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par Daniel Landry, Avocat honoraire - Ancien Bâtonnier - Ancien membre du CNB
le 02 Février 2022
Le présent article est issu d’un dossier spécial intitulé « Loi du 31 décembre 1971, 50 ans après » et publié dans l’édition n° 322 du 3 février 2022 de la revue Lexbase Avocats. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N0147BZH.
À l’extrême nord de la Sibérie, deux hommes au bord de la mer gelée. L’un demande à l’autre « Que penses-tu du secrétaire général du parti ? ». L’autre de répondre : « Parle moins fort, on pourrait nous entendre ! ». Alors que chacun peut porter en soi un lourd secret, peut-il aujourd’hui tenter de s’en alléger en le partageant ? Si ce secret est relatif à un crime ou délit trouvera -t-il, pour sa défense un confident aussi muet qu’une tombe ? De même, à qui chaque membre d’un couple qui se déchire peut-il se confier ? Et à qui le chef d’entreprise peut-il parler en confiance de ses soucis, et demander conseil avisé et confidentiel ? En 1901 dans son Code pénal annoté Émile Garçon notait que l’avocat, était, aux côtés du médecin et du prêtre, un confident nécessaire et qu’il importait donc qu’il soit, comme eux, pour accomplir sa mission, astreint à la discrétion et que le silence lui soit imposé sans condition ni réserve, car personne n’oserait plus s’adresser à lui si l’on pouvait craindre la divulgation du secret confié.
C’est de ce secret professionnel de l’avocat qu’il convient de traiter dans le cadre du cinquantenaire de la loi du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, car d’une part, ses contours évoluent sans cesse tout comme la profession d’avocat, et d’autre part, parce que celle-ci doit toujours se battre pour faire respecter ce secret, non dans son intérêt propre, mais dans celui des justiciables. Par conséquent, après la présentation générale et non exhaustive du secret de l’avocat, et de son champ d’application actuel, devrons-nous aborder les atteintes qu’il subit, que ce soit de la volonté du législateur, du pouvoir réglementaire, ou du fait de dérives judiciaires, et enfin des moyens techniques permettant, hors de tout cadre légal, de briser tout secret.
I. L’affirmation du secret de l’avocat
A. Très bref rappel historique et point actuel des textes y relatifs
L’histoire de l’émergence du secret de l’avocat est intéressante, mais nous la négligeons pour rester dans le cadre imparti à cette étude. Rappelons simplement que le Code pénal de 1810 vint incriminer la violation du secret professionnel en son article 378 : « Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession, des secrets qu’on leur confie, qui, hors les cas où la loi les oblige à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d’un emprisonnement d’un mois à six mois, et d’une amende de cent francs . » Ce texte ne mentionnait pas les avocats, qui devaient se ranger parmi toutes les autres personnes dépositaires par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie. C’est ainsi que dans un arrêt du 24 mai 1862 de la Cour de cassation dit [1] que l’avocat a toujours été tenu de garder un secret inviolable sur tout ce qu’il apprend et que cette obligation absolue est d’ordre public. Pour le reste, le secret professionnel allait de soi au nom de la conscience et de la morale. Durant l’occupation un avocat : Joseph Python (fondateur de l’UJA) paya de sa vie le respect de ces principes [2]. Aujourd’hui le pendant législatif de l’article 378 précité est l’article 226-13 du Code pénal N° Lexbase : L5524AIG ainsi rédigé : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » Cet article s’applique à l’avocat.
