Réf. : Ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 modifiant l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété (N° Lexbase : L1697LX7)
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par Florence Bayard-Jammes, Docteur en droit, Professeur associé TBS Business School
le 30 Août 2021
L’épidémie de covid-19 et les mesures législatives et gouvernementales qui s’en sont suivies en vue de prévenir la propagation du virus ont eu un impact sur les copropriétés empêchant la tenue des assemblées générales qui devaient, notamment pour certaines d’entre elles, statuer sur les contrats de syndic arrivant à expiration.
Des dispositions dérogatoires successives ont été prises en matière de copropriété à la suite de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT, publiée au Journal officiel du 24 mars 2020), qui a habilité le Gouvernement à prendre, dans un délai de trois mois à compter de sa publication, toute mesure pouvant entrer en vigueur à compter du 12 mars 2020, afin de faire face aux conséquences de la propagation du covid-19 et des mesures pour limiter cette propagation.
En droit de la copropriété, ces mesures ont concerné les contrats de syndics et les mandats des membres des conseils syndicaux mais pas les assemblées générales des copropriétaires malgré les demandes des professionnels (v. les préconisations du GRECCO : préconisation n° 8 concernant la tenue des assemblées générales en période d’épidémie du virus covid-19 et postérieurement à cette période et préconisation n° 9 concernant la tenue à distance des assemblées générales en période d’épidémie du virus covid-19). C’est chose faite avec l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 (N° Lexbase : L1697LX7, publiée au Journal officiel du 21 mai 2020), modifiant l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété (N° Lexbase : L5722LWT, publiée au Journal officiel du 26 mars 2020). L’article 13 de l’ordonnance du 20 mai 2020 modifie les article 22 et 22-1 de l’ordonnance du 25 mars 2020 en cristallisant la période de renouvellement automatique des contrats de syndics et des mandats des membres des conseils syndicaux (I) et en créant quatre nouveaux articles (art. 22-3 à 22-5) destinés à faciliter la tenue des assemblées générales des copropriétaires durant la période du 1er juin 2020 au 31 janvier 2021 (II).
I. Les contrats de syndic et les mandats des conseillers syndicaux
A. Les contrats de syndic
C’est dans le cadre de l’habilitation donnée au Gouvernement par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (JO du 24 mars 2020) qu’est intervenue l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 qui, pour éviter que les copropriétés soient dépourvues de syndic en l’absence de réunions d’assemblée générale du fait du confinement, a, dans son article 22, renouvelé les contrats de syndic qui devaient prendre fin entre le 12 mars 2020 et « l'expiration d'un délai d’un mois à compter de la date de la cessation de l'état d'urgence sanitaire ». La cessation d’état d’urgence sanitaire ayant été fixée initialement au 24 mai 2020, tout contrat de syndic expirant entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 [1] était, en vertu de l’article 22, automatiquement renouvelé jusqu’à la prise d’effet du nouveau contrat de syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires qui devait intervenir « dans les six mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire » soit au plus tard le 24 novembre 2020 [2].
Ces dispositions sont apparues insuffisantes pour assurer une bonne gestion des copropriétés notamment celles dans lesquelles les contrats du syndic expiraient après le 24 juin qui ne bénéficiaient pas du dispositif. L’article 22 de l’ordonnance du 25 mars 2020 a donc été modifié par l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L7287LWS, publiée au Journal officiel du 23 avril 2020). En premier lieu, la période de référence des contrats automatiquement renouvelés a été augmentée d’un mois et concernait en conséquence ceux expirant entre le 12 mars 2020 et le 24 juillet 2020 (ou plus tard si l’état d’urgence sanitaire était prorogé). En second lieu, le délai de prise d’effet du nouveau contrat de syndic désigné par l’assemblée générale a été augmenté de deux mois passant de six à huit mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit au 24 janvier 2021 ou plus tard si l’état d’urgence sanitaire était prorogé [3]. Or, la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 (N° Lexbase : L8351LW9, publiée au Journal officiel du 12 mai 2020) a prorogé l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 inclus ce qui impliquait un prolongement des périodes relatives, d’une part au renouvellement automatique des contrats de syndic jusqu’au 10 septembre 2020 [4], et d’autre part la date de prise d’effet du contrat du syndic désigné par l’assemblée générale reportée au 10 mars 2021 [5].
