Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 14 novembre 2018, n° 411804, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1657YLX) et n° 412131, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1658YLY)
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N6417BXX
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par Vincent Daumas, Rapporteur public au Conseil d'Etat
le 21 Novembre 2018
Dans deux arrêts rendus le 14 novembre 2018, le Conseil d’Etat dit pour droit qu’eu égard aux objectifs d'intérêt général et de cohérence qu'elles visent en matière d'aménagement, de développement durable et de coordination des politiques publiques foncières, les dispositions du chapitre IV du titre II du livre III du Code de l'urbanisme dans leur version antérieure à la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017, en particulier celles de son article L. 324-2, ne sauraient avoir pour effet de priver le représentant de l'Etat dans la région de la compétence exclusive de décider, sur le projet qui lui est soumis par les personnes publiques concernées, de l'extension éventuelle du périmètre d'un établissement public foncier local. Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public, Vincent Daumas.
Ces deux affaires posent, encore que de manière indirecte, la même question de droit : quelle était l’autorité administrative compétente pour décider, entre la fin de l’année 2000 et le début de l’année 2017, d’un élargissement de la liste des membres d’un établissement public foncier local ?
Disons quelques mots, tout d’abord, du cadre juridique dans lequel se pose la question.
Les établissements publics fonciers (EPF) sont des établissements publics à caractère industriel et commercial chargés de missions d’ingénierie foncière et immobilière. Ils peuvent notamment constituer des réserves foncières en vue de faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement. La création des premiers EPF a été le fait de l’Etat, au vu des enjeux d’intérêt général en matière d’aménagement propres à certains territoires : agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP) en 1962 (décret n° 62-479 du 14 avril 1962, portant création d’un établissement public en application de l’article 78-1 du Code de l’urbanisme et de l’habitation), établissement public de la Basse-Seine en 1968 2, EPF de la métropole lorraine en 1973 (décret n° 73-250 du 7 mars 1973, portant création de l’établissement public foncier de la métropole Lorraine), EPF du Nord-Pas-de-Calais en 1990 (décret n° 90-1154 du 19 décembre 1990, portant création de l’Etablissement public foncier du Nord-Pas-de- Calais). L’EPF de Languedoc-Roussillon, dont nous allons reparler plus longuement, a été créé par décret du 2 juillet 2008 (décret n° 2008-670 du 2 juillet 2008, portant création de l'Etablissement public foncier de Languedoc- Roussillon).
Les établissements publics fonciers locaux (EPFL) constituent une catégorie d’établissements publics plus récente puisqu’elle a été créée en 1991 par la loi d’orientation pour la ville (loi n° 91-662 du 13 juillet 1991, d'orientation pour la ville, art. 27). Leurs missions ne sont pas très différentes de celles des établissements publics fonciers de l’Etat, à ceci près que leur création répond à une logique de mutualisation des compétences et des moyens des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière de politique locale de l’habitat et d’aménagement. Devant le faible engouement des acteurs locaux pour cet outil, le régime juridique des EPFL a été substantiellement modifié par la loi du 13 décembre 2000 dite «SRU» (loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains, art. 28 N° Lexbase : L9087ARY), ainsi que par la loi du 24 mars 2014 dite «ALUR» (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, art. 146 N° Lexbase : L8342IZY).
Aux termes de l’article L. 324-2 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7773LCU), un établissement public foncier local est créé par décision du représentant de l’Etat dans la région au vu de délibérations concordantes émanant d’EPCI compétents en matière de programme local de l’habitat ou de communes n’appartenant pas à un tel EPCI. Le préfet de région dispose de trois mois pour refuser la création de l’EPFL, la loi énumérant de manière limitative les motifs susceptibles de fonder un tel refus : il ne peut s’agir que de considérations liées aux données locales relatives aux périmètres existants ou proposés d'établissements publics fonciers ou de schémas de cohérence territoriale (SCOT), aux données locales relatives à l'évaluation des besoins fonciers correspondant aux enjeux territoriaux en matière d'urbanisme, d'habitat, de développement économique, de déplacements et d'environnement, ou à la teneur de l’avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement, requis avant toute création d’un EPFL.
