Réf. : CJUE, 13 janvier 2022, aff. C-55/20, Minister Sprawiedliwosci N° Lexbase : A65887IT
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N0272BZ4
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par Marie Le Guerroué
le 10 Février 2022
► L’article 10, paragraphe 6, de la Directive n° 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doit être interprété en ce sens qu’il n’a pas pour effet de rendre l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne applicable à une procédure de recours introduite par une autorité publique devant un conseil de discipline du barreau et visant à obtenir l’annulation d’une décision par laquelle un agent disciplinaire a clôturé une enquête menée à l’égard d’un avocat après avoir conclu à l’absence d’infraction disciplinaire imputable à ce dernier et, en cas d’annulation de cette décision, un renvoi du dossier devant cet agent disciplinaire.
Faits et procédure. Une demande de décision préjudicielle avait été présentée à la CJUE. Elle portait sur l’interprétation de la Directive n° 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur N° Lexbase : L8989HT4, ainsi que de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne N° Lexbase : L0230LGM. Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par le ministre de la Justice polonais contre la décision d’un agent disciplinaire ayant clôturé une enquête ouverte à l’égard d’un avocat après avoir conclu à l’absence d’infraction disciplinaire imputable à l’intéressé.
Recevabilité de la demande. La Cour affirme, tout d’abord, que le conseil de discipline du barreau de Varsovie satisfait aux conditions requises pour pouvoir être considéré comme une juridiction au sens de l’article 267 du TFUE N° Lexbase : L2581IPB. La demande de décision préjudicielle est donc recevable. Le conseil de discipline du barreau de Varsovie demandait, notamment à la Cour de justice si le chapitre III de la Directive et notamment l’article 10, § 6, de celle-ci s’appliquent à une procédure disciplinaire visant les avocats et les avocats étrangers inscrits sur la liste des avocats, et permettant notamment d’infliger à un avocat une sanction pécuniaire, la suspension de ses activités professionnelles, voire sa radiation du barreau, et à un avocat étranger une sanction pécuniaire, la suspension, voire l’interdiction du droit de fournir une assistance juridique en Pologne. En cas de réponse positive, il souhaitait savoir si la Charte, notamment son article 47, était applicable à cette procédure menée devant les conseils de discipline du barreau, et si elle est également applicable lorsque tous les éléments pertinents de l’affaire se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre.
Réponse de la CJUE. La Cour note, d’une part, que la procédure pendante devant la juridiction de renvoi n’est pas de nature à pouvoir conduire à l’imposition d’une sanction disciplinaire à la charge d’un avocat, dont celle d’exclusion éventuelle du barreau, et, d’autre part, que cette procédure qui a exclusivement trait à une décision de l’agent disciplinaire de ne pas engager de poursuites disciplinaires contre un tel avocat, oppose cet agent disciplinaire au ministre de la Justice, l’avocat concerné n’étant, pour sa part, à ce stade, ni poursuivi disciplinairement ni partie à ladite procédure. Elle ajoute que l’article 10, paragraphe 6, de la Directive n° 2006/123 est sans vocation à s’appliquer dans le contexte de cette procédure. En conséquence, cette disposition n’est, dans ce même contexte, pas davantage de nature à conduire à une applicabilité de l’article 47 de la Charte. S’agissant de l’article 47 de la Charte, la CJUE rappelle que cette disposition constitue une réaffirmation du principe de protection juridictionnelle effective et consacre, en faveur de toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés, le droit à un recours effectif devant un tribunal. Ainsi, la reconnaissance de ce droit, dans un cas d’espèce donné, suppose, comme il ressort de l’article 47, premier alinéa, de la Charte, que la personne qui l’invoque se prévale de droits ou de libertés garantis par le droit de l’Union. Or, pour la CJUE, il ne ressort pas des informations contenues dans la décision de renvoi que, dans la configuration actuelle de la procédure au principal, l’avocat, lequel n’est, à ce stade, pas lui-même partie à cette procédure, serait en position de se prévaloir d’un droit dont il se trouve investi par le droit de l’Union, l’article 10, paragraphe 6, de la Directive n° 2006/123 ne pouvant, en particulier, trouver à s’appliquer en l’occurrence. Contrairement à l’avis qui avait été rendu par l’Avocat général Bobek, la Cour répond donc par la négative et rend la décision susvisée.
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