Lexbase Contentieux et Recouvrement n°3 du 28 septembre 2023 : Commissaires de justice

[Actes de colloques] Propos introductifs du professeur Natalie Fricero lors du colloque « Déontologie et procédures disciplinaires à l’encontre des officiers publics et ministériels »

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N6717BZS

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[Actes de colloques] Propos introductifs du professeur Natalie Fricero lors du colloque « Déontologie et procédures disciplinaires à l’encontre des officiers publics et ministériels ». Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/99788397-actes-de-colloques-propos-introductifs-du-professeur-natalie-fricero-lors-du-colloque-deontologie-et
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par Natalie Fricero, professeur des Universités, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature, membre du Conseil national de la médiation

le 27 Septembre 2023

Mots clés : déontologie • commissaire de justice

La revue Lexbase Contentieux et Recouvrement vous propose de retrouver une partie des actes du colloque intitulé « Déontologie et procédures disciplinaires à l’encontre des officiers publics et ministériels », qui s’est déroulé le 7 septembre 2023 à Rennes, et qui était organisé par les chambres régionales des commissaires de justice des cours d’appel Angers, Caen et Rennes.

Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : N° Lexbase : N6856BZX


 

La déontologie (du grec deontos, qui signifie devoir) est la science des obligations et devoirs des professionnels. Elle fait référence à l’éthique et guide les comportements professionnels. Son contenu est défini par la profession elle-même (c’est le cas des officiers ministériels, le code de déontologie étant préparé par l’instance nationale de la profession) et on la  retrouve dans des codes, chartes, guides ou recueils. Pour la  rendre transparente, les règles de déontologie de certaines professions sont reprises dans des dispositions normatives et on attend une publication par décret du code de déontologie des Commissaires de justice. L’article 2 de l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels N° Lexbase : L3778MCW prévoit que l’instance nationale précise par voie de règlement les règles professionnelles propres à assurer le respect du code de déontologie. Pour les officiers publics et ministériels, ce règlement sera approuvé par un arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Cette transparence est essentielle pour assurer la légitimité de la profession de Commissaire de justice.

La Cour européenne des droits de l’Homme, dans l’arrêt « Pini, Bertani, Manera et Atripaldi contre Roumanie » du 22 juin 2004 (n°s 78028/01 et 78030/01 N° Lexbase : A7527DCR) juge (à propos d’un huissier de justice séquestré dans l’exercice de sa fonction d’exécution) au § 183. « De l'avis de la Cour, une telle attitude envers les huissiers de justice - qui œuvrent dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, ce qui fait d'eux un élément essentiel de l'Etat de droit – était incompatible avec leur qualité de dépositaires de la force publique en matière d'exécution et ne saurait demeurer sans conséquences pour ceux qui en sont responsables. A ce titre, il appartient à l'Etat de prendre toutes les mesures nécessaires afin qu'ils puissent mener à bien la tâche dont ils ont été investis, notamment en leur assurant le concours effectif des autres autorités qui peuvent prêter main forte à l'exécution là où la situation s'impose, à défaut de quoi les garanties dont a bénéficié le justiciable pendant la phase judiciaire de la procédure perdent toute raison d'être. » À propos de l’obligation pour le gagnant de payer une partie des frais d’exécution au commissaire de justice, la Cour européenne des droits de l’Homme a précisé, dans l’arrêt « 3A.CZ S.R.O. c. République tchèque » du 10 février 2011 (n° 21835/06 N° Lexbase : A2515GTC) au § 62 : « La Cour accepte ensuite que les dispositions relatives au paiement des frais d’exécution et l'application qu'en ont faites en l'espèce les tribunaux, poursuivent le but légitime d'une bonne administration de la justice dont font partie les huissiers de justice ». Pour bénéficier de cette qualité, le commissaire de justice doit respecter une stricte déontologie.

La discipline définit des règles de conduite professionnelle qui sont sanctionnées par une juridiction disciplinaire à l’issue d’une procédure organisée. Les liens entre la déontologie et la discipline sont très forts s’agissant des officiers publics et ministériels : l’article 7 de l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 N° Lexbase : L3778MCW définit la faute disciplinaire en précisant que « toute contravention aux lois et règlements, tout fait contraire au code de déontologie, commis par un professionnel, même se rapportant à des faits commis en dehors de l’exercice de sa profession, et toute infraction aux règles professionnelles, constituent un manquement disciplinaire » : le rattachement de la déontologie à la discipline est évident.

La réforme de la déontologie et de la discipline, issue essentiellement de l’ordonnance du 13 avril 2022 et du décret n° 2022-900 du 17 juin 2022 relatif à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels N° Lexbase : L1594MDE (auxquels il faut ajouter la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire N° Lexbase : Z459921T, l’arrêté du 22 avril 2022 N° Lexbase : L5286MCR qui désigne les chambres de discipline instituées en application de l’article 11 de l’ordonnance du 13 avril 2022, et le décret n° 2022-545 du 13 avril 2022, qui définit l’organisation, les missions et le fonctionnement des collèges de déontologie N° Lexbase : L3654MCC), font l’objet de cette journée d’études.

La réforme répond à quatre enjeux essentiels :

  • la simplification, qui repose sur un cadre juridique unifié, même si chaque profession conserve une part d’originalité pour adapter le dispositif aux particularités des fonctions ;
  • la transparence et la protection du public, grâce à un nouveau traitement des réclamations des personnes : tout particulier peut se plaindre du comportement d’un commissaire de justice, mais sa requête doit être précédée, à peine d’irrecevabilité d’une conciliation ;
  • l’efficacité est assurée par plusieurs dispositions. D’abord, le Procureur général devient l’autorité de surveillance des commissaires de justice ; ensuite, les juridictions disciplinaires sont organisées selon un système d’échevinage, ce qui garantit que l’appréciation du comportement sera adaptée aux exigences professionnelles ; enfin, un service d’enquête indépendant peut éclairer la juridiction disciplinaire sur les éléments factuels qu’elle doit juger.
  • la proportionnalité des sanctions est affirmée. Les instances professionnelles peuvent faire cesser des manquements déontologiques légers (demande d’explication, rappel à l’ordre ou injonction de cesser le comportement sous astreinte). L’échelle des peines disciplinaires est modernisée, avec introduction d’un possible sursis et d’une nouvelle peine d’amende.

Les différents intervenants vont successivement nous présenter tous les aspects de cette réforme, l’importance de la déontologie, y compris à travers l’histoire, et les implications concrètes sur l’exercice de la profession de commissaire de justice. La présence des notaires et des greffiers des tribunaux de commerce permettra d’utiles comparaisons.

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