La lettre juridique n°372 du 19 novembre 2009 : Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Qui peut être désigné représentant de la section syndicale ?

Réf. : Cass. soc., 4 novembre 2009, n° 09-60.039, Fédération générale des travailleurs de l'agriculture, de l'alimentation, des tabacs et des activités annexes Force ouvrière (FGTA FO) c/ M. Tarrek Houdrouge, FS-P+B (N° Lexbase : A8195EMH)

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010


Les conditions auxquelles la validité de la désignation d'un représentant de la section syndicale est subordonnée intéressent, au premier chef, le syndicat auteur de la désignation qui, notamment, ne doit pas être représentatif dans l'entreprise ou l'établissement. A cet égard, le droit de désigner un tel représentant est ouvert, à la fois, aux syndicats qui n'ont jamais été représentatifs à ce niveau, mais, également, à ceux qui, en ayant bénéficié à un titre ou à un autre, viendraient à perdre leur représentativité. C'est ce que confirme la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 4 novembre 2009, tout en précisant qui peut être désigné en qualité de représentant de la section. Ainsi que l'affirme la Chambre sociale, l'article L. 2142-1-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3765IB3) n'interdit pas au syndicat de désigner comme représentant de la section syndicale un salarié le représentant au sein du comité d'entreprise et dont le mandat a pris fin par suite de la perte de représentativité de son organisation.

Résumé

L'article L. 2142-1-1 du Code du travail n'interdit pas au syndicat de désigner comme représentant de la section syndicale un salarié le représentant au comité d'entreprise et dont le mandat a pris fin par suite de la perte de représentativité de son organisation.

I - Le mandat de représentant de la section syndicale

  • Validité de la désignation

La validité de la désignation d'un salarié en qualité de représentant de la section syndicale est subordonnée à différentes conditions tenant, d'une part, à l'auteur de la désignation et, d'autre part, à la personne du salarié investi du mandat.

Tout d'abord, et ainsi que l'affirme expressément l'article L. 2142-1-1, alinéa 1er, du Code du travail, seul un syndicat qui n'est pas représentatif dans l'entreprise ou l'établissement est en droit d'y désigner un représentant de la section syndicale. C'est, au demeurant, ce qu'a d'ores et déjà rappelé la Cour de cassation à des juges du fond qui, de façon bien curieuse au regard de la clarté du texte, avaient soumis la désignation à l'exigence de représentativité (1).

Cela étant, la désignation de ce représentant n'est pas ouverte à tout syndicat légalement constitué. En effet, par application du texte précité, le syndicat mandant doit avoir constitué une section syndicale, "conformément à l'article L. 2142-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3761IBW)". Si cette constitution peut être concomitante à la désignation du représentant de la section (2), elle est réservée, outre aux syndicats représentatifs dans l'entreprise ou l'établissement (3), à ceux qui sont affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel, ainsi qu'aux organisations syndicales bénéficiant d'une "quasi-représentativité" (4).

Enfin, la désignation d'un représentant de la section syndicale n'est ouverte que dans les entreprises et établissements occupant au moins cinquante salariés (C. trav., art. L. 2142-1-1, al. 1er). Toutefois, dans les entreprises qui n'atteignent pas ce seuil, et à l'instar de ce que prévoit la loi pour les délégués syndicaux, les syndicats non représentatifs peuvent désigner un délégué du personnel comme représentant de la section syndicale (C. trav., art. L. 2142-1-4 N° Lexbase : L3806IBL) (5).

Pour ce qui est des conditions tenant à la personne du salarié désigné, l'article L. 2142-1-2 du Code du travail (N° Lexbase : L3767IB7) renvoie aux articles L. 2143-1 (N° Lexbase : L2177H9I) et L. 2143-2 (N° Lexbase : L2179H9L), relatifs aux conditions de la désignation du délégué syndical. Le salarié doit donc avoir 18 ans révolus, travailler dans l'entreprise depuis un an au moins (six mois pour les salariés temporaires dans les entreprises de travail temporaire et quatre mois en cas de création d'entreprise ou d'ouverture d'établissement) et n'avoir fait l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à ses droits civiques.

  • Durée du mandat

Alors que la durée du mandat d'un délégué syndical peut être à durée indéterminée, celle d'un représentant de la section syndicale est nécessairement affectée d'un terme en application de la loi.

En effet, et ainsi que le rappelle la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté, le mandat du représentant de la section syndicale prend fin à l'issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation dès lors que le syndicat qui l'a désigné n'est pas reconnu représentatif dans l'entreprise. Le salarié qui perd ainsi son mandat de représentant syndical ne peut pas être désigné à nouveau comme représentant de la section syndicale au titre d'une section jusqu'au six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l'entreprise (C. trav., art. L. 2142-1-1, al. 3).

