Lexbase Contentieux et Recouvrement n°8 du 19 décembre 2024 : Voies d'exécution

[Actes de colloques] L'intégration de l'Intelligence artificielle dans les voies d'exécution

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par Carlos Calvo (LUX), Vice-Trésorier UIHJ

le 18 Décembre 2024

Mots-clés : Intelligence Artificielle (IA) • Justice automatisée • exécution des décisions • droits humains • éthique et transparence • protection des données • responsabilité algorithmique • déshumanisation • biais algorithmiques • supervision humaine • transformation numérique • huissiers de justice • commissaire de justice • CEPEJ (Commission européenne pour l'efficacité de la justice) • égalité d'accès à la justice • RGPD (Règlement général sur la protection des données)

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du 3ème Forum mondial sur l’exécution intitulé « L’intelligence artificielle, droits humains et exécution des décisions de justice en matière civile et commerciale : quelles garanties pour les justiciables ? », organisé par l’Union International des Huissiers de Justice (UIHJ) et par la Commission pour l’Efficacité de la Justice (CEPEJ) et qui s’est tenu le 2 décembre 2024 au Palais de l’Europe de Strasbourg.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : N° Lexbase : N1264B39

I. Introduction avec contexte réglementaire

L'intelligence artificielle (IA) transforme de nombreux secteurs, y compris le domaine juridique. Les huissiers de justice, en tant qu'acteurs clés des voies d'exécution des décisions judiciaires et du recouvrement des créances, se trouvent à la croisée des chemins entre tradition et modernisation technologique. L'IA, avec ses capacités d'automatisation, d'analyse de données et de prédiction, offre des solutions concrètes et intéressantes pour améliorer l'efficacité des procédures d'exécution. Cependant, ces innovations soulèvent des questions éthiques et juridiques majeures qui nécessitent une vigilance constante. Le 24ème Congrès de l’Union internationale des huissiers de justice (Dubaï 2021) a recommandé que les droits fondamentaux des parties dans les procédures d'exécution numérique soient toujours garantis, et que la technologie ne remplace jamais les qualités humaines des huissiers de justice.

Le cadre juridique entourant l'IA, notamment l'IA Act de la Commission européenne [1] et la Convention-cadre du conseil de l'Europe sur l’intelligence artificielle [2], impose une réflexion approfondie sur les responsabilités et les pratiques à adopter pour garantir une utilisation appropriée de ces technologies. Voyons comment l'IA contribue aux voies d'exécution, en mettant en évidence ses avantages, ses défis et ses perspectives.

II. Le Rôle de l'huissier de justice dans les voies d'exécution : entre tradition et modernité

Le rôle fondamental de l'huissier de justice consiste à exécuter les décisions judiciaires, à signifier des actes et à recouvrer des créances. Cette mission implique une rigueur et un respect strict des procédures, qu'il s'agisse de saisies, de ventes judiciaires ou d'expulsions. En tant que juriste de proximité, l'huissier de justice est souvent la première interface à visage humain que le citoyen a de la justice, offrant un soutien et une écoute attentive, tout en apportant un contact humain essentiel dans l'exécution des décisions. Le 24e Congrès de l’UIHJ a souligné que la technologie ne doit jamais remplacer les qualités humaines des huissiers de justice, et que ces derniers doivent rester au cœur du processus d'exécution.

Cependant, ces tâches peuvent être lourdes, en raison de la complexité des procédures et du volume des dossiers à traiter. C'est ici que l'IA peut apporter une valeur ajoutée significative en allégeant les charges administratives et en optimisant les processus et workflows, tout en permettant aux huissiers de se concentrer sur les aspects humains de leur mission.

L'adoption des technologies d'IA doit se faire dans le respect des lignes directrices de l'IA Act de la Commission Européenne, garantissant une utilisation transparente, équitable et respectueuse des droits fondamentaux. Le Conseil de l'Europe insiste également sur la nécessité d'une supervision humaine des systèmes d'IA, afin de s'assurer que les décisions finales soient validées par des professionnels qualifiés.

III. Automatisation, IA et tâches répétitives dans les voies d'exécution

A. Différence entre automatisation et intelligence artificielle

L’automatisation et l’intelligence artificielle sont souvent confondues, alors qu'elles reposent sur des concepts bien distincts. Dans le cadre des voies d'exécution, il est crucial de bien saisir cette différence pour exploiter au mieux ces technologies et améliorer à la fois les processus judiciaires et administratifs.

