La lettre juridique n°825 du 28 mai 2020 : Covid-19

[Le point sur...] La responsabilité médicale au temps du covid-19 : enjeux, difficultés et perspectives

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par Catherine Szleper, avocat à la Cour

le 28 Mai 2020

La crise sanitaire que nous traversons est unique. Ses conséquences humaines sont donc difficilement prévisibles et il en est de même concernant ses effets juridiques.

Pour y faire face, a été mis en place l’état d’urgence sanitaire, par la loi du 23 mars 2020 (loi n° 2020-290 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 N° Lexbase : L5506LWT) complétée par celle du 11 mai 2020 (loi n° 2020-572, prorogeant l’état d’urgence N° Lexbase : L8351LW9), consacrant les articles L. 3131-1 (N° Lexbase : L8568LWA) et suivants dans le Code de la santé publique. Ces dispositions exceptionnelles autorisent notamment le Gouvernement à prendre des mesures relatives aux soins et traitements prodigués aux victimes du Covid-19, généralisant notamment la téléconsultation, pour éviter le risque de contamination.

L’équilibre entre la préservation des libertés fondamentales et la protection de la population face à un risque mal connu a été complexe, mettant en exergue un manque de préparation important et un système hospitalier en crise. Le principe de précaution a parfois été appliqué strictement avec un confinement contesté à de multiples niveaux, notamment dans les cas d’interdiction pour les proches de demeurer au chevet d’une victime du covid-19 en fin de vie, et parfois de façon laxiste avec une pénurie de masques, de gel hydroalcoolique et autres matériels de soin.

Face à ces circonstances exceptionnelles, des mesures exceptionnelles ont été justifiées. Elles n’ont pas été dépourvues de risques et les victimes de cette crise sont malheureusement (trop) nombreuses.

Si le régime actuel de responsabilité médicale apporte des réponses, il n’est pas certain que les situations créées par la crise sanitaire puissent toutes être analysées par ce biais, notamment du fait du contexte de crise dans lequel a dû agir le personnel soignant (I)

Si la préservation de l’intérêt des victimes du covid-19 est essentielle, la responsabilisation de tous les gestionnaires de cette crise, solidaires des professionnels de santé, serait un compromis raisonnable (II).

I - Le régime classique de responsabilité médicale à l’épreuve du covid-19

L’article L. 1142-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1910IEH), dans sa version modifiée par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 (N° Lexbase : L1612IEG), consacre le régime actuel de la responsabilité médicale avec une responsabilité pour faute à l’égard du professionnel de santé.

Dans le cas où aucun manquement ne pourrait être reproché à ce dernier, mais le patient aurait subi des dommages importants, liés à un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale, il peut bénéficier d’une réparation de son préjudice au titre de la solidarité nationale.

Classiquement, les fautes pouvant être reprochées à un professionnel de santé sont de plusieurs ordres : une faute technique dans l’exécution des soins, un défaut d’information et de conseil, une négligence dans le diagnostic, l’absence de consentement du patient à un acte de soin...

Dans le cadre de la crise sanitaire à laquelle nous faisons face, certaines situations entrent dans le champ d’application de ce régime de responsabilité médicale. Elles ne pourront néanmoins être appréciées par le juge qu’au regard du caractère d’urgence et de panique qui a certainement altéré le bon déroulement des protocoles de soins et qui ne peut être reproché au seul personnel soignant.

Par ailleurs, la spécificité du covid-19, pathologie dont la contamination, l’évolution et le traitement demeurent incompris, ainsi que la gestion difficile de cette crise pourraient créer des situations juridiques nouvelles.

A - Les problématiques liées au diagnostic du covid-19 : le cas de la téléconsultation et du télésoin

Dans le régime actuel de responsabilité médicale, la victime doit apporter la preuve d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité exclusif, direct et certain entre ce dernier et le manquement reproché.

Typiquement, dans le cas d’une erreur de diagnostic effectuée par un médecin, la victime pourrait se retourner contre lui si elle rapporte la preuve d’un défaut de diligence et d’information de sa part.

Si le professionnel de santé n’a pas posé les questions nécessaires, et donc n’a pas pris les précautions utiles dans ce contexte particulier, engendrant un retard ou une absence de prise en charge de la victime du covid-19, il pourrait être tenu responsable des séquelles causées à un patient.

