Lexbase Contentieux et Recouvrement n°8 du 19 décembre 2024 : Procédure civile

[Point de vue...] Pour une réécriture de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire

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N1228B3U

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par Thomas Tailleur, Diplômé du master 2 droit privé fondamental, Université Paris Nanterre, Titulaire de l’examen d’accès à l’INCJ

le 19 Décembre 2024


Mots-clés : juge de l’exécution • compétence d’attribution • office du juge • Code de l’organisation judiciaire • droit de la consommation • relevé d’office • QPC 

Depuis désormais quelques jours, le juge de l’exécution est au cœur des débats. Nul n’a pu ignorer la circulaire de la Direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du 28 novembre 2024 affirmant que le juge de l’exécution n’est plus compétent pour statuer sur les contestations portées à l’encontre des procédures d’exécution de nature mobilière. Dès lors, la question du siège de la compétence de la juridiction de l’exécution est plus que jamais à l’ordre du jour. Se pose alors une double question : celle de la réécriture du premier alinéa de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire qui semble être une tâche bien difficile, et celle plus globale d’un encadrement législatif de l’office du juge de l’exécution sous l’impulsion du droit européen. 


 

Créé par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 N° Lexbase : L9124AGZ et son décret d’application n° 92-755 du 31 juillet 1992 N° Lexbase : L9125AG3, le juge de l’exécution a été perçu comme « l’axe principal » [1] de la réforme des voies d’exécution. Il faut dire qu’avant la réforme, le contentieux de l’exécution était éparpillé entre de nombreuses juridictions (tribunal civil et « Justice de paix », puis tribunal d’instance ou tribunal de commerce, voire même juge des référés en cas d’urgence), créant ainsi une véritable situation anarchique. En conséquence, nombreux étaient les incidents de compétence conduisant à de multiples renvois et, in fine, à des procédures sans fin [2]. Dès lors, est intervenue dans l’esprit parlementaire l’idée selon laquelle un juge chargé de l’exécution pourrait unifier le contentieux de l’exécution forcée. C’est ainsi qu’est né l’article L. 311-12 N° Lexbase : L7912HND, devenu L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : L7740LPD, modifié depuis à quatre reprises afin d’élargir le champ de compétence du juge de l’exécution. 

Toutefois, depuis le 1er décembre 2024, le juge de l’exécution n’est plus compétent pour statuer sur les contestations portées à l’encontre des procédures d’exécution de nature mobilière [3]. Ceci est la conséquence de l’abrogation, au sein de l’alinéa premier de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire, des mots « des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée » jugés inconstitutionnels par une décision du Conseil constitutionnel du 17 novembre 2023 (Cons. const., décision n° 2023-1068 QPC, du 17 novembre 2023 N° Lexbase : A61411ZH).

Voici donc que, de nouveau, le contentieux de l’exécution est réparti entre différentes juridictions : le tribunal judiciaire, d’une part, qui est désormais compétent en matière de contestations qui s’élèvent à l’occasion des mesures d’exécution forcée de nature mobilière et en matière d’expulsion conformément à sa compétence de droit commun (COJ. art. L. 211-3 N° Lexbase : L7708LP8) et le juge de l’exécution, d’autre part, qui reste compétent pour trancher les contestations qui s’élèvent à l’occasion de la saisie immobilière, pour autoriser les saisies conservatoires et statuer sur leurs contestations, pour connaître des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou conservatoires et de la saisie des rémunérations, jusqu’au 1er juillet 2025 (COJ. art. L. 213-6, alinéas 2 et suivants). 

Cette situation, assurément temporaire, est la conséquence de la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée le 9 juin 2024, laquelle a interrompu les travaux parlementaires en cours, empêchant ainsi l’adoption d’une loi nouvelle avant le 1er décembre de la même année.  

Dès lors, et plus que jamais, se pose la question de la réécriture de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire. Si une réécriture paraît opportune afin d’encadrer l’évolution de l’office du juge de l’exécution sous l’impulsion du droit de la consommation (II.), la tâche paraît bien ardue à la suite de la censure du Conseil constitutionnel (I.)