L’automatisation se base essentiellement sur la réalisation de tâches répétitives programmées à l'avance, permettant à des systèmes d'exécuter ces actions sans intervention humaine. Bien que ce processus soit efficace pour des tâches simples et récurrentes, il ne nécessite ni analyse des données, ni prise de décision complexe.

L’intelligence artificielle, en revanche, va beaucoup plus loin. Elle cherche à reproduire certaines capacités humaines, comme l’analyse et la prise de décision, en s’appuyant sur des algorithmes d’apprentissage automatique. L'IA est capable de traiter de vastes quantités de données, de repérer des tendances, et d’adapter ses actions en fonction des situations. Elle ne se contente pas d'exécuter des tâches : elle apprend des résultats passés pour améliorer ses réponses futures.

Dans les voies d’exécution, combiner ces technologies permet d’automatiser des tâches administratives courantes tout en exploitant les capacités de l’IA pour gérer des situations plus complexes et ajustées aux particularités de chaque dossier.

Par exemple, l'envoi de courriers de relance pour des paiements en retard peut être automatisé. Un huissier peut programmer des envois automatiques à des dates précises, sans devoir rédiger chaque lettre manuellement. L'IA, en revanche, pourrait analyser le profil du débiteur, ses antécédents de paiement, et déterminer si un appel personnel serait plus efficace qu'une simple relance et / ou personnaliser l’acte à signifier.

B. Exemples concrets d'automatisation avec l'IA dans les voies d'exécution

Selon l'IA Act de la Commission Européenne, les huissiers doivent s'assurer que les systèmes automatisés soient classés selon leur niveau de risque, en respectant les catégories définies par la régulation. Par exemple, la génération automatisée de courriers et d'actes peut être considérée comme une tâche à faible risque tant qu'elle est supervisée par un humain. En automatisant ces processus, les huissiers peuvent se décharger des aspects les plus fastidieux de leur travail, tout en réduisant le risque d'erreurs humaines.

L'IA peut également considérablement accélérer les procédures d'exécution en automatisant des tâches telles que la recherche de biens, la communication avec les parties, et l'analyse de solvabilité. Cette efficacité accrue se traduit par une diminution des coûts et une meilleure allocation des ressources humaines. Grâce à l'IA, les huissiers peuvent communiquer plus efficacement avec les débiteurs, que ce soit par email, SMS ou autres moyens, tout en adaptant leur ton à chaque situation.  

En revanche, l'analyse prédictive, une application plus avancée de l'IA, pourrait être classée comme une technologie à risque moyen à élever. Par exemple, un système d'IA pourrait analyser des centaines de dossiers de débiteurs pour prédire ceux qui ont le plus de chances de ne pas honorer leurs dettes, aidant ainsi les huissiers à prioriser leurs efforts.

IV. Avantages et défis de l'intégration de l'IA dans les voies d'exécution

A. Avantages de l'IA dans les voies d'exécution

  • Recherche de biens : en utilisant des bases de données publiques et privées, l'IA peut automatiser la recherche d'actifs saisissables. Cela permet d'identifier plus rapidement les biens appartenant aux débiteurs, améliorant ainsi l'efficacité et réduisant le temps nécessaire pour localiser des actifs.
  • Analyse de solvabilité : l'IA peut analyser les données financières des débiteurs pour déterminer leur solvabilité et évaluer les meilleures stratégies de recouvrement. Elle peut prendre en compte des éléments tels que l'historique de paiement, le niveau d'endettement et les changements récents de situation, comme des faillites ou des variations d'emploi. En conséquence, les huissiers peuvent privilégier une approche plus adaptée, par exemple une solution amiable dans les cas où la solvabilité est faible.
  • Détection de fraude : en analysant de grandes quantités de données, l'IA peut identifier des comportements suspects ou des anomalies, comme des transferts d'actifs peu avant une saisie ou des incohérences dans les déclarations. Cela permet d'alerter les huissiers des cas nécessitant une enquête approfondie, améliorant ainsi la protection des créanciers.
  • Communication personnalisée sur plusieurs canaux : l'IA permet d'adapter la communication aux préférences du débiteur, que ce soit par email, SMS ou messageries instantanées. L'algorithme identifie le canal le plus efficace et ajuste le ton du message pour maximiser l'engagement, ce qui favorise de meilleurs taux de réponse et de recouvrement.
  • Assistance via chatbot : les chatbots utilisant l'IA peuvent répondre instantanément aux questions des débiteurs, fournir des informations sur les procédures et orienter vers les étapes suivantes. Disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, ces chatbots déchargent les huissiers des tâches administratives répétitives tout en offrant un service rapide et précis.
  • Réduction des coûts opérationnels : l'efficacité accrue par l'automatisation des processus réduit les coûts liés aux opérations courantes des études d'huissiers. Le gain de temps sur des tâches répétitives permet de diminuer la charge administrative et d'allouer les ressources à des activités à plus forte valeur ajoutée.
  • Concentration sur des aspects stratégiques : en automatisant les tâches administratives, l'IA permet aux huissiers de se concentrer sur des aspects plus stratégiques et personnalisés des dossiers, tels que la négociation et la gestion des cas complexes.
  • Optimisation des routes : les algorithmes d'IA peuvent optimiser les tournées des huissiers en tenant compte du trafic, des horaires des débiteurs, et des priorités des dossiers. Cela contribue à minimiser les coûts et le temps de déplacement, tout en permettant une meilleure gestion des ressources disponibles.