Cet exercice est rendu encore plus complexe dans le cas des téléconsultations, obéissant aux mêmes règles que les consultations en cabinet [1].

Le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 (N° Lexbase : L5507LWU) a rendu prioritaires les téléconsultations puisque seuls étaient autorisés, pendant le confinement, « les déplacements pour motifs de santé à l'exception des consultations et soins pouvant être assurés à distance et, sauf pour les patients atteints d'une affection de longue durée, de ceux qui peuvent être différés ».

Cette disposition enjoignait donc aux patients de privilégier la téléconsultation, la télésurveillance et le télésoin. En revanche, pour les affections longue durée, la consultation en cabinet demeurait la règle.

Evidemment, la téléconsultation présente des risques dès lors que le médecin ne peut se reposer que sur les informations fournies par le patient qu’il n’ausculte pas. Il aura tout intérêt à suivre scrupuleusement les questionnaires et directives fournies par la Haute autorité de santé [2] et de relayer en détail dans le dossier médical le déroulement de la consultation pour préserver la preuve de sa diligence [3].

Des situations complexes juridiquement peuvent en résulter : le médecin décide de ne pas hospitaliser le patient alors même que ce dernier présente un stade avancé du covid-19 car, sur la base des déclarations de ce derniers et des consignes du Gouvernement, il considère que ce dernier ne rentre pas dans la catégorie des patients devant être hospitalisés.

Prenons également le cas d’un patient qui présente d’autres soucis de santé mais dont le médecin, pour éviter un risque de contamination, conseille d’attendre pour se faire soigner. Si la pathologie présentée par ce patient s’aggrave, il pourrait agir contre le médecin, ce dernier n’ayant pas mesurés les conséquences d’un retard de prise en charge.

L’on peut néanmoins considérer que, peu importe la situation, si le professionnel de santé démontre qu’il a prodigué des soins consciencieux et fondé son diagnostic sur les données actuelles de la science ainsi qu’un interrogatoire minutieux du patient, aucun manquement ne pourra, en théorie, lui être reproché puisqu’il aura pris sa décision sur la base d’informations précises et détaillées.

Par ailleurs, la preuve du lien de causalité direct et certain entre la faute et le dommage paraît difficile à caractériser lorsqu’il est question du diagnostic du Covid-19.

En effet, le moment exact de contamination par le Covid-19 demeure toujours un mystère et il en est de même de son évolution [4].

C’est sans compter d’autres facteurs aggravants, indépendant du professionnel de santé, qui ne peuvent être occultés tels qu’une organisation du système de soins lacunaires, un manque de matériel et surtout l’absence d’un nombre de tests fiables suffisants, rendant difficile le diagnostic, qui pourraient amener le juge à modérer sa responsabilité dans ce contexte.

B - Les problématiques liées au traitement du Covid-19

Il n’existe pas, à l’heure actuelle de traitement préconisé pour le covid-19. Pourtant, certains professionnels de santé considèrent que l’hydroxychloroquine, antipaludique prescrit hors de son autorisation de mise sur le marché, pourrait être un remède efficace.

Son administration a finalement été autorisée dans le cadre du traitement du covid-19 par le décret n° 2020-314 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5675LW4), complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, uniquement dans le cas de patients présentant un cas grave de Covid-19 et hospitalisés, prescription subordonnée à un avis collégial, comme le rappellent l’avis du Haut conseil de la santé publique en date du 23 mars 2020 et les recommandations de l’ANSM en date du 30 mars 2020 [5].

Ces dispositions sont applicables à la lecture de la loi décrétant l’état d’urgence sanitaire, prévoyant en son article L. 3131-3 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9615HZ7), un régime de responsabilité spécifique, exonérant les professionnels de santé, les fabricants du produit et titulaires de l’autorisation de mise sur le marché en cas de dommages résultant de la prescription de ce médicament.

On ne peut donc, en théorie, reprocher à un médecin d’avoir prescrit de l'hydroxychloroquine hors de son autorisation de mise sur le marché.

En revanche, dans le cas où le médecin fait le choix de ne pas prescrire ce traitement, il convient de rappeler que ce dernier est libre de sa prescription, sur le fondement de l’article 8 du Code de déontologie médicale, codifié à l’article R. 4127-8 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1217ITA).