Mais, hors du Code pénal quels sont les textes actuels relatifs au secret professionnel de l’avocat ? Inutile de chercher dans le serment de l’avocat à l’article 3 de la loi du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, car il n’y figure pas à côté des cinq vertus, ou obligations professionnelles qui y sont énumérées. Il ne figure pas non plus à l’article 17 de cette même loi, lequel énonce quelques-uns des principes que le conseil de l’Ordre doit faire respecter. Et ce n’est qu’avec la loi du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : O9944B3P, insérant un article 66-5 dans la loi du 31 décembre 1971 précitée qu’apparaît expressément la notion de secret professionnel de l’avocat. Il faut relire le texte de 1990 : « Les consultations adressées par un avocat à son client et les correspondances échangées entre le client et son avocat, sont couvertes par le secret professionnel. » Or, la Cour de cassation faisait une lecture restrictive de ce texte en refusant toute protection due au secret professionnel en matière juridique. Mais à la suite de la saisie par un juge d’instruction d’une consultation en matière de droit fiscale, la profession obtint une modification du texte par la loi n° 97-308, du 7 avril 1997 N° Lexbase : L4398IT3. Au début du texte il fut précisé pour lever toute ambiguïté : « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense », tandis qu’était ajouté in fine que le secret couvre aussi « les notes d’entretien, plus généralement, toutes les pièces du dossier ». Pour autant, à l’occasion d’une nouvelle perquisition dans un cabinet d’avocat, la chambre criminelle de la Cour de cassation fit de la résistance par un arrêt du 30 juin 1999 [3], en refusant la restitution de documents couverts par le secret professionnel sous le double motif que leur maintien sous-main de justice était nécessaire à la manifestation de la vérité, et ne portait pas atteinte aux droits de la défense. À l’article 66-5 précité en son alinéa 1er fut ajoutée par la loi n° 2004-130, du 11 février 2004 N° Lexbase : L7957DNZ à propos des correspondances entre confrères, qui sont donc confidentielles, la mention : « à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielles » ». Il faut aussi citer l’article 4 du décret du 12 juillet 2005 N° Lexbase : L6025IGA stipulant : « Sous réserve des strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction et des cas de déclaration ou de révélation prévues ou autorisées par la loi, l’avocat ne commet, en toute matière, aucune divulgation contrevenant au secret professionnel ». Il s’agit là d’une obligation générale et absolue ; complétée par l’article 5 du même décret relatif au secret de l’enquête et de l’instruction en matière pénale. Enfin, reste les dispositions du Règlement intérieur national (RIN), lequel a un caractère normatif pour les plus de 70 000 avocats de France. Et, dès l’article 2 de ce RIN, on lit :
« Le secret professionnel 2-1 Principes
L’avocat est le confident nécessaire du client.
Le secret professionnel de l’avocat est d’ordre public. Il est général, absolu et illimité dans le temps. »
Puis le texte reprend celui du début de l’article 4 précité du décret du 12 juillet 2004 sur la possibilité pour l’avocat d’y déroger pour les strictes exigences de sa propre défense, avant de cerner en un article 2-2 l’étendue de ce même secret étudiée ci-après.
Voici l’état des textes, sauf à préciser qu’en son article 6–1 in fine le RIN précise ceci : Dans l’accomplissement de ses missions, l’avocat demeure, en toutes circonstances, soumis aux principes essentiels. Il doit s’assurer de son indépendance, et de l’application des règles relatives au secret professionnel et aux conflits d’intérêts. »
Par conséquent, l’affirmation du secret professionnel auquel est soumis l’avocat ne saurait être plus claire. On regrettera néanmoins que ce droit fondamental établi au profit du client n’ait pas fait, à ce jour, son entrée dans notre constitution. Pour autant, il est protégé par la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’Homme, d’autant que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme N° Lexbase : L4798AQR assure le respect de la vie privée et familiale, ainsi que le secret des correspondances. La CEDH vise aussi l’article 6 N° Lexbase : L7558AIR concernant les principes du procès équitable, et l’article 10 de la Convention N° Lexbase : L4743AQQ pour ce qui est de la liberté d’expression [4].
Enfin, mention peut être faite du règlement général de protection des données personnelles, dit RGPD (PE et Cons. UE, règlement n°2016/779) lequel éclaire le client sur les garanties résultant des obligations déontologiques de l’avocat, dont le secret professionnel.
B. Champ d’application du secret
Ce champ d’application est étendu à l’infini parce que les avocats ne cessent d’agrandir le périmètre de leur métier. Ce, non seulement en obtenant le droit d’exercer diverses activités accessoires pouvant a priori se rattacher à une activité libérale, mais même une activité commerciale, celle-ci dans le cadre dérogatoire de l’article 111 du décret du 27 novembre 1991, le problème étant d’une part d’arriver à déterminer ce qui est ou non accessoire, et ce faisant de savoir si l’accessoire doit se situer dans le temps postérieurement au principal, et d’autre part d’encadrer déontologiquement par les seuls principes essentiels, dont le respect du secret professionnel, ces activités aussi nouvelles que protéiformes. Cela dit, l’affirmation du début de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 se suffit à elle-même : « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense ». Cette expression est reprise à l’article 4 du décret du 12 juillet 2005, mais également à l’article 2.1 du RIN, in fine. Et l’article 2.2 de ce même RIN précise encore que le secret professionnel couvre quels qu’en soient les supports, matériels ou immatériels (papier, télécopie, voie électronique…) non seulement ce qui est déjà expressément visé à l’article 66-5, mais « toutes les informations et confidences reçues par l’avocat dans l’exercice de la profession », ainsi que le nom des clients, l’agenda de l’avocat, les règlements pécuniaires et tous maniements de fonds effectués dans en application de l’article 27 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971, soit en résumé les fonds transitant par la CARPA, et les informations demandées par les commissaires aux comptes lesquelles ne peuvent être communiquées par l’avocat qu’à son client. Et le même de préciser que, s’agissant des appels d’offres, les noms des clients ne peuvent être cités en référence qu’avec l’accord exprès et préalable de ceux-ci. Cette révélation du nom des clients est un sujet sensible. Tout d’abord, elle peut survenir par négligence, tel le fait de recevoir un client en permettant à celui-ci de lire le nom d’autres clients sur des dossiers accumulés dans le cabinet. Mais, certains peuvent être tentés de citer, sans leur en avoir référé, le nom de clients pour se faire de la publicité ; ce qui est pour le moins manquer au devoir de prudence.