Bien que le texte ne le dise pas expressément, il est certain que le mandat du représentant de la section syndicale prend également fin si le syndicat qui l'a désigné atteint la barre fatidique des 10 % de suffrages exprimés lors des élections professionnelles. Accédant, de ce fait, à la représentativité, il n'est plus en mesure de désigner un tel représentant, par application de l'article L. 2142-1-1, alinéa 1er, ce qui entraîne, à notre sens, la caducité du mandat.

Pour en revenir à la première hypothèse de cessation des fonctions de représentant syndical, la portée du dernier alinéa de l'article L. 2142-1-1 ne prête pas véritablement à discussions. On peut, dès lors, s'étonner de l'effet que lui avaient fait produire les juges du fond dans l'affaire ayant conduit à l'arrêt rapporté.

II - La possibilité de désigner un ancien représentant du personnel en qualité de représentant de la section syndicale

  • L'affaire

En l'espèce, lors du premier tour des élections professionnelles qui s'était déroulé le 29 octobre 2008 au sein de la société Nestlé Waters marketing, la Fédération générale des travailleurs de l'agriculture, de l'alimentation, des tabacs et des activités annexes Force ouvrière (FGTA FO) n'avait pas présenté de candidat. Par lettre du 5 novembre 2008, cette organisation syndicale avait procédé à la désignation de M. H. en qualité de représentant de la section syndicale.

Pour annuler cette désignation, le tribunal avait retenu que M. H. ayant été désigné le 14 mars 2007 par la FGTA FO en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, son mandat avait cessé avec la perte de la représentativité du syndicat lors des élections du 29 octobre 2008, de sorte que, par application de l'article L. 2142-1-1 du Code du travail, il ne pouvait plus être désigné représentant de la section syndicale avant les six mois précédant les prochaines élections.

Cette décision est censurée par la Cour de cassation au visa de l'article L. 2142-1-1 du Code du travail. Après avoir rappelé la teneur des alinéas 1 et 3 de ce texte, la Chambre sociale affirme qu'"en statuant ainsi, alors que l'article L. 2142-1-1 du Code du travail n'interdit pas au syndicat de désigner comme représentant de la section syndicale un salarié le représentant au sein du comité d'entreprise et dont le mandat a pris fin par suite de la perte de représentativité de son organisation, le tribunal a violé le texte susvisé".

  • Une solution justifiée

Ainsi qu'il a été dit précédemment, seul un syndicat qui n'est pas représentatif peut désigner un représentant de la section syndicale. Ce droit est donc ouvert aux syndicats qui n'ont jamais été représentatifs dans l'entreprise ou l'établissement, mais, également, à ceux qui viendraient à perdre leur représentativité, que ce soit en raison de leurs mauvais résultats ou, comme en l'espèce, parce qu'ils n'ont pas été en mesure de présenter des candidats aux élections.

Un syndicat ainsi confronté à la perte de sa représentativité peut désigner n'importe quel salarié de l'entreprise ou de l'établissement en qualité de représentant de la section syndicale. Par voie de conséquence, et c'est l'apport premier de l'arrêt sous examen, il n'y a pas lieu de tenir compte du fait que le salarié désigné était antérieurement titulaire d'un autre mandat ayant pris fin en raison de la perte de représentativité de son organisation. Sans doute la loi fait-elle interdiction a un salarié antérieurement investi d'un mandat de représentant du personnel de prétendre aux fonctions de représentant de la section syndicale. Mais, il s'agit uniquement du salarié qui, avant les élections, était représentant de la section syndicale. Faute pour son organisation d'atteindre le seuil de 10 % des suffrages exprimés, son mandat devient caduc et il n'est plus en droit d'être à nouveau désigné comme représentant syndical au titre d'une section, si ce n'est dans les six mois qui précèdent les élections suivantes.

La perte du mandat de représentant de la section syndicale et l'interdiction de postuler immédiatement après à un nouveau mandat de ce type, serait-il, d'ailleurs, donner par une autre organisation syndicale (6), vient, au fond, sanctionner le salarié dont l'action en tant que représentant de la section syndicale a été impuissante à assurer le succès de son organisation aux élections. Cela étant, rien n'interdit à l'organisation qui a perdu sa représentativité ou qui ne l'a pas acquise de désigner un autre salarié en cette qualité.

Il convient, pour finir, de s'attacher à un autre enseignement de la solution. Ainsi que le relève la Cour de cassation, le mandat de représentant syndical au sein du comité d'entreprise avait pris fin par suite de la perte de représentativité de son organisation. Il faut donc comprendre que la validité d'un tel mandat est subordonnée à la représentativité du syndicat mandant. Pourtant, dans un arrêt rendu le 8 juillet 2009, la Cour de cassation a elle-même affirmé que "les nouvelles dispositions de l'article L. 2324-2 du Code du travail (N° Lexbase : L3724IBK), applicables à compter du 22 août 2008, donnent le droit à chaque organisation syndicale ayant des élus, sans autre condition, de désigner un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'établissement" (7).

