Réf. : Cass. com., 18 janvier 2005, n° 03-10.076, M. Jean-François Torelli, ès qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de Mme Caroline Gervais c/ Receveur divisionnaire des Impôts d'Angoulême Ville, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0794DGI)
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur des Universités, Directeur du Master Droit de la Banque de la Faculté de Toulon et du Var
le 01 Octobre 2012
En l'espèce, la liquidation judiciaire d'une personne est ouverte. Le receveur des impôts déclare à titre provisionnel une créance et, s'apercevant qu'il ne pourrait déclarer, dans les délais, sa créance à titre définitif, présente une demande tendant à l'allongement du délai de vérification des créances. Sa demande est acceptée par les juges du fond. Le débiteur saisit alors la Cour de cassation. Elle admet la recevabilité du pourvoi du débiteur autorisé, par application de la théorie des droits propres, à discuter seul de la question de savoir si le créancier pouvait solliciter l'allongement du délai de déclaration de créance. Cependant, elle rejette le pourvoi en ces termes : "attendu qu'après avoir relevé que l'article 72 du décret du 27 décembre 1985 n'énumère pas les personnes pouvant solliciter du tribunal la prorogation du délai, initialement fixé, prévu par l'article L. 621-103 du Code de commerce, l'arrêt en déduit à bon droit que la demande du receveur est recevable".
La question était débattue en jurisprudence. Il avait été jugé qu'un créancier était sans qualité pour demander l'allongement du délai de vérification des créances (TGI Béthune, ch. com., 21 février 2003, D. 2003, AJ p. 768). La solution contraire avait, également, été posée, notamment par l'arrêt de la cour d'appel dans cette affaire (CA Paris, 3e ch., section C, 27 septembre 2002, n° 2001/21800, Monsieur le Receveur principal des impôts de Paris 2ème "Bonne Nouvelle" c/ Association CNAC, Conseil National Des Arts Culinaires N° Lexbase : A8343A3E et CA Bordeaux, 2ème ch., 29 octobre 2002, Gaz. Pal. somm., 28 à 30 sept. 2003, note crit. P. Canet).
L'article 72, alinéa 2, du décret du 27 décembre 1985 dispose que "le délai prévu par l'article 100 de la loi du 25 janvier 1985 [c'est-à-dire le délai imparti par le tribunal au mandataire de justice pour procéder à la vérification des créances] ne peut être inférieur à six mois à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances. Un nouveau délai peut être accordé par décision spécialement motivée". Le texte semblait, ainsi, réserver la possibilité pour le représentant des créanciers ou le liquidateur, selon le cas, de solliciter du tribunal, par requête dûment motivée (Diligences des mandataires de justice et recommandations, Bolard G. (dir.), IFPPC -Institut Français des Praticiens des Procédures Collectives-, 5ème éd., 1999, recomm. n° 3060-2 et 6026-2, p. 67 et 154), un nouveau délai de vérification des créances, si le mandataire rencontre une difficulté particulière pour remplir sa mission dans les délais impartis par le tribunal, par exemple, s'il envisage de présenter une demande en nullité de la période suspecte, compte tenu de l'interférence possible avec la procédure d'admission des créances (IFPPC 1999, recomm. n° 1011-2, 1011-3, 6001-1 et 6001-3, p. 11, 123 et 124). Le texte n'a, a priori, nullement pour objectif de permettre aux organismes sociaux ou fiscaux de déclarer à titre définitif leurs créances dans des délais qu'ils s'aménageraient. Rappelons, à cet égard, que les organismes sociaux et fiscaux, qui ne sont pas titulaires de créances couvertes par des titres exécutoires, doivent, dans un premier temps, déclarer leurs créances à titre provisionnel, dans le délai de droit commun de déclaration des créances. Dans un deuxième temps, ils doivent établir définitivement leurs créances. Dans un troisième temps, ils se délivrent à eux-mêmes un titre exécutoire. Enfin, dans un quatrième temps, ils doivent déclarer à titre définitif leurs créances, dans le délai de l'article L. 621-103 du Code de commerce, c'est-à-dire le délai imparti par le tribunal au mandataire de justice pour vérifier les créances. S'ils s'aperçoivent qu'ils ne peuvent respecter le délai de déclaration à titre définitif de leurs créances, ils peuvent obtenir un relevé de forclusion, prévu par un texte autonome par rapport au relevé de forclusion ouvert aux créanciers retardataires de droit commun. Il s'agit de l'article 68 du décret du 27 décembre 1985 (N° Lexbase : L5360A4B). Ainsi, la législation prévoit l'hypothèse dans laquelle une difficulté se présenterait pour la déclaration à titre définitif de leurs créances.
Il nous apparaît donc que le texte de l'article 72, alinéa 2, du décret, qui autorise un allongement du délai de vérification des créances, est détourné de sa finalité si est acceptée la demande d'un créancier fiscal ou social d'allonger ce délai. Le texte n'avait nullement pour objet de permettre à des créanciers sociaux ou fiscaux d'aménager à leur guise les délais de déclaration à titre définitif de leurs créances. La technique du relevé de forclusion apparaissait suffisante. La solution, au surplus, ne nous semble pas dans le sens de l'histoire, car la législation du 10 juin 1994 poursuivait en ce domaine un objectif : celui d'accélérer la procédure de vérification des créances, ce qui ne peut s'accommoder d'une demande de prorogation d'un délai, alors que ce délai n'est posé que pour inciter les mandataires de justice à vérifier rapidement les créances. Faut-il une preuve de cette affirmation ? Elle sera assurément trouvée dans la sanction du non-respect par le mandataire du délai de vérification des créances imparti par le tribunal : le mandataire, nous dit l'article L. 621-103, alinéa 2, du Code de commerce, ne peut être rémunéré au titre des créances déclarées ne figurant pas sur la liste établie dans le délai mentionné ci-dessus. La législation pose, ainsi, une incitation pour le mandataire à vérifier les créances dans un certain délai. Il nous apparaît logique de décider que lui seul, par requête motivée, puisse demander l'allongement de ce délai.
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