Ces durées, laissant aux syndics un importante latitude pour convoquer les assemblées générales, sont apparues trop longues au Gouvernement qui a une nouvelle fois modifié l’article 22 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020. Ainsi l’article 13 de l’ordonnance n° 2010-595 du 20 mai 2020 a simultanément facilité la tenue des assemblées générales entièrement dématérialisées (voir infra) et cristallisé les périodes de références relatives au renouvellement des contrats de syndic en décidant que « le contrat de syndic qui expire ou a expiré entre le 12 mars 2020 et le 23 juillet 2020 est renouvelé dans les mêmes termes jusqu'à la prise d'effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires. Cette prise d'effet intervient, au plus tard le 31 janvier 2021 ». Des dispositions semblables ont été prises pour le renouvellement des mandats de membres des conseils syndicaux.
B. Les mandats des membres du conseil syndical
Si l’ordonnance du 25 mars 2020 précitée s’était préoccupée du renouvellement des contrats de syndic, elle avait omis celui des mandats des conseillers syndicaux dont la désignation a souvent lieu en même temps que celle du syndic et pour la même durée. C’est l'ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, en ajoutant un nouvel article 22-1 à l’ordonnance du 25 mars 2020, qui a remédié à cette situation.
Ainsi, initialement, les mandats des membres des conseils syndicaux qui devaient expirer entre le 12 mars 2020 et le 24 juillet 2020 (cette date pouvant être modifiée en cas de modification de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire) étaient renouvelés jusqu’à la tenue de la prochaine assemblée générale, laquelle devait intervenir au plus tard huit mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, et donc au plus tard le 24 janvier 2021 [6]. Toutefois, le dernier alinéa de l’article 21-1 prévoit que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque l’assemblée générale a désigné les membres du conseil syndical avant la publication de l’ordonnance soit avant le 26 mars 2020.
Afin d’harmoniser les dispositions dérogatoires relatives aux mandats des conseilleurs syndicaux avec celles applicables aux contrats de syndic, l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 modifie l’article 22-1 de l’ordonnance du 22 avril 2020 qui prévoit désormais que : « par dérogation aux dispositions de l’article 21 et du c de l’article 25 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le mandat confié par décision de l’assemblée générale aux membres du conseil syndical qui expire ou a expiré entre le 12 mars 2020 et le 23 juillet 2020 inclus est renouvelé jusqu’à la tenue de la prochaine assemblée générale des copropriétaires . Cette assemblée générale intervient au plus tard le 31 janvier 2021. Les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables lorsque l'assemblée générale des copropriétaires a désigné les membres du conseil syndical avant la publication de la présente ordonnance ».
II. La tenue des assemblées générales entre le 1er juin 2020 et le 31 janvier 2021
Alors que le confinement a été amorcé le 11 mai 2020, la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 a prorogé l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 inclus, et le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 (N° Lexbase : L8355LWD, publié au Journal officiel du 12 mai 2020) prescrit les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans la cadre de l’état d’urgence sanitaire. Ces différentes mesures, et notamment les interdictions de regroupement, qui pourraient durer au-delà de la période d’état d’urgence sanitaire, empêchent la tenue de nombreuses assemblées générales de copropriétaires et les pouvoirs publics, ayant identifié que cette situation risquait de porter atteinte au bon fonctionnement des copropriétés, ont souhaité permettre aux syndicats des copropriétaires de pouvoir convoquer des assemblées générales rapidement et les tenir sans présence physique des copropriétaires ceux-ci pouvant participer à l’assemblée à distance ou y voter par correspondance [7]. Pour cela, il était nécessaire d’adapter les dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et de son décret d’application n° 67-223 du 17 mars 1967, c’est l’objet des articles 22-2 à 22-5 ajoutés à l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 par l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, ci-dessous étudiés.
