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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
le 23 Mai 2013
Lexbase : La place hongkongaise est connue pour ses attraits financiers, en termes d'opacité et de faiblesse d'imposition. La légende est-elle vraie ?
Nicolas Vanderchmitt : Nous ne pouvons pas dire que Hong Kong est une place financière opaque. Bien au contraire, les normes que nous connaissons en Europe (visant à lutter contre le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale, entre autres) existent et sont strictement respectées. Depuis 2005, Hong Kong a adopté les principes posés par le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements de l'OCDE et n'a cessé depuis d'amender sa législation afin de garantir leur mise en oeuvre. Nous assistons même, depuis quelques temps, à un renforcement des exigences de transparence, particulièrement de la part des banques hongkongaises. Hong Kong est, par ailleurs, signataire de plus de 28 conventions fiscales permettant l'échange d'informations, ce qui a entraîné la levée du secret bancaire vis-à-vis des demandes émanant des autorités fiscales partenaires.
D'ailleurs, si Hong Kong est la troisième place financière mondiale et la troisième destination en matière d'investissement direct étranger, en attirant pour l'année 2012 plus de 72,5 milliards de dollars américains de capitaux étrangers selon le rapport de la CNUCED, c'est en raison de son cadre réglementaire efficient permettant une plus grande transparence, ainsi qu'une meilleure sécurité du marché. On peut noter ce résultat spectaculaire pour un territoire de sept millions d'habitants.
D'un point de vue fiscal, Hong Kong a clairement fait le choix, après la rétrocession, de conserver les caractéristiques libérales de son économie héritées de plus d'un siècle de protectorat anglais, favorisant ainsi les investissements et le développement des entreprises. Ainsi, la fiscalité est restée faible et incitative. Le taux d'imposition est plafonné à 15 % s'agissant des personnes physiques et est fixé à 16,5 % pour les sociétés. Par ailleurs, il n'existe pas d'impôt sur les revenus du capital (distribution de dividendes, plus-values immobilières ou sur cession de titres de participation).
Lexbase : Quel est le régime fiscal des entreprises à Hong Kong ? Les sociétés françaises sont-elles nombreuses à avoir choisi ce pays pour s'implanter et investir ?
Nicolas Vanderchmitt : Le régime fiscal des entreprises à Hong Kong est assez simple. Il faut, à cet égard, retenir deux summa divisio majeures : la première est relative à la distinction entre les revenus provenant de Hong Kong (dits "onshore") et les revenus générés en dehors de Hong Kong (dits "offshore"), tandis que la seconde est relative à la distinction entre les revenus du capital et les revenus d'entreprise.
L'imposition des sociétés établies à Hong Kong repose sur un principe de territorialité selon lequel seuls les revenus qui trouvent leur source sur le territoire de Hong Kong y sont imposables (au taux actuel de 16,5 %), sans distinction selon la nationalité du contribuable ou de la forme juridique de l'entité concernée. Ainsi, les revenus générés hors du territoire de Hong Kong (revenus dits "offshore") peuvent, en principe, être exclus de l'assiette d'imposition. Si on prend l'exemple d'une société de négoce, la marge résultant de contrats d'achat-revente conclus en dehors de Hong Kong ne sera pas imposée à Hong Kong.
Par ailleurs, la fiscalité hongkongaise distingue le traitement fiscal applicable aux produits issus du capital de celui applicable aux revenus d'entreprise. Dans la première situation, le produit n'est pas taxable et la perte non déductible ; dans la seconde situation, le revenu est taxable et la charge déductible. La question de savoir si un gain revêt la nature d'un gain en capital ou d'un revenu d'entreprise est sujette à une analyse au cas par cas. Toutefois, nous pouvons dire que les revenus d'entreprise comprennent les produits d'exploitation (recettes provenant des ventes, travaux ou prestations de services) et les produits accessoires liés à cette exploitation (revenus d'immeubles donnés en location, redevances, etc.), alors que les gains en capital comprennent, entre autres, les plus-values sur actifs immobilisés, les intérêts, les dividendes et les produits tirés de gains de change à l'occasion d'opérations de capital ou d'opérations ayant leur source à l'étranger.
