Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 31 juillet 2009, n° 296835, Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique c/ SARL Deluxe Global Media Services France ([LXB=A124EKE])
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N4510BMY
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par Laurence Vapaille, Maitre de conférences à l'Université d'Evry Val d'Essonne
le 07 Octobre 2010
La SARL Deluxe Global Media Services France a créé, en 1995, un établissement à Albi. Elle a demandé à être exonérée, pour cet établissement, des parts communales et départementales de la taxe professionnelle pour l'année 2000. Elle fonde cette demande d'exonération à la fois sur l'article 1465 du CGI et sur les délibérations du conseil municipal d'Albi en date du 30 juillet 1963 et du conseil général du Tarn en date du 28 septembre 1964.
La cour administrative d'appel de Bordeaux a déchargé la société du paiement des parts communales et départementales de la taxe professionnelle pour l'année 2000 (CAA Bordeaux, 4ème ch., 12 juillet 2006, n° 04BX01182 N° Lexbase : A0160DRD). L'administration s'est pourvue en cassation contre cette décision. Selon les juges d'appel, les délibérations prises en 1963 et 1964 prévoyaient une exonération totale d'une durée effective de cinq ans. A l'époque, aucune disposition n'interdisait de reporter l'application du régime d'imposition de droit commun au-delà du 1er janvier de la cinquième année suivant celle au cours de laquelle l'établissement avait été créé. Par ailleurs, en 1995, en vertu du principe de l'annualité de la taxe professionnelle énoncé à l'article 1478 (N° Lexbase : L0247HM4) et de l'article 1465 du CGI applicable à cette époque, les collectivités pouvaient exonérer les entreprises durant les cinq années suivant celle de leur création, soit 1995 -année de création de l'établissement- ainsi que les années 1996 à 2000. Cependant, on pouvait s'interroger sur la légalité de délibérations prises sous l'empire d'une législation concernant la patente, notamment à savoir si ces délibérations n'étaient pas devenues illégales au regard des textes applicables en 1995, date de création de l'établissement. Pour la cour administrative d'appel, aucune des dispositions applicables à la patente n'interdisaient le report du régime d'imposition de droit commun au-delà du 1er janvier de la quatrième année suivant celle de la création de l'établissement. Ainsi, elle en déduisait que ces délibérations permettaient une exonération de cinq années telle qu'énoncée par les dispositions de l'article 1465 du CGI applicable en 1995.
La Haute juridiction n'a pas reçu l'argumentation des juges d'appel. Elle rappelle la rédaction de l'article 1465 du CGI (N° Lexbase : L0126HMM) issue de la loi du 10 janvier 1980 (loi n° 80-10 N° Lexbase : L8271IE3) aux termes de laquelle la période d'exonération était limitée à quatre ans suivant l'année de création de l'établissement. Dès lors, les délibérations autorisant une exonération sur une durée de cinq années étaient devenues illégales. La nouvelle rédaction par la loi de finances rectificative pour 1990 (CGI, art. 1465, version du 30 décembre 1990 N° Lexbase : L0130HMR) a autorisé une durée d'exonération de cinq années. Cependant, cette nouvelle rédaction n'a pas d'effet rétroactif et elle ne peut venir valider une durée d'exonération décidée par les collectivités devenues illégales sur le fondement de la loi de 1980. Si les collectivités locales souhaitent faire bénéficier les entreprises d'une exonération de cinq années, telle qu'elle est prévue par la loi de finances rectificative pour 1990, elles doivent prendre une nouvelle délibération en ce sens.
Cette décision ne déroge pas à la position du Conseil d'Etat sur la question de savoir à quelle date doit être appréciée la légalité des délibérations par lesquelles les collectivités territoriales décident d'exonérer de taxe professionnelle certaines entreprises. En l'espèce, on peut rapprocher cette décision de deux récentes décisions du Haut conseil (CE 9° et 10° s-s-r., 20 octobre 2004, n° 254833, SA Les Tanneries du Puy N° Lexbase : A6289DDB et CE 9° et 10° s-s-r., 4 août 2006, n° 271069, Société Positronic Industrie N° Lexbase : A7955DPQ). Dans ces deux affaires, ainsi que l'espèce en cause, le Conseil d'Etat a jugé que les dispositions de l'article 36-I de la loi de finances rectificative pour 1990 étaient dépourvues de caractère interprétatif. Dès lors elles ne pouvaient donner une base légale à des délibérations antérieures des collectivités territoriales qui avait pu prévoir une exonération de cinq années alors qu'elles étaient prises sous l'empire d'une législation qui fixait la limite à quatre années. Cette analyse est aussi partagée par l'administration dans une instruction en date du 24 septembre 1991 (paragraphes 17 et 18).
L'arrêt analysé apporte, à notre connaissance, un élément nouveau. Les précédentes affaires relatives à cette question ne portaient que sur des délibérations prises sous l'empire de la rédaction de l'article 1465 du CGI issu de la loi du 10 janvier 1980. En l'occurrence cela impliquait que ces délibérations décidant d'une exonération d'une durée de cinq années étaient illégales, ou à tout le moins imprécises (en ce sens : CE 9° et 10° s-s-r., 20 octobre 2004, n° 254833, SA Les Tanneries du Puy, précité). Dans la décision analysée, si au moment où les délibérations étaient prises, rien n'interdisait que cette exonération fut de cinq années, elles devenaient illégales par application de la loi du 10 janvier 1980, même si après par la modification de la loi de finances rectificative pour 1990, elles ne contrevenaient pas à cette dernière. Ainsi peu importe que ces délibérations litigieuses soient illégales dès leur adoption (en ce sens CE 9° et 10° s-s-r., 20 octobre 2004, n° 254833, SA Les Tanneries du Puy, précité et CE 9° et 10° s-s-r., 4 août 2006, n° 271069, Société Positronic Industrie, précité) ou qu'elles ne le soient devenues par l'effet de la loi du 10 janvier 1980.
On peut noter que l'article 87 de la loi de finances rectificative pour 2006 (loi n° 2006-1771 [LXB=L92770HTI]) a modifié sensiblement les modalités d'application des exonérations temporaires de taxe professionnelle sur délibérations des collectivités territoriales. Il a été procédé à un aménagement du régime d'exonération des articles 1465 et 1465 B (N° Lexbase : L4772ICQ) du CGI, en restreignant le champ des opérations éligibles et en l'adaptant au droit communautaire.
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