Par ailleurs, tout choix thérapeutique est apprécié au regard de l’état des connaissances scientifiques à l’instant même où est délivré ou non le traitement. Compte tenu de l’absence de consensus scientifique sur l’efficacité de la hydroxychloroquine dans le traitement du covid-19, il paraît peu probable que l’on puisse établir un lien de causalité direct et certain entre l’absence de ce traitement et la survenue du décès d’un patient et les complications qu’il a présentées.

Le Conseil d’Etat a d’ailleurs rejeté le 28 mars 2020 la requête de la SMAER (Syndicat des médecins d’Aix et de région) qui sollicitait la généralisation du traitement par l'hydroxychloroquine, en considérant que les rares études effectuées étaient contestables d’un point de vue méthodologique et qu’elles ne permettaient pas de conclure à l’efficacité clinique du traitement [6].

Il n’en demeure pas moins que, si le médecin fait le choix de prescrire ou non le traitement, il sera obligé de délivrer, dans la mesure du possible, une information éclairée au patient afin qu’il en comprenne bien les enjeux et de s’assurer de son consentement éclairé.

L’article L. 1110-5 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4249KYZ) rappelle encore que « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté ».

Le médecin est donc tenu d’effectuer un arbitrage difficile entre l’obligation de délivrer les soins les plus consciencieux au patient sans lui faire courir de risques inutiles.

Rappelons à ce titre le célèbre arrêt « Mercier », rendu par la première chambre de la Cour de cassation le 20 mai 1936 (Cass. civ. 1, 20 mai 1936, Dr Nicolas c/ Mercier N° Lexbase : A7395AHD), consacrant une obligation pour le médecin de délivrer des soins conformes aux données acquises de la science « réserve faite des circonstances exceptionnelles ».

Il semble cohérent de qualifier la pandémie actuelle de circonstance exceptionnelle. C’est pourquoi, face à ces impératifs et charge de responsabilité importante, le professionnel de santé ne saurait être laissé pour seul responsable.

II - Une responsabilité médicale partagée par l’ensemble des acteurs de la gestion de la crise sanitaire

En responsabilité médicale, les enjeux sont délicats. Il est souvent question de douleur et de décisions impactant la vie humaine. Dans le contexte du covid-19, ce régime sera mis à rude épreuve. Car comment concilier la douleur des personnes dont les proches sont décédés ou dans un état critique de celle du personnel soignant devant prendre des décisions difficiles dans l’urgence, risquant sa propre vie pour sauver celle des autres ? Si l’enjeu principal est d’indemniser les victimes, il semblerait légitime que d’autres acteurs jouent un rôle important que ce soient les assureurs des professionnels de santé ou l’Etat.

Les assureurs ont décidé de compléter l’assurance de responsabilité civile professionnelle de ces derniers durant la crise. Tel a été le cas de la téléconsultation, le télésoin et le télésuivi, couverts sans déclaration préalable pour les actes nécessaires à la prise en charge du covid-19 par la MACSF [7]. Ils ont considéré, à juste titre, que cet exercice sortait du cadre exceptionnel des garanties habituelles.

Espérons que ces extensions de couverture de garantie par les assureurs s'avéreront efficaces dans le cas de différends avec des victimes du Covid 19 et que les compagnies d’assurance privilégieront des discussions amiables, sans tenter de s’exonérer de leurs obligations.

Reste la question du rôle de l’Etat face à ces dernières. Il lui est notamment reproché d’avoir tardé à organiser un système de soins opérant, de ne pas avoir commandé de masques, de tests fiables, engendrant des contaminations massives et des prises en charge compliquées.

Son action a été encadré par l’article L. 3131-1 de la loi du 11 mai 2020, l’autorisant à prescrire « dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population. » L’article L. 3131-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9612IQ3) prévoit que le Haut conseil de la santé publique examine périodiquement le bien-fondé de ces mesures.

Le juge devra donc apprécier si les mesures décidées par l’Etat ont été suffisamment anticipées et efficaces au regard des risques prévisibles et exceptionnels.

A - La responsabilité pénale des dirigeants dans la gestion de la crise du covid-19

En matière pénale, une plainte a été déposée contre Agnès Buzyn et Edouard Philippe leur reprochant le délit d’une abstention volontaire, prévu par l’article 223-6, alinéa 2 du Code pénal (N° Lexbase : L6224LL4), délit complémentaire du délit de non-assistance à personne en danger. Toutefois, son succès n’est pas certain car ce délit nécessite la preuve d’un élément intentionnel, soit que l’auteur avait conscience que son inaction porterait atteinte à la sécurité de personnes. Ce d’autant plus qu’en matière pénale, l’appréciation de cet élément est stricte et la jurisprudence sévère.

