Réf. : Cass. civ. 2, 21 mars 2013, n° 12-15.326 F-P+B (N° Lexbase : A5988KAZ)
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par Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble, membre de l'Institut universitaire de France
le 11 Avril 2013
Pourtant, dans un arrêt rendu le 6 mai 2004, la deuxième chambre civile semble avoir changé de position, en affirmant de façon laconique qu'"en matière de contredit, la procédure est orale" (4). Dans cette espèce, l'auteur du pourvoi reprochait à la cour d'appel -statuant sur contredit- d'avoir inventé que son adversaire lui reprochait un manquement à son devoir de conseil (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 10 janvier 2012, n° 11/15753 N° Lexbase : A0880IAT). Selon le pourvoi, ce moyen n'avait pas été allégué. La Cour de cassation a rejeté le recours. Elle a déduit du caractère oral de la procédure que "les prétentions des parties peuvent être formulées au cours de l'audience et qu'elles sont présumées avoir été contradictoirement débattues". Elle a conclu que l'auteur du pourvoi aurait dû démontrer que son adversaire n'avait pas oralement soutenu le moyen tiré du manquement au devoir de conseil devant la cour d'appel.
Malgré l'apparente clarté de son motif, cet arrêt n'a pas marqué la doctrine. Certains auteurs, se fondant sur d'anciens arrêts, écrivent encore que la procédure de contredit "n'est pas nécessairement écrite" (5), ce qui traduit bien l'ambiguïté qui ressortait du Code et de la jurisprudence jusqu'à l'arrêt commenté.
C'est dans un tel contexte que la Cour de cassation a rendu l'arrêt du 21 mars 2013, qui bénéficie d'une publication au bulletin et devrait mettre fin au flou juridique qui plane sur la procédure de contredit. Dans cette espèce, une partie avait formé un contredit et n'avait pas comparu à l'audience statuant sur ce recours. La cour d'appel a rejeté son recours, en donnant à sa décision plusieurs motifs explicites. Les juges du second degré ont invoqué le caractère oral de la procédure de contredit et ont considéré que, l'auteur du recours ne comparaissant pas à l'audience, la cour n'était saisie d'aucun moyen à l'appui de sa voie de recours. Ils ont ajouté que les parties devaient comparaître ou être représentées, qu'elles devaient développer des moyens à l'audience ou, tout au moins, renvoyer à un écrit.
L'auteur du pourvoi allégua devant la Cour de cassation que la procédure de contredit était écrite et que la cour d'appel était suffisamment saisie par les moyens développés dans le contredit de compétence. Cette argumentation présentait une certaine pertinence. En effet, la Cour de cassation juge avec constance que les parties peuvent présenter -seulement à l'appui de leur argumentation- des observations écrites sur la motivation développée dans le contredit (6). Cette règle d'immutabilité induit l'idée que le juge est saisi par le contredit et que les observations produites par la suite ne font qu'appuyer le contredit, sans pouvoir modifier les moyens (7). Cette jurisprudence induit également l'idée que le contredit se suffit à lui-même, et qu'il saisit la juridiction ; laquelle doit répondre aux prétentions et moyens qu'il comporte.
La Cour de cassation n'a pas été convaincue par cette argumentation. Elle affirme que "la procédure de contredit est orale ; que M. X... n'ayant pas comparu à l'audience, la cour d'appel a exactement retenu qu'elle n'était saisie d'aucun moyen à l'appui du recours".
Cet arrêt, s'il poursuit la ligne jurisprudentielle élaborée en 2004, apparaît plus important, par les conséquences que la Cour de cassation associe au caractère oral de la procédure. Si les parties doivent comparaître ou se faire représenter, cela signifie qu'en leur absence, la cour d'appel n'est pas tenue de répondre aux arguments développés à l'écrit dans le contredit et dans les observations subséquences visées par l'article 85 du Code de procédure civile.
On déduit de cet arrêt plusieurs conséquences :
- les parties doivent comparaître ou être représentées à l'audience du contredit ;
- à défaut, la cour d'appel n'est saisie d'aucun moyen pour soutenir le recours. Elle ne peut pas tenir compte des observations écrites produites avant l'audience et même des moyens énoncés dans le contredit ;
- si les parties comparaissent, elles peuvent développer leur argumentation à l'oral ou s'en remettre à leurs observations écrites.
Si l'on combine cette jurisprudence avec les arrêts antérieurs, on peut ajouter :
- en cas de comparution à l'audience, les observations écrites saisissent la juridiction, qui doit y répondre sous peine de voir sa décision cassée pour défaut de réponse à conclusion ;
- en revanche, ces observations écrites ne doivent développer aucun moyen nouveau, qui ne viendrait pas à l'appui de l'argumentation figurant dans le contredit.
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