S'agissant de l'implantation des entreprises françaises, celles-ci jouent un rôle important et croissant dans le développement économique de Hong Kong. Un grand nombre de sociétés françaises choisissent Hong Kong comme première implantation et poursuivent leur développement en Chine continentale et dans la région Asie-Pacifique afin d'y trouver de nouveaux relais de croissance.
La présence française est particulièrement marquée dans le luxe (avec les vins et spiritueux, la mode et la haute couture, la parfumerie et les cosmétiques), la banque, les entreprises du secteur de la construction, de l'énergie mais aussi les services urbains (gestion de parking et services aéroportuaires, gestion des déchets). En outre, un nombre croissant de PME françaises spécialisées dans le commerce régional ou les technologies de l'information et de la communication jouent à Hong Kong un rôle particulièrement actif.
Au total, on dénombre plus de 700 sociétés françaises ou filiales d'entreprises françaises employant localement 30 000 personnes. La plupart des grands groupes français y disposent de leur siège pour la région Asie-Pacifique, voire de leur siège mondial, comme c'est le cas pour Schneider depuis 2011.
Désormais, Hong Kong est le deuxième plus gros excédent commercial au monde pour la France (5,4 milliards d'euros) avec des exportations françaises qui ont triplé en trois ans. Les secteurs concernés sont, en tête, l'industrie du luxe (1,5 milliard d'euros en 2012), les produits de l'aéronautique (1,8 milliard d'euros) et les équipements électroniques et de communication (750 millions d'euros). Les exportations de vins ont été, elles, multipliées par 12 en cinq ans (5 % des exportations totales vers Hong Kong) et on estime que 70 % des exportations françaises vers Hong Kong sont ensuite réexportées vers la Chine et le reste de l'Asie.
Corollaire de notre implantation économique, Hong Kong compte l'une des communautés françaises les plus importantes d'Asie, avec un total estimé entre 15 000 et 20 000 personnes (soit une augmentation de plus de 100 % en cinq ans).
Lexbase : Quelles sont les opportunités fiscales, en termes d'investissement, qu'offre Hong Kong ?
Nicolas Vanderchmitt : Tout d'abord, il est important de souligner qu'à l'inverse de la Chine continentale, l'investissement étranger à Hong Kong n'est soumis à aucun contrôle, ni à aucune restriction. Les entreprises étrangères peuvent ainsi s'établir sur le territoire et mener n'importe quelle activité au même titre et selon les mêmes règles que les entreprises locales.
En matière d'incitation fiscale à l'investissement sur le territoire, on ne peut pas dire que Hong Kong ait mis en place des mesures particulières. Toutefois, son statut de port franc, l'absence de TVA et sa fiscalité assez faible sont autant de caractéristiques qui incitent les investisseurs étrangers à venir s'implanter à Hong Kong.
Il est important de mentionner également que Hong Kong est une des voies d'accès privilégiée vers le marché chinois pour la plupart des entreprises occidentales : près de 45 % des investissements étrangers dans les grandes villes chinoises -dont Pékin, Shanghai et Guangzhou- proviennent de sociétés hongkongaises (incluant celles établies par des sociétés européennes pour accéder au marché chinois), ce qui fait de Hong Kong le premier investisseur étranger en Chine. Pour les PME étrangères, se rapprocher d'un partenaire à Hong Kong permet notamment un accès plus aisé et rapide aux marchés chinois, via l'accord de libre-échange (CEPA) conclu entre Hong Kong et la Chine continentale. Par ailleurs, la Convention fiscale entre la Chine et Hong Kong offre des perspectives d'optimisation intéressantes pour les groupes français qui souhaitent s'implanter en Chine. A titre d'exemple, les remontées de dividendes d'une société immatriculée en Chine vers une société hongkongaise sont soumises à une retenue à la source de 5 % (alors que la retenue à la source est de 10 % lorsque les dividendes sont distribués de Chine vers la France).