A. Des dérogations temporaires
L’article 13 de l’ordonnance du 20 mai 2020 modifie quelques dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et de son décret d’application du 17 mars 1967 relatives à la convocation et la tenue des assemblées générales de copropriété, mais il s’agit de dispositions dérogatoires temporaires qui s’appliqueront à compter du 1er juin 2020 [8] jusqu’au 31 janvier 2021, date à laquelle les autres dispositions dérogatoires relatives à la copropriété s’appliquent.
Remarquons que la date du 1er juin 2020 coïncide avec l’entrée en vigueur des dispositions relatives au vote par correspondance prévu par l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété, à condition toutefois que le décret modificatif du décret de 1967 précisant ses modalités d’application et que l’arrêté fixant le modèle du formulaire de vote par correspondance soient publiés avant cette date. A défaut, la mise en application du vote par correspondance sera retardée.
B. La tenue de l’assemblée générale sans présence physique de copropriétaires
1° Les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 relatives à la participation des copropriétaires à l’assemblée générale et au vote par correspondance
Dans le but de lutter contre l’absentéisme endémique qui frappe les assemblées générales des copropriétaires, la loi « Elan » n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 (N° Lexbase : L8700LM8) a permis une évolution des modalités de participation à l’assemblée générale à l’image de ce qui se fait déjà depuis de nombreuses années en droit des sociétés. Elle a créé un article 17-1 A (N° Lexbase : L6780LNG) dans la loi du 10 juillet 1965, qui permet aux copropriétaires de « participer à l'assemblée générale par présence physique, par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification » renvoyant à un décret en Conseil d’Etat le soin de définir les conditions d’identification des copropriétaires usant de ces moyens de communication.
Ces conditions ont été définies par l’article 6 du décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 (N° Lexbase : L6760LQG) qui a créé un article 13-1 dans le décret du 17 mars 1967 (N° Lexbase : L1276LRP) exigeant que « l'assemblée générale décide des moyens et supports techniques permettant aux copropriétaires de participer aux assemblées générales par visioconférence, par audioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique ainsi que des garanties permettant de s'assurer de l'identité de chaque participant » étant précisé que la décision doit être prise sur la base de devis élaborés à cet effet à l’initiative du syndic ou du conseil syndical et que les coûts sont supportés par le syndicat des copropriétaires. Le même texte précise dans son dernier alinéa que : « pour garantir la participation effective des copropriétaires, ces supports doivent, au moins, transmettre leur voix et permettre la retransmission continue et simultanée des délibérations ». D’autres dispositions du décret de 2019 ont modifié l’article 14 du décret de 1967 sur la tenue de la feuille de présence et l’article 17 relatif au procès-verbal afin de tenir compte de ces nouvelles modalités de participation à distance des copropriétaires.
Ainsi, depuis le 29 juin 2019 [9], il appartient à l’assemblée générale de délibérer, par un vote à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 [10], sur les modalités de mise en œuvre techniques et financières permettant aux copropriétaires de participer à distance à l’assemblée générale. Or, force est de constater que bien peu de copropriétés ont délibéré sur cette question qui, à l’époque, ne semblait pas prioritaire alors qu’elle se révèle aujourd’hui impérieuse et c’est bien l’absence de délibération préalable de l’assemblée générale qui empêche les assemblées générales de se tenir à distance. Cette condition devait donc être écartée pour faciliter la prise de décision en assemblée générale et cette mesure devra être accompagnée rapidement de la mise en application du vote par correspondance pour que le dispositif soit pleinement efficace.