I. Une complexe réécriture de l’alinéa premier de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire

Par une décision question prioritaire de constitutionnalité (QPC) du 17 novembre 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré que les mots « des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée » étaient contraires à la Constitution. Cette censure est malheureuse à deux égards, d’une part car la jurisprudence avait construit depuis plus de trente ans la compétence et les pouvoirs du juge de l’exécution sur le fondement de cet alinéa (A) et d’autre part car cette censure est inopportune au regard de sa justification et des conséquences excessives qu’elle entraîne (B).

A. L’alinéa premier de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire : une construction continue

Dès son entrée en vigueur, l’alinéa premier de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire, lequel dispose que « le juge de l'exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire » a soulevé des difficultés. Dans un premier temps, cet alinéa a conduit certains justiciables à distinguer formellement, ainsi que le fait le texte, la connaissance, par le juge de l’exécution, des difficultés relatives aux titres exécutoires et les contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée. La Cour de cassation a toutefois rapidement mis fin à ce mouvement en déclarant que « le juge de l'exécution ne peut être saisi de difficultés relatives à un titre exécutoire qu'à l'occasion des contestations portant sur les mesures d'exécution forcée engagées ou opérées sur le fondement de ce titre, et n'a pas compétence pour connaître de demandes tendant à remettre en cause le titre dans son principe, ou la validité des droits et obligations qu'il constate » [4]. En rendant cet avis, la haute juridiction met fin à la dissociation entre les difficultés relatives aux titres exécutoires et les contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée. En tout état de cause, qu’il s’agisse d’une difficulté sur un titre exécutoire ou d’une contestation, ces dernières doivent porter sur les mesures d’exécution d’ores et déjà engagées. Ainsi que l’a affirmé Roger Perrot, la Cour de cassation « ressoude » [5] les deux éléments de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire. 

Pour autant, cet avis de la Cour de cassation s’est attiré les foudres de la doctrine [6]. En effet, l’avis interdit toute remise en cause du titre exécutoire, peu important que cette remise en cause intervienne, ou non, à l’occasion d’une mesure d’exécution forcée. Au surplus, la Cour de cassation n’opérait aucune distinction entre les titres exécutoires, qu’il s’agisse autant d’une décision de justice ou de titres non-judiciaires, notamment l’acte notarié. Très concrètement, à la différence des décisions judiciaires dans lesquelles le juge va opérer un contrôle des engagements des parties à travers un débat contradictoire, le notaire, dans un acte notarié, ne fait qu’authentifier un engagement des parties sans en trancher les difficultés éventuelles et sans aucun débat [7].

Ces différentes critiques doctrinales portant sur les pouvoirs du juge de l’exécution à l’égard des titres exécutoires non-judiciaires ont entraîné un important revirement de jurisprudence. Le 18 juin 2009, dans une décision à l’importante publicité, la Cour de cassation revient sur sa position initiale et admet que le juge de l’exécution puise connaître de demandes tendant à remettre en cause le titre exécutoire, dès lors qu’il ne s’agissait pas d’une décision de justice, à l’occasion de l’exécution forcée [8].

Cette nouvelle position retenue par la Cour de cassation, si elle introduisait une hiérarchie entre les titres exécutoires [9], présentait l’intérêt de la simplicité. Les parties n’avaient plus à se demander quel était le juge compétent pour statuer sur la nullité d’un titre exécutoire non-judiciaire. Si la validité du titre était en jeu et qu’aucune mesure d’exécution n’avait été engagée, c’était le juge du fond qui était compétent. En revanche, si la contestation était débattue à l’occasion d’une mesure d’exécution forcée, quand bien même elle n'était pas née à l’occasion d’une mesure d’exécution, c’était au juge de l’exécution qu’il revenait de se prononcer afin de pouvoir statuer sur le sort de la mesure. Ainsi, il était mis fin aux questions préjudicielles en la matière qui créaient une perte de temps non-négligeable. On retrouve ainsi une solution plus conforme à l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire, en ce que la mesure d’exécution forcée ou de la mesure conservatoire marque le point de départ de sa compétence (d’autant que la Cour de cassation a, peu de temps après cette décision, précisé que ces pouvoirs du juge de l’exécution lui permettant de remettre en cause un acte notarié trouvaient pareille application si la contestation s’élevait, non pas à l’occasion d’une mesure d’exécution forcée, mais à l’occasion d’une mesure conservatoire [10]).

