Lexbase Contentieux et Recouvrement n°8 du 19 décembre 2024 : Voies d'exécution

[Actes de colloques] Digitalisation de la profession d’huissier de justice en Belgique : dernière étape avant l’arrivée de l’IA ?

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par Patrick Gielen (BE), Secrétaire de l’Union Internationale des Huissiers de Justice (UIHJ), Membre du comité scientifique de la revue Lexbase Contentieux et Recouvrement

le 18 Décembre 2024

Mots-clés : Intelligence Artificielle (IA) • Justice automatisée • exécution des décisions • droits humains • éthique et transparence • protection des données • responsabilité algorithmique • déshumanisation • biais algorithmiques • supervision humaine • transformation numérique • huissiers de justice • commissaire de justice • CEPEJ (Commission européenne pour l'efficacité de la justice) • égalité d'accès à la justice • RGPD (Règlement général sur la protection des données)

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du 3ème Forum mondial sur l’exécution intitulé « L’intelligence artificielle, droits humains et exécution des décisions de justice en matière civile et commerciale : quelles garanties pour les justiciables ? », organisé par l’Union International des Huissiers de Justice (UIHJ) et par la Commission pour l’Efficacité de la Justice (CEPEJ) et qui s’est tenu le 2 décembre 2024 au Palais de l’Europe de Strasbourg.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : N° Lexbase : N1264B39

Le 28 mai 2024 a été publiée au Moniteur belge la loi du 15 mai 2024 portant dispositions en matière de digitalisation de la justice et dispositions diverses II. 

Cette loi a pour objectif d’assurer une informatisation accrue de la justice et apporte de nombreuses modifications au Code judiciaire belge, améliorant ainsi une série de dispositions relatives à la profession d’huissier de justice.

Les modifications dont nous faisons état dans le présent article entrent en vigueur au 1er janvier 2026 prochain afin de permettre à la Chambre nationale des huissiers de justice de procéder aux adaptations nécessaires.

I. Signification électronique

L’article 32quater/1, §1er, du Code judiciaire belge est modifié pour renforcer la sécurité juridique et préciser le processus de signification électronique. 

Cette modification vise à s'assurer que le destinataire a bien pris connaissance de l'acte, en établissant des critères clairs pour la validité des significations effectuées par voie électronique.

En effet, jusqu’à présent, dans le cas où on effectue la signification à l’adresse judiciaire électronique [1], il n’y avait pas d’obligation de s’assurer de la prise de connaissance effective du document [2]

Le simple envoi à l’adresse judiciaire électronique suffisait pour la signification électronique soit valable.

Nouvelle version de l’article 32quater/1, § 1er

« La signification par voie électronique est faite à l’adresse judiciaire électronique à condition que le destinataire ait pris connaissance de ladite signification et ce, en ouvrant l’avis de signification tel que mentionné au paragraphe 2. À défaut d’adresse judiciaire électronique, ou si la signification par voie électronique à cette adresse est impossible, notamment pour des motifs techniques ou si le destinataire a fait usage d’une possibilité qui lui est offerte par la loi de ne pas consentir à l’échange de messages par le biais de l’adresse judiciaire électronique, ladite signification peut également être faite à l’adresse d’élection de domicile électronique, à la condition que le destinataire y ait consenti, chaque fois pour la signification en question, de manière expresse et préalable selon les modalités fixées par le Roi.»

Comme il ressort des travaux préparatoires, depuis 2018, les huissiers de justice peuvent, dans la grande majorité des cas où une signification doit être faite, opter pour la signification par voie électronique comme alternative à la signification effectuée par voie classique. 

Actuellement, cette signification électronique est limitée [3], car elle est presque essentiellement réservée aux institutions bancaires, aux compagnies d’assurances, aux autorités publiques et, plus généralement, à toute entreprise intéressée.