L’article 121-3 du Code pénal (N° Lexbase : L2053AMY), consacrant le délit de non-assistance à personne en danger, applicable à la crise sanitaire en vertu de l’article L. 3136-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8575LWI), permet également d’engager la responsabilité pénale des dirigeants sous réserve de prouver une faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

Le juge devra effectuer un arbitrage délicat entre les actions menées par les ministres avant et pendant la crise, les moyens réels dont ils disposaient, l’idéal de précaution et protection d’un intérêt général, et les connaissances scientifiques sur cette même période.

On peut envisager que, par exemple, l’absence d'approvisionnement suffisant en masques puisse constituer une telle faute. Toutefois, en droit pénal, le doute profite toujours à l’innocent. Or, face à une crise sanitaire de telle ampleur, il paraît difficile de dire avec certitude ce qui aurait dû être fait et anticipé par une personne physique ou morale déterminée, à l’exclusion de l’Etat, qui ne peut être poursuivi pénalement [8].

B - La responsabilité administrative de l’Etat pour faute

La responsabilité de l’Etat peut être engagée pour faute devant le tribunal administratif. L’obligation de démontrer une faute lourde, c’est-à-dire d’une particulière gravité, a été abandonnée et seule une faute simple est désormais exigée. Il existe une exonération en cas de force majeure. Toutefois, il paraît difficile d’admettre que cette crise sanitaire constituerait un évènement extérieur, imprévisible et irrésistible pour l’Etat, ne serait-ce qu’au regard des précédentes épidémies déjà vécues.

Dans le cas du Covid-19, sont alléguées à l’Etat des carences dans la gestion de la crise sanitaire, notamment dans l'approvisionnement en masque, gels hydroalcooliques, en tests de dépistage et lits de réanimation. Il est également reproché une organisation défaillante, avec des personnes retrouvées en état de solitude, des malades ne pouvant être accompagnés par leurs proches, même en fin de vie.

On peut enfin songer aux professionnels de santé, nécessairement concernés. Pour ces derniers, en cas de contamination, il est prévu une indemnisation intégrale, notamment pour les réservistes, en vertu de l’article L. 3133-6 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9632HZR).

L’Etat a dû faire des choix face à une situation méconnue et le juge aura à vérifier si au regard des connaissances du danger qu’il pouvait avoir, il a correctement agi.

Par le passé, dans le cas de l’affaire du sang contaminé, l’Etat avait été condamné pour ne pas avoir retiré les lots de sang contaminé. Son inaction à prendre des mesures pour lutter contre l’exposition des travailleurs à l’amiante a également caractérisé une carence fautive. Dans l’affaire du « Médiator », l’Etat a été jugé responsable de ne pas avoir retiré l’autorisation de mise sur le marché alors même que son système de pharmacovigilance aurait dû l’inciter à le faire à partir d’une certaine date [9]. Le tribunal administratif de Paris a reconnu la carence fautive de l’Etat en raison de l’insuffisance de mesures prises pour lutter contre la pollution de l’air le 4 juillet 2019, sans toutefois faire droit aux demandes d’indemnisation des victimes, considérant l’absence de lien certain et direct entre leurs préjudices et l’insuffisance des mesures [10].

En prenant l’exemple des masques, il est possible de reprocher à l’Etat de ne pas avoir constitué de stocks suffisants avant la crise, d’avoir tardé à en commander dès le début de la crise et enfin, de ne pas assurer des stocks réguliers pendant toute la durée de la crise [11]. La question de l’anticipation de la crise et de sa gestion devra être distinguées.

Là encore, se pose la question de la preuve du préjudice et du lien de causalité. En effet, à considérer que le juge considère que l’Etat a commis une faute, quelles ont été les répercussions exactes sur la victime ? Celle-ci devrait démontrer que l’absence du port du masque a causé sa contamination et les séquelles qui s’en sont suivies. Même si les scientifiques semblent s’accorder sur l’efficacité du masque, ce lien ne saurait être qualifié de certain. Par conséquent, le juge risquerait d’indemniser une perte de chance qui diminuerait le montant de l'indemnisation.