En somme, l’ambiguïté rédactionnelle de l’alinéa premier de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire, tel que pensé par le législateur de 1991 avait été compensée par le travail constant à la fois de la doctrine et des juridictions judiciaires, au premier rang desquelles figure la Cour de cassation. Or, par sa censure, le Conseil constitutionnel a annihilé toute cette construction sans envisager toute la complexité d’une future réécriture.  

B. L’alinéa premier de l’article L. 213-6 du COJ : une censure inopportune du Conseil constitutionnel

Nous l’avons dit, le Conseil constitutionnel a déclaré les mots « des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée » inconstitutionnels, en ce qu’ils seraient entachés d’incompétence négative dans les conditions affectant le droit à un recours juridictionnel effectif. En l’espèce, une requérante reprochait à diverses dispositions du Code des procédures civiles d’exécution et du Code de l’organisation judiciaire, dont l’article L. 213-6, de ne pas prévoir, en cas de vente par adjudication à la suite d’une saisie de droits incorporels, une possible contestation devant le juge de l’exécution du montant de mise à prix. Or, d’après cette requérante, ne pas pouvoir contester le montant d’une mise à prix pourrait conduire à vendre des droits incorporels à un prix manifestement insuffisant. 

Le Conseil constitutionnel rappelle qu’il résulte de l’article 16 [11] de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789 « qu’il ne doit pas être porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction » [12]. Partant, le Conseil rajoute que si l’article L. 213-6 du COJ donne compétence au juge de l’exécution pour connaître des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, il résulte toutefois de la jurisprudence de la Cour de cassation qu’en cas de vente par adjudication des droits saisis, le créancier fixe unilatéralement le montant de la mise à prix, qu’aucune contestation de ce montant ne peut être élevée devant le juge de l’exécution et que, par ailleurs, « aucune autre disposition ne permet au débiteur de contester devant le juge judiciaire le montant de la mise à prix fixé par le créancier » [13]. En conséquence, le Conseil constitutionnel conclut qu’au « regard des conséquences significatives qu’est susceptible d’entraîner pour le débiteur la fixation du montant de la mise à prix des droits saisis, il appartenait au législateur d’instaurer une voie de recours » [14].

Cette déclaration d’inconstitutionnalité du Conseil constitutionnel interpelle en ce que le Conseil constitutionnel affirme qu’il appartenait au législateur d’instaurer une « une voie de recours ». Or, les voies de recours sont des moyens procéduraux mis à disposition des plaideurs ou des tiers pour obtenir un examen nouveau d’une affaire qui a déjà été jugée. Il s’agit d’un instrument procédural permettant de contester les jugements. Or, lorsque le débiteur souhaite contester le montant d’une mise à prix fixé par le créancier, il n’est jamais question d’obtenir un examen nouveau d’une affaire déjà jugée, il n’y a aucun jugement rendu. En réalité, le Conseil constitutionnel semble avoir assimilé le droit au recours effectif, lequel implique, lorsqu’un de nos droits a été bafoué, d’avoir accès à un juge et le droit à une voie de recours, à un double degré de juridiction, qui, quant à lui, n’a jamais été consacré comme un droit fondamental par le Conseil constitutionnel [15]. Cette formule est d’autant plus déplaisante que le juge de l’exécution n’a pas été pensé par les pouvoirs publics comme une voie de recours, en témoigne l’interdiction posée à l’article R. 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L8665LYL qui lui interdit de modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites. Or, en affirmant qu’il y a inconstitutionnalité car le débiteur ne peut pas contester la mise à prix, en cas de saisie de droits incorporels, devant le juge de l’exécution alors qu’il appartenait au législateur d’instaurer une voie de recours, le Conseil constitutionnel assimile le juge de l’exécution à une voie de recours.

En outre, la décision de renvoi de la Cour de cassation précisait qu’un recours (et non pas une voie de recours) devant le juge de l’exécution existe en matière de saisie immobilière en cas de vente par adjudication de l’immeuble si le montant de la mise à prix est manifestement insuffisant [16]. Ce recours figure à l’article L. 322-6 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5884IRD. Le problème qui se pose alors avec la saisie de droits incorporels est que les dispositions relatives à cette saisie, à savoir les articles L. 231-1 N° Lexbase : L5861IRI à L. 233-1 N° Lexbase : L5862IRK du code précité, ne prévoient pas ce recours devant le juge de l’exécution. Or, il est justifié que le juge de l’exécution ne puisse pas être saisi pour la mise à prix de telles valeurs incorporelles, tout simplement car le tiers saisi ne supporte aucune obligation d’informations. Très concrètement, le juge de l’exécution ne peut pas fixer un montant de mise à prix car il ne dispose d’aucune information sur la valeur des droits incorporels. Fondamentalement, ce sont les saisies de valeurs incorporelles qui doivent faire l’objet d’une refonte, pas le siège de la compétence du juge de l’exécution...

