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N6405BXI
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le 21 Novembre 2018
Mots-clés : congrès d’avocats • francophonie • modes alternatifs de résolution des conflits
Cet article est tiré de la Revue de l'avocat, édité par la FSA, et publié en septembre 2018 ; article signé par Elie Elkaim, Avocat, Lausanne, Ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats vaudois et Ema Bolomey, Avocate, Lausanne, Ancienne Secrétaire générale de l’Ordre des avocats vaudois
L’Ordre des avocats Vaudois, qui fête cette année son 120ème anniversaire, accueillera le 33ème Congrès de la Conférence Internationale des Barreaux de tradition juridique commune francophone. Cette association de barreaux née d’une volonté de solidarité entre les avocats du monde, spécialement en faveur de ceux qui exercent la profession d’avocat dans des conditions hostiles, est souvent méconnue.
I - La Conférence internationale des barreaux (CIB)
La Conférence internationale des barreaux est une organisation souvent méconnue par les avocats suisses. Pouvez-vous nous expliquer ses fondements et origines ?
La Conférence internationale des barreaux de tradition juridique commune, connue sous l’acronyme CIB, est née en 1985 dans le but de favoriser la coopération et les échanges entre les barreaux de culture de droit écrit et ayant le français en partage. Elle fait partie des 16 réseaux institutionnels de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
L’une des raisons qui pourrait expliquer le déficit de popularité de la CIB auprès des avocats suisses en particulier et plus généralement des avocats du nord vient du fait que, d’une part, pendant longtemps l’essentiel des activités de la CIB était concentré dans les barreaux du sud, avec notamment l’organisation de nombreux congrès annuels en Afrique de l’ouest et centrale ; d’autre part, à cause de certains facteurs historiques, les barreaux du sud ont perçu la CIB comme un instrument qui peut les accompagner pour donner plus de légitimité aux revendications concernant l’établissement et le renforcement de l’Etat de droit.
Quels sont les pays membres de la CIB ?
La CIB compte actuellement environ 120 barreaux membres provenant de quatre continents et répartis dans 45 pays :
Afrique : Algérie, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Comores, République du Congo, Congo RDC, Côte d’Ivoire, Djibouti, Egypte, Gabon, Guinée-Bissau, Guinée-Conakry, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Rwanda, République Centre africaine, Sénégal, Îles Maurice, Seychelles, Tchad, Togo, Tunisie.
Amérique : Haïti, Guadeloupe/Saint-Martin et Saint-Barthélemy, Guyane, Martinique, Louisiane (USA), Québec (Canada).
Asie : Cambodge, Laos, Liban, Syrie, Vietnam.
Europe : Arménie, Belgique, Espagne, France, Luxembourg, Roumanie, Suisse.
Quel a été le rôle joué par la Suisse au sein de la CIB ?
La Suisse est l’un des membres fondateurs de la CIB à travers le Bâtonnier de la Confédération Helvétique, représenté par Monsieur le Bâtonnier Dupont Willemin (Genève) et Monsieur Jacques Luthy représentant le Bâtonnier de Lausanne Maurice Rochat. Depuis la création de l’organisation, la Suisse a toujours soutenu les actions de la CIB et des avocats suisses sont membres du Conseil d’Administration.
L’initiative du Barreau Vaudois de se porter candidat en décembre 2016 à Yaoundé, Cameroun, en vue d’accueillir le 33e Congrès de la CIB, traduit la volonté de voir une appropriation de l’institution par les avocats du nord et aussi de faire découvrir les spécificités des barreaux suisses au monde francophone.
Pour la première fois depuis presque 15 ans, le Congrès de la CIB se tient en Europe. Que cela représente-t-il pour vous ?
Pendant longtemps, la CIB a organisé ses Congrès en Afrique. C’était nécessaire, car le continent africain représente la moitié des membres. Le 32ème Congrès organisé à Port-au-Prince, Haïti, dans les Caraïbes, sur le continent américain, a illustré la diversité de la CIB. Le retour de la CIB en Europe instaure une forme de rotation qui renforce davantage la diversité. C’est aussi une occasion de faire la promotion de la CIB auprès des avocats du nord et d’accroître la légitimité de l’organisation.
II - Les activités et engagements de la CIB à travers le temps
Quelles sont les principales activités de la CIB ?