Cette possibilité de signification par voie électronique (que ce soit la signification à l’adresse judiciaire électronique ou à l’adresse d’élection de domicile électronique) a débouché sur la création du Registre central des actes authentiques dématérialisés des huissiers de justice (RCDA ; voir article 32quater/2, § 1er , alinéa 1er, du Code judiciaire belge). Ce registre visait dès le départ à centraliser tous les actes authentiques sous forme dématérialisée. 

Les actes qui sont traditionnellement signifié doivent désormais également être chargés manuellement dans les trois jours suivant la signification. Les actes signifiés par voie électronique à une “adresse d’élection de domicile électronique” (article 32quater/1 du Code judiciaire) sont automatiquement inscrits au registre.

Tous les actes signifiés par huissiers de justice sont donc enregistrés dans le registre central des actes authentiques dématérialisés.

À la lumière des récentes modifications des règles relatives aux communications électroniques dans le contexte judiciaire, l’attribution aux justiciables d’une adresse judiciaire électronique visée à l’article 32, 5°, du Code judiciaire, semble imminente. Cette attribution a le potentiel d’étendre considérablement l’application de la signification par voie électronique.

Actuellement l’huissier de justice ne peut signifier qu’à l’adresse d’élection de domicile électronique qui suppose le consentement exprès du destinataire de l’acte.

Pourquoi cette modification ?

Dans un souci de renforcer la sécurité juridique, la loi du 28 mai 2024 met désormais l'accent sur la réception effective de l’acte par le destinataire, exigence confirmée depuis longtemps par la CEDH dans deux arrêts important [4]

Jusqu'à présent, l’absence d’un mécanisme permettant de vérifier si le destinataire avait effectivement pris connaissance de l’acte signifiait un risque juridique pour l’ensemble de la procédure. Cette modification cherche à éliminer ce risque en exigeant une preuve de réception.

Concrètement, comment fonctionne ce nouveau processus ?

  • Vérification de la réception : l’ouverture de l’avis de signification électronique par le destinataire devient une condition essentielle pour valider la signification. L’huissier de justice doit être en mesure de s’assurer que l’acte a été reçu.
  • Signification à l’adresse d’élection de domicile électronique : si l’adresse judiciaire électronique n’est pas utilisable ou si le destinataire refuse les échanges électroniques, l’huissier peut effectuer la signification à l’adresse d’élection de domicile électronique [5] sous réserve d’un consentement explicite et préalable de la part du destinataire.

La différence fondamentale entre la signification à l’adresse judiciaire électronique et à l’adresse d’élection de domicile judiciaire réside dans le fait que pour la première il faut uniquement l’ouverture de l’avis de signification alors que pour la seconde il faut un consentement exprès de la part du destinataire de l’acte.

Dans un souci d’une plus grande sécurité juridique, la loi du 28 mai 2024 entend ici mettre prioritairement l’accent sur la réception effective de la signification par le destinataire. 

Concrètement, l’ouverture de l’avis de signification par voie électronique, qui pourra, à l’avenir, être envoyé par l’huissier de justice à l’adresse judiciaire électronique du destinataire, devient une condition pour que la signification puisse aussi effectivement avoir lieu par voie électronique à l’adresse judiciaire électronique du destinataire. L’huissier de justice doit en effet pouvoir s’assurer que le destinataire a pris connaissance de la signification et a donc pu recevoir l’acte. Cette sécurité est et reste primordiale et constitue une valeur ajoutée intrinsèque de l’intervention de l’huissier de justice que ce soit dans le cadre d’une signification classique ou d’une signification électronique.

Le rôle fondamental de l’huissier de justice reste donc garanti à la suite de cette modification législative importante.

Modifications apportées au paragraphe 2, alinéa 1er

L’alinéa 1er du paragraphe 2 a été clarifié pour mieux expliquer le processus de confirmation de la signification électronique.