Alors qu’il avait toujours été écarté en copropriété du fait de la « souveraineté » de la réunion d’assemblée générale, lien d’échanges et de discussions entre les copropriétaires, la loi « Elan » du 23 novembre 2018 a fait du vote par correspondance une modalité de participation à l’assemblée générale. Dans sa rédaction initiale, l’alinéa 2 de l’article 17-1 A nouveau la loi du 10 juillet 1965, prévoyait que les mentions du formulaire et ses modalités de remise au syndic devaient être définies par décret du Conseil d’Etat. Or, ni le décret du 27 juin 2019 précité pris pour l’application des dispositions de la loi « Elan », ni aucun autre décret n’ont précisé ces modalités d’application, empêchant cette nouvelle modalité de vote d’entrer en vigueur. La situation s’explique par la rédaction quelque peu maladroite des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 17-1 A qui, au mépris de l’esprit et de la lettre de la loi du 10 juillet 1965, identifiaient le copropriétaire exprimant une abstention dans le formulaire comme un copropriétaire opposant.
Les critiques de la doctrine ont été vives et le texte a été réécrit par l’article 35 de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis (N° Lexbase : Z955378U) dont les dispositions entreront en vigueur le 1er juin 2020 qui supprime toute référence aux « formulaires ne donnant aucun sens précis de vote ou exprimant une abstention ». Par ailleurs, si les modalités de remise au syndic du formulaire doivent toujours être précisées par décret en Conseil d’Etat qui devrait paraître très prochainement, le formulaire sera établi « conformément à un modèle fixé par arrêté ». En conséquence, à ce jour, la mise en application du vote par correspondance en assemblée générale est conditionnée par la publication du décret modifiant le décret du 17 mars 1967 et de l’arrêté fixant le modèle de formulaire de vote.
C’est dans ce contexte qu’interviennent les nouvelles dispositions des article 22-2 à 22-4 de l’ordonnance du 20 mai 2020.
2° Possibilité pour le syndic de décider de la tenue d’une assemblée générale sans la présence physique des copropriétaires
Art. 22-2.-I.-Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965 susvisée, et jusqu'au 31 janvier 2021, le syndic peut prévoir que les copropriétaires ne participent pas à l'assemblée générale par présence physique.
« Dans ce cas, les copropriétaires participent à l'assemblée générale par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification. Ils peuvent également voter par correspondance, avant la tenue de l'assemblée générale, dans les conditions édictées au deuxième alinéa de l'article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965 susvisée.
« Par dérogation aux dispositions de l'article 17 de la loi du 10 juillet 1965 susvisée, lorsque le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique n'est pas possible, le syndic peut prévoir que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises au seul moyen du vote par correspondance.
« II. ‒ Lorsque le syndic décide de faire application des dispositions prévues au I et que l'assemblée générale des copropriétaires a déjà été convoquée, il en informe les copropriétaires au moins quinze jours avant la tenue de cette assemblée par tout moyen permettant d'établir avec certitude la date de la réception de cette information.
Art. 22-5.-Par dérogation aux dispositions de l'article 13-1 du décret du 17 mars 1967 susvisé, et jusqu'au 31 janvier 2021, le syndic peut décider des moyens et supports techniques permettant à l'ensemble des copropriétaires de participer à l'assemblée générale par visioconférence, audioconférence ou tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification, la transmission de leur voix, ainsi que la retransmission continue et simultanée des délibérations. Ces moyens et supports techniques sont utilisés jusqu'à ce que l'assemblée générale se prononce sur leur utilisation. »
En application de l’alinéa 1 de l’article 22-2 I de l’ordonnance, le syndic peut, par dérogation aux dispositions de l’article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965, prévoir que les copropriétaires ne participent pas à l’assemblée générale par présence physique. Dans ce cas, l’alinéa 2 prévoit que les copropriétaires participent à l'assemblée générale « par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification ». Ils peuvent également voter par correspondance, avant la tenue de l'assemblée générale
La tenue d’assemblée générale entièrement dématérialisée n’est pas une obligation pour le syndic mais une simple faculté. Ainsi pour les copropriétés ayant un nombre de copropriétaires inférieur à dix, le syndic pourrait décider sous réserve de respecter les mesures prescrites pas le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 de ne pas faire application de ces dispositions dérogatoires et de tenir une assemblée générale en présentiel en application de l’alinéa 1 de l’article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965.