Par conséquent, cette inconstitutionnalité est malheureuse, elle réduit à néant le travail colossal opéré par les tribunaux depuis la loi de 1991 et pose de nouveau la question de la rédaction des compétences du juge de l’exécution. Or, aucune rédaction ne saurait convenir tant le champ de compétence du juge de l’exécution est d’une remarquable originalité. En effet, cet article a été rédigé de façon abstraite. En affirmant que le juge de l’exécution connaît des « difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée », le lecteur doit, de lui-même, interpréter le champ des actions recevables devant celui-ci. 

À titre comparatif, en matière familiale, le choix opéré par le Code de l’organisation judiciaire a été de lister toutes les actions et matières qui relèvent de la compétence du juge aux affaires familiales (JAF). Ainsi, l’article L. 213-3 du Code de l’organisation judiciaire prévoit, par exemple, que le JAF connaît de différentes actions liées à « l’exercice de l’autorité parentale », encore « au changement de prénom ». De manière identique, les dispositions des articles L. 213-4-1 N° Lexbase : L7246LP3 à L. 213-4-8 N° Lexbase : L7253LPC du Code de l’organisation judiciaire listent précisément les matières et les différentes actions dont le juge des contentieux de la protection a vocation à connaître. 

En tout état de cause, cette quête de précision poursuivie par le Code de l’organisation judiciaire rencontrait un obstacle difficilement surmontable vis-à-vis du juge de l’exécution, à savoir que les contestations en matière d’exécution forcée ne peuvent être listées, elles sont extrêmement nombreuses et peuvent porter sur le fond du droit. Dès lors, tenter de définir toutes les contestations possibles qui peuvent survenir lors de l’exécution d’une mesure conservatoire ou d’une mesure d’exécution forcée aurait été et serait un travail considérable qui conduirait à l’entrée en vigueur d’un nombre conséquent de dispositions législatives. Cette solution ne paraît pas opportune d’autant qu’elle soulève un risque majeur pour le législateur : celui d’omettre certaines contestations.

II. Une opportune réécriture de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judicaire

Si la réécriture de l’alinéa premier de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire paraît être une tâche bien délicate qui ne semblait pas nécessaire, il n’en demeure pas moins qu’une réécriture de l’article précité serait opportune afin d’encadrer l’évolution de l’office du juge de l’exécution. En effet, le droit de la consommation, par le prisme des clauses abusives, n’a de cesse d’évoluer, notamment sous l’impulsion du juge européen (A), entraînant ainsi une évolution de la jurisprudence interne. Confronté à cette évolution, le législateur a un rôle à jouer afin de préserver la juridiction de l’exécution et limiter tout empiètement du juge de l’exécution sur les autres juridictions (B).

A. Une constante évolution de l’office du juge sous l’impulsion européenne

Le développement du droit de la consommation, notamment à l’aune de la jurisprudence sur les clauses abusives, a entraîné de fortes perturbations sur l’office du juge, et, in fine, du juge de l’exécution. En effet, le droit de la consommation est un droit-fonction visant à protéger le consommateur. Or, celui-ci, qu’il soit conseillé ou non (et l’affirmation est d’autant plus vraie lorsque le consommateur n’a pas de conseil), peut omettre de se prévaloir de dispositions qui lui sont pourtant favorables. Ainsi, « l’office du juge peut-il s’avérer crucial si l’on veut éviter que le droit de la consommation ne reste lettre morte » [17]. Dès lors, pour éviter de penser un droit qui demeurerait ineffectif, des réflexions sur l’office du juge ont immédiatement été menées par la Cour de justice de l’Union européenne par le biais de la question préjudicielle [18].

Cette protection du consommateur passe majoritairement par le mécanisme des clauses abusives, dont le régime a été explicité par une importante directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 N° Lexbase : L7468AU7. Après avoir considéré que le juge national disposait d’une simple faculté de relever d’office de telles clauses [19], la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a fait muter cette faculté en obligation [20]. La solution est sans équivoque : le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose. 