B. Défis de l'Intégration de l'IA

  • Complexité de la mise en œuvre : l'intégration des systèmes d'IA dans les environnements juridiques est complexe et nécessite des ajustements techniques conséquents, une formation approfondie du personnel, ainsi que des investissements financiers importants. Pour réussir cette transformation, il est crucial de planifier soigneusement chaque étape du déploiement et de s'assurer que les collaborateurs soient bien préparés à utiliser ces nouvelles technologies.
  • Résistance au changement : l'adoption de l'IA rencontre souvent une résistance au niveau institutionnel et individuel. Les craintes concernant la perte d'emploi, le manque de familiarité avec la technologie et la réticence à changer des processus bien établis peuvent ralentir l'intégration. Pour surmonter ces obstacles, il est fondamental d'impliquer les parties prenantes dès le début, de communiquer sur les bénéfices attendus et de proposer des formations adaptées pour faciliter la transition.
  • Confidentialité et sécurité des données : l'utilisation de l'IA soulève des préoccupations importantes en matière de confidentialité et de sécurité. Les systèmes doivent être conçus pour garantir la protection des informations sensibles des clients, et la conformité aux réglementations telles que le RGPD est essentielle. Des mécanismes de contrôle stricts doivent être mis en place pour assurer que les données sont traitées de manière sécurisée, minimisant ainsi les risques d'accès non autorisé ou de fuite d'informations.

V. Exemples concrets dans les voies d'exécution : ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter

A. Bonnes Pratiques

  • Automatisation des relances : utiliser des outils d'IA pour analyser le comportement des débiteurs et personnaliser les relances de paiement avant la date d'échéance. Par exemple, un algorithme IA pourrait identifier un débiteur ayant montré de bonnes intentions en se basant sur des analyses comportementales et envoyer un message adapté et personnalisé, tandis qu'un débiteur ignorant les relances précédentes pourrait recevoir une notification plus formelle et adaptée à son profil.
  • Analyse prédictive pour prioriser les dossiers : utiliser des modèles d'IA pour analyser en temps réel les comportements de paiement et identifier les dossiers présentant les plus hauts risques de défaillance. L'IA peut prendre en compte des paramètres tels que les antécédents de paiement, les fluctuations de revenus, et des événements externes (par exemple, un dépôt de bilan). Cela permet aux huissiers de concentrer leurs efforts sur les dossiers prioritaires et de maximiser les chances de recouvrement.
  • Utilisation de modèles pour la rédaction d'actes : recourir à des plateformes d'IA pour générer des courriers standards, tout en permettant des modifications adaptées au contexte spécifique de chaque cas. Par exemple, l'IA peut intégrer des éléments spécifiques à chaque débiteur (détail de la créance, échéancier négocié) afin de rendre le message plus pertinent. Cette capacité d'adaptation améliore la communication et réduit les risques de malentendus, tout en augmentant l'efficacité du processus de signification.
  • Solutions de paiement numériques : l'intégration de solutions de paiement numériques directement dans les procédures d'exécution pourrait faciliter le règlement des dettes. Les débiteurs pourraient bénéficier de diverses options de paiement, comme les paiements instantanés ou les plans de paiement échelonnés, favorisant ainsi un règlement plus rapide et plus simple.

