Un Etat ayant ratifié la Convention contre la torture, n'est pas tenu d'admettre une compétence universelle de nature civile. Le libellé de l'article 14 de la Convention de New-York du 10 décembre 1984, contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (
N° Lexbase : L5272IYW) n'est pas sans équivoque quant à son application extra territoriale. Par conséquent, bien que le Comité contre la torture ait indiqué que l'application de l'article 14 ne se limite pas aux victimes de torture commise sur l'Etat partie ou par ou contre un ressortissant de cet Etat, les autorités suisses n'y étaient pas davantage obligées en vertu du droit coutumier, la pratique des Etats en faveur de l'existence d'une compétence universelle civile faisant clairement défaut. Telle est la substance d'un arrêt rendu par la CEDH le 21 juin 2016 (CEDH, 21 juin 2016, Req. 51357/07
N° Lexbase : A6270RTE). En l'espèce, M. N. a soutenu avoir été arbitrairement détenu et torturé à Tunis dans les locaux du ministère de l'Intérieur, du 24 avril 1992 au 1er juin 1992 sur ordre de M. A., alors ministre de l'Intérieur. Après avoir subi les tortures alléguées, M. N. a fui ce pays pour se réfugier en Suisse en 1993, où il demanda l'asile politique que les autorités suisses lui octroyèrent, le 8 novembre 1995. M. N. déposa le 14 février 2001 devant le procureur général du canton de Genève une plainte pénale avec constitution de partie civile contre le M. A., alors que ce dernier était hospitalisé en Suisse. Le 19 février 2001, le procureur général classa la plainte au motif que ledit ministre avait quitté le territoire suisse et n'avait pu être interpellé par la police. Le 8 juillet 2004, M. N. saisit le tribunal d'une demande en dommages-intérêts dirigée contre la Tunisie et M. A.. Le tribunal déclara la demande irrecevable au motif qu'il n'était pas compétent à raison du lieu. La compétence des tribunaux suisses au titre du for de nécessité n'était pas donnée en l'espèce, faute de lien de rattachement suffisant entre les faits et la Suisse. M. N. interjeta appel devant la cour de justice du canton qui rejeta son recours, estimant que les défendeurs bénéficiaient de l'immunité de juridiction. M. N. adressa ensuite au tribunal fédéral un recours en réforme qui fut rejeté. Le tribunal fédéral considéra que les tribunaux suisses n'étaient de toute façon pas compétents à raison du lieu. M. N. saisit alors la CEDH et, invoquant l'article 6 § 1 de la CESDH (
N° Lexbase : L7558AIR), se plaint de ce que les tribunaux suisses ne se sont pas estimés compétents pour traiter le fond de son action en dommages-intérêts des actes de torture qui lui auraient été infligés en Tunisie. Enonçant le principe susvisé, la CEDH conclut qu'aucune obligation conventionnelle n'obligeait la Suisse à accepter l'action civile et qu'il n'y a donc pas eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2069EU8).
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