités de fixation de l'assiette de l'impôt qui sont sans rapport avec l'appréciation des facultés contributives des contribuables assujettis à l'impôt". Il précise que la déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de la décision. La conséquence de cette censure est que les créances à terme ayant fait l'objet d'une déclaration estimative sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 760 du CGI seront soumises au régime de droit commun des créances exigibles, c'est-à-dire le régime prévu par l'article 758 du même code (N° Lexbase : L8114HL4).

C'est aussi avec effet immédiat que le Conseil a censuré le 8° du paragraphe I de l'article L. 612-33 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L8592I7D), eu égard au nombre très faible de cas de mise en oeuvre de ce dispositif et de la gravité de l'atteinte portée au droit de propriété (Cons. const., décision n° 2014-449 QPC du 6 février 2015 N° Lexbase : A9203NA4).

b) Modulation dans le temps des effets de la décision

Dans sa décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015, confronté à des dispositions de coordination de deux répressions, le Conseil reporte les effets de sa déclaration d'inconstitutionnalité au 1er septembre 2016. D'une part, il a considéré que si l'abrogation de l'une seule des incriminations contestées -le délit d'initié ou le manquement d'initié- était de nature à faire cesser l'inconstitutionnalité constatée, il ne disposait pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement lui permettant d'effectuer un tel choix et qu'au surplus, il appartenait au législateur de déterminer, parmi les nombreuses solutions de nature à remédier à l'inconstitutionnalité, celle devant être retenue. D'autre part, il a jugé que l'abrogation prononcée aurait, en l'absence de report dans le temps, des conséquences manifestement excessives dès lors qu'elle aurait pour effet "d'empêcher toute poursuite et de mettre fin à celles engagées à l'encontre des personnes ayant commis des faits qualifiés de délit ou de manquement d'initié, que celles-ci aient ou non déjà fait l'objet de poursuites devant la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers ou le juge pénal". En attendant, le Conseil a fait cesser l'inconstitutionnalité en jugeant que "des poursuites ne pourront être engagées ou continuées sur le fondement de l'article L. 621-15 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5045IZU) à l'encontre d'une personne autre que celles mentionnées au paragraphe II de l'article L. 621-9 du même code (N° Lexbase : L3760I3N), dès lors que des premières poursuites auront déjà été engagées pour les mêmes faits et à l'encontre de la même personne devant le juge judiciaire statuant en matière pénale sur le fondement de l'article L. 465-1 du même code (N° Lexbase : L5192IXL) ou que celui-ci aura déjà statué de manière définitive sur des poursuites pour les mêmes faits et à l'encontre de la même personne ; que, de la même manière, des poursuites ne pourront être engagées ou continuées sur le fondement de l'article L. 465-1 du Code monétaire et financier dès lors que des premières poursuites auront déjà été engagées pour les mêmes faits et à l'encontre de la même personne devant la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers sur le fondement des dispositions contestées de l'article L. 621-15 du même code ou que celle-ci aura déjà statué de manière définitive sur des poursuites pour les mêmes faits à l'encontre de la même personne".

Le Conseil a également reporté au 1er janvier 2016 l'abrogation des dispositions des 2°, du 3° et du treizième alinéa de l'article L. 4231-4 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L5521IE9) (Cons. const., décision n° 2014-457 QPC du 20 mars 2015 N° Lexbase : A0004NEU). Il était difficile de faire autrement dans la mesure où les alinéas censurés n'étant pas réservés à la composition du conseil national de l'Ordre des pharmaciens lorsqu'il siège en matière disciplinaire, mais s'appliquant à la composition de ce conseil pour l'exercice de l'ensemble de ses attributions. Une censure immédiate aurait donc entraîné des conséquences manifestement excessives. L'effet utile de la décision a toutefois été conservé, par le biais d'une réserve d'interprétation transitoire. Le Conseil a considéré qu'"à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que, jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu'au 31 décembre 2015, les représentants de l'Etat ne siègeront plus au conseil national de l'ordre des pharmaciens statuant en formation disciplinaire". En outre, il a précisé que les décisions rendues par le conseil national de l'Ordre des pharmaciens statuant en matière disciplinaire avant la décision du 20 mars 2015 commentée ne peuvent, en principe, pas être remises en cause sur le fondement de l'inconstitutionnalité constatée, sauf "si une partie l'a invoquée à l'encontre d'une décision n'ayant pas acquis un caractère définitif au jour de la publication de la présente décision".


(1) CE 9° et 10° s-s-r., 14 mai 2010, n° 312305, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1851EXT) ; CE 1° et 6° s-s-r., 18 juillet 2011, n° 340512, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3184HWT) ; CE 6° s-s., 22 février 2012, n° 354287, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3429IDD).
(2) Cons. const., décision n° 2011-219 QPC du 10 février 2012 (N° Lexbase : A3098ICQ).
(3) CEDH, 19 mars 1997, Req. 107/1995/613/701 (N° Lexbase : A8438AWG).
(4) Cons. const., décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 (N° Lexbase : A7913AC3).
(5) Cons. const., décision n° 2011-217 QPC du 3 février 2012 (N° Lexbase : A6684IB8).
(6) Cons. const., décision n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012 (N° Lexbase : A4205IXZ) ; Cons. const., décision n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014 (N° Lexbase : A8792MKT).
(7) Cons. const., décision n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010 (N° Lexbase : A4552E7Q).

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