B. Pratiques à éviter et dangers

  • Automatisation aveugle de procédures complexes sans validation humaine : ne jamais utiliser un système d'IA pour prendre une décision importante finale sans validation humaine. Automatiser des procédures nécessitant une analyse nuancée est risqué, car l'IA, malgré ses capacités, peut ne pas saisir la complexité des cas individuels.  L'IA pourrait, par exemple, décider de procéder à une vente forcée sans prendre en compte des circonstances particulières, comme un débiteur en train de négocier une solution de paiement amiable. Cela pourrait mener à une liquidation prématurée des biens, entraînant des pertes inutiles pour toutes les parties concernées. Les erreurs ou biais algorithmiques peuvent conduire à des décisions inappropriées. De plus, il est essentiel de vérifier que l'IA ne prenne pas de décisions fondées sur des données incomplètes ou dépassées, ce qui fausserait l'analyse du contexte. La supervision humaine est indispensable pour éviter de telles dérives.
  • Traitement automatique de données sensibles sans contrôle : la vérification humaine des données traitées par l'IA est cruciale pour éviter des violations de la confidentialité ou des erreurs de traitement. Un algorithme mal calibré pourrait divulguer des informations sensibles, surtout si les données ne sont pas correctement anonymisées, entraînant des risques de violations du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). 

  • Biais inhérents dans les données de formation IA : l'IA dépend des données sur lesquelles elle est formée. Si ces ensembles de données comportent des biais, l'IA les reproduira. Cela pourrait entraîner des discriminations fondées sur des critères tels que le genre, l'origine ethnique ou la situation économique. Par exemple, si les données de formation IA contiennent une surreprésentation de situations dans lesquelles des débiteurs d'un certain profil ont souvent failli à leurs engagements, l'algorithme pourrait injustement refuser un plan de paiement à une personne répondant à ce profil, même si elle est en mesure de s'acquitter de sa dette. De plus, l'IA pourrait cibler de manière disproportionnée des débiteurs provenant de quartiers sensibles ou appartenant à une certaine ethnie, accentuant ainsi les inégalités sociales et contribuant à des pratiques de recouvrement injustes.
  • Erreurs systémiques amplifiées : une erreur dans la conception de l'algorithme ou une donnée incorrecte peut entraîner une amplification systématique des erreurs. Contrairement à une erreur humaine qui est souvent localisée, une erreur dans un système d'IA peut se propager rapidement et affecter des centaines, voire des milliers de cas, avant même d'être détectée.
  • Limites dans la prise en compte de l'évolution du contexte juridique : le droit est en constante évolution, et une IA formée sur des données anciennes pourrait ne pas intégrer les derniers changements législatifs ou juridiques. Cette incapacité à s'adapter rapidement au cadre légal peut entraîner des décisions qui ne sont plus conformes aux lois actuelles, causant des problèmes légaux et des préjudices pour les parties concernées.
  • Dépendance technologique excessive : une dépendance excessive aux technologies d'IA peut entraîner une perte des compétences humaines essentielles. Si les professionnels comptent uniquement sur l'IA pour évaluer des dossiers et prendre des décisions, leur expertise risque de se détériorer, les rendant vulnérables lorsque la technologie présente des failles ou est inaccessible. Une telle situation pourrait gravement affecter la capacité de l'étude à fonctionner correctement sans l'assistance de ces outils.

VI. Perspectives : Un futur numérique pour les voies d'exécution

A. Blockchain et « smart contracts »

La blockchain pourrait apporter plus de transparence et de sécurité dans l'exécution des obligations. Cette technologie permet de conserver un registre distribué et immuable de toutes les transactions et actions entreprises, ce qui renforce la confiance des parties concernées. 

Les « smart contracts », quant à eux, sont des programmes qui s'exécutent automatiquement lorsque certaines conditions prédéfinies sont remplies. Ils pourraient considérablement simplifier les procédures d'exécution en automatisant certaines tâches, telles que le transfert de fonds ou la libération de garanties, une fois qu'un débiteur a effectué un paiement. Cela réduirait l'intervention humaine nécessaire et minimiserait le risque d'erreurs. Par exemple, un « smart contract » pourrait être utilisé pour gérer un plan de paiement échelonné, où chaque paiement déclencherait automatiquement l'émission d'une confirmation ou la libération progressive d'une garantie. Cette automatisation pourrait réduire les délais de traitement et garantir que les obligations sont respectées de manière précise et rapide.

B. Résolution des conflits avec l'IA

L'IA pourrait assister à la résolution des litiges en proposant des solutions basées sur l'analyse de cas similaires, facilitant ainsi la médiation et la négociation. Grâce à l'analyse de données massives et à l'apprentissage automatique, l'IA pourrait identifier des schémas et des précédents qui ont conduit à des solutions amiables dans le passé, et proposer des options similaires aux parties impliquées. 