La CIB œuvre dans les domaines :
- de l’établissement et le renforcement de l’Etat de droit ;
- de la primauté du droit et la protection des droits des justiciables ;
- du dialogue avec les pouvoirs publics pour améliorer l’environnement de travail de l’avocat ;
- de la préservation du secret professionnel, de la présomption d’innocence et des garanties indispensables à l’avocat dans le but de protéger les justiciables ;
- de la coopération et des échanges entre barreaux ;
- de la formation des avocats ;
- de la préservation de la famille romano-germanique et de la langue française ;
- de la promotion de la dignité humaine et des droits de l’Homme ;
- de la défense de la défense ;
- de la promotion des associations des jeunes avocats et l’encadrement des jeunes avocats ;
- de la lutte contre la corruption par l’implémentation de la Caisse de règlement pécuniaire des avocats (Carpa).
Que doit-on comprendre lorsque la CIB revendique de lutter pour la «défense de la défense» ?
L’avocat est au cœur des conflits sociaux. Il contribue à la lutte contre les abus de droit et l’arbitraire. Très souvent sa vie, son intégrité physique et sa liberté se trouvent menacées.
Pour assurer la défense de la défense, la CIB intervient aux côtés des barreaux, alerte les autorités publiques nationales et internationales afin d’obtenir le respect et la préservation des droits de l’avocat dans le but ultime de lui assurer les conditions idéales permettant la meilleure défense possible au profit des justiciables.
La CIB a également toujours exprimé un très fort engagement pour le respect des droits de l’Homme ; quelles sont quelques-unes des actions menées par la CIB à cet égard ?
La CIB a conscience que son action serait stérile si elle ne militait pas intensément pour les droits de l’Homme. A cet effet, dans une approche holistique, les actions tendent à sensibiliser les autorités publiques de tous les pays et leur population, mais aussi à s’engager dans des initiatives concrètes sur tous les continents. Aussi, en sus des actions individuelles de sauvegarde de tel ou tel confrère maltraité, la CIB exhorte ses membres à agir comme des sentinelles et à suivre la production législative pour s’assurer de la qualité des textes selon les standards universellement admis. Elle s’implique également à travers des cas emblématiques dans la défense de personnes victimes dans leurs droit et liberté.
Il convient aussi de souligner le rôle d’accompagnement qu’a eu la CIB lors de l’adoption en 2015 de la Constitution de la Tunisie. L’œuvre de nos confrères a valu à l’Ordre National tunisien de recevoir le prix Nobel de la paix avec d’autres représentants de la société civile.
L’accès à la justice est également l’une de vos préoccupations principales ; pourriez-vous nous en dire plus ?
L’accès à la justice représente le premier élément de tout un ordonnancement juridique visant la garantie des autres droits de l’individu, car tout droit a vocation à être judiciarisé, c’est-à-dire susceptible de revendication en justice.
Néanmoins des obstacles fondamentaux tels que le pullulement des textes législatifs, la spécialisation des procédures et le coût des services juridiques entravent l’accès à la justice. Pour y remédier, le Pro Bono et l’assistance juridique constituent des outils favorisant l’ouverture du Barreau vers le public et contribuent au soulagement des personnes en situation de vulnérabilité.
Ce sont aussi les défaillances de la justice, en de si nombreux endroits, qui nous ont incitées à consacrer le Congrès de Lausanne aux modes alternatifs de résolution des conflits.
Et qu’en est-il de la formation ? La CIB semble s’être fortement engagée pour améliorer les conditions de formation continue, notamment dans les pays d’Afrique.
La compétence et l’éthique demeurent les deux pierres angulaires de l’offre et de la qualité des services juridiques. La compétence s’appuie sur le recyclage de connaissances, la maîtrise des nouvelles théories juridiques et des nouveaux outils et la vulgarisation des textes législatifs. A travers la formation initiale et continue, l’obligation de compétence est garantie. Cependant, l’identification des expertises et le coût excessif des formations posent de sérieux problèmes aux barreaux du sud.
Grâce aux actions de la CIB et d’autres partenaires, un effort conséquent a été fait afin de rendre accessible la formation, sur des sujets d’actualité, aux avocats des barreaux membres.
Quels sont les prochains objectifs que la CIB s’est fixé ? Avez-vous des projets particuliers ?
La CIB continue à se remettre en cause dans le but d’être plus percutante dans ses actions et plus efficace dans ses objectifs. Ainsi, outre les réformes à l’interne en cours, elle s’inscrit dans une dynamique en vue d’être plus visible aux côtés des barreaux membres et de les assister en toutes circonstances.
Elle poursuit ses initiatives pour renforcer l’Etat de droit, la défense de la défense et accroître sa capacité à satisfaire la demande de formation continue.
Ayant compris que la corruption menace les fondements de l’Etat de droit, aggrave l’insécurité et met à mal les garanties d’exercice de la profession, la CIB incite ses membres à adopter les bonnes pratiques de gouvernance et de transparence et surtout à mettre en place une Caisse de règlement pécuniaire des avocats pour sécuriser les fonds des clients.
