Réf. : Alexandre Duflos, Commissaire de justice associé - Médiateur (SAS Nemesis)
Lecture: 3 min
N6828BZW
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Alexandre Duflos, Commissaire de justice associé - Médiateur (SAS Nemesis)
le 27 Septembre 2023
Mots-clés : constat • record du monde • procès-verbal
La revue Lexbase Contentieux et Recouvrement a le plaisir de vous présenter la rubrique « Le jour où » qui laisse la parole libre à des professionnels du droit, ayant rencontré des difficultés pratiques lors de la mise en œuvre d’une procédure ou une anecdote particulière. L’objectif de cette rubrique est, au-delà de constituer un retour d’expérience, de démontrer en quoi la réalité du droit peut être éloignée des textes, contraignant le professionnel à improviser pour parvenir à ses fins.
« Je me souviens d'une anecdote liée à un dossier dans lequel j'ai été impliqué pour homologuer un record du monde pour un constructeur automobile de renom. L'objectif était de faire homologuer le record d'endurance en parcourant le plus grand nombre de kilomètres en 24 heures avec une voiture de série électrique.
Dès que le client m'a contacté, en tant que juriste de formation, ma première réflexion a naturellement porté sur l'aspect juridique de cette homologation. Je me demandais quel serait l'apport juridique de ce constat. Rapidement, il est devenu évident que ce constat d'huissier serait principalement utilisé à des fins publicitaires et commerciales.
J'ai donc entamé des discussions avec le client pour définir le mode opératoire dans lequel le constat devrait être réalisé. Le client m'a expliqué qu'ils prévoyaient de faire tourner deux voitures de série similaires sur un circuit pendant 24 heures, pour éviter la panne de l’un des véhicules et de vérifier que les deux voitures terminaient bien la course.
Dans un premier temps, nous avons effectué un prérequis aux constatations que j'ai recommandé. Il était essentiel de vérifier minutieusement tous les éléments du moteur et de la carrosserie pour prouver qu'il s'agissait bien d'une voiture de série non modifiée. Cette étape a pris environ une heure.
Nous avons ensuite procédé à une comparaison avec les données du constructeur pour confirmer qu'il s'agissait bien d'une voiture de série et non d'un véhicule spécialement préparé pour pratiquer le constat.
J'ai proposé initialement d'être à bord de l'un des véhicules pour garantir une homologation précise, mais le constructeur m'a expliqué que ma présence alourdirait le poids de la voiture et affecterait ses performances. Je voulais vérifier qu’il ne s'arrêtait pas à un moment donné pour remettre des batteries supplémentaires ou trafiquer la voiture.
Nous avons donc opté pour une solution alternative en plaçant un GPS à l'intérieur du véhicule, préalablement calibré à l'arrêt. Les données étaient recueillies à intervalles réguliers, tour par tour.
Pendant les 24 heures, mon associé et moi nous sommes relayés, nous nous sommes positionnés à un endroit stratégique du circuit, près des stands de recharge. Nous avons démarré le chronomètre, et en plus des données GPS, j'ai compté manuellement les tours, enregistrant également les arrêts. Nous avons mesuré la piste pour calculer la distance parcourue en multipliant le nombre de tours par la longueur du circuit. Les véhicules ont tourné sans interruption.
Après 24 heures, nous avons analysé les données GPS en collaboration avec les ingénieurs. Les relevés GPS avaient été extraits immédiatement sur la piste pour bien montrer qu’il n’y avait pas eu d'arrêt sur l'anneau de vitesse.
Il en ressort que les voitures avaient maintenu une vitesse constante et précise pour ne pas consommer et économiser de l'énergie. Sur l’ensemble des tours, aucune donnée ne révélait un arrêt prolongé à un endroit spécifique. À la fin des 24 heures, la dernière voiture en piste s'est arrêtée, la première ayant du abandonner pour cause de panne.
Le record précédent avait été battu. Lorsque le client m'a demandé de rédiger le procès-verbal, il s'agissait essentiellement de certifier la distance parcourue selon une norme, non pas juridique, mais que l’on pourrait qualifier de populaire, puisqu'il s'agissait d'un record du monde.
Nous étions donc plus dans le domaine de la publicité et de l'argument commercial. Ce constat est devenu un argument de vente, puisqu’il a été exposé lors des salons automobiles pour promouvoir le record homologué. »
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:486828