Même si un département ou une région peuvent faire partie des membres d’un EPFL, c’est bien la liste des seuls EPCI et communes membres qui dessine le périmètre à l’intérieur duquel l’établissement exerce ses missions, puisqu’aux termes du cinquième alinéa de l’article L. 324-1 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7769LCQ), l’EPFL ne peut intervenir, sauf exception, que sur le territoire de ces EPCI et de ces communes. Ce périmètre est important à un autre égard car il participe de la définition de l’assiette d’un impôt : figure en effet parmi les recettes des EPFL la taxe spéciale d'équipement (TSE) prévue à l’article 1607 bis du CGI (N° Lexbase : L3033LBX), dont le produit est voté chaque année par l’EPFL avant que la charge en soit répartie entre toutes les personnes physiques ou morales assujetties aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, à la taxe d'habitation et à la cotisation foncière des entreprises dans les communes comprises dans la zone de compétence de l'établissement.
Entre 1991 et 2000, les textes désignaient de manière explicite l’autorité compétente pour décider de l’élargissement d’un EPFL à de nouveaux membres : aux termes de l’article L. 324-4 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L7506ACY), issu de la loi d’orientation pour la ville, l’admission de nouveaux membres au sein de l’EPFL était «prise par l'autorité compétente pour créer l'établissement public», c’est-à-dire le représentant de l’Etat. Ces dispositions, toutefois, ont disparu lors de l’entière réécriture, par la loi «SRU», du chapitre du Code de l’urbanisme consacré aux EPFL. Ce n’est qu’à l’occasion de la loi du 27 janvier 2017, relative à l'égalité et à la citoyenneté (Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017, relative à l'égalité et à la citoyenneté, art. 102, V (N° Lexbase : L6432LC9), que le législateur a réintroduit, dans le code de l’urbanisme, des dispositions expresses sur ce point : aux termes de l’article L. 324-2-1 A de ce code (N° Lexbase : L9033IDW), l'extension du périmètre d'un EPFL à un EPCI doté de la compétence en matière de programme local de l'habitat ou, le cas échéant, à une commune non membre d'un tel EPCI est arrêtée par le représentant de l'Etat dans la région.
Entre fin 2000 et début 2017 donc, si les textes étaient clairs quant à l’autorité compétente pour créer l’EPFL -il s’agissait, toujours, du représentant de l’Etat sur le territoire-, ils étaient muets s’agissant des conditions dans lesquelles de nouveaux membres pouvaient adhérer à un tel établissement.
Les recours pour excès de pouvoir dont vous êtes saisi constituent une extension de deux litiges de dimension locale nés de ce mutisme des textes.
L’EPFL de Castres-Mazamet a été créé en 2010. Son périmètre d’intervention correspondait, lors de sa création, aux limites des territoires des seules communes membres de la communauté d’agglomération Castres-Mazamet (Tarn). A la fin de l’année 2015, des délibérations concordantes de cet EPFL, devenu EPFL du Tarn, et de la communauté d’agglomération de l’Albigeois se sont prononcées en faveur d’un élargissement de l’EPFL à cette communauté d’agglomération, en vue de couvrir les territoires des deux principales agglomérations du département du Tarn. Mais le préfet de région s’est opposé à cet élargissement, ce qui a fait naître plusieurs litiges portés devant le tribunal administratif de Toulouse.
L’EPFL de Montauban a été créé quant à lui en 2008. Son périmètre d’intervention correspondait, lors de sa création, aux limites des territoires des seules communes membres de la communauté d’agglomération du Grand Montauban (Tarn-et-Garonne). En 2015 et 2016, des délibérations concordantes de cet EPFL et, notamment, des communes de Lacourt-Saint-Pierre et Montbartier, situées en périphérie de Montauban, se sont prononcées en faveur d’un élargissement de l’EPFL à ces deux communes. Mais là aussi, le préfet de région s’est opposé à cet élargissement, ce qui a fait naître, là encore, plusieurs litiges également portés devant le tribunal administratif de Toulouse.