Quant au préjudice, sa nature paraît également incertaine car la seule contamination ne saurait, en principe, être réparable. L’hypothèse d’un préjudice d'anxiété pourrait là encore être évoquée. Il sera simplement rappelé que ce préjudice demeure exceptionnel lorsqu'il est reconnu de façon indépendante, qu’en l’espèce, le risque de contamination est rapide et la plupart des personnes contaminées ne présente qu’une symptomatologie légère voire sont asymptomatiques. Enfin, encore faudrait-il pouvoir démontrer qu’elles subissent une angoisse réelle liée au covid-19 liée, par exemple, à l’absence de port de masque et à la peur d’une contamination [12].

Le rôle des médias, qui au lieu d'être une source d’informations pertinentes et éclairées, générent de l’angoisse, pourrait avoir une place dans ces débats. Pourraient enfin être soulevés de nouveaux préjudices spécifiques à cette situation telle que l’angoisse générée par le fait de mourir seul et pour la victime indirecte, de ne pas avoir pu assister son proche en fin de vie.

***

Le dispositif juridique actuelle ne semble pas apporter de réponse adéquate aux possibles litiges en lien avec le covid-19. C’est pourquoi, la création d’un Fonds de solidarité comme il y en a eu pour les victimes de l’amiante, de terrorisme ou du Médiator, pourrait être une réponse adéquate, dans la mesure où, dans certaines situations, il est difficile d’imputer les préjudices subis par une victime à une personne déterminée. Elle permettrait symboliquement à l’Etat d’assumer l’indemnisation de ces dernières.

On notera que, dans la loi du 11 mai 2020, l’article L. 3131-4 (N° Lexbase : L9616HZ8) reprend le dispositif d’indemnisation prévu pour les victimes d’accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales pour l’étendre aux difficultés survenues dans le cadre d’actes de diagnostic, prévention et soins liées au covid-19. Cela ne semble pas suffisant, la disposition n’englobant pas toutes les situations juridiques liées au virus.

Mais qui dit solidarité nationale, dit fonds financés par les contribuables. Et l’absence de recours subrogatoire de l’Office est à prévoir puisqu’il semble difficile de trouver un fautif déterminé. Il conviendrait d’encadrer la saisine du Fonds, en maintenant par exemple un seuil de gravité ou en excluant l’indemnisation du seul préjudice d’angoisse. Là encore, un arbitrage humain est à prévoir.

 

[1] CSP, art. L. 6316-1 (N° Lexbase : L6174LR4).

[2] Auto-questionnaire, 28 mars 2020, Ministère des Solidarités et de la Santé.

[3] Réponses rapides dans le cadre du COVID-19 -Prise en charge des patients COVID-19, sans indication d’hospitalisation, isolés et surveillés à domicile, HAS, avril 2020 ; Guide méthodologique, Préparation à la phase épidémique de Covid-19, Ministère des solidarités et de la santé, 16 mars 2020.

[4] C. Younes, Téléconsultation, Covid-19 et responsabilité médicale, 7 avril 2020, Village de la Justice.

[5] Coronavirus SARS-Cov-2 : recommandations thérapeutiques, Haut Conseil de la santé publique, 23 mars 2020

[6] CE référé, 28 mars 2020, n° 439726 (N° Lexbase : A49793KM).

[7] G. Perrin, Coronavirus : les assureurs des professionnels de santé se mobilisent, 18 avril 2020, L'argus de l’assurance.

[8] C. pén., art. 121-2 (N° Lexbase : L3167HPY).

[9] O. Beaud, D. Rebut, C. Broyelle, La responsabilité des ministres et de l’Etat dans la gestion de la crise du coronavirus, 23 mars 2020, Le club des juristes.

[10] TA Paris, 4 juillet 2019, n° 1709333 (N° Lexbase : A5750ZHG), n° 1810251 (N° Lexbase : A5735ZHU), n° 1814405 (N° Lexbase : A5738ZHY).

[11] A. Jacquemet-Gauché, Pénurie de masques : une responsabilité pour faute de l’Etat, 24 mars 2020, Le club des juristes.

[12] S. Porchy-Simon, L'indemnisation des préjudices situationnels des victimes directes et de leurs proches, Rapport, 6 mars 2017.

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