Nouvelle version de l’article 32quater/1, § 2 et § 3:

« Lors de l’ouverture de l’avis de signification par voie électronique ou de l’octroi du consentement à la signification par voie électronique, par le destinataire, dans les vingt-quatre heures suivant l’envoi de l’avis précité ou de la demande de consentement à la signification par voie électronique au destinataire, le Registre central visé à l’article 32quater/2, §1er, alinéa 1er, fait parvenir un avis de confirmation de signification à l’huissier de justice ayant signifié l’acte. Dans ce cas, la signification est réputée avoir eu lieu à la date d’envoi de l’avis de signification précité ou de la demande de consentement précitée. »

Cette modification assure un suivi rigoureux du processus de signification. 

En l'absence de réception de l'avis de confirmation, l'huissier doit alors prendre d’autres mesures pour garantir la validité de la signification.

Procédure résumée de la signification à l’adresse judiciaire électronique :

  • envoi de l'avis par l’huissier : l’huissier de justice envoie un avis de signification par voie électronique à l’adresse judiciaire électronique du destinataire.

Deux scénarios possibles :

  • l’avis de signification n’est pas ouvert : l’huissier procède alors à une signification à personne, conformément à l'article 33 du Code judiciaire.
  • l’avis de signification est ouvert dans les vingt-quatre heures suivant l’envoi : un « avis de confirmation de signification » est généré et envoyé à l’huissier via le Registre central des actes dématérialisés (RCAD).

Deux possibilités : 

  • le destinataire ouvre également l’acte dans les vingt-quatre heures suivant la réception de l'avis de signification : un « avis de confirmation de signification et d’ouverture de l’acte » est généré et envoyé à l’huissier. La signification est réputée avoir eu lieu à la date d’envoi initiale de l’avis.
  • le destinataire n'ouvre pas l’acte dans les vingt-quatre heures : l'huissier doit envoyer une lettre ordinaire au destinataire l’informant de la signification.

II. Dématérialisation des actes de l’huissier de justice

L’article 509, § 1er, du Code judiciaire belge a également été modifié pour officialiser la dématérialisation des actes de l’huissier de justice.

Nouvelle version de l’article 509, § 1er du Code judiciaire belge :

« Les huissiers de justice sont des fonctionnaires publics et des officiers ministériels dans l’exercice des fonctions officielles qui leur sont assignées ou réservées par une loi, un décret, une ordonnance ou un arrêté royal.

Ils confèrent l’authenticité à leurs actes conformément à l’article 8.1, 5° du Code civil. Chaque acte est établi sous forme dématérialisée et signé conformément à l’article 8.15, alinéa 3, du Code civil[6]. Le Roi peut en déterminer les modalités.

S’il est, pour des raisons techniques ou de force majeure, impossible d’établir l’acte sous forme dématérialisée conformément à l’alinéa 2, il peut être établi sous forme non dématérialisée.
L’acte visé à l’alinéa 2, dernière phrase, est enregistré dans le Registre central visé à l’article 32quater/2, §1er, alinéa 1er, dès qu’il est signé. Dès que l’impossibilité visée à l’alinéa 3 cesse d’exister, l’acte visé dans le même alinéa est dématérialisé selon les modalités déterminées par le Roi et est ensuite enregistré dans le même Registre central.

En cas d’impossibilité de présenter ou de recevoir un acte sous forme dématérialisée pour des raisons techniques ou pour des raisons de force majeure, une copie de l’acte certifiée conforme par l’huissier de justice peut être présentée ou reçue. »

La présente loi dispose désormais que chaque acte d’huissier de justice sera désormais, en principe, établi sous forme dématérialisée (= électronique) et signé de manière électronique.

Il existe toutefois une exception à ce principe lorsque l’établissement sous forme dématérialisée s’avère impossible pour des raisons techniques ou de force majeure. Dans ce cas, l’acte peut encore être établi sous forme non dématérialisée (= sur papier) et doit, dans les trois jours calendrier, être inscrit sous forme dématérialisée au Registre central des actes authentiques dématérialisés des huissiers de justice visé à l’article 32quater/2, § 1er, alinéa 1er, du Code judiciaire (RCAD).