Enfin, la CIB cherche à constituer un réseau de cabinets dans les pays membres afin de faciliter les échanges, la circulation des avocats et la perspective d’élargir les champs de compétences pour mieux servir la clientèle.
III - Le 33ème Congrès de la CIB
Le Congrès aura lieu du 5 au 8 décembre 2018 à Lausanne : pourriez-vous nous en dire plus ?
La magnifique campagne de promotion entreprise par l’OAV sous l’impulsion de Monsieur le Bâtonnier Elie Elkaim rend les gens impatients de découvrir Lausanne, sa riche culture, sa gastronomie et certains de ses lieux mythiques.
Je ne suis pas étonné que plus de 700 avocats du monde entier se soient déjà inscrits.
Il s’agira de quatre jours de rencontre pour des activités scientifiques de haute qualité, mais aussi culturelles et ludiques. Pour cette année, un contingent plus important d’avocats des pays du nord est attendu, ce qui augure déjà une mosaïque de pratiques et de conceptions.
Les avocats du sud, annoncés très nombreux, vont réchauffer Lausanne. J’ai hâte de voir ce qu’indiquera le thermomètre au moment du 33ème Congrès.
Le thème annoncé pour ce congrès est «L’avocat du XXIème siècle et les modes de résolution des conflits» ; que peut-on attendre du programme scientifique de ce congrès ?
Le programme scientifique répondra aux attentes des congressistes tant dans sa conception que dans la prestation des intervenants. D’ores et déjà, il importe de souligner que le thème de ce 33ème Congrès a l’avantage de s’inscrire dans les enjeux des temps contemporains et de mettre en valeur une forme de justice qui tend à un allègement des procédures, à la confidentialité et à la réduction des délais et des coûts.
A qui destinez-vous cette formation ?
Le thème retenu pour le 33ème Congrès présente un intérêt pour tous les professionnels du droit (avocats, conseillers juridiques, juristes d’entreprises, magistrats, greffiers, huissiers, notaires…), les professeurs de droit et les étudiants.
Les avantages découlant des modes alternatifs de résolution des conflits font que les gens du monde des affaires et tous les justiciables y ont un intérêt.
Il existe également un «prélude» à ce congrès, destiné plus particulièrement aux jeunes avocats francophones du monde entier, intitulé le CIFAF. Qu’est-ce que le CIFAF ?
Le CIFAF est le sigle de l’institution dénommée «Centre international de formation en Afrique francophone». Il organise des formations à l’intention des avocats, africains en particulier mais pas exclusivement, et tient aussi une session de formation à l’occasion du Congrès annuel de la CIB. Le programme de cette session se réalise sur mesure en prenant en compte les besoins du Barreau d’accueil et d’autres thématiques indispensables à la formation de l’avocat.
Des activités culturelles et touristiques ont également été prévues pour faire découvrir Lausanne et la région aux nombreux participants ?
En effet, en parcourant le programme, il saute aux yeux que les organisateurs sont animés par le souci de faire découvrir Lausanne et le canton de Vaud. Tous les jours, une activité est prévue. Ce montage d’activités scientifiques, culturelles et touristiques permet de se distraire, d’apporter une note de gaieté à la rigueur et à la densité du programme scientifique. C’est aussi un bonus pour les accompagnants, qui ne feront pas nécessairement le déplacement pour l’aspect scientifique du Congrès.
Quels sont les échanges culturels que vous avez constatés entre avocats durant ces congrès ? La langue est certes un point d’attache qui relie l’ensemble de ces avocats, mais il existe certainement des valeurs communes à la profession, qui vont au-delà des frontières ?
Un Congrès annuel de la CIB réunit des avocats de divers continents. Au-delà de la langue, vecteur culturel par excellence, le droit continental ou écrit représente un creuset dans lequel les valeurs éthiques telles que l’indépendance, la confraternité, la solidarité, la délicatesse, le désintéressement et la loyauté s’affirment. Le souci d’une justice équitable susceptible de contribuer à la recherche du bien-être et du vivre-ensemble reste une préoccupation largement partagée.
Un mot de la fin ?
Organiser le 33ème Congrès de la CIB à Lausanne représente un défi qui est sur le point d’être merveilleusement relevé. Les avocats du sud feront le déplacement en nombre important et ambitionnent d’échanger avec les confrères helvétiques et d’Europe. La mobilisation de l’OAV, des jeunes avocats vaudois et l’enthousiasme du Bâtonnier Elie Elkaim laissent entrevoir que ce 33ème Congrès sera magnifique, extraordinaire ; j’encourage tous les avocats à s’y inscrire et à se préparer à des instants uniques de partage avec leurs confrères, tous des avocats du Monde.
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