L’origine de ces différends opposant l’Etat aux acteurs locaux doit être recherchée dans une divergence d’interprétation de la loi, elle-même permise par le mutisme dont nous avons fait état. Les seconds ont considéré que l’élargissement de la liste des membres d’un EPFL procédait du seul constat de l’existence de délibérations concordantes émanant, d’une part, de l’EPFL, d’autre part, du ou des candidats à l’adhésion. Les représentants de l’Etat concernés par les litiges portés devant le tribunal administratif de Toulouse estimaient au contraire que, dès lors que l’élargissement de la liste des membres d’un EPFL impliquait une modification de la décision créant l’établissement, le préfet de région restait compétent pour décider de cet élargissement.
Avant que le tribunal administratif tranche cette question, un décret du 5 mai 2017 (décret n° 2017-836 du 5 mai 2017, modifiant le décret n° 2008-670 du 2 juillet 2008 portant création de l'Etablissement public foncier de Languedoc-Roussillon N° Lexbase : L2491LEY) est venu modifier le décret du 2 juillet 2008 relatif à l'établissement public foncier de Languedoc-Roussillon-EPF de l’Etat. Ce décret du 5 mai 2017 tire les conséquences de la fusion des régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées au 1er janvier 2016. En particulier, il renomme l’EPF de Languedoc-Roussillon en «EPF d’Occitanie». Et d’après sa notice de présentation publiée au Journal officiel, ce décret étend le périmètre de compétence de l’EPF à l'ensemble de l'ancienne région Midi-Pyrénées, à l'exception des territoires couverts par des établissements publics fonciers locaux.
L’article 1er du décret du 2 juillet 2008, dans sa version modifiée par le décret du 5 mai 2017, prévoit que l’EPF d’Occitanie est compétent sur l'ensemble du territoire de la région Occitanie à l'exception de certaines communes des départements, notamment, du Tarn et de Tarn-et-Garonne, dont la liste est annexée au décret. Si l’on consulte cette liste, s’agissant du Tarn, on constate que n’y figurent pas les communes membres de la communauté d’agglomération de l’Albigeois – à la différence des communes de la communauté d’agglomération de Castres-Mazamet ; et s’agissant du Tarn-et-Garonne, n’y figurent ni la commune de Lacourt-Saint-Pierre, ni celle de Montbartier -à la différence des communes membres, au 5 mai 2017, de la communauté d’agglomération du Grand Montauban- (la commune de Lacourt-Saint-Pierre a rejoint cette communauté d’agglomération au 1er janvier 2018).
Le premier point chagrine la communauté d’agglomération de l’Albigeois et l’EPFL du Tarn ; le second, l’EPFL de Montauban. Ils voient dans les dispositions du décret délimitant le nouveau champ d’intervention territorial de l’EPF d’Occitanie, à raison, une nouvelle manifestation du refus, de la part de l’Etat, d’admettre l’élargissement de l’EPFL du Tarn à la communauté d’agglomération de l’Albigeois et celui de l’EPFL de Montauban aux communes de Lacourt-Saint-Pierre et Montbartier. C’est pourquoi ils vous demandent, par deux recours distincts, d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 5 mai 2017.
Des écritures qui vous sont soumises on comprend, en réalité, que les requérants ne demandent qu’une annulation partielle du décret du 5 mai 2017, sur les deux points que nous avons mentionnés. C’est-à-dire que la communauté d’agglomération de l’Albigeois et l’EPFL du Tarn vous demandent d’annuler ce décret en tant seulement qu’il ne mentionne pas, dans la liste y annexée, les communes membres de cette communauté d’agglomération ; tandis que l’EPFL de Montauban vous demande d’annuler ce décret en tant seulement qu’il ne mentionne pas, dans cette liste, les communes de Lacourt-Saint-Pierre et Montbartier. Leurs requêtes sont recevables -notamment, les dispositions dont l’annulation est demandée sont divisibles du reste du décret et elles nous paraissent contrarier les intérêts des requérants de manière suffisamment direct pour admettre qu’ils ont qualité pour agir-.