Cette conception étendue de l’office du juge par le prisme des clauses abusives sous l’impulsion européenne paraissait pourtant mal s’accommoder avec l’office du juge telle qu’interprétée par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation. En effet, en 2007, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation rend l’arrêt « Dauvin » [21] dans lequel elle considère que si le juge possède une obligation dans l’opération de qualification, il ne possède qu’une simple faculté, sauf règles particulières, de relever le moyen de droit applicable au litige. La tâche reviendrait alors aux parties sous une limite toutefois, les règles particulières qui ont rapidement été assimilées à l’ordre public alors même qu’un arrêt de la Cour de cassation avait précisé que la méconnaissance des dispositions d’ordre public du code de la consommation n’entraînait qu’une simple faculté, pour le juge, de relever d’office [22].

Il a donc été nécessaire de mettre en conformité le droit français avec la jurisprudence européenne à la suite de l’arrêt « Pannon GSM ». Pour ce faire, a été inclus, par la loi n° 2014-344 N° Lexbase : L7504IZX dite loi « Hamon » du 17 mars 2014 au sein du Code de la consommation, un article L. 141-4 N° Lexbase : L7865IZC, devenu R. 632-1 N° Lexbase : L0942K9R, qui impose au juge de relever d’office l’application d’une clause abusive. C’est ici une première intervention du législateur pour se conformer au droit européen !

Le mouvement européen ne s’est pas arrêté là. En 2017, la CJUE précise que le juge est tenu de contrôler le caractère abusif des clauses soumises à son examen dès lors que ce contrôle n’a pas été effectué lors d’un premier examen juridictionnel, nonobstant l’autorité de la chose jugée attachée à ce dernier [23]. Enfin, en 2022, c’est de nouveau la CJUE qui, par deux arrêts spectaculaires rendus le même jour [24], est venue influencer l’office du juge, cette fois-ci, au stade de l’exécution forcée ! Dans ces arrêts, dont le plus explicite est l’arrêt « Ibercaja Banco » , la Cour affirme que l’autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle à ce que le juge de l’exécution examine d’office, au stade de l’exécution forcée, le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles dès lors que cet examen n’a pas été opéré par la première décision juridictionnelle ou que les motifs de celle-ci n’attestent pas de l’existence dudit contrôle. 

La Cour de cassation, liée par l’interprétation faite par la CJUE des dispositions et actes communautaires, a rapidement adopté la solution préconisée par les arrêts du 17 mai 2022. C’est ainsi que, le 8 février 2023, la Chambre commerciale de la Cour de cassation affirme, au visa, notamment, de la directive du Conseil du 5 avril 1993, que « le juge de l’exécution, statuant lors de l’audience d’orientation, à la demande d’une partie ou d’office, est tenu d’apprécier, y compris pour la première fois, le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles qui servent de fondement aux poursuites sauf lorsqu'il ressort de l'ensemble de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge s'est livré à cet examen » [25]

Ces arrêts ont soulevé de nombreuses inquiétudes quant à l’avenir de l’autorité de la chose jugée, certains affirmant qu’elle était sabordée, d’autres préservée. En tout état de cause, il demeure certain que désormais, rien ne doit s’opposer à un contrôle des clauses abusives à n’importe quel stade du procès, dès lors que le juge dispose des éléments de fait et de droit nécessaires à cet effet et que le premier juge n’a pas opéré ce contrôle. Malheureusement, en imposant ce contrôle automatique du caractère abusif des clauses à tout juge, y compris au juge de l’exécution au stade de l’exécution forcée, ni la CJUE ni la Cour de cassation n’ont envisagé les conséquences de la reconnaissance d’une clause abusive sur l’avenir du titre exécutoire contenant une telle clause.