En revanche, le pouvoir de décider de tenir une assemblée générale sans présence physique des copropriétaires appartient au syndic seul, qu’il soit professionnel ou non, sans avoir besoin de l’accord préalable de l’assemblée générale des copropriétaires. L’accord de l’assemblée n’est requis ni pour décider du principe de la tenue de l’assemblée générale à distance ni pour décider des moyens et supports techniques permettant la participation des copropriétaires par visioconférence, audioconférence ou tout autre moyen de communication électronique (v. art. 22-5 nouveau). C’est tout l’intérêt du dispositif qui déroge à l’article 13-1 du décret du 17 mars 1967.
Le texte n’envisage pas non plus que le syndic sollicite au préalable l’avis du conseil syndical mais il est probable qu’en pratique, dans un esprit de collaboration, la décision sera prise en concertation avec le conseil syndical associé à la préparation de l’ordre du jour [11]. Enfin, aucun copropriétaire ne pourrait contraindre le syndic de faire application des dispositions de l’article 22-2.
La disposition étant dérogatoire, elle doit être strictement interprétée et, limitée au syndic[12] et non pas étendue aux autres personnes qui pourraient être amenées à convoquer l’assemblée générale durant la période juridiquement protégée [13]. Enfin, toutes les assemblées des copropriétaires qu’elles soient générales ou spéciales pourront être tenues selon ces nouvelles modalités sur décision du syndic.
L’alinéa 3 de l’article 22-2 précise que, lorsque le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique n'est pas possible, le syndic peut prévoir que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises au seul moyen du vote par correspondance. Cette précision est importante, car au lendemain de la loi « Elan » qui a consacré le vote par correspondance sans le limiter par rapport aux autres modalités de participation à l’assemblée générale, la doctrine s’est interrogée sur la validité d’une assemblée générale où tous les copropriétaires voteraient par correspondance sans aucune présence physique le jour de la réunion ce qui ne permettrait pas le respect des dispositions de l’article 15 du décret de 1967 imposant la désignation du bureau en début de réunion [14]. Par dérogation, l’article 22-2, alinéa 3, affirme la validité d’une assemblée générale au cours de laquelle les décisions seraient prises au seul moyen de votes par correspondance et règle au 4° de l’article 22-3 la question de la désignation du président de séance ; toutefois, cette faculté est conditionnée à la preuve par le syndic de l’impossibilité de recourir à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique. Primauté est donc donnée à la participation des copropriétaires à l’assemblée générale à distance et non pas à la seule consultation écrite.
Enfin, le paragraphe II de l’article 22-2 prend le soin de préciser que, pour les assemblées générales qui auraient déjà été convoquées avant l’entrée en vigueur du dispositif, le syndic est en droit d’avoir recours à ces nouvelles possibilités à condition d’en informer les copropriétaires au moins quinze jours avant la tenue de cette assemblée « par tout moyen permettant d'établir avec certitude la date de la réception de cette information ». Cette disposition concerne les quelques assemblées générales qui auraient été convoquées depuis la levée partielle du confinement le 11 mai 2020. Il sera prudent que l’information aux copropriétaires résulte d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception auprès de chaque copropriétaire.