Examinons, avant de se pencher sur les moyens soulevés à l’appui des requêtes, la question de droit évoquée au début de ces conclusions.
Cette question de principe vient d’être tranchée par le tribunal administratif de Toulouse, qui a statué par une série de jugements du 13 septembre 2018 (en ce qui concerne l’EPFL du Tarn et la communauté d’agglomération de l’Albigeois, voir le jugement n° 1601708-1701258 ; en ce qui concerne l’EPFL de Montauban et les communes de Lacourt-Saint-Pierre et Montbartier, voir les jugements n°s 1701030-1705369-1705371 et 1600737) sur les litiges mentionnés tout à l’heure. Le tribunal, sensible à l’imprécision de la loi et aux implications du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, y fait droit à la thèse selon laquelle, entre le 14 décembre 2000 et le 28 janvier 2017, l’élargissement de la liste des membres d’un EPFL préexistant n’était pas soumis à l’intervention préalable d’une décision du représentant de l’Etat. S’appuyant sur ce motif, il annule pour excès de pouvoir les décisions par lesquelles le préfet de région avait refusé l’élargissement de l’EPFL du Tarn et celui de l’EPFL de Montauban. Au moment où nous parlons, aucun des jugements rendus par le tribunal n’est devenu définitif -et nous pensons qu’il en ira encore de même lorsque vos décisions seront lues-.
Sans qu’il y ait y donc lieu, à ce stade, d’envisager un éventuel règlement de juges, nous allons vous proposer de vous séparer de l’interprétation de la loi retenue par le tribunal administrative (dont il a lui-même admis, en portant sur ses jugements le code de publication C+, c’est-à-dire en les signalant pour leur intérêt jurisprudentiel, qu’elle n’était pas évidente).
Votre section du contentieux a posé, en des termes très nets, le principe suivant lequel l’autorité administrative compétente pour modifier un acte administratif est celle qui, à la date de la modification, est compétente pour prendre un tel acte : voyez CE Sect., 30 septembre 2005, n° 280605, au Recueil (N° Lexbase : A6106DKD), qui ne fait que rappeler, sur ce point, un principe jurisprudentiel bien établi. Il résulte des dispositions du Code de l’urbanisme en vigueur entre le 14 décembre 2000 et le 28 janvier 2017 que c’est le représentant de l’Etat qui décide la création d’un EPFL et que, aux termes du troisième alinéa de son article L. 324-2, cette décision de création comporte, entre autres éléments, «la liste des membres de l'établissement». L’application pure et simple du principe dégagé dans la décision de section précitée conduirait donc, sans hésitation, à faire du représentant de l’Etat l’autorité compétente pour décider d’un élargissement de cette liste.
La même solution se déduit, à notre sens, de l’économie même de la loi. Car à quoi donc rimerait de confier au représentant de l’Etat, lors de la création d’un EPFL, un pouvoir d’appréciation sur le périmètre à l’intérieur duquel l’établissement exercera ses missions si ce même représentant n’est pas en état de contrôler, en mettant en œuvre le même pouvoir d’appréciation, la manière dont ce périmètre peut ensuite être amené à évoluer ? A cet égard, ne nous arrête pas la circonstance, relevée par le tribunal administratif, selon laquelle le représentant de l’Etat serait en mesure de s’opposer à une telle évolution par la voie du déféré préfectoral. Car le juge administratif à qui la modification du périmètre de l’EPFL serait déférée n’exercerait sur le périmètre modifié qu’un contrôle restreint limité à l’erreur manifeste d’appréciation (cf. infra point 4.2.2), incommensurable avec le pouvoir d’appréciation que le préfet serait amené à exercer lui-même directement sur ce périmètre.