B. Une intervention législative nécessaire à la préservation de la juridiction de l’exécution 

La question du sort de la décision de justice prononcée sur le fondement d’une clause déclarée postérieurement abusive est une question primordiale car imposer au juge un devoir de contrôle des clauses abusives nonobstant l’autorité de la chose jugée attachée à la décision fondant les poursuites sans, toutefois, s’intéresser au sort de cette fameuse décision au cœur des poursuites, c’est occulter une part du raisonnement. Au demeurant, il ne faut pas oublier que le juge de l’exécution, en tant que juridiction spécialisée, ne doit posséder que les seuls pouvoirs nécessaires à l’exercice de sa fonction, à savoir, en principe, trancher les contestations qui s’élèvent à l’occasion des mesures d’exécution forcée ou conservatoires. C’est précisément pour cela que la Cour de cassation a toujours refusé, depuis plus de trente années, de confier au juge de l’exécution le pouvoir de remettre en cause les titres exécutoires de premier rang, d’autant plus qu’il s’agit d’une interdiction légale (CPCEx, art. R. 121-1 N° Lexbase : L8665LYL).

La difficulté de cette question a conduit le juge de l’exécution parisien, saisi de plusieurs affaires [26] relatives à des contrats de prêt à la consommation dans lesquelles il lui était demandé d’examiner les clauses de déchéance du terme, de les déclarer non écrites et, en conséquence, d’annihiler les décisions de justice qui étaient le fondement de différents commandements de payer aux fins de saisie-vente, à solliciter une demande d’avis à la Cour de cassation afin de demander, notamment, s’il peut annuler la décision contenant la clause abusive et statuer, dans ce cas, au fond sur la demande en paiement. 

Dans un avis rendu le 11 juillet 2024, la Cour de cassation a pu répondre que « il résulte, d'une part, des pouvoirs du juge de l'exécution, et, d'autre part, du droit de l'Union et de la jurisprudence de la CJUE, que le juge de l'exécution, qui répute non écrite une clause abusive, ne peut ni annuler le titre exécutoire, ni le modifier. Il ne peut pas non plus statuer sur une demande en paiement, hors les cas prévus par la loi.

Le titre exécutoire étant privé d'effet en tant qu'il applique la clause abusive réputée non écrite, le juge de l'exécution est tenu de calculer à nouveau le montant de la créance selon les dispositions propres aux mesures d'exécution forcée dont il est saisi » [27].

Très concrètement, par cet avis, la Cour de cassation confirme sa position selon laquelle le juge doit examiner le caractère abusif d’une clause, nonobstant toute autorité de la chose jugée attachée à la première décision. La Cour ne fait toutefois pas œuvre de clarté dans sa réponse. Certes le juge de l’exécution doit contrôler le caractère abusif d’une clause, mais elle interdit strictement toute annulation ou modification de la décision de justice contenant la clause abusive. Pourtant, nul justiciable ne se satisferait de la reconnaissance symbolique d’une clause abusive. C’est ainsi que la haute juridiction affirme que le titre exécutoire est privé d’effet. 

Inévitablement, la sécurité juridique est négligée et l’autorité du juge sérieusement amputée. Ainsi que l’affirment certains auteurs, « On ne peut que regretter que l’occasion n’ait pas été saisie d’engager la discussion par une forme de résistance à l’approche de la Cour de justice, comme le font parfois les Cours d’appel envers la Cour de cassation » [28].

En somme, l’état actuel du droit positif est préoccupant. D’une part, il devient difficile d’articuler le juge de l’exécution et l’appel, voie ordinaire de critique du jugement rendu par la juridiction de premier degré. En effet, en l’état actuel, à compter du moment où l’erreur ou l’omission du premier juge concerne une clause abusive, alors le justiciable a deux solutions. Soit il interjette appel (qui n’a plus d’effet suspensif), soit il décide de résister jusqu’au jour où le créancier déclenche une mesure d’exécution forcée ou conservatoire et, dans ce cas, le juge de l’exécution sera compétent pour statuer sur cette contestation. Évidemment, au regard de l’engorgement des Cours d’appel, un justiciable bien conseillé aurait intérêt à rester inactif, à attendre que se déclenche une voie d’exécution afin de contester celle-ci devant le juge de l’exécution et bénéficier d’un traitement plus rapide de son affaire. Or, à long terme, cette réflexion entraînerait un effet pervers, à savoir l’écroulement du juge de l’exécution sous le poids de ses sollicitations.