Explication détaillée de la modification :

  • dématérialisation par défaut : chaque acte (original) est désormais établi sous forme dématérialisé et signé électroniquement. Cette modification modernise le travail des huissiers de justice et garantit l’authenticité des actes dématérialisés et permet d’avoir une base de données reprenant tous les actes signifiés par huissier de justice
  • exceptions en cas d’impossibilité technique : lorsque la dématérialisation est impossible pour des raisons techniques ou de force majeure, l’huissier est autorisé à établir l’acte sous forme papier. L’acte sera ensuite scanné et enregistré dans le RCAD dès que l’impossibilité aura été résolue.
  • copie certifiée conforme : dans des situations où la présentation ou la réception de l’acte électronique est impossible, une copie certifiée conforme peut être utilisée.

L’avantage de la dématérialisation de l’original de l’acte de procédure établi par l’huissier de justice réside dans la possibilité de créer un éventuel dossier judiciaire entièrement numérique. Grâce à l’utilisation des métadonnées, stockées à la chambre nationale des huissiers de justice, ce dossier peut être transmis électroniquement entre les différents acteurs juridiques, tout en respectant les exigences du RGPD.

Signature des actes

L’huissier de justice utilise une signature électronique qualifiée, tandis que le débiteur appose une simple signature. Grâce à son statut d’officier ministériel, l’huissier certifie avoir bien rencontré le destinataire, ce qui garantit l’authenticité et la régularité de la procédure.

Modification de l’article 33, alinéa 1er, du Code judiciaire

« La signification est faite à personne lorsque la copie de l’acte est remise en mains propres du destinataire et l’acte est présenté à la signature moyennant un outil électronique permettant sa visualisation et sa signature. »

Cette disposition exige désormais que l’acte dématérialisé soit présenté à la signature du destinataire via un outil électronique (ex : une tablette). Cela renforce la traçabilité et l'authenticité de la procédure de signification.

Nous voyons dans cette approche une avancée majeure pour la signification des actes judiciaires, qui allie les avantages de la dématérialisation de l’original avec la possibilité de remettre une copie papier au destinataire. Cette combinaison représente un équilibre idéal entre le besoin de maintenir un contact humain et celui de moderniser les processus judiciaires par la digitalisation. Ce modèle permet ainsi de préserver le lien personnel avec les parties, tout en intégrant les bénéfices de l’innovation numérique. On peut véritablement parler ici d'une « humanisation de la digitalisation », où l’évolution technologique se met au service de l’accessibilité et de l’efficacité tout en respectant les interactions humaines essentielles dans la justice et plus particulièrement dans le métier d’huissier de justice.

III. L’Intelligence artificielle (IA), prochaine étape ?

L'intelligence artificielle (IA) représente une évolution naturelle dans le processus de signification électronique et la dématérialisation des actes d’huissier de justice. 

Elle peut s’avérer un allié de taille dans l’optimisation des tâches et le renforcement du rôle central de l'huissier de justice tout en s'inscrivant dans un cadre éthique et déontologique strict.

L'intégration de l'IA dans les procédures judiciaires pourrait offrir des avantages substantiels, tout en renforçant le rôle central de l'huissier de justice et en optimisant les procédures actuelles.

A. Automatisation et vérification des procédures

L'IA pourrait assister les huissiers de justice dans la rédaction des actes de signification en proposant des modèles adaptés aux circonstances spécifiques de chaque cas. Par exemple, en analysant le contenu de l'acte et les informations sur le destinataire, l'IA pourrait suggérer la formulation la plus appropriée, voire anticiper les mentions nécessaires en fonction du contexte.

L'utilisation de l'IA permet également une vérification systématique des formalités requises (présence des mentions obligatoires, signature, date, etc.), réduisant ainsi les risques d'erreurs qui pourraient invalider la procédure.  Par exemple, l'IA pourrait alerter l'huissier si une mention légale est manquante ou si le consentement du destinataire n'a pas été correctement enregistré.

L'IA peut également assurer un suivi précis du respect des délais légaux et alerter l'huissier en cas de non-conformité. Cette automatisation se présente comme un outil facilitateur et non une menace pour les professions juridiques.