Vous l’aurez compris : si la loi ne disait rien, entre fin 2000 et début 2017, de l’autorité compétente pour modifier la liste des membres d’un EPFL, elle ne souffrait néanmoins, à nos yeux, d’aucune ambigüité sur ce point. Il se déduisait tout à la fois de son économie et d’un principe jurisprudentiel bien établi que cette autorité était le représentant de l’Etat (relevons que, si des positions contradictoires ont pu être exprimées localement par les services déconcentrés de l’Etat, ce que les requérants ne manquent pas de souligner, une réponse ministérielle à un parlementaire a pris position nettement en ce sens : voir la réponse à la question écrite n° 41936 de M. Cresta, député, JOAN Q du 1er novembre 2016, p. 9178 N° Lexbase : L0408LBQ). Raison pour laquelle nous ne croyons pas, à la différence du tribunal administratif, que le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales imposait une autre interprétation. Ce principe implique certes, comme les requérants y insistent à l’envi, que le législateur, lorsqu’il assujettit les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, le fasse en définissant ces obligations de façon suffisamment précise quant à leur objet et à leur portée (voir notamment sur ce point la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000 N° Lexbase : A1727AIS, cons. n° 12). Mais si vous nous avez suivi jusqu’ici, vous admettrez avec nous que, si la loi n’était pas explicite, elle n’était pas pour autant imprécise.
Enfin il n’y a rien à tirer, contrairement à ce que tentent de faire valoir les requérants, des intentions manifestées par le législateur en 2000 puis en 2017. Les travaux préparatoires de la loi «SRU», qui a entièrement réécrit, nous l’avons dit, le chapitre du Code de l’urbanisme relatif aux EPFL, ne font apparaître aucune volonté de modifier ce qu’était l’état antérieur du droit sur le point qui nous intéresse. Et quant à ceux de la loi du 27 janvier 2017, il en ressort seulement la volonté de «sécuriser», pour l’avenir, les conditions dans lesquelles peut être étendu le périmètre d’intervention d’un EPFL.
Une fois résolue la question de principe, les deux recours pour excès de pouvoir dont vous êtes saisi se dénouent rapidement.
Sous le n° 411804, la communauté d’agglomération de l’Albigeois et l’EPFL du Tarn présentent trois moyens.
A vrai dire, il faut faire un effort pour regarder les quelques lignes présentées sous l’intitulé «vice de procédure» comme un moyen. Après avoir cité les dispositions de l’article L. 321-2 du Code de l’urbanisme, qui prévoient qu’un certain nombre d’avis doivent être recueillis avant la création d’un EPF de l’Etat, les requérants se contentent d’énoncer que «l’Etat devra justifier de chacune de ces consultations». Une telle argumentation n’est en tout état de cause pas assortie des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé.
Les requérants soutiennent ensuite que les dispositions de l’article L. 321-1 du Code de l’urbanisme ont été méconnues. Ces dispositions prévoient que la superposition totale ou partielle d’un EPF de l’Etat avec un EPF local créé avant le 26 juin 2013 «est soumise à l'accord des [EPCI] à fiscalité propre et des communes non membres de ces derniers dont le territoire est concerné par la superposition». Selon l’argumentation présentée au soutien du moyen, le décret attaqué ne pouvait prévoir la superposition partielle de l’EPF d’Occitanie avec l’EPFL du Tarn, en ce qui concerne le territoire des communes membres de la communauté d’agglomération de l’Albigeois, alors que cet EPCI à fiscalité propre avait émis, par délibération du 9 février 2017, un avis négatif sur le projet de décret, en raison précisément de cette superposition. Mais toute cette argumentation est construite sur la prémisse, erronée si vous nous avez suivi jusqu’ici, selon laquelle la communauté d’agglomération de l’Albigeois aurait adhéré à l’EPFL du Tarn du seul fait des délibérations concordantes de ces deux établissements publics. Ce n’est pas le cas, selon nous, faute de modification de la décision de création de l’EPFL par le préfet de région. En conséquence, il n’y a aucune superposition entre le territoire d’intervention de l’EPF d’Occitanie et celui de l’EPFL du Tarn. Et par suite, aucun accord préalable de la communauté d’agglomération de l’Albigeois n’était requis en application de l’article L. 321-1 du Code de l’urbanisme -c’est un simple avis qui devait être préalablement recueilli, en application de son article L. 321-2-.