Art. 22-3.-Lorsqu'il est fait application de l'article 22-2, il est dérogé aux dispositions des articles 9,14,15 et 17 du décret du 17 mars 1967 susvisé dans les conditions suivantes :
« 1° L'assemblée générale des copropriétaires est convoquée sans qu'un lieu de réunion soit déterminé, ni indiqué dans la convocation ;
« 2° La convocation précise que les copropriétaires ne peuvent participer à l'assemblée générale que par visioconférence ou tout autre moyen de communication électronique, sans préjudice de la possibilité de voter par correspondance. Lorsque le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique n'est pas possible, la convocation précise que les copropriétaires ne peuvent voter que par correspondance ;
« 3° Le président de séance certifie exacte la feuille de présence et signe, le cas échéant avec le ou les scrutateurs, le procès-verbal des décisions dans les huit jours suivant la tenue de l'assemblée générale ;
« 4° Lorsque les décisions sont prises au seul moyen du vote par correspondance, le président du conseil syndical, ou à défaut, l'un de ses membres, ou en leur absence, l'un des copropriétaires votant désigné par le syndic, assure les missions qui incombent au président de séance en application des dispositions du décret du 17 mars 1967 susvisé.
L’article 22-3 de l’ordonnance précise les modalités d’application des dispositions de l’article 22-2 par dérogation aux dispositions des articles 9, 14, 15 et 17 du décret du 17 mars 1967.
L’article 9 du décret du 17 mars 1967 (N° Lexbase : L5600IGI), relatif au contenu de la convocation d’assemblée générale, exige qu’elle contienne l’indication du lieu de réunion qui doit se situer, sous réserve des stipulations du règlement de copropriété, dans la commune de situation de l’immeuble. Le texte précise qu’à défaut de stipulation du règlement de copropriété ou de décision de l’assemblée générale, c’est la personne qui convoque l’assemblée qui en fixe le lieu. Cette mention est prescrite à peine de nullité de l’assemblée générale [15].
Par dérogation à l’article 9 du décret de 1967, l’article 22-3, 1° prescrit que lorsque le syndic prend la décision qu’aucune personne physique ne participera à la réunion, l’assemblée générale pourra être convoquée « sans qu'un lieu de réunion soit déterminé, ni indiqué dans la convocation ». L’absence de cette mention ne pourra donc pas fonder une demande en nullité de l’assemblée générale dans les conditions de l’article 42, alinéa 2.
En application de l’article 22-3, 2° de l’ordonnance, la convocation précise que les copropriétaires ne peuvent participer à l'assemblée générale que par visioconférence ou tout autre moyen de communication électronique, sans préjudice de la possibilité de voter par correspondance. Cette mention permet d’informer les copropriétaires de la décision du syndic de tenir l’assemblée générale sans leur présence physique et de leur préciser les modalités particulières et les supports techniques qui seront utilisés pour participer à l’assemblée générale.
Remarquons que le texte n’écarte pas l’application de l’article 13-2 du décret du 17 mars 1967 (N° Lexbase : L1278LRR) qui impose au copropriétaire qui souhaite participer à l’assemblée générale par visioconférence, par audioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique d’en informer par tout moyen le syndic trois jours francs au plus tard avant la tenue de la réunion de l’assemblée générale. Les copropriétaires étant peu habitués à ces nouvelles modalités de participation à l’assemblée générale, il sera opportun que le syndic rappelle cette obligation aux copropriétaires dans la convocation.
Dans l’hypothèse où le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique ne serait pas possible, le syndic devra préciser dans la convocation que les copropriétaires ne peuvent voter que par correspondance.
Dans tous les cas, le formulaire de vote par correspondance, qui sera fixé par arrêté à paraître devra être joint à la convocation. Ses modalités de remise aux syndics seront précisées par décret et devront être respectées pour que le vote soit pris en considération.
