La lettre juridique n°376 du 17 décembre 2009 : Avocats

[Evénement] L'avocat mandataire en transaction et location immobilières

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N7082BMA

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

le 03 Mars 2011

Le lundi 23 novembre 2009 s'est tenu, à la Bibliothèque de l'ordre des avocats de Paris, un colloque sur le thème de L'avocat, mandataire en transaction et location immobilières. Ce nouveau champ d'activité a été présenté à un public piqué d'un vif intérêt pour la question, par des intervenants de qualité : Chantal Meininger-Bothorel -Cabinet Peisse-Dupichot-Bothorel &Associés-, William Feugère -Cabinet Campbell, Philippart, Laigo & Associés-, Edouard Vitry -Cabinet Simmons & Simmons- et Jean-Christophe Barjon -avocat, secrétaire général de la Carpa-.
Après avoir présenté la réglementation applicable à cette activité, ceux-ci ont choisi d'aborder plus particulièrement les questions cruciales tenant aux maniements des fonds, aux risques de blanchiment et à la responsabilité de l'avocat.

La réglementation applicable à l'activité d'avocat mandataire en transaction et location immobilières : par exception, les avocats ne sont pas soumis aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970, qui réglemente l'activité immobilière en France (loi n° 70-9, réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi "Hoguet" N° Lexbase : L7536AIX). Mais, l'activité de mandataire en matière immobilière pourrait, selon Edouard Vitry, résulter des dispositions générales de l'article 6-3 du Règlement interne national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8) régissant le mandat : "l'avocat peut recevoir mandat de négocier, d'agir et de signer au nom et pour le compte de son client". Aux termes de ce texte, le mandat doit répondre à certaines conditions ; il doit être écrit, spécifique et déterminer la nature, l'étendue, la durée de la mission de l'avocat, les conditions et modes d'exécution de la fin de celle-ci, ainsi que les modalités de sa rémunération. L'avocat, quant à lui, doit s'assurer au préalable de la licéité de l'opération pour laquelle il lui est donné mandat. Enfin, lorsqu'il est dépositaire ou séquestre, il doit déposer sans délai les fonds, effets ou valeurs à la Carpa ou sur le compte séquestre du Bâtonnier.

Malgré ce texte, comme le souligne l'intervenant, la reconnaissance de ce champ d'activité ne se fait pas sans quelques difficultés, en raison de la nature civile de l'exercice de la profession, l'intermédiation immobilière présentant un caractère commercial. Mais, la voie a été ouverte par la position positive adoptée sur la question de l'avocat agent sportif, par le Conseil national des barreaux (CNB) et le conseil de l'ordre de Paris. Mais elle l'a surtout été, par le fait que les notaires aient décidé d'intervenir sur ce terrain, en dépit de la nature civile de leur activité. Ces derniers avançaient le caractère accessoire de leur activité en matière immobilière, argument qui aura été retenu par le Conseil d'Etat (CE 6° et 4° s-s-r., 23 février 2000, n° 187054, Fédération nationale de l'immobilier et autres N° Lexbase : A9283AGW).

La solution serait transposable aux avocats, selon la décision du conseil de l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris du 31 mars 2009. Un groupe de travail composé de Sabine du Granrut et de Jacques-Antoine Robert (AMCO) a présenté les termes d'un nouvel article P. 6. 2. 0. 4. du Règlement intérieur du Barreau de Paris, adopté par le conseil : "L'avocat peut exercer l'activité de mandataire en transactions immobilières dans les limites autorisées par la loi". Le texte pose un certaines conditions :

- l'avocat doit déclarer cette activité à l'ordre, par lettre adressée au Bâtonnier ;

- l'activité doit avoir un caractère accessoire et intervenir en vue de la rédaction d'un contrat ou d'un avant-contrat de vente ou de bail (étant précisé que l'opération peut ne pas aboutir) ;

- l'avocat reste soumis aux principes essentiels de sa profession (dont ceux relatifs aux conflits d'intérêts) ;

- il ne peut intervenir que pour une seule partie ;

- et les honoraires ne peut être dus que par la partie mandante ;

A cela s'ajoute l'obligation d'un mandat écrit, indiquant le mode de calcul des honoraires du mandataire.

Le maniement des fonds : initialement, l'article P. 6. 2. 0. 4. du règlement intérieur du Barreau de Paris obligeait l'avocat à ouvrir un sous-compte spécial à la Carpa pour accomplir sa mission de mandataire en transactions immobilières, soumis au contrôle de l'ordre, mais cette rédaction n'a, finalement, pas été retenue. Néanmoins, Jean-Christophe Barjon souligne que l'article 240-1 du décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID), s'applique en la matière. Ainsi, "les écritures afférentes à l'activité de chaque avocat sont retracées dans un compte individuel ouvert à son nom, chaque compte individuel étant lui-même divisé en autant de sous-comptes qu'il y a d'affaires traitées par l'avocat". A chaque opération de transaction immobilière, l'avocat mandataire ouvrira un sous-compte, qui fera l'objet d'un contrôle par l'ordre.