D’autre part, ce débat autour de l’office du juge de l’exécution doit être replacé dans un contexte général de crise de la justice civile. Pour rappel, l’arrêt « Pannon GSM » rendu par la CJCE en 2009 impose à tout juge de contrôler le caractère abusif d’une clause dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Dès lors, par principe, aucun débat ne devrait se poser au stade de l’exécution forcée, le premier juge ayant déjà opéré le contrôle. Fondamentalement, la question de l’office du juge de l’exécution est le constat de l’échec de la jurisprudence « Pannon GSM », lequel s’explique essentiellement par le manque des moyens de la justice qui ne permettent pas un investissement humain et intellectuel suffisant de la part des magistrats. 

Enfin, il ne faut pas oublier que le juge de l’exécution, bien qu’étant le gardien de l’équilibre entre les intérêts du débiteur et du créancier, est le garant du droit fondamental à l’exécution d’une décision de justice, droit fondamental reconnu par la CEDH et par le Conseil constitutionnel [29] en tant que véritable composante du procès équitable. Dès lors, il y a un certain paradoxe à demander au juge de l’exécution, protecteur de l’exécution des décisions de justice, de ne pas appliquer celles-ci au profit de la protection du consommateur contre les clauses abusives.

En tout état de cause, afin de limiter l’empiètement du juge de l’exécution sur les autres juridictions, afin de préserver la juridiction de l’engorgement et pour que le juge de l’exécution se concentre sur l’essence même de sa mission, une intervention législative permettrait d’éviter toute généralisation du relevé d’office par la Cour de cassation qui l’a déjà faite par le passé en généralisant le relevé d’office du juge national à l’ensemble des règles d’ordre public issu du droit de l’Union européenne [30]. Ce faisant, la protection du consommateur serait assurée, le droit français serait en conformité avec la jurisprudence européenne et si atteinte à l’autorité négative de la chose jugée il y a, celle-ci serait strictement circonscrite au seul domaine des clauses abusives. 

Par conséquent, voici une proposition à inclure au sein de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire : 

« Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution. 

Toutefois, lorsqu’il est saisi d’une contestation émanant d’un consommateur ou d’un non-professionnel relative au recouvrement d’une créance issue de son rapport contractuel avec le professionnel, le juge de l'exécution est tenu, même en présence d'une précédente décision revêtue de l'autorité de la chose jugée sur le montant de la créance, sauf lorsqu'il ressort de l'ensemble de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge s'est livré à cet examen, et pour autant qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, d'examiner d'office si les clauses insérées dans le contrat ne revêtent pas un caractère abusif ». [31].

À retenir : 

  • la réécriture du premier alinéa de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire est une tâche bien difficile. Quelle que soit la future rédaction adoptée, il y a fort à parier que la jurisprudence et la doctrine joueront, de nouveau, un rôle déterminant dans l’encadrement de la compétence du juge de l’exécution. 
  • la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne a entraîné une extension conséquente de l’office du juge de l’exécution qui doit désormais examiner d'office si les clauses insérées dans le contrat conclu entre le professionnel et le non-professionnel ou consommateur ne revêtent pas un caractère abusif. Cette extension met en péril le fonctionnement de la juridiction de l’exécution et notre sécurité juridique. Dès lors, une intervention législative serait opportune afin de circonscrire ces dérives au seul domaine des clauses abusives. 
 

[1] J. Thyraud, compte rendu intégral des débats parlementaires, seconde session ordinaire 1989-1990, 23ème séance, 15 mai 1990, JO, p. 815.

[2] Sur l’historique de la juridiction de l’exécution antérieure à la création du juge de l’exécution : L. Feuillard, Rép. proc. civ., Dalloz, V° Juge de l’exécution, 2020, n°1. ; R.  Perrot, P. Théry, Procédures civiles d’exécution, 3ème éd. Dalloz, 2013, p. 314.

[3] Circulaire de la Direction des affaires civiles et du Sceau (DACS) du 28 novembre 2024 N° Lexbase : L6935MRB.

[4] Avis, 16 juin 1995, n° 09-50.008, Bull. civ. Avis, n° 9 N° Lexbase : A7379CHR

[5] R. Perrot, Juge de l’exécution. Compétence d’attribution : difficultés relatives aux titres exécutoires, RTD Civ, 1995, p. 691.

[6] Ibid

[7] Il est, ici, utile de préciser qu’il ne s’agit pas de remettre en cause l’autorité du notaire en tant qu’officier public ministériel détenant une parcelle de puissance publique. Si un doute est élevé à l’égard des titres exécutoires non-judiciaires, ce n’est pas un doute portant sur l’instrumentum mais bien un doute portant sur le contenu même du contrat, sur le negotium, de sorte que l’autorité du notaire en est pleinement préservée. 