La tenue d’une assemblée générale à distance n’écarte pas l’obligation prévue à l’article 15 du décret du 17 mars 1967 (N° Lexbase : L5501IGT) de désigner, « au début de la réunion », un président de séance et, s’il y a lieu, un ou plusieurs scrutateurs étant rappelé qu’en principe le secrétariat de la séance est assuré par le syndic sauf décision contraire de l’assemblée générale. Si la désignation d’un ou plusieurs scrutateurs n’est qu’éventuelle et peut être écarté en cas d’impossibilité de désignation [16], celle du président de séance est considérée comme une formalité substantielle qui conditionne la validité de l’assemblée générale [17]. Or, si la désignation d’un président de séance, en début de réunion, est possible dans le cas où les copropriétaires participent à l’assemblée générale à distance, elle ne l’est plus lorsque les décisions sont prises au seul moyen du vote par correspondance, puisque, par principe, il n’y a plus de réunion et que l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965 interdit au syndic de présider l’assemblée générale.
L’article 22-3, 4° règle la situation en décidant que les missions qui incombent au président de séance en application des dispositions de l’article 15 du décret du 17 mars 1967 sont assurées par « le président du conseil syndical, ou à défaut, l'un de ses membres, ou en leur absence, l'un des copropriétaires votant désigné par le syndic ». Compte tenu des circonstances particulières dans la mesure où il n’y aura pas eu de réunion d’assemblée générale au cours de laquelle il aurait veillé au respect de l’ordre du jour et mené les débats, la mission du président de séance se limitera à certifier exacte la feuille de présence et à signer le procès-verbal de la réunion dans les conditions prévues au 3° de l’article 22-3 de l’ordonnance.
L’article 14 du décret du 17 mars 1967 (N° Lexbase : L5500IGS), relatif à la tenue de la feuille de présence a été modifié par le décret du 27 juin 2019 pour tenir compte des nouvelles modalités de participation des copropriétaires à l’assemblée générale. Ainsi, si le syndic est obligé de tenir la feuille de présence, il est déjà expressément prévu que l’émargement n’est pas requis pour les participants à l’assemblée par visioconférence, par audioconférence ou par un moyen électronique de communication. Le prochain décret modifiant le décret du 1967 pour préciser les modalités de mise en œuvre des dispositions de l’ordonnance du 30 octobre 2019, portant réforme du droit de la copropriété, devrait préciser les mentions à porter sur la feuille de présence concernant les copropriétaires ayant voté par correspondance.
L’article 14 impose, par ailleurs, que la feuille de présence soit « certifiée exacte par le président de séance désigné par l'assemblée générale ». A titre dérogatoire, dans le cas où aucun copropriétaire ne participe physiquement à l’assemblée et que le syndic ne peut être désigné président de séance [18], l’article 22-3 3° donne au président de séance qui aura été désigné en début de réunion à distance ou à celui qui aura été désigné en application des dispositions de l’article 22-3, 4° dans le cas où les copropriétaires n’auront pu voter que par correspondance, un délai de huit jours après la tenue de l’assemblée générale pour certifier exacte la feuille de présence qui aura été établie par le syndic.
Le même délai s’applique au président de séance et aux éventuels scrutateurs désignés le jour de la réunion qui se serait tenue à distance, pour signer le procès-verbal des décisions de l’assemblée générale nonobstant les dispositions de l’alinéa 1er de l’article 17 du décret de 1967 (N° Lexbase : L5503IGW) qui prescrit qu’il doit être signé « à la fin de la séance, par le président, par le secrétaire et par le ou les scrutateurs ».
III. Accroissement des possibilités de représentation des copropriétaires à l’assemblée générale
L’article 22 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4822AH3) permet à tout copropriétaire de déléguer son droit de vote à un mandataire de son choix, mais afin de préserver la participation des copropriétaires à la réunion d’assemblée générale, il limite à trois le nombre de délégations de vote que peut recevoir un mandataire. Face à l’absentéisme patent des copropriétaires, le législateur de 2018 (loi « Elan ») a permis qu’un copropriétaire puisse recevoir plus de trois délégations de votes si le total des voix dont il dispose lui-même et de celles de ses mandants n’excède pas 10 % des voix du syndicat au lieu des 5 % précédemment fixés. Ce seuil est temporairement relevé à 15 % pour toutes les assemblées générales qui se tiendront entre le 1er juin 2020 et le 31 janvier 2021.