Nous pouvons également souligner certaines mesures incitatives qui ne sont pas véritablement axées sur l'investissement étranger, mais mettent en réalité l'accent sur le développement des entreprises implantées à Hong Kong. Ainsi, Hong Kong autorise la déduction d'amortissements sur actifs immobilisés (tels que les machines, les brevets, les immeubles, etc.), afin de favoriser les entreprises dans leur développement et alors même que, parallèlement, le gain issu de la cession de ces actifs immobilisés n'est pas taxable. Il existe également un régime spécifique de déduction des dépenses liées à la recherche et au développement ; il en est de même s'agissant des dépenses liées à des installations respectueuses de l'environnement.
Lexbase : Comment est éliminée la double imposition entre la France et Hong Kong ?
Nicolas Vanderchmitt : L'entrée en vigueur du Traité fiscal entre la France et Hong Kong permet l'élimination du risque de double imposition sur un même revenu, en prévoyant une répartition claire du droit d'imposer entre les deux Etats, ou lorsque le droit d'imposer est partagé, en mettant en place des mécanismes permettant d'éliminer la double imposition. Ainsi, les bénéfices d'entreprise sont imposés par l'Etat de source du revenu, c'est-à-dire par l'Etat d'exercice de l'activité. S'agissant des autres revenus (intérêts, dividendes, jetons de présence), ils subissent une imposition partagée mais font naître dans l'Etat de résidence du contribuable une obligation de déduire un crédit d'impôt.
Lorsqu'il appartient à la France d'accorder ce crédit d'impôt, il est égal, pour la majeure partie des revenus, au montant de l'impôt effectivement payé à Hong Kong, dans la limite du montant de l'impôt français correspondant à ces revenus. Toutefois, s'agissant des revenus salariés, le crédit d'impôt est égal au montant de l'impôt français théorique correspondant à ces revenus, et non pas au montant de l'impôt effectivement payé à Hong Kong. Lorsqu'il appartient à Hong Kong d'accorder le crédit d'impôt à son résident, il est égal au montant de l'impôt payé en France dans la limite de l'impôt hongkongais.
Le Traité réduit, par ailleurs, la charge fiscale pesant sur les flux financiers entre Hong Kong et la France, favorisant ainsi les échanges commerciaux entre les deux pays. Ceci est notamment vrai pour les remontées de dividendes de la France vers Hong Kong, qui étaient soumises à une retenue à la source en France de 25 %, au lieu de 10 % désormais.
Lexbase : La clause relative à l'échange de renseignements dans la Convention franco-hongkongaise est conforme au Modèle OCDE, c'est-à-dire, notamment, qu'elle lève le secret bancaire. De plus, une clause spéciale est relative à l'évasion et à la fraude fiscales dans la Convention. Ces stipulations ont-elles révolutionné les habitudes des entreprises françaises à Hong Kong ?
Nicolas Vanderchmitt : Non, nous ne décelons pas parmi nos clients de changements significatifs dans leur projet de développement, changements qui seraient liés à l'entrée en vigueur de la Convention fiscale comportant cette clause relative à l'échange de renseignements. Bien au contraire, il ressort de notre expérience que les entreprises françaises implantées à Hong Kong ont salué la signature de la Convention fiscale, car celle-ci leur garantit un cadre plus sécurisé dans leur expansion. Si nos entreprises françaises s'implantent à Hong Kong, c'est avant tout en raison des opportunités d'investissement et de développement de leurs activités en Chine et en Asie. En effet, le territoire hongkongais est une porte d'entrée reconnue vers certains marchés asiatiques (en particulier la Chine), et permet d'approcher des marchés et des clients auxquels ces entreprises n'auraient pas pu avoir accès si elles étaient implantées dans un autre pays.
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