Réf. : Convention sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale, La Haye 2 juillet 2019 N° Lexbase : L2659LSB
Lecture: 5 min
N6696BZZ
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Patrick Gielen, Secrétaire de l’UIHJ, Huissier de Justice Belgique (Modero Bruxelles)
le 27 Septembre 2023
Mots clés : matière civile et commerciale • reconnaissance • exécution • passeport mondial • conférence de La Haye • abolition de l’exequatur • entrée en vigueur
Ce 1er septembre 2023, la Convention du 2 juillet 2019 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale (Convention Jugements 2019) permettant pour la première fois à un jugement de voyager librement non seulement entre les pays de l’Union européenne mais également avec les pays tiers est entrée en vigueur, un peu plus de quatre ans après son adoption le 2 juillet 2019. À compter de ce 1er septembre, la Convention produit ses effets entre l'Union européenne (UE), y compris ses États membres (à l'exception du Danemark), et de l'Ukraine.
La Convention de La Haye sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale N° Lexbase : L2659LSB, adoptée le 2 juillet 2019 par la Conférence de La Haye de droit international privé, marque une avancée significative dans la simplification et la facilitation du processus de reconnaissance et d'exécution des jugements étrangers.
Cette convention a pour but de faciliter la circulation des jugements entre les parties contractantes en fixant non seulement les conditions de la reconnaissance et de l’exécution des jugements mais également d’énoncer les motifs de refus.
Elle s'inspire des modèles de la Convention de Bruxelles N° Lexbase : L6340MIN, des Règlements Bruxelles I N° Lexbase : L7541A8S et I bis N° Lexbase : L9189IUU, ainsi que de la Convention de Lugano N° Lexbase : L2559I8B, tout en établissant une nouvelle catégorie de jugements bénéficiant de ses dispositions.
I. Principales caractéristiques de la Convention
La Convention s’applique à la reconnaissance et à l’exécution des jugements en matière civile ou commerciale (art. 1), y compris aux consommateurs et aux contrats individuels de travail.
La Convention exclut certaines matières de son champ d’application, notamment l’état et la capacité des personnes physiques, les questions de droit de la famille, l’insolvabilité, le droit à la vie privée, la propriété intellectuelle et certaines entraves à la concurrence (art. 2(1)).
Par ailleurs, elle ne s’applique ni à l’arbitrage et aux procédures y afférentes (art. 2 (3)), ni aux mesures provisoires et conservatoires (art. 3(1)(b)).
Les parties contractantes peuvent aussi déclarer qu’elles n’appliqueront pas la Convention à d’autres matières particulières (art. 18(1)).
La Convention fixe un cadre commun au titre duquel les jugements d’une partie contractante seront reconnus et / ou exécutés dans une autre, à condition qu’ils remplissent les conditions pour circuler et qu’aucun motif de refus ne s’applique.
La Convention fournit une liste de critères permettant au tribunal requis de vérifier si le jugement est susceptible d’être reconnu et exécuté (on parle parfois de « chefs de compétence indirects »).
Par conséquent, la Convention ne prévoit pas de règles de compétence directe applicables dans le tribunal d’origine ou dans le tribunal requis.
Un jugement pourra être reconnu et exécuté au titre de la Convention dès lors que l’un des critères énumérés à l’article 5 (1) est rempli.
L’article 6 prévoit un fondement exclusif de reconnaissance d’exécution pour les jugements portant sur des droits réels immobiliers, qui pourront être reconnus et exécutés si, et seulement si, l’immeuble est situé dans l’État d’origine.
Il s’agit de conditions minimales pour la reconnaissance et l’exécution.
Autrement dit, la Convention n’interdit ou ne limite pas la reconnaissance et l’exécution des jugements au titre du droit national, d’instruments bilatéraux, régionaux ou d’autres instruments internationaux (art. 15 et 23), sous réserve de l’article 6.
En ce sens, la Convention établit un « seuil » plutôt qu’un « plafond » en matière de reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers.
La reconnaissance et l’exécution ne peuvent être refusées que sur le fondement de l’un des motifs énumérés dans la Convention.
Ces motifs de refus ne sont pas obligatoires, ce qui offre au tribunal requis un pouvoir discrétionnaire quant à la décision de refus.
Les motifs énumérés à l’article 7 sont largement admis au sein des différents ressorts juridiques, notamment l’ordre public, l’équité procédurale et les jugements incompatibles.
II. Parties contractantes
Cette convention, qui compte désormais l'Union européenne (UE) [1] et l'Ukraine parmi ses membres, est entré en vigueur ce 1er septembre 2023, conformément à l'article 28, paragraphe 1, de la Convention.
Précédée par des tentatives antérieures, dont la Convention de 1971 qui n'a rencontré que peu d'adhésion internationale, la Convention actuelle a été renégociée à l'initiative des États-Unis en 1992, aboutissant à son adoption en 2019.
Jusqu'à présent, elle a été signée par plusieurs pays, dont le Costa Rica, l'UE, Israël, la Fédération de Russie, l'Ukraine, les États-Unis d'Amérique, l'Uruguay, la Macédoine du Nord et le Monténégro.
Seul l’Union européenne et de l'Ukraine ont ratifié la convention jugement permettant son entrée en vigueur ce 1er septembre 2023.
Conclusion La Convention, tout en étant ouverte à l'adhésion d'autres États, pourrait contribuer à l'harmonisation des régimes de reconnaissance et d'exécution des jugements étrangers, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni. En somme, la Convention de La Haye sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale marque une étape importante dans la simplification et la cohérence des procédures de reconnaissance et d'exécution des jugements étrangers, offrant ainsi aux parties concernées une plus grande sécurité juridique et facilitant les échanges internationaux. Son entrée en vigueur en septembre 2023 promet de renforcer davantage la coopération internationale en matière judiciaire. |
[1] Voy. Décision (UE) 2022/1206 du Conseil du 12 juillet 2022 concernant l’adhésion de l’Union européenne à la convention sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale N° Lexbase : L4299MDL.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:486696