[8] Cass, civ. 2, 18 juin 2009, n° 08-10.843, Bull. civ. II, n° 165 N° Lexbase : A2954EIA

[9] C. Roth, C. Argouarc’h, J-Cl Commissaires de Justice, Fasc. Unique : Juge de l’exécution, 2023, n° 98.

[10] Cass, civ. 2, 31 janvier 2013, n° 11-26.992, F-P+B N° Lexbase : A6274I47.

[11] DDHC, 26 août 1789, art. 16 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » N° Lexbase : L1363A9D

[12] Cons. const., 17 novembre 2023, n° 2023-1068 QPC, n° 8. 

[13] Ibid, n° 12. 

[14] Ibid, n° 13.

[15] L’article 2 du protocole n° 7 à la Conv. EDH consacre un droit à un double degré de juridiction en matière pénale. Ce texte n’a toutefois aucun équivalent en matière civile, de sorte que les États membres ne sont pas tenus de prévoir une voie de recours contre les jugements rendus en matière civile. 

[16] Cass, civ. 2, 12 septembre 2023, n° 23-12.267, F-D, n° 10 N° Lexbase : A82681GC.

[17] Cass, rapport annuel des études, 2022, p. 11.

[18] Prévue par l’article 267 du TFUE N° Lexbase : L2581IPB.

[19] CJCE, 27 juin 2000, aff. C-240/98 à C-244/98 Océano Grupo Editorial SA c/ Rocío Murciano Quintero, n° 26 N° Lexbase : A5920AYW.

[20] CJCE, 26 octobre 2006, aff. C-168/05, Elisa María Mostaza Claro c/ Centro Móvil Milenium SL, n° 38 N° Lexbase : A0140DSY ;  puis CJCE, 4 juin 2009, Pannon GSM Zrt. c/ Erzsébet Sustikné Gyõrfi, aff. C-243/08, n° 35 N° Lexbase : A9620EHR.

[21] Ass. Plén., 21 décembre 2007, n° 06-11.343, Bull. Ass. plén. n° 10 N° Lexbase : A1175D3W

[22] Cass, civ. 1, 22 janvier 2009, n° 05-20.176FS-P+B+I N° Lexbase : A5557ECS, n° 9. 

[23] CJUE, 26 janvier 2017, aff. C-421/14, Banco Primus SA c/ Jesús Gutiérrez García N° Lexbase : A9995TM7 , n° 76.

[24] CJUE, 17 mai 2022, aff. C‑600/19, Ma c/ Ibercaja Banco SA N° Lexbase : A16647XW ; CJUE, 17 mai 2022, aff. C‑693/19 et aff. C‑831/19, SPV Project 1503 Srl c/ YB N° Lexbase : A16667XY.

[25] Cass, com, 8 février 2023, n° 21-17.763, FS-B N° Lexbase : A97209BM, n° 129, solution ensuite confirmée : Cass, civ, 2, 13 avril 2023, n° 21-14.540, FS-B+R N° Lexbase : A02289P7.

TJ Paris, JEX, 11 janvier 2024, n° 23/00238 N° Lexbase : A32592D3 ; TJ Paris, JEX, 11 janvier 2024, n° 23/00185 N° Lexbase : A32582DZ; TJ Paris, JEX, 11 janvier 2024, n° 20/81791 N° Lexbase : A32602D4.

[27] Cass, avis, 11 juillet 2024, n° 24-70.001, FS-B. 

[28] B. Jost, Le juge de l’exécution et les clauses abusives contenues dans le titre exécutoire (suite)Lexbase Contentieux et Recouvrement, septembre 2024, n° 7 N° Lexbase : N0387B3Q.

[29] CEDH, 19 mars 1997, Req 18357/91, Hornsby c/ Grèce N° Lexbase : A8438AWG ; Cons. const., 6 mars 2015, n° 2014-455 QPC N° Lexbase : A7734NCG.

[30] Cass, ch. mixte, 7 juillet 2017, n° 15-25.651, N° Lexbase : A5557ECS, n° 2. 

[31] Il est précisé qu’une telle réécriture modifiera l’article R. 121-1 du Code des procédures civiles d'exécution qui sera amputé de son second alinéa.

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