B. Gestion centralisée et intelligente des données

En centralisant les données liées aux actes dématérialisés auprès de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice, l'IA pourrait les traiter de manière globale. 

Cette centralisation permettrait à l’IA de générer des rapports statistiques pour évaluer l'efficacité des significations électroniques et identifier les cas nécessitant une intervention humaine ou une modification législative.

C. Support à la prise de décision

L'IA peut aider les huissiers de justice à décider du mode de signification le plus adapté ou le plus réaliste.

Par exemple, en tenant compte des caractéristiques du destinataire (âge, niveau de familiarité avec les technologies, contexte juridique, domicile, …), l'IA peut suggérer une signification à personne si la voie électronique n'est pas appropriée. De plus, en cas de problèmes, l'IA peut rechercher et extraire les informations pertinentes du registre central pour assister l’huissier dans ses démarches.

D. Notification intelligente et analyse prédictive

L’IA peut permettre d’envoyer des notifications intelligentes, en fonction de l’historique des réactions du destinataire. 

Par exemple, si l’IA détecte qu’un destinataire répond mieux à des rappels spécifiques, elle peut ajuster automatiquement la fréquence et le moment de ces envois pour maximiser les chances de réception. De plus, l’IA pourrait prédire les cas de non-réception, alertant l’huissier pour qu’il prenne des mesures alternatives. Ces fonctionnalités renforcent l'efficacité et la sécurité des procédures tout en libérant l'huissier de tâches répétitives.

E. Contrôle et aide à la conformité

L'IA peut également jouer un rôle dans le contrôle du respect des dispositions du Code judiciaire, en alertant les huissiers en cas de non-conformité. La traçabilité accrue des procédures de signification électronique serait ainsi garantie.

F. Défis éthiques et juridiques liés à l'IA

L'utilisation de l'IA dans la profession d’huissier de justice implique des considérations éthiques, telles que la protection des données personnelles et la transparence des algorithmes : 

  • Protection des données personnelles : l'IA doit se conformer strictement aux réglementations sur la protection des données, telles que le RGPD. Les données traitées (comme les caractéristiques du destinataire ou son comportement en ligne) doivent être sécurisées et utilisées uniquement dans le cadre des procédures judiciaires.
  • Garantie de l’intervention humaine : même si l'IA propose des analyses et des recommandations, la décision finale doit toujours être prise par l'huissier de justice. Ce principe est essentiel pour garantir l'équité et l'intégrité des procédures, notamment dans les cas complexes qui nécessitent une évaluation humaine approfondie.

L’IA est là, uniquement, pour alléger la charge de travail en automatisant les tâches répétitives et en fournissant des analyses précises, l'humain, quant à lui, reste primordial pour garantir l'équité et l’intégrité des procédures. En outre, l'intervention humaine est indispensable dans les cas nécessitant un contact direct ou une approche personnalisée.

La Convention-cadre adoptée par le Conseil de l'Europe

La récente Convention-cadre adoptée par le Conseil de l'Europe souligne l’importance et la nécessité de maintenir un équilibre entre l’automatisation et la préservation des droits fondamentaux des justiciables. Elle encourage l’usage de l'IA dans le domaine judiciaire, tout en insistant sur la nécessité de respecter la vie privée, la protection des données et l’intervention humaine lorsque les enjeux sont critiques.

L’intégration de l’IA, tout en centralisant les opérations auprès de la chambre nationale des huissiers de justice, offrirait une efficacité accrue et une meilleure sécurité juridique. Cela permettrait non seulement d'accélérer les processus, mais également de libérer du temps pour les huissiers, leur permettant de se concentrer sur des tâches à forte valeur ajoutée.

Les outils d'IA doivent être perçus comme des assistants augmentant l’efficacité du travail des professionnels du droit. Cette vision est partagée par des études récentes, qui montrent que l'IA générative peut améliorer le travail juridique sans remplacer totalement les professionnels​. 