Mais, s’il lie l’avocat, le secret n’entrave pas les tiers et plus encore les clients, et certains de ces derniers peuvent révéler d’eux-mêmes non seulement le nom de leur conseil, mais encore le contenu de leur dossier, dont au besoin une lettre reçue de celui-ci. Par ailleurs, dans ses contacts avec les proches du client, l’avocat doit, ici encore, être circonspect, et s’efforcer de respecter le secret de l’instruction en se rappelant que ses interlocuteurs, suppliant d’en savoir plus sur l’affaire, sont peut-être coauteurs ou complices. C’est d’ailleurs au regard de la violation du secret que l’étendue de celui-ci se révèle. Ici, sont cités les cas, qu’au-delà des textes, seul le discernement de la conscience peut aider à dénouer. Que doit faire l’avocat assistant un client qui lui confie qu’il veut assassiner sa femme ? Ici, l’avocat doit assumer le conflit entre deux obligations impératives, soit celle d’empêcher la possible réalisation d’un crime ou d’un délit, et celle de respecter le secret professionnel. Bien entendu, dans un tel cas l’avocat doit tenter de dissuader le client de passer à l’acte. Il peut aussi, à défaut prendre conseil auprès d’un confrère expérimenté, et au premier chef de son Bâtonnier ; et ce dans le cadre d’un secret partagé avec quelqu’un tenu au même secret. Si le danger est imminent, mieux vaut, entre deux risques, choisir le moindre, soit pour l’avocat d’être lui-même poursuivi disciplinairement. Ici, faut-il rappeler que, si l’article 226-14 du Code pénal N° Lexbase : L7491L9C permet à l’avocat la révélation d’un cas de privation ou sévices sur mineur ou personne en situation de faiblesse, ce n’est pas une obligation, la protection de la victime pouvant peut-être prendre une autre voie qu’une dénonciation abrupte à l’autorité [5]. À cet égard, et en l’absence actuelle de tout casier disciplinaire, les poursuites disciplinaires pour violation du secret professionnel paraissent peu fréquentes ; sauf à savoir quel sera ici, à partir du 1er juillet 2022, l’effet de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, permettant en son article 42 une admission, certes avec un certain filtre, des réclamations des particuliers ? Quant aux violations du secret sanctionnées pénalement, les quelques exemples visant des avocats concernent principalement la violation du secret de l’instruction. Et souvent, s’ils violent ce secret, c’est en produisant dans un procès civil des pièces émanant d’un dossier pénal, dont ils ont eu connaissance par ailleurs, et ce souvent par manque de réflexion ; étant noté que ce délit exige tant l’élément matériel que moral.
Pour délimiter les contours du secret professionnel, il faut encore aborder trois points. Tout d’abord, on lit souvent que le client ne peut délier l’avocat du secret. Mais, outre qu’avec son accord il peut parfois révéler son nom (ex. : les appels d’offres), ne serait-il pas plus juste de noter que c’est à l’avocat, parmi les confidences reçues, de trier celles qu’il peut et doit révéler pour la défense de ce même client ? En second lieu, voyons la question des correspondances entre avocats portant la mention « officielle », simplement pour rappeler que n’importe quelle lettre ne peut se voir attribuer cette mention « officielle », et qu’il faut ici se reporter l’article 3 du RIN quant aux conditions de cette qualification ; laquelle comme toute exception doit être interprétée strictement. Ajoutons que les correspondances sans cette mention ne peuvent être déconfidentialisées ; ce que certains semblent encore ignorer. Enfin limite essentielle au secret : celle permettant à l’avocat de s’en affranchir devant toute juridiction pour les strictes nécessités de sa propre défense (art. 4 du D. du 12 juillet 2005, et 2 du RIN). Mais attention, il faut qu’une juridiction ait été saisie d’une action civile, pénale ou disciplinaire contre l’avocat ; ce qui pose un problème, lors de la mise en cause amiable de la responsabilité de l’avocat, puisqu’ il ne peut à ce stade faire état de tous ses moyens de défense.