La mesure est destinée à permettre une représentation accrue des copropriétaires qui pourraient, du fait des risques sanitaires qui n’ont pas disparu, être réticents à assister physiquement à l’assemblée générale dans les prochaines semaines ou les prochains mois mais également ceux dépourvus des équipements permettant la mise en œuvre de la participation à l’assemblée générale à distance.
Dans le communiqué de presse du Gouvernement le 20 mai 2020, le ministre Julien Denormandie justifiait les nouvelles dispositions dans ces termes : « Les visites virtuelles et la dématérialisation des actes notariés ont d’ores et déjà permis aux Français de continuer à se projeter dans leur projet immobilier. Aujourd’hui, le Gouvernement en permettant la dématérialisation des assemblées générales de copropriété à partir du 1er juin facilite la prise de décisions et assure la continuité de leur fonctionnement. C’est une simplification considérable très attendue par les millions de Français qui vivent en copropriété ». Gageons que les syndics et les copropriétaires s’emparent sans réticence de ce dispositif permettant d’ancrer le droit de la copropriété dans l’ère des nouvelles technologies et que de temporaire, il puisse, au moins pour parti, se pérenniser au-delà du 31 janvier 2021.
[1] Ou plus tard, si l’état d’urgence sanitaire était prorogé.
[2] V. L. Guegan-Gélinet, Ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et le renouvellement du contrat de syndic pendant la période de Covid-19, Revue des loyers n°1006, 1er avril 2020.
[3] V. L. Guegan-Gélinet, Covid-19 : le renouvellement du contrat du syndic et la désignation du conseil syndical après l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, Revue des loyers, n° 1007, 1er mai 2020.
[4] L’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 modifiée concernait les contrats expirant entre le 12 mars 2020 et « l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire ».
[5] L’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 modifiée exigeait que la prise d’effet du nouveau contrat du syndic intervienne « au plus tard huit mois après la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire ».
[6] Cette date pouvant être modifiée en cas de modification de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
[7] Voir le rapport au Président de la république (N° Lexbase : Z972139T), relatif à l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 modifiant l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété (publié au Journal officiel du 21 mai 2020).
[8] V. ordonnance du 20 mai 2020, art. 16.
[9] Date d’entrée en vigueur des dispositions du décret n° 2019-650 du 27 juin 2019.
[10] A défaut de précision dans l’article 13-1 du décret du 17 mars 1967 (N° Lexbase : L1276LRP) d’application d’une autre majorité.
[11] V. décret n° 67-223 du 17 mars 1967, art. 26 (N° Lexbase : L5516IGE).
[12] Auquel doivent être assimilés le syndic judiciaire et l’administrateur ad hoc.
[13] Voir, pour le président du conseil syndical, en application de l’article 8 du décret du 17 mars 1967 (N° Lexbase : Z45709RS), ou pour un copropriétaire, en application de l’article 17, dernier alinéa, de loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : Z80645RR).
[14] V. F. Bayard-Jammes, La prise de décisions par le syndicat des copropriétaires : constats et perspectives, AJDI, juillet 2019.
[15] En application de l’article 13 du décret du 17 mars 1967 (N° Lexbase : L5499IGR).
[16] V. sur les conséquences de l’absence de désignation d’un scrutateur en l’absence de candidat, Cass. civ. 3, 30 septembre 2015 n° 14-19.858, FS-P+B (N° Lexbase : A5626NS8).
[17] V. Cass. civ. 3, 14 décembre 2010, n° 09-71.974, F-D (N° Lexbase : A2677GNH).
[18] V. loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, art. 22 (N° Lexbase : L4822AH3).
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