Le recours à la Carpa présente, entre autres, comme avantage le bénéfice de deux assurances : celle de la responsabilité civile professionnelle et celle de la non -présentation des fonds (la Carpa assume, alors, le paiement des cotisations d'assurances, la somme garantie pouvant aller jusqu'à 35 millions d'euros pour l'avocat). L'avocat doit avoir été mandaté pour une mission de séquestre, à moins que les parties décident de désigner leurs deux conseils, auquel cas le séquestre ne peut pas se faire à la Carpa. Le séquestre est constitué, alors, soit chez l'avocat soit auprès du séquestre juridique de l'Ordre, étant précisé que le séquestre domicilié est prohibé. Enfin, la Carpa de Paris offre la possibilité de placer les sommes au profit du client, sous réserve que le montant du séquestre soit au moins de 75 000 euros et que le délai d'immobilisation soit compris entre 3 et 5 mois. Les fonds sont placés auprès de trois supports (la BNP, LCL, et la Banque populaire), le taux d'intérêt étant fixé à 1,19 %.

Le blanchiment : William Feugère rappelle que l'activité immobilière est la plus propice au blanchiment. La question de savoir s'il s'agit d'un nouveau champ d'activité de l'avocat ou non est, ici, primordiale, car elle détermine le régime juridique applicable : le régime de droit commun auquel sont soumis les agents immobiliers ou celui posé par les dispositions dérogatoires du décret du 27 novembre 1991, qui régit la seule profession d'avocat. Il semble que ce soit ce décret qui s'applique. Pour le reste, l'intervenant a rappelé les règles exposées précédemment lors d'un colloque sur les façons de se prémunir du blanchiment (lire Se protéger du blanchiment - conseils de prévention pour les avocats conseils en entreprise - Conférence de l'ACE et de l'HEDAC, Lexbase Hebdo n° 11 du 11 décembre 2009 - édition professions N° Lexbase : N5932BMN).

La responsabilité de l'avocat : cette question est régie par l'annexe 15 Règles relatives à la négociation de biens immobiliers à vendre ou à louer du Règlement intérieur du Barreau de Paris, qui distingue la responsabilité de droit commun, la responsabilité pénale et, enfin, la responsabilité disciplinaire. Aucune jurisprudence n'a, pour le moment, été rendue sur le sujet, ainsi que le souligne Chantal Meininger-Bothorel, mais il est très probable que le juge adopte les mêmes décisions que celles rendues dans le cas des notaires. Les juges insistent, en particulier, sur le caractère accessoire, la nécessité d'un mandat écrit, l'interdiction du démarchage et celle de la publicité. La nature de la responsabilité du notaire est, tout d'abord, délictuelle et trouve sa source dans son devoir de conseil, dans le cadre de la rédaction d'un acte. Celui-ci doit, notamment, donner des informations juridiques exactes. La responsabilité du notaire peut, en outre, être engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ). La responsabilité contractuelle du notaire découle des articles 1884 (N° Lexbase : L2101ABG) et suivants du Code civil. Les solutions devraient être identiques pour les avocats. La responsabilité serait double, également : il s'agirait de la responsabilité de l'agent immobilier et de celle de l'avocat exerçant dans ce nouveau champ d'activité.

Eu égard à l'extension considérable de sa responsabilité en matière immobilière, l'avocat se devra d'être vigilant, d'autant que seule sa responsabilité individuelle peut être engagée, à l'exception de la responsabilité du groupement. Il lui sera, donc, conseillé de suivre de très près le mandat.

L'annexe 15 du règlement interne du Barreau de Paris illustre les cas dans lesquels la responsabilité de l'avocat est susceptible d'être reconnue :

- en cas de violation du secret professionnel ;

- en cas de manquement à ses obligations en matière de conflit d'intérêts ;

- en cas de manquement à son obligation de loyauté ;

- en cas de manquement aux autres principes essentiels régissant l'exercice de la profession ;

- en cas de démarchage ;

- en cas de violation des règles de publicité ;

- en cas de non-respect de la mission de séquestre, etc..

Maintenant que l'autorisation est donnée, par le conseil de l'ordre du Barreau de Paris, aux avocats d'exercer l'activité de mandataire en matière immobilière et que les modalités de l'exercice de cette activité ont été exposées, il ne reste plus qu'aux conseils d'investir ce nouveau champ d'activité. Ils ne se feront certainement pas prier, ainsi qu'en témoignent le nombre de participants et les débats suscités lors de ce colloque.

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