Lexbase Droit privé - Archive n°523 du 11 avril 2013 : Procédure civile

[Jurisprudence] Le caractère oral de la procédure de contredit et ses conséquences

Réf. : Cass. civ. 2, 21 mars 2013, n° 12-15.326 F-P+B (N° Lexbase : A5988KAZ)

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par Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble, membre de l'Institut universitaire de France

le 11 Avril 2013

La nature orale ou écrite de la procédure de contredit a longtemps été marquée par l'ambiguïté car le Code de procédure civile ne se prononce pas sur cette question. Plus encore, l'article 85 (N° Lexbase : L1317H4K) énonce que les parties "peuvent [...] déposer toutes observations écrites qu'elles estiment utiles". Sur le fondement de cette disposition, la Cour de cassation a développé une jurisprudence qui a longtemps été floue et qui vient d'être clarifiée par l'arrêt que la deuxième chambre civile a rendu le 21 mars 2013. Dans un premier temps, la Cour de cassation semblait pencher en faveur de la procédure écrite. Ainsi, elle a reproché à une cour d'appel de n'avoir pas répondu aux observations écrites dont elle était régulièrement saisie par une partie (en vertu de l'article 85 du Code de procédure civile) et a qualifié ce manquement de défaut de réponse à conclusion (1). Dans une autre affaire, la Haute juridiction a pu juger que le principe du contradictoire avait été respecté, à l'occasion d'une procédure de contredit dans laquelle les parties s'étaient échangées des observations écrites avant l'audience (2). On pouvait en déduire que l'échange d'écritures constituait une discussion suffisante pour rendre régulière la procédure de contredit et que les observations écrites avaient une pleine valeur procédurale (3).

Pourtant, dans un arrêt rendu le 6 mai 2004, la deuxième chambre civile semble avoir changé de position, en affirmant de façon laconique qu'"en matière de contredit, la procédure est orale" (4). Dans cette espèce, l'auteur du pourvoi reprochait à la cour d'appel -statuant sur contredit- d'avoir inventé que son adversaire lui reprochait un manquement à son devoir de conseil (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 10 janvier 2012, n° 11/15753 N° Lexbase : A0880IAT). Selon le pourvoi, ce moyen n'avait pas été allégué. La Cour de cassation a rejeté le recours. Elle a déduit du caractère oral de la procédure que "les prétentions des parties peuvent être formulées au cours de l'audience et qu'elles sont présumées avoir été contradictoirement débattues". Elle a conclu que l'auteur du pourvoi aurait dû démontrer que son adversaire n'avait pas oralement soutenu le moyen tiré du manquement au devoir de conseil devant la cour d'appel.

Malgré l'apparente clarté de son motif, cet arrêt n'a pas marqué la doctrine. Certains auteurs, se fondant sur d'anciens arrêts, écrivent encore que la procédure de contredit "n'est pas nécessairement écrite" (5), ce qui traduit bien l'ambiguïté qui ressortait du Code et de la jurisprudence jusqu'à l'arrêt commenté.

C'est dans un tel contexte que la Cour de cassation a rendu l'arrêt du 21 mars 2013, qui bénéficie d'une publication au bulletin et devrait mettre fin au flou juridique qui plane sur la procédure de contredit. Dans cette espèce, une partie avait formé un contredit et n'avait pas comparu à l'audience statuant sur ce recours. La cour d'appel a rejeté son recours, en donnant à sa décision plusieurs motifs explicites. Les juges du second degré ont invoqué le caractère oral de la procédure de contredit et ont considéré que, l'auteur du recours ne comparaissant pas à l'audience, la cour n'était saisie d'aucun moyen à l'appui de sa voie de recours. Ils ont ajouté que les parties devaient comparaître ou être représentées, qu'elles devaient développer des moyens à l'audience ou, tout au moins, renvoyer à un écrit.

L'auteur du pourvoi allégua devant la Cour de cassation que la procédure de contredit était écrite et que la cour d'appel était suffisamment saisie par les moyens développés dans le contredit de compétence. Cette argumentation présentait une certaine pertinence. En effet, la Cour de cassation juge avec constance que les parties peuvent présenter -seulement à l'appui de leur argumentation- des observations écrites sur la motivation développée dans le contredit (6). Cette règle d'immutabilité induit l'idée que le juge est saisi par le contredit et que les observations produites par la suite ne font qu'appuyer le contredit, sans pouvoir modifier les moyens (7). Cette jurisprudence induit également l'idée que le contredit se suffit à lui-même, et qu'il saisit la juridiction ; laquelle doit répondre aux prétentions et moyens qu'il comporte.

La Cour de cassation n'a pas été convaincue par cette argumentation. Elle affirme que "la procédure de contredit est orale ; que M. X... n'ayant pas comparu à l'audience, la cour d'appel a exactement retenu qu'elle n'était saisie d'aucun moyen à l'appui du recours".

Cet arrêt, s'il poursuit la ligne jurisprudentielle élaborée en 2004, apparaît plus important, par les conséquences que la Cour de cassation associe au caractère oral de la procédure. Si les parties doivent comparaître ou se faire représenter, cela signifie qu'en leur absence, la cour d'appel n'est pas tenue de répondre aux arguments développés à l'écrit dans le contredit et dans les observations subséquences visées par l'article 85 du Code de procédure civile.

On déduit de cet arrêt plusieurs conséquences :

- les parties doivent comparaître ou être représentées à l'audience du contredit ;

- à défaut, la cour d'appel n'est saisie d'aucun moyen pour soutenir le recours. Elle ne peut pas tenir compte des observations écrites produites avant l'audience et même des moyens énoncés dans le contredit ;

- si les parties comparaissent, elles peuvent développer leur argumentation à l'oral ou s'en remettre à leurs observations écrites.

Si l'on combine cette jurisprudence avec les arrêts antérieurs, on peut ajouter :

- en cas de comparution à l'audience, les observations écrites saisissent la juridiction, qui doit y répondre sous peine de voir sa décision cassée pour défaut de réponse à conclusion ;

- en revanche, ces observations écrites ne doivent développer aucun moyen nouveau, qui ne viendrait pas à l'appui de l'argumentation figurant dans le contredit.


(1) Cass. civ. 2, 24 juin 1975, n° 74-11.415 (N° Lexbase : A8430CI3), Bull. civ. II, n° 209.
(2) Cass. com., 5 octobre 2004, n° 03-17.757 (N° Lexbase : A5773DD8), Bull. civ. IV, n° 179.
(3) Cf. également, Cass. civ. 2, 16 avril 1982, n° 81-10.701 (N° Lexbase : A7036CH3), Bull. civ. II, n° 53 et Cass. civ. 2, 7 juin 2006, n° 05-18.531, FS-P+B (N° Lexbase : A8657DPC), Bull. civ. II, n° 148, Procédures n° 8, Août 2006, comm. 176, obs. Perrot. Ces arrêts qui illustrent une application de l'immutabilité du litige aux observations écrites développées devant la cour appel examinant le contredit.
(4) Cass. civ. 2, 6 mai 2004, n° 02-15.925, FS-P+B (N° Lexbase : A1608DCK), Bull. civ. II, n° 209.
(5) S. Guinchard, C. Chainais, F. Ferrand, Procédure civile, Précis Dalloz, 30ème éd., 2010, n° 1743.
(6) Cass. civ. 2, 7 juin 2006, précit..
(7) Sur la différence entre ces "observations" et de véritables "conclusions", cf. R. Perrot, Distinction entre "observations" et "conclusions", Procédures n° 8, Août 2006, comm. 176, précit..

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