Voici pour les contours du secret professionnel, sauf à ajouter que l’avocat doit faire respecter par son personnel ce même secret. Voyons maintenant ses restrictions et atteintes tant légales qu’illégales ou tenant plus prosaïquement à une multitude d’autres causes.
II. Les atteintes au secret professionnel
Même dans une démocratie, les avocats n’ont pas que des amis. Leur secret, dans le seul intérêt des clients, a toujours agacé les pouvoirs publics, et notamment le ministère des Finances et, parfois, certains parquetiers et juges d’instruction.
A. Atteintes et restrictions légales
Tout d’abord, certaines des activités de l’avocat peuvent ne pas être couvertes par le secret professionnel, comme faisant partie des prestations de services soumises aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et des activités terroristes dans les termes des articles L.561-2 et suivants du Code monétaire et financier N° Lexbase : L1692MAW. Car l’avocat, dès qu’il a ont un doute quant à la finalité d’une opération, doit faire une déclaration de soupçon ; du moins si l’activité ne se rattache pas à une procédure juridictionnelle. Par ailleurs, si le conseil de l’Ordre des avocats a connaissance de faits susceptibles d’être liés au blanchiment des capitaux ou au financement du terrorisme, le Bâtonnier en informe le procureur général près la cour d’appel qui transmet cette information au service compétent ; étant précisé que le Bâtonnier ou son délégataire figure parmi les personnes mentionnées à l’article R. 561-57 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L0974LWY ayant accès à l’intégralité des informations relatives aux bénéficiaires de l’opération faisant l’objet de la déclaration de soupçons. Doivent donc redoubler de vigilance les avocats participant au nom et pour le compte de leurs clients, ou les assistant à diverses opérations énumérées à l’article L.561-3 N° Lexbase : L0745LWI du Code précité. Sont spécialement visés les avocats fiscalistes et ceux mettant en place des fiducies, ces derniers étant au surplus tenu à la réglementation prévue, notamment quant au secret professionnel, à l’article 6-5 du RIN ; les avocats lobbyistes pouvant de leur côté être contraints de révéler le nom de leurs clients (art. 6.3.4 du RIN).
Ici, abordons les atteintes permises par le législateur au secret professionnel, soit les perquisitions dans les cabinets des avocats ou même à leur domicile, ainsi que les écoutes téléphoniques ; et ce à la lumière de la toute nouvelle loi n° 2021-1729, du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire N° Lexbase : L3146MAR ; laquelle, applicable en notre matière le 1er avril 2022, a suscitée bien des réactions de la profession très unie. En effet, si l’article 3 de cette loi complète l’article préliminaire du Code de procédure pénale in fine de sa section III en y réaffirmant la garantie du secret professionnel de la défense et du conseil, commencer à distinguer deux sortes de secrets est déjà introduire un possible affaiblissement de l’un deux. Et c’est dans cette voie qu’est entré le législateur en prévoyant toute une liste d’exception au secret professionnel du conseil. Car, sans préjudice des prérogatives du Bâtonnier ou de son délégué lors d’une perquisition, ce secret ne serait pas opposable lors de l’enquête et de l’instruction en matière fiscale, de corruption et de trafic d’influence, ainsi que le blanchiment de ces délits. Ce, lorsque les consultations, correspondances ou pièces détenues ou transmises par l’avocat ou son client, établiraient la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou faciliter la commission desdites infractions. Modifiant l’article 56-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0488LTA, la nouvelle loi conditionne la perquisition au préjudice d’un avocat à l’existence de raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenter de commettre l’infraction objet de la procédure. Le magistrat qui perquisitionne doit, notamment veiller à ce qu’aucun document relevant de l’exercice des droits de la défense et couvert par le secret de la défense et du conseil ne soit saisi et placé sous scellé ; étant noté que la décision du JLD sur la régularité d’une saisie peut désormais faire l’objet d’un recours suspensif dans un délai de 24 heures devant le président de la chambre d’instruction. Lorsque la perquisition a lieu hors du cabinet ou du domicile de l’avocat, la personne y domiciliée peut s’opposer à s’opposer à la saisie d’un document protégé par le secret professionnel ; lequel document est transmis sous scellé au JLD qui statuera.