L’importance de la formation en AI

La formation joue un rôle crucial dans l'implémentation efficace de l'IA au sein des systèmes juridiques. L'intégration des technologies de l'IA dans la pratique professionnelle nécessite non seulement une acculturation progressive des professionnels du droit, mais également une formation continue et adaptée. Il s’agit d’appréhender l’IA comme un outil d’assistance et non comme une menace pour la profession, tout en s’assurant d’une utilisation éthique et sécurisée.

Lors d'une journée de formation organisée par l'Institut National des Formations Notariales (INFN), il a été mis en avant que l’IA pourrait véritablement révolutionner les pratiques juridiques. Cependant, cette révolution technologique ne peut se faire que si les professionnels sont formés de manière continue et approfondie. La formation doit inclure des aspects techniques de l’IA, comme son utilisation dans la recherche juridique et l’automatisation des tâches, mais aussi aborder les enjeux éthiques, la protection des données, et la cybersécurité.

En somme, la formation est la clé de l'acceptation et de l'implémentation réussie de l'IA dans les systèmes juridiques. Elle garantit non seulement une utilisation optimale des outils d’IA, mais également la préservation du rôle essentiel des professionnels du droit dans le processus décisionnel et la protection des droits des justiciables.

Conclusion

Les modifications apportées au Code judiciaire renforcent le processus de signification électronique en assurant une réception effective par le destinataire. 

L’obligation pour l’huissier de justice de vérifier que l’avis a été ouvert garantit une sécurité juridique accrue. Par ailleurs, la dématérialisation des actes officialise l’usage des outils électroniques et assure une procédure moderne, efficace et transparente.

Ces adaptations reflètent la volonté d’aligner les procédures judiciaires sur les avancées technologiques, tout en préservant les garanties indispensables à la sécurité juridique des actes.

Ces modifications sont l’une des dernières étapes avant l’arrivée de l’IA qui pourrait représenter une avancée significative dans la transformation numérique de la profession des huissiers de justice en Belgique. 

En automatisant les tâches répétitives, en offrant une analyse précise des procédures et en optimisant la gestion des actes, elle permet aux huissiers de se concentrer sur leur rôle fondamental : l’application des lois et la protection des droits des justiciables.

Toutefois, cette évolution doit être soigneusement encadrée pour garantir la protection des données et le maintien de l’intervention humaine, conformément aux principes énoncés par les instances européennes et internationales. L’arrivée de l’IA n’est pas une substitution mais plutôt un complément visant à renforcer l'efficacité, la transparence et la sécurité juridique de la profession.


[1] Qui n’est à ce jour pas possible dès lors que nous ne disposons pas encore d’une adresse judiciaire électronique.

[2] Le simple envoi de l’acte à signifier à l’adresse judiciaire électronique valait signification.

[3] En effet elle ne peut être faite qu’à l’adresse d’élection de domicile électronique (soit à une adresse mail « privée » du destinataire.

[4] Voy. CEDH, 13 décembre 2011, Req. 43330/09, Trudov c/ Russie. L’affaire portait sur une violation du droit à un procès équitable (CEDH, art 6, § 1 N° Lexbase : L7558AIR). Dans cette affaire, M. Trudov s'est plaint de n'avoir pas été informé valablement de la date et du lieu de l'audience en appel, qui s'est tenue en son absence alors qu'un représentant du ministère public était présent. La Cour a statué en faveur de Trudov, concluant que cette situation constituait une violation de son droit à un procès équitable. Voy. aussi CEDH, 31 juillet 2012, Req. 7363/04, Mikryukov et autres c/ Russie. L’affaire concernait principalement des violations de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit à un procès équitable. Le cas porte sur des questions d'exécution de décisions judiciaires et d'accès à des droits garantis, similaires aux préoccupations soulevées dans d'autres affaires impliquant la Russie. La Cour a tranché en faveur des requérants, estimant que le retard dans l'exécution des décisions judiciaires privait les personnes de leurs droits effectifs et équitables, en violation des obligations de l'État.

[5] Signification effectuée à une adresse courriel privée.

[6] De manière électronique.

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