Selon le dernier moyen de la requête, le décret attaqué serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en raison de la superposition dont nous venons de faire état. Il s’écarte immédiatement compte tenu de ce qui précède, cette superposition n’existant pas.
Sous le n° 412131, l’EPFL de Montauban présente deux moyens -un troisième ayant été soulevé après la clôture de l’instruction, intervenue le 24 septembre dernier (en application des dispositions expérimentales de l’article 32 du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, portant modification du Code de justice administrative).
Un moyen de procédure est là encore soulevé, du bout des lèvres. Il est tiré de ce que le décret serait intervenu sans qu’ait été recueilli au préalable «l’accord de la communauté de communes Grand Sud Tarn-et-Garonne auquel les communes de Montbartier et Lacourt-Saint-Pierre appartiennent». Il est permis d’estimer que le moyen n’est pas assorti des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé -c’est ce que soutient le ministre de la cohésion des territoires en defense-. Il est possible aussi de voir dans les écritures de l’EPFL l’esquisse d’un raisonnement similaire à celui développé dans la requête n° 411804, qui serait fondé sur une méconnaissance de l’article L. 321-1 du Code de l’urbanisme en raison d’une superposition partielle de l’EPF d’Occitanie avec l’EPFL de Montauban. Mais pour les raisons que nous avons déjà indiquées, une telle superposition est inexistante.
L’EPFL de Montauban soutient ensuite que le décret attaqué serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il a inclus, dans le périmètre d’intervention de l’EPF d’Occitanie, les communes de Lacourt-Saint-Pierre et Montbartier -vous n’exercez effectivement, en tant que juge de l’excès de pouvoir, qu’un contrôle restreint sur le territoire d’intervention d’un EPF (voyez CE, 22 juillet 2009, n° 312782, aux tables du Recueil N° Lexbase : A1091EKM, précisément sur cette question)-. A l’appui du moyen, vous constaterez que l’EPFL de Montauban discute de ce que devrait être, à ses yeux, son propre périmètre d’intervention, en partant du présupposé selon lequel l’inclusion des communes de Lacourt- Saint-Pierre et Montbartier dans le périmètre d’intervention de l’EPF d’Occitanie, par l’effet du décret attaqué, ferait obstacle à ce que ces communes puissent désormais être incluses dans le périmètre d’intervention d’un EPFL.
Un tel présupposé nous semble erroné : même s’il est peu probable que le représentant de l’Etat dans la région donne son aval, à l’avenir, à un élargissement de l’EPFL de Montauban à ces deux communes, désormais incluses dans le périmètre d’intervention d’un EPF de l’Etat, nous n’apercevons dans le code de l’urbanisme aucune disposition qui l’interdise. Et à partir du moment où toute l’argumentation présentée à l’appui du moyen s’efforce de démontrer, non pas que les communes de Lacourt-Saint-Pierre et Montbartier n’auraient pas leur place à l’intérieur du périmètre d’intervention de l’EPF d’Occitanie, mais qu’elles devraient être comprises dans celui de l’EPFL de Montauban, vous ne pourrez que l’écarter. Une telle argumentation est à la limite de l’inopérance à l’appui du présent recours – en réalité, elle trouve sa place dans le cadre de la discussion du bien-fondé des décisions par lesquelles le préfet de région a refusé, en 2015 et 2016, l’adhésion des deux communes à l’EPFL de Montauban. En tout état de cause, nous paraît suffire à écarter toute erreur manifeste d’appréciation la circonstance qu’à la date du décret attaqué, aucune des deux communes ne relevait du SCOT de Montauban.
Par ces motifs nous concluons, dans chaque affaire, au rejet de la requête.
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