Si la validité de la désignation d'un représentant syndical au comité d'entreprise n'est pas subordonnée à d'autres conditions que celle d'avoir des élus à ce même comité, il n'y a pas lieu d'exiger du syndicat auteur de la désignation qu'il soit représentatif. Mais cela signifie alors que la perte de la représentativité ne met pas un terme au mandat, seule l'absence d'élus à ce même comité y conduisant. Or, c'est précisément ce qu'affirme, certes indirectement, la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté. Sauf à considérer que la Chambre sociale entendrait modifier une jurisprudence qu'elle a arrêté il y a moins de quatre mois, il convient de chercher ailleurs la possibilité de concilier ces deux arrêts.

Ainsi que l'ont pertinemment relevé certains auteurs (8), une certaine incohérence affecte les textes relatifs à la désignation d'un représentant syndical au comité d'entreprise depuis l'adoption de la loi du 20 août 2008 (9). En effet, si l'article L. 2324-2 n'exige plus d'un syndicat qu'il soit représentatif pour pouvoir désigner un représentant au comité d'entreprise, c'est "sous réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de trois cents salariés, prévus à l'article L. 2143-22 (N° Lexbase : L2216H9X)". Il résulte de ce texte que, dans ces entreprises, "le délégué syndical est, de droit, représentant syndical au comité d'entreprise". Là se situe l'incohérence, puisque un délégué syndical étant nécessairement désigné par un syndicat représentatif, seule une organisation bénéficiant de la représentativité serait en mesure de désigner un représentant syndical au comité d'entreprise dans les entreprises occupant moins de trois cents salariés. Dans les entreprises ayant franchi ce seuil, le droit de désigner un représentant syndical au comité d'entreprise est plus largement ouvert puisqu'il "suffit" que le syndicat ait des élus au comité.

Au regard de ce qui vient d'être dit, il convient donc de conclure que, dans l'affaire ayant conduit à l'arrêt rapporté, on était en présence d'une entreprise de moins de trois cents salariés. On s'étonne, néanmoins, qu'il ne soit nulle part fait mention du fait que le salarié était à la fois délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise. Bien plus, la lecture du moyen annexé au pourvoi indique que le salarié n'était investi que "du seul mandat, distinct, de représentant syndical au comité d'entreprise".

A dire vrai, compte tenu du caractère pour le moins succinct de l'arrêt sur ce point, il convient de ne pas se perdre en conjectures. Pour autant, on aimerait, dans un avenir proche, avoir la certitude qu'un mandat de représentant syndical au comité d'entreprise est ou n'est pas subordonné à la représentativité de l'organisation mandante.


(1) Cass. soc., 8 juillet 2009, n° 08-60.599, Société Véolia transport Bordeaux, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7068EIM) et lire nos obs., Les conditions de désignation du représentant de la section syndicale, Lexbase Hebdo n° 360 du 22 juillet 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N1139BLR).
(2) Cass. soc., 8 juillet 2009, n° 08-60.599, préc..
(3) Habilités à constituer une section syndicale, ces organisations ne sont, toutefois, pas en mesure de désigner un représentant de la section, dans la mesure où, il faut le rappeler, ils sont représentatifs et ne remplissent donc pas, de ce fait, la condition posée par l'article L. 2142-1-1. Cela n'a évidemment rien de choquant eu égard au fait que ces syndicats peuvent procéder à la désignation d'un délégué syndical.
(4) C'est-à-dire les syndicats qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, sont légalement constitués depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise concernée.
(5) Délégué du personnel qui aura vraisemblablement été élu sur une liste non syndicale.
(6) La formule retenue par la Cour de cassation est de ce point de vue éclairante en ce qu'elle indique que le salarié ne peut pas être désigné de nouveau comme représentant syndical "au titre d'une section" (nous soulignons).
(7) Cass. soc., 8 juillet 2009, n° 09-60.015, Syndicat Solidaires G4S, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7070EIP). Lire les obs. de S. Tournaux, La désignation d'un représentant syndical au comité d'entreprise par des organisations non représentatives, Lexbase Hebdo n° 360 du 23 juillet 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N1145BLY).
(8) V., notamment, S. Tournaux, chron. préc..
(9) Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ) et notre numéro spécial, Lexbase Hebdo n° 318 du 17 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N1826BH4).


Décision

Cass. soc., 4 novembre 2009, n° 09-60.039, Fédération générale des travailleurs de l'agriculture, de l'alimentation, des tabacs et des activités annexes Force ouvrière (FGTA FO) c/ M. Tarrek Houdrouge, FS-P+B (N° Lexbase : A8195EMH)

Cassation de TI Vanves, contentieux des élections professionnelles, 3 février 2009

Texte visé : C. trav., art. 2142-1-1 (N° Lexbase : L3765IB3)

Mots-clefs : représentant de la section syndicale ; condition de la désignation ; salarié antérieurement investi d'un autre mandat

Lien base : (N° Lexbase : E1826ETS)

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