Enfin viennent les écoutes téléphoniques, qui ont donné lieu à bien des contentieux [6]. L’article 100 CPC nouveau se termine par : « Aucune interception ne peut porter sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile, sauf s’il existe contre celui-ci des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction qui fait l’objet de la procédure. » La décision sera prise par le JLD et toujours transmise au Bâtonnier, qui ne peut alerter son confrère. (C. proc. pen. art. 100-7 N° Lexbase : L5915DYQ). On voit ici le rôle important du JLD, et il est à souhaiter que, plus que jamais, ce poste soit délégué par le président du tribunal judiciaire à un magistrat particulièrement indépendant et de qualité.
B. Atteintes discutables ou totalement illégales
Sans vouloir a priori leur faire un procès d’intentions, les nouvelles dispositions légales ne seront protectrices que si elles sont appliquées sans réticences par les magistrats, et que soit mis fin aux perquisitions inutiles ou à grand spectacle, sans parler de celles dites « à filet dérivant ». Par ailleurs, il n’y a pas que les magistrats à pratiquer des perquisitions au cabinet ou au domicile d’un avocat, tels par exemple les services fiscaux ou ceux des fraudes ; perquisitions donnant souvent lieu à la saisie du matériel informatique révélant ainsi tous les échanges avec les clients [7]. Quant aux écoutes téléphoniques des avocats, demeurent, toujours aussi irritantes, celles incidentes sur la ligne du client. Officiellement, l’avocat n’est pas visé, mais seulement son client. Pour autant, même si les propos de l’avocat ne sont pas forcément retranscrits et transmis au parquet pour poursuites contre lui, ils sont au moins écoutés [8]. Bien mieux, le secret peut être écorné par des organes d’État, qui, pour autant, agissent hors de tout état de droit. Dans un livre sur la DGSE [9] on lit que certaines sociétés et leurs avocats travaillant dans des secteurs sensibles de l’économie ou de la défense nationale peuvent attirer les « grandes oreilles » de ce service ou d’autres. On est loin ici des exemples de renseignements généraux opérant une dérivation artisanale sur la ligne d’un avocat conseillant une centrale syndicale ou un parti politique.
Mais, si autrefois on pouvait voir, l’alcool étant l’ennemi du secret, tel ou tel avocat racontant au bistrot du Palais ses aventures professionnelles, sans trop se soucier du secret, les avocats d’aujourd’hui, ne sont-ils pas parfois à l’origine de la violation par d’autres du secret qu’ils doivent à leur client ? Car, à force d’avoir une véritable addiction aux réseaux sociaux et d’y étaler leur vie, certains ne s’exposent-ils pas à tous les logiciels espions [10]? Et ne conviendrait-il pas qu’ils se rappellent l’autre devoir qu’est celui de prudence [11] ? En tout cas, on ne peut que formuler le vœu, pour l’intérêt de toute la société, que ce secret soit le plus possible préservé, en se rappelant que, là où règne la dictature, il n’y a plus ni secret, ni parfois même d’avocats.
[1] Cass. crim., 24 mai 1862, D.P. 1862. 1. 545
[2] A. Damien, Les règles de la profession d’avocat, 7ème édition 1992, p. 403.
[3] Cass. crim., 30 juin 1999, D., 1999. 458, note Pradel.
[4] CEDH, 16 nov. 2021, n°698/19 Särgava/Estonia ; GP, 24 décembre 2021, note Boissavy
[5] CNB. Comm. R. et U. avis n°2008-001 du 15 janvier 2008 et n°2019/015 du 27 mai 2019
[6] Ex : Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-83.205, FS-P+B N° Lexbase : A7139Q9B 206 et 207
[7] CEDH, 3 septembre 2015, Servolo et Associedos/Portugal, n° 27013/10 N° Lexbase : A3761NNM D. actualité 20/9/2015
[8] CEDH, section 5, 16 juin 2016, n° 49176/11, Versini-Campichi/France N° Lexbase : A1124RTS.
[9] J. Guisnel Histoire de la DGSE, R. Laffont 2021
[10] E. Pierroux, Tribune : Secret, vous avez dit secret ? GP du 14 décembre 2021, p3
[11] D. Landry, Le principe de prudence, 7 octobre 2021 N° Lexbase : N8723BYQ
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