Par exemple, une IA pourrait analyser des milliers de décisions passées concernant des plans de paiement pour déterminer les propositions les plus susceptibles d'être acceptées par les débiteurs et les créanciers dans des situations similaires. Cela favoriserait des solutions équilibrées et augmenterait les chances de résolution à l'amiable, évitant ainsi des procédures judiciaires longues et coûteuses ou des procédures d'exécution forcée inappropriées.

L'IA pourrait également être utilisée pour créer des plateformes de résolution de litiges en ligne, où les parties pourraient interagir de manière virtuelle, recevoir des recommandations en temps réel, et parvenir à un accord sans avoir à se déplacer. Ces plateformes automatisées pourraient non seulement rendre le processus plus accessible, mais aussi permettre un règlement plus rapide des litiges, réduisant ainsi la charge des tribunaux et des huissiers de justice.

C. L’intelligence artificielle pour l'inventaire et la prisée des biens saisis

L'IA pourrait révolutionner la manière dont les huissiers de justice réalisent l'inventaire et l'évaluation des biens lors d'une saisie. 

Concrètement, un huissier de justice pourrait filmer la pièce où se trouvent les biens à saisir, et l'IA analyserait les images pour identifier automatiquement les objets. Ce système serait capable de distinguer les biens saisissables, comme définis par la loi, des biens insaisissables (objets d'usage quotidien ou sans valeur vénale). L'IA rédigerait ensuite un inventaire complet et détaillé, en classant les biens selon leur catégorie, leur nature, et leur état.

En parallèle, l'IA pourrait estimer la valeur vénale des biens en s'appuyant sur des données historiques de ventes aux enchères ou des bases de données du marché. Par exemple, l'IA pourrait identifier un appareil électronique ou un meuble de valeur, et en proposer une estimation basée sur des ventes récentes de biens similaires. Cette automatisation réduirait non seulement le temps consacré à la prisée des biens, mais améliorerait aussi la précision des évaluations.

D. Assistance linguistique par l'IA

Aujourd'hui, les huissiers de justice sont souvent confrontés à des justiciables issus de diverses nationalités, ne maîtrisant pas nécessairement le français, que ce soit à l'oral ou à l'écrit. Cette barrière linguistique peut compliquer la communication et la compréhension des procédures d'exécution, entraînant des retards ou des malentendus dans le processus.

L'IA pourrait jouer un rôle déterminant pour surmonter ces obstacles linguistiques. Grâce aux capacités de traduction en temps réel et à la reconnaissance vocale, l'IA pourrait aider les huissiers à interagir plus efficacement avec des justiciables qui ne parlent pas un lange compris par l’huissier.

L'IA pourrait être utilisée pour traduire instantanément les documents juridiques dans la langue du justiciable, tout en conservant les nuances juridiques nécessaires. Cela permettrait de fournir des informations claires et compréhensibles sur les procédures en cours, garantissant ainsi le respect du droit à l'information.

L’IA pourrait également assister les huissiers dans les échanges verbaux avec les justiciables. L'IA pourrait retranscrire et traduire instantanément les dialogues, facilitant ainsi une communication fluide lors d'une saisie ou d'une explication de procédure, que ce soit en face-à-face ou à distance.

VII. Conclusion

L'intégration de l'IA dans les voies d'exécution offre des perspectives prometteuses, allant de l'automatisation des tâches répétitives à une prise de décision plus éclairée. Cependant, cette évolution technologique doit s'accompagner d'une vigilance accrue sur les questions éthiques, la protection des données et la lutte contre les biais algorithmiques. Les huissiers ont la responsabilité de s'adapter à ces changements tout en préservant leur mission fondamentale : garantir la justice et la sécurité juridique des citoyens.

Avec une approche équilibrée entre innovation et respect des principes juridiques, les huissiers peuvent non seulement s'adapter aux nouvelles technologies de l’intelligence artificielle, mais aussi renforcer leur rôle en tant que piliers humains de la justice dans la société de demain. Les bénéfices apportés par l'IA ne doivent jamais faire oublier l'importance du discernement humain, garant de l'équité et de la justice.

 

[1] Règlement (UE) n° 2024/1689 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle [LXB= L1054MND].

[2] Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur l'intelligence artificielle et les droits de l’Homme, la démocratie